Conservation de la nature Canada Magazine été 2016

La tête dans les étoiles
Ces dernières décennies, la pollution lumineuse,
c’est-à-dire l’illumination artificielle du ciel par
la lumière des lampadaires, des industries et
des véhicules, a augmenté à tel point que la
plupart des enfants d’aujourd’hui ne pourront
jamais observer la Voie lactée. En plus de
nuire à la visibilité des étoiles, il est prouvé
que la pollution lumineuse bouleverse les
rythmes naturels des êtres vivants, depuis les
insectes jusqu’aux humains.
« La pollution lumineuse émise par les
gratte-ciel et les tours de télécommunications
peut désorienter les oiseaux, ce qui cause des
collisions », affirme Dan Kraus, directeur
principal du développement des programmes
en conservation à CNC et scientifique pour la
conservation Weston. Il constate que plusieurs
espèces d’oiseaux migrent de nuit, guidés par
les étoiles. « Plusieurs espèces aviaires sont
en déclin à cause de la perte d’habitats et
de la mortalité accrue lors des migrations,
principalement due à des obstacles créés
par les humains », explique-t-il.
Dans le sud de l’Ontario, là où la pollution
lumineuse complique de plus en plus la
migration des oiseaux, CNC a restauré plus de
1 500 acres (600 hectares) dans des zones
servant de haltes pour des centaines d’espèces.
Parmi celles-ci se trouvent les îles de la partie
ouest du lac Érié (dont l’île Pelée) et la plaine
sablonneuse du sud de Norfolk, soit deux
points névralgiques de la biodiversité sur la
rive nord du lac Érié.
Pour certaines espèces, la pollution
lumineuse perturbe des processus vitaux
comme le sommeil, l’alimentation, la migration
et le cycle de reproduction. Par exemple, le
nécrophore d’Amérique, un coléoptère, est
disparu du Canada et d’une vaste portion de
son aire de répartition historique. Une des
théories expliquant cette disparition suppose
que la pollution lumineuse aurait eu un impact
négatif sur son cycle de vie.
Heureusement, les terres protégées par CNC sont
souvent situées dans des zones de forte biodiversité,
typiquement rurales et éloignées, donc moins éclairées
que les zones situées près des grands centres urbains.
« Pour d’autres espèces, comme la
salamandre, des études ont démontré que
la lumière artificielle réduirait le temps passé
par les adultes à chercher activement de
la nourriture et augmenterait le temps qu’elles
prennent pour retrouver leur abri pour s’y
cacher », explique Jennifer McCarter, biologiste
de la conservation, spécialiste des amphibiens
et des reptiles à CNC en Ontario. « La
lumière artificielle aide sans doute aussi les
prédateurs à chasser la salamandre durant la
nuit », ajoute-t-elle.
La lumière artificielle influence également
le chant nuptial des grenouilles, dévie les
tortues tout juste écloses loin de l’océan éclairé
par la Lune, et attire un grand nombre de
papillons de nuit vers les lampadaires, ce qui
réduit les sources de nourriture des chauvessouris
et des oiseaux.
« Heureusement, précise madame McCarter,
les terres protégées par CNC sont souvent
situées dans des zones de forte biodiversité,
typiquement rurales et éloignées, donc moins
éclairées que les zones situées près des grands
centres urbains. » À cet égard, le souci de
conserver la nature et celui de préserver un
ciel obscur vont de pair.
Beauté obscure
Ce double avantage a également été constaté à
l’aire de conservation des prairies patrimoniales
OMB. En 2015, la SRAC lui a en effet attribué
une mention d’honneur pour la préservation du
ciel nocturne. Cette année, OMB célèbre ses
20 ans en tant que site de conservation.
« Vu l’omniprésence de l’éclairage extérieur,
les gens de la ville installent souvent des lampes
de jardin lorsqu’ils déménagent à la campagne »,
affirme Robert Dick, président de l’initiative
Light Pollution Abatement de la SRAC. « Créer
des réserves de ciel étoilé dans les parcs
nationaux et les aires de conservation aide à
protéger ces environnements quasi vierges afin
d’y maintenir un écosystème équilibré. »
La nuit tombe sur la prairie et la Voie
lactée se confond avec l’immensité du ciel
étoilé. Les vestiges de lumière parasite
s’estompent sur l’herbe. À l’horizon, Chris
Beckett peut voir les étoiles, et une aurore
boréale qui entame sa danse.
OLD MAN ON HIS BACK, SASKATCHEWAN : ALAN DYER.
10 ÉTÉ 2016 conservationdelanature.ca