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SOCIÉTÉ<br />

Text Myriam Grzesiak<br />

Photo Minsk <strong>2019</strong> 2nd European Games official<br />

Minsk, au cœur de la Biélorussie<br />

On entend souvent parler de la Biélorussie comme de la « dernière dictature d’Europe ».<br />

Alors quand l’occasion m’a été donnée d’y aller, je me suis demandé ce qui m’y attendait.<br />

Voici un bref aperçu de mon voyage dans ce pays mis à l’écart de l’Europe. Impressions.<br />

Avant tout, je tiens à faire un aveu : de par<br />

la nature touristique et la courte durée<br />

de mon séjour en Biélorussie (quatre jours),<br />

je ne peux pas livrer une analyse politique<br />

acérée de la situation. Je dépeins ici ce que<br />

j’y ai vu et ressenti, avec toute la subjectivité<br />

que cela comporte. Vous voilà prévenu·e·s. À<br />

présent, on démarre : direction Minsk !<br />

Une tête forte<br />

Politiquement, la Biélorussie est aux mains<br />

du président Alexandre Lukashenko, et ce<br />

depuis 25 ans. Cet homme, grand amateur de<br />

hockey, cultive une proximité avec le peuple<br />

en s’exprimant régulièrement dans les médias<br />

et en participant à divers événements<br />

sportifs. Depuis quelques années, il poursuit<br />

aussi un effort d’ouverture vers l’Europe et le<br />

reste du monde, en facilitant l’obtention de<br />

visas et en organisant des joutes sportives<br />

internationales. Pourtant, malgré son surnom<br />

de « batka » (« papa » en biélorusse), il a<br />

dépouillé le parlement et la Constitution de<br />

leurs pouvoirs grâce à un référendum. Les<br />

contestations politiques sont sévèrement réprimées<br />

et les services secrets, qui s’appellent<br />

encore KGB, sont toujours en activité. À noter<br />

que des opposant·e·s politiques continuent<br />

aujourd’hui encore de disparaître sans<br />

traces. Se dresse donc ici un portrait ambigu<br />

qui a au moins le mérite d’être clair sur un<br />

point : M. Lukashenko est le chef et il n’a pas<br />

l’intention de démissionner.<br />

Une main de fer<br />

Rien qu’en parcourant Minsk, j’ai ressenti<br />

un certain autoritarisme : la propreté<br />

à faire pâlir un·e Suisse-allemand·e, les<br />

larges avenues au trafic rare et fluide, les<br />

bâtiments soviétiques bien alignés, les rues<br />

quasi-désertes… Tout cela m’a presque<br />

donné l’impression de visiter une ville<br />

artificielle, sorte d’utopie urbaine : les<br />

gens sont tous bien habillés, il n’y a pas<br />

un mégot, pas un crachat, pas un·e SDF<br />

dans la rue. À force, je me suis surprise à<br />

rechercher un tag, une dégradation dans<br />

cet univers urbain propre et sans tache,<br />

mais en vain. Bien souvent, les seules<br />

personnes que j’ai croisées sur des centaines<br />

de mètres étaient des employé·e·s<br />

municipaux·ales. J’en ai conclu que seule<br />

une main de fer pouvait imposer une telle<br />

discipline à la population et s’opposer au<br />

chaos naturel des choses avec tant de force.<br />

Toujours sérieux ?<br />

Heureusement, cette sensation de froideur<br />

urbaine s’estompe le soir, quand la<br />

ville s’anime. À ce moment, la population<br />

s’ébroue, et l’ambiance se réchauffe rapidement.<br />

Des artistes de rue entonnent tantôt<br />

des chants de leur cru, tantôt des airs biélorusses<br />

repris en cœur par les badaud·e·s.<br />

Tout le monde boit de bon cœur. J’ai même<br />

aperçu des hommes en T-shirt rayé bleu et<br />

blanc se baigner dans les fontaines ! J’ai<br />

appris par après qu’il s’agissait là de paramilitaires<br />

célébrant la Journée des Forces<br />

Aériennes. On ressent une véritable fraternité<br />

chez ces gens venus profiter de la<br />

soirée en bonne compagnie. On voit aussi<br />

que les musiques et décorations des bars<br />

sont très proches de ce que l’on trouve en<br />

Europe.<br />

Conclusion<br />

Ces observations, même si elles ne<br />

peuvent dresser un tableau de la situation<br />

politique du pays, m’ont permis de me faire<br />

une image de la vie des Biélorusses, entre<br />

contraintes et liberté. Désertant l’espace<br />

public le jour, ils·elles se le réapproprient<br />

le soir. Uni·e·s, fier·ère·s de leurs racines<br />

et simples, ils·elles semblent apprécier<br />

les visiteur·euse·s et ne m’ont pas donné<br />

l’impression de souffrir d’une dictature<br />

féroce. Si l’on ne peut clairement pas faire<br />

tout ce qu’on veut dans ce pays, au moins<br />

les limites sont claires et il existe de vraies<br />

possibilités de s’amuser. En fait, je suis<br />

d’avis que cette nation préfère peut-être<br />

un « batka » autoritaire à une démocratie<br />

poreuse qui rendrait le pays vulnérable à<br />

la menace impérialiste russe ou aux impératifs<br />

occidentaux. À méditer. ■<br />

Site officiel des jeux européens <strong>2019</strong> :<br />

minsk<strong>2019</strong>.by/en<br />

26 11.<strong>2019</strong>

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