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12 PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2019</strong> DE LA PAROLE AU GESTE<br />
DANS MA BIBLIOTHÈQUE PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2019</strong> 13<br />
Évolution du chant liturgique :<br />
généralités sur le romantisme<br />
Conception de la musique : la musique comme centre de l’art (suite)<br />
solidement établie. Cependant,<br />
à l’époque de Rossini, la ligne<br />
mélodique devient plus sobre :<br />
l’ornementation est « intégrée »<br />
dans la mélodie.<br />
Philippe Walter<br />
Mythologie chrétienne<br />
PAR NASSOUH TOUTOUNGI<br />
Schopenhauer, dans le Monde<br />
comme volonté et comme représentation<br />
(1819), va beaucoup<br />
plus loin : reprenant l’opposition<br />
platonicienne entre « idée »<br />
et « phénomène » (pseudo-réalité),<br />
il estime que l’art représente<br />
les objets, en tant qu’ils<br />
incarnent la volonté, c’est-àdire,<br />
selon lui, la force élémentaire<br />
(l’idée platonicienne) ;<br />
étant immatérielle, la musique<br />
a le privilège de pouvoir représenter<br />
immédiatement la<br />
volonté. Wagner adoptera avec<br />
enthousiasme les conceptions<br />
de Schopenhauer.<br />
Dans ce siècle de laïcisation<br />
croissante, l’art en général, et<br />
la musique en particulier, va<br />
jusqu’à prendre la place de la<br />
religion, l’artiste apparaissant<br />
en somme comme l’intermédiaire<br />
entre Dieu et les humains.<br />
La « musique funèbre » écrite<br />
par Bruckner à la mémoire de<br />
Wagner au début du deuxième<br />
mouvement de sa 7 e symphonie<br />
offre un exemple de « musique<br />
religieuse ». Les cordes et les 4<br />
tubas wagnériens expriment<br />
une mélodie de type choral,<br />
solennelle, mais de caractère<br />
éminemment « romantique »<br />
(répartition asymétrique des<br />
points d’attraction, hésitation<br />
majeur-mineur) ; un peu plus<br />
loin, Bruckner cite un extrait de<br />
son Te Deum (« non confundar<br />
in aeternum »), le point culminant<br />
étant exprimé à l’unisson,<br />
comme dans le chant grégorien.<br />
Musique à programme et musique<br />
pure<br />
Le XIX e siècle est avant tout le<br />
siècle de la musique instrumentale<br />
: c’est d’ailleurs la raison pour<br />
laquelle il place si haut Beethoven,<br />
essentiellement compositeur<br />
de musique pure, c’est-àdire<br />
de musique instrumentale<br />
(symphonie, sonate, quatuor à<br />
cordes). Mais, en même temps, le<br />
romantisme invente la musique<br />
à programme (Berlioz, Liszt),<br />
dans laquelle l’inspiration littéraire<br />
joue un rôle déterminant.<br />
Dans les années 1850, on assiste<br />
à une réaction contre la musique<br />
à programme au nom de la musique<br />
pure (Brahms), mais aussi,<br />
de façon plus radicale, au nom<br />
de l’autonomie et de la spécificité<br />
de la musique. Dans Vom Musikalisch-Schönen<br />
(Du beau dans<br />
la musique, 1854), Hanslick va<br />
jusqu’à mettre en question l’expression<br />
musicale : niant que le<br />
rôle de la musique soit de faire<br />
naître des sentiments, l’esthétique<br />
formaliste s’oppose aussi à<br />
la distinction traditionnelle entre<br />
le fond et la forme.<br />
La variété des styles<br />
Au XIX e siècle coexistent des<br />
styles et des esthétiques très divers,<br />
suivant les pays, les compositeurs,<br />
mais aussi suivant la<br />
fonction de la musique.<br />
Le courant romantique n’atteint<br />
guère l’opéra italien : le bel canto<br />
poursuit une tradition nationale,<br />
Dans un tout autre domaine, celui<br />
de la musique de salon, la Prière<br />
d’une vierge, connut un succès<br />
prodigieux (plusieurs millions<br />
d’exemplaires vendus à travers le<br />
monde), offre un bon exemple de<br />
musique sentimentale, de qualité<br />
somme toute assez discutable…<br />
Genres<br />
Le romantisme adopte tous les<br />
genres de l’époque classique ;<br />
mais il les transforme et élargit.<br />
Les principales nouveautés sont :<br />
la pièce brève, poétique, pour<br />
piano, le lied artistique, le poème<br />
symphonique (Liszt) et le drame<br />
musical (Wagner).<br />
Exemples musicaux :<br />
- https://www.youtube.com/<br />
watch?v=luqPypifSDs : La prière d’une<br />
vierge de Thecla Badarzewska (1834-<br />
1861) ;<br />
- https://www.youtube.com/watch?v=-<br />
3pioV8yB3iA&t=1256s : La septième<br />
symphonie de Bruckner (écoutez en<br />
particulier le tout début du deuxième<br />
mouvement) ;<br />
Thecla Badarzewska, compositrice polonaise,<br />
connut une célébrité mondiale avec<br />
son morceau La prière d’une vierge, composé<br />
et publié à Varsovie en 1856.<br />
Chaque mois, Jean-Claude Mokry<br />
nous propose dans cette rubrique<br />
une invitation à découvrir un livre<br />
ancien ou récent de sa bibliothèque<br />
personnelle. Ce mois-ci<br />
Mythologie chrétienne.<br />
Pour beaucoup il y aurait inconvenance,<br />
voire provocation<br />
à parler de mythologie<br />
chrétienne dans la mesure où<br />
le christianisme s’est toujours<br />
refusé à être une religion parmi<br />
les autres qui comporterait des<br />
mythes. Et pourtant il apparait<br />
clairement comme le souligne<br />
Philippe Walter « qu’une « mythologie<br />
» s’est bien construite<br />
sur les croyances païennes que<br />
le christianisme dut assimiler<br />
dans le but de les contrôler ».<br />
Ce phénomène a accompagné<br />
le développement de la civilisation<br />
médiévale « à la périphérie<br />
du christianisme biblique » avec<br />
toutes sortes de traditions et de<br />
superstitions dont certaines perdurent<br />
encore aujourd’hui.<br />
C’est à cette découverte que<br />
nous invite ce petit ouvrage<br />
qui nous ouvre en fait à une<br />
« mythologie christianisée » que<br />
la Réforme du XVI e siècle élimina<br />
pour une bonne part, mais<br />
aussi les Lumières et les tenants<br />
de l’Aufklärung catholique (dont<br />
les catholiques-chrétiens ou les<br />
vieux-catholiques sont en partie<br />
les héritiers).<br />
L’auteur se livre d’abord à une<br />
explication détaillée du calendrier<br />
mythologique du Moyen<br />
Age avant de s’interroger sur<br />
quelques énigmes, comme<br />
le nom du Carnaval. Il nous<br />
propose ensuite de suivre le<br />
calendrier annuel des principales<br />
fêtes qui rythment la vie du<br />
Moyen Age.<br />
Tout commence dans cette<br />
sombre période de novembre.<br />
Dans l’ancien calendrier irlandais,<br />
la fête du 1 er novembre porte<br />
le nom de Samain et la nuit du<br />
1 er au 2 novembre est riche de<br />
toutes sortes de légendes. On<br />
peut penser au Char de la Mort<br />
en Bretagne dont il fallait éviter<br />
de croiser la route au risque de<br />
se retrouver dans l’Autre Monde.<br />
C’est le diable dit-on qui dans<br />
un vacarme extraordinaire fonce<br />
vers l’au-delà avec sa cargaison<br />
de cadavres et de revenants.<br />
Halloween qui est fêtée au<br />
même moment dans les pays<br />
anglo-saxons maintient sous la<br />
forme d’une sorte de carnaval un<br />
ensemble de vieilles croyances et<br />
de vieux rites de communication<br />
avec l’au-delà. Une nuit où chacun<br />
est invité à surveiller les vols<br />
de sorcières. En fait Halloween<br />
est une véritable nuit du diable<br />
marquée par tout un ensemble<br />
de croyances relatives à la magie<br />
et à la sorcellerie. C’est aussi le<br />
monde où habitent les fées et les<br />
revenants de l’autre monde (qu’il<br />
ne faut pas trop vite confondre<br />
avec celui des morts, de l’Enfer<br />
ou du Paradis).<br />
Puis, quarante jours avant Noël,<br />
c’est la fête de la saint Martin<br />
(<strong>11</strong> novembre). Martin a été<br />
considéré comme « l’apôtre des<br />
Gaules ». C’est une figure clé de<br />
l’occultation du paganisme par<br />
le christianisme (vers le V e ou<br />
le VI e s.) à l’image d’un ancien<br />
soldat romain devenu chrétien !<br />
C’est aussi à cette époque que le<br />
christianisme va annexer les lieux<br />
sacrés du paganisme comme les<br />
arbres, les sources, les pierres<br />
cultuelles, etc.<br />
La fête de la Saint Martin comptait<br />
comme une fête majeure du<br />
Moyen Age. Elle était comparable<br />
à la fête de la Saint-Jean.<br />
On allumait la veille des feux de<br />
joie comparables aux feux de la<br />
St-Jean, en Flandre, en Brabant,<br />
en Rhénanie et au Luxembourg.<br />
Cette fête donnait aussi lieu à<br />
boire beaucoup (d’où le verbe<br />
martiner). C’est aussi à cette<br />
époque que débutait la dégustation<br />
du vin nouveau…<br />
Jean-Claude Mokry