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Presence 2019 11

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6 PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2019</strong> DOSSIER<br />

DOSSIER PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2019</strong> 7<br />

<br />

Mais il est aussi possible de fêter<br />

tel ou tel saint-e-s le jour même<br />

de leur fête, en semaine, par une<br />

eucharistie<br />

La fête de la Toussaint ?<br />

La fête de tous les saints et saintes<br />

est ainsi devenue aujourd’hui la<br />

fête de la Toussaint. Cette fête est<br />

célébrée le 1 er novembre. Ce qui<br />

est effectivement le cas dans les<br />

cantons (ou les pays) de tradition<br />

catholique où ce jour est férié.<br />

Sinon cette fête est généralement<br />

déplacée au dimanche suivant.<br />

D’après l’encyclopédie Catholicisme,<br />

la Toussaint « récapitule<br />

dans une perspective ecclésiale<br />

tous les saints et saintes commémorés<br />

ou seulement évoqués au<br />

cours de l’année liturgique ». Ce<br />

qui veut dire que cette fête est<br />

en quelque sorte une séance de<br />

« rattrapage » pour tous les saints<br />

et saintes, connus et anonymes,<br />

dont la vie a été transformée par<br />

Dieu et qui sont aujourd’hui auprès<br />

de lui. Et ce, même s’ils nous<br />

sont totalement inconnus ou que<br />

nous les avons personnellement<br />

oubliés !<br />

La fête de la Toussaint est probablement<br />

née en de multiples<br />

lieux. D’abord en Orient au IV e<br />

siècle, où l’on célébrait une fête<br />

des martyrs autour de Pâques,<br />

le 13 mai à Edesse (Osroène en<br />

actuelle Turquie), le vendredi<br />

après Pâques en Syrie ou<br />

le premier dimanche après la<br />

Pentecôte à Constantinople. Ce<br />

qui correspond à la pratique<br />

actuelle de l’Église byzantine qui<br />

célèbre le « Dimanche de tous<br />

les saints » une semaine après la<br />

Pentecôte.<br />

En Occident la Toussaint a été<br />

fêtée à Rome au début du VII e<br />

siècle dans l’église S te -Marie-aux-<br />

Martyrs, un lieu où étaient rassemblés<br />

les reliques des martyrs<br />

dont les tombes avaient été violées<br />

lors des invasions barbares.<br />

Au X e siècle en Gaule, on célèbre<br />

aussi une fête de tous les saints<br />

le 1 er novembre probablement<br />

dans l’intention de concurrencer<br />

les coutumes païennes à propos<br />

du culte des morts.<br />

« En effet dans l’ancien calendrier<br />

irlandais, la fête de 1er novembre<br />

porte le nom de Samain et la nuit<br />

du 1 er au 2 novembre est riche de<br />

légendes qui s’alimentent à un<br />

vieux fonds mythique (…). « C’est<br />

le moment où les êtres de l’Autre<br />

Monde ont provisoirement la permission<br />

de rendre visite aux vivants<br />

mais c’est aussi le moment<br />

où les vivants peuvent accéder<br />

furtivement à l’Autre Monde. »<br />

(Mythologie chrétienne, Philippe<br />

Walter, Ed. Entente, 1992).<br />

On le voit la Toussaint, même si<br />

elle est originalement au sens<br />

propre la fête de tous les saint.e.s<br />

est devenue avec le temps, une<br />

fête liée aux martyrs, puis à l’ensemble<br />

des défunts dont on fait<br />

mémoire le 2 novembre. Le fait<br />

que la Toussaint et le Jour des<br />

défunts se suivent montre la<br />

volonté de l’Église en Occident<br />

au X e siècle de « christianiser »<br />

d’anciennes croyances païennes<br />

à propos de la mort. Reste qu’aujourd’hui,<br />

dans un monde largement<br />

déchristianisé où de larges<br />

parties de la population n’ont<br />

plus de référence chrétienne, la<br />

Toussaint tend à se confondre<br />

avec le Jour des défunts. Ce qui<br />

pourrait indiquer une perte<br />

d’espérance dans le fait que<br />

Dieu puisse « récompenser » des<br />

humains au terme de leur vie<br />

par une béatitude auprès de lui.<br />

Ce qui a été le cas des martyrs et<br />

des saint-e-s. Une espérance qui<br />

semble aujourd’hui faire défaut.<br />

Sans compter que l’apparition<br />

de la fête d’Halloween<br />

semble démontrer que nous<br />

vivons aujourd’hui une phase de<br />

recomposition des comportements<br />

face à la mort. Halloween<br />

est une tradition qui vient du<br />

folklore anglo-saxon (donc<br />

celtique). On y joue avec la peur de<br />

la mort qu’on tourne en dérision.<br />

À mon sens, plutôt que de<br />

vouloir combattre Halloween, il<br />

serait probablement plus opportun<br />

de renouer le contact avec<br />

celles et ceux qui sont touchés<br />

par la mort, en accordant une<br />

plus grande importance à l’accompagnement<br />

des personnes<br />

en fin de vie et des familles en<br />

deuil. Une démarche fondée sur<br />

l’empathie qu’on peut percevoir<br />

au travers de l’icône de la<br />

Dormition de Marie.<br />

<br />

PAR JEAN LANOY<br />

La mort c’est quoi ? Les morts, qui<br />

sont-ils ? Et qu’est-ce que nous faisons<br />

avec ça ? Mais dîtes-moi donc<br />

quoi faire et quoi penser ? Nous<br />

disons bien des choses sur la mort<br />

et sur les morts. Mais au fond un<br />

mort c’est quoi ? Et en quoi ça<br />

me concerne puisque moi je suis<br />

vivant, que je peux les évaluer, les<br />

observer et les penser !<br />

Nous observons qu’il y a peu de<br />

sociétés qui cherchent à garder des<br />

traces de leurs morts, le minimum<br />

étant des noms sur des tombes<br />

ou à travers des textes. Il en est<br />

d’autres qui évitent le sujet, pour<br />

ne pas avoir à répondre, pour ne<br />

pas avoir à se trouver en face de la<br />

cruelle réalité invariable de notre<br />

finitude humaine inscrite, elle,<br />

dans le temps, pour laquelle il n’y<br />

a pas de répit malgré ce que souhaite<br />

trop tard Céline Dion dans sa<br />

chanson : « encore un soir, encore<br />

une heure »…<br />

Au-delà de ce qui se dit ou plutôt<br />

de ce qui ne se dit pas, il s’agit d’approcher<br />

ce qui se voit, de ce qui se<br />

découvre grâce à l’archéologie ou<br />

à la paléoanthropologie. Dans les<br />

tombes découvertes, nous constatons<br />

des aménagements sépulcraux,<br />

des traitements d’ossements en tout<br />

genre (placements ou positionnements),<br />

des pratiques autour de la<br />

dépouille mortelle pour faire du<br />

cadavre un mort honoré.<br />

Pour comprendre ce que les vivants<br />

« mettent en scène » pour les morts :<br />

les postures, les objets quand il y<br />

en a, nous devons les comprendre<br />

comme autant de signes, d’attitudes<br />

sociales qui fabriquent (ont<br />

fabriqué) ou détruisent une société,<br />

une civilisation.<br />

Nécropole de Varna (Bulgarie)<br />

Les découvertes constantes de nécropoles<br />

témoignent de l’attention<br />

de chaque civilisation pour leurs<br />

morts. Je veux citer ces jours-ci la<br />

mise en lumière d’une nécropole<br />

romaine à Narbonne avec tant<br />

d’objets sépulcraux.<br />

J’ai longtemps été marqué par le<br />

souvenir des recherches et des<br />

découvertes de restes humains<br />

dits préhistoriques du néolithique<br />

(soit 3500 avant l’an 0) qui présentaient<br />

les traces d’un respect, d’une<br />

considération, d’un culte (?), d’un<br />

témoignage d’affection, d’une<br />

croyance peut-être ?<br />

On y constate parmi les parures funéraires,<br />

des parures de défenses<br />

d’animaux, des produits de pêche<br />

(coquillages perforés), de chasse,<br />

des colliers, des couronnes d’osselets,<br />

de craches de cerfs, des perles,<br />

un pectoral de canines de sanglier,<br />

des tombes à couloir, une gestion<br />

d’un espace sépulcral…<br />

Sépulture collective du Mas Rouge à<br />

Montpellier : ensemble de perles et<br />

pendeloques (proposition de restitution).<br />

Photo : Lattara Musée Henri Prades.<br />

Que penser sinon que de bien loin<br />

ces individus dits préhistoriques<br />

honoraient à leur façon leurs<br />

morts ? Et cela m’interpelle !<br />

Pourquoi ? ou plutôt aussi pour<br />

quoi ?<br />

La gestion de la mort apparait de<br />

bien des manières et j’ai voulu me<br />

pencher sur deux d’entre elles encore<br />

présentes aujourd’hui dans<br />

nos cultures, à savoir l’inhumation<br />

et l’incinération. Je ne parlerai<br />

pas ici de l’anthropophagie parce<br />

qu’heureusement, nous n’y avons<br />

pas encore cédé. (Je pense au film<br />

déjà daté du « soleil vert » si cela<br />

vous intéresse).<br />

Mais il faut avoir tout de même à<br />

l’esprit que dans certaines civilisations<br />

faire des morts pour consommer<br />

des morts était coutumier.<br />

J’ai choisi, grâce à la lumière<br />

du grand Jean-Pierre Vernant,<br />

de me pencher sur ces deux

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