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Spectrum_5_2019

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DOSSIER<br />

Texte Léa Crevoisier et Stéphane Huber<br />

Collaboratrice Selin Varli<br />

Photo Dana Safartis<br />

Le bon coup ? Dites-nous tout !<br />

Le bon coup. L’extase absolue. Le nec plus ultra de l’expérience sexuelle. On en a<br />

tou·te·s une image, une idée ou une définition. Mais que se cache-t-il sous cette<br />

abstraction qui chapeaute une infinité de représentations ? Entre apéros étudiant·e·s<br />

et Etu’Sound, nous sommes allé·e·s à la récolte de quelques témoignages féminins.<br />

Un sujet difficile à aborder<br />

Nous voilà face à un sujet perçu comme « délicat<br />

» à aborder. Refus, gêne et modération<br />

font partie des attitudes qui nous ont compliqué<br />

la tâche. Rempli·e·s de confiance,<br />

nous posons la question sans passer par<br />

mille chemins : « pour toi, c’est quoi ce fameux<br />

bon coup ? ». Et là, un petit rire gêné et<br />

des yeux écarquillés, venant de la personne<br />

en face, nous indiquent le sentier étroit sur<br />

lequel nous nous aventurons. Même après<br />

quelques bières, l’aveu de ce qu’est un bon<br />

coup manifeste alors un caractère sensible.<br />

La réputation à tenir auprès de ses potes ou<br />

la peur de froisser son copain attablé à ses<br />

côtés, voilà tant d’éléments qui ont amené<br />

nos interlocutrices à brider ou à enjoliver<br />

leurs propos. Mais pourquoi une telle réticence<br />

? « Le terme de bon coup représente<br />

plutôt une vision androcentrée, associée<br />

aux normes de la sexualité masculine, aux<br />

désirs masculins », nous suggère Caroline<br />

Henchoz, professeure de sociologie à<br />

l’Université de Fribourg. Malgré tout, nous<br />

sommes parvenu·e·s à dégager quelques<br />

pistes. Pour complémenter cette vision<br />

masculine, nous avons décidé de donner la<br />

parole aux femmes.<br />

Mais au fait, de quoi parle-t-on<br />

exactement ?<br />

« Il faut déjà qu’on distingue le court du long<br />

terme », nous admet une première interlocutrice.<br />

Le « long terme » prescrit des attentes<br />

d’ordre plus relationnel, notamment<br />

axées sur la confiance que l’on peut octroyer<br />

à son partenaire. « Beaucoup d’amour »<br />

pour les plus romantiques, « stabilité tant<br />

financière que relationnelle » pour les plus<br />

rationnelles ou encore « doté d’une intelligence<br />

et d’une capacité d’écoute » pour les<br />

plus modérées. Spontanément pour la majorité<br />

des femmes interrogées, le bon coup<br />

équivaut finalement à une expérience de<br />

court terme. Le « coup d’un soir » amènet-il<br />

alors à d’autres désirs ? Difficilement<br />

avouable mais tout de même décisif : le capital<br />

physique joue un rôle non négligeable<br />

dans l’acte de séduction. Sans embarras, on<br />

nous glisse que « l’important c’est qu’il soit<br />

sportif, avec un beau physique… ». Pareil<br />

pour le charisme : un pas de danse assuré,<br />

une personnalité qui sait jouer avec son<br />

entourage ou encore « un mega smile » traduisent<br />

une certaine confiance en soi qui<br />

ne laissera pas indifférente. Concernant le<br />

rapport (sexuel) en lui-même, le dualisme<br />

« sauvage et tendre à la fois » semble être<br />

un bon compromis. Or, pas toutes sont<br />

aussi explicites : « alchimie et synergie »<br />

sont alors des termes-refuges souvent cités<br />

par nos sondées pour désigner l’ensemble<br />

idéal de configurations nécessaires à un<br />

bon échange corporel. Selon Caroline Henchoz,<br />

il s’agit d’aspects de la sexualité « difficilement<br />

exprimables car ce n’est pas dans<br />

l’ordre de l’acte. Le plaisir féminin est très<br />

peu abordé et peu mis en scène, les femmes<br />

ont donc très peu de mots pour parler de<br />

sexualité ».<br />

Et si on retournait la question ?<br />

Il est parfois plus facile de rendre compte de<br />

ce qui nous irrite que de ce qui nous excite.<br />

On a donc posé la question inverse : qu’estce<br />

qu’un mauvais coup ? « Par nature, le bon<br />

coup est l’opposé d’un mauvais coup. Le coup<br />

moyen, c’est celui qu’on oublie », nous confie<br />

une jeune femme. On nous dit : l’ennui casse<br />

l’ambiance, l’arrogance est un tue-l’amour,<br />

l’irrespect une fatalité. Elle poursuit : « quand<br />

je commence à établir ma liste de courses du<br />

lendemain, je sèche. Au sens propre comme<br />

au figuré. Et s’il se permet de me tirer les<br />

cheveux ou finit dans le mauvais trou sans<br />

mon consentement, là c’est trop ». Celui qui<br />

se vante (à tort ou à raison) ou l’incertain en<br />

constante quête de validation (le fameux « t’as<br />

kiffé ? ») aura le même effet. Pour une majorité<br />

d’interviewées, l’atteinte de l’orgasme<br />

est certes appréciée mais non impérative :<br />

« il faut juste être inventif, ne pas être focalisé<br />

sur une mais plusieurs parties du corps ».<br />

Une envie qui vient contrecarrer la norme<br />

phallocentrée du bon coup, principalement<br />

focalisée sur la pénétration et l’éjaculation.<br />

« Un bon coup c’est quelqu’un qui connaît<br />

bien le corps de la femme », conclut une dernière<br />

sondée. ■<br />

Tu es un mâle mécontent en quête perpétuelle<br />

d’égalité ? Tu es une personne<br />

LGBTQIA+ qui trouves cet article trop<br />

hétérocentré ?<br />

Eh bien tu n’as pas tout à fait tord. Viens<br />

découvrir la version longue de cet article<br />

sur notre site, : des témoignages masculins<br />

et des témoignages de personnes<br />

LGBTQIA+ y sont intégrés !<br />

Site web du journal :<br />

student.unifr.ch/spectrum/<br />

11.<strong>2019</strong><br />

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