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DOSSIER<br />
Texte Léa Crevoisier et Stéphane Huber<br />
Collaboratrice Selin Varli<br />
Photo Dana Safartis<br />
Le bon coup ? Dites-nous tout !<br />
Le bon coup. L’extase absolue. Le nec plus ultra de l’expérience sexuelle. On en a<br />
tou·te·s une image, une idée ou une définition. Mais que se cache-t-il sous cette<br />
abstraction qui chapeaute une infinité de représentations ? Entre apéros étudiant·e·s<br />
et Etu’Sound, nous sommes allé·e·s à la récolte de quelques témoignages féminins.<br />
Un sujet difficile à aborder<br />
Nous voilà face à un sujet perçu comme « délicat<br />
» à aborder. Refus, gêne et modération<br />
font partie des attitudes qui nous ont compliqué<br />
la tâche. Rempli·e·s de confiance,<br />
nous posons la question sans passer par<br />
mille chemins : « pour toi, c’est quoi ce fameux<br />
bon coup ? ». Et là, un petit rire gêné et<br />
des yeux écarquillés, venant de la personne<br />
en face, nous indiquent le sentier étroit sur<br />
lequel nous nous aventurons. Même après<br />
quelques bières, l’aveu de ce qu’est un bon<br />
coup manifeste alors un caractère sensible.<br />
La réputation à tenir auprès de ses potes ou<br />
la peur de froisser son copain attablé à ses<br />
côtés, voilà tant d’éléments qui ont amené<br />
nos interlocutrices à brider ou à enjoliver<br />
leurs propos. Mais pourquoi une telle réticence<br />
? « Le terme de bon coup représente<br />
plutôt une vision androcentrée, associée<br />
aux normes de la sexualité masculine, aux<br />
désirs masculins », nous suggère Caroline<br />
Henchoz, professeure de sociologie à<br />
l’Université de Fribourg. Malgré tout, nous<br />
sommes parvenu·e·s à dégager quelques<br />
pistes. Pour complémenter cette vision<br />
masculine, nous avons décidé de donner la<br />
parole aux femmes.<br />
Mais au fait, de quoi parle-t-on<br />
exactement ?<br />
« Il faut déjà qu’on distingue le court du long<br />
terme », nous admet une première interlocutrice.<br />
Le « long terme » prescrit des attentes<br />
d’ordre plus relationnel, notamment<br />
axées sur la confiance que l’on peut octroyer<br />
à son partenaire. « Beaucoup d’amour »<br />
pour les plus romantiques, « stabilité tant<br />
financière que relationnelle » pour les plus<br />
rationnelles ou encore « doté d’une intelligence<br />
et d’une capacité d’écoute » pour les<br />
plus modérées. Spontanément pour la majorité<br />
des femmes interrogées, le bon coup<br />
équivaut finalement à une expérience de<br />
court terme. Le « coup d’un soir » amènet-il<br />
alors à d’autres désirs ? Difficilement<br />
avouable mais tout de même décisif : le capital<br />
physique joue un rôle non négligeable<br />
dans l’acte de séduction. Sans embarras, on<br />
nous glisse que « l’important c’est qu’il soit<br />
sportif, avec un beau physique… ». Pareil<br />
pour le charisme : un pas de danse assuré,<br />
une personnalité qui sait jouer avec son<br />
entourage ou encore « un mega smile » traduisent<br />
une certaine confiance en soi qui<br />
ne laissera pas indifférente. Concernant le<br />
rapport (sexuel) en lui-même, le dualisme<br />
« sauvage et tendre à la fois » semble être<br />
un bon compromis. Or, pas toutes sont<br />
aussi explicites : « alchimie et synergie »<br />
sont alors des termes-refuges souvent cités<br />
par nos sondées pour désigner l’ensemble<br />
idéal de configurations nécessaires à un<br />
bon échange corporel. Selon Caroline Henchoz,<br />
il s’agit d’aspects de la sexualité « difficilement<br />
exprimables car ce n’est pas dans<br />
l’ordre de l’acte. Le plaisir féminin est très<br />
peu abordé et peu mis en scène, les femmes<br />
ont donc très peu de mots pour parler de<br />
sexualité ».<br />
Et si on retournait la question ?<br />
Il est parfois plus facile de rendre compte de<br />
ce qui nous irrite que de ce qui nous excite.<br />
On a donc posé la question inverse : qu’estce<br />
qu’un mauvais coup ? « Par nature, le bon<br />
coup est l’opposé d’un mauvais coup. Le coup<br />
moyen, c’est celui qu’on oublie », nous confie<br />
une jeune femme. On nous dit : l’ennui casse<br />
l’ambiance, l’arrogance est un tue-l’amour,<br />
l’irrespect une fatalité. Elle poursuit : « quand<br />
je commence à établir ma liste de courses du<br />
lendemain, je sèche. Au sens propre comme<br />
au figuré. Et s’il se permet de me tirer les<br />
cheveux ou finit dans le mauvais trou sans<br />
mon consentement, là c’est trop ». Celui qui<br />
se vante (à tort ou à raison) ou l’incertain en<br />
constante quête de validation (le fameux « t’as<br />
kiffé ? ») aura le même effet. Pour une majorité<br />
d’interviewées, l’atteinte de l’orgasme<br />
est certes appréciée mais non impérative :<br />
« il faut juste être inventif, ne pas être focalisé<br />
sur une mais plusieurs parties du corps ».<br />
Une envie qui vient contrecarrer la norme<br />
phallocentrée du bon coup, principalement<br />
focalisée sur la pénétration et l’éjaculation.<br />
« Un bon coup c’est quelqu’un qui connaît<br />
bien le corps de la femme », conclut une dernière<br />
sondée. ■<br />
Tu es un mâle mécontent en quête perpétuelle<br />
d’égalité ? Tu es une personne<br />
LGBTQIA+ qui trouves cet article trop<br />
hétérocentré ?<br />
Eh bien tu n’as pas tout à fait tord. Viens<br />
découvrir la version longue de cet article<br />
sur notre site, : des témoignages masculins<br />
et des témoignages de personnes<br />
LGBTQIA+ y sont intégrés !<br />
Site web du journal :<br />
student.unifr.ch/spectrum/<br />
11.<strong>2019</strong><br />
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