ICI MAG - DECEMBRE 2019

Contes et légendes
La malédiction de la sorcière partie 2
des Landes
Miquela rentrait au village, tenant fermement dans sa
main la fiole d’antidote, donnée par la sorcière de la forêt.
Les hommes de son village, malades et couverts de
pustules, allaient pouvoir être sauvés...
Depuis le départ de Miquela, un silence de mort planait
sur le bourg. Mais quel mal étrange avait envahi
les corps de tous ces hommes. Rassemblées sur la place
principale, les femmes cherchaient à comprendre. On
évoqua la qualité de l’eau, on accusa l’air des marécages
en cette saison, la nourriture.... Les plus vieilles
parlaient même à mots couverts de malédiction. Tout à
coup, les discussions furent stoppées net par le croassement
sinistre et puissant d’un corbeau. Tous les regards
se portèrent alors vers la forêt. Miquela surgit des
arbres, précédée du noir volatile. Son visage était rouge,
sa respiration haletante, ses jambes la portaient à peine.
Elle avait couru sans discontinuer depuis que la sorcière
lui avait donné le remède. Elle tendit la fiole luminescente
à la doyenne.
L’élixir fut immédiatement distribué ! Il fallut plusieurs
jours pour que les hommes reprennent le chemin
du travail, mais il fallut aussi plusieurs jours à Miquela
pour retrouver ses esprits. Ses nuits étaient agitées.
Les mots de la sorcière lui revenaient toujours à l’esprit.
«A bientôt» lui avait-elle dit ! Cette voix, cette maison
étrange, ces odeurs, beaucoup de choses lui semblaient
familières. Le corbeau, celui-là même qui l’avait guidée
jusqu’au village s’était attaché à elle. Il avait pris l’habitude
de se poser sur son épaule et de toiser les gens de
son œil noir. Les villageois, qui étaient reconnaissants
envers Miquela au début, lui jetaient maintenant des
regards suspicieux. Le mot de «sorcière» s’accrochait
peu à peu à toutes les bouches.
Un soir de veillée, les langues se délièrent. Miquela y
assistait ainsi que le corbeau. La doyenne prit alors la
parole, et raconta comment les villageois dans sa jeunesse
avaient chassé une sorcière du village. En quittant
le village, celle-ci avait maudit l’assemblée et prévenu
qu’un jour elle serait la seule à pouvoir les sauver. En
attendant ce jour, ils devraient s’occuper de son enfant
comme des leurs. Malheur au village si il lui arrivait
quelque chose, avait-elle prévenu ! La vieille femme
se souvenait qu’à l’époque, bon nombre de villageois
avaient ri à ces paroles, d’autres non. Une famille s’était
dévouée et on lui avait confié le bébé, une petite fille.
Quand elle avait passé ses 20 années, les craintes étaient
retombées, car la malédiction parlait d’une enfant et
non d’une adulte et on avait oublié progressivement la
sorcière et sa malédiction.
Un croassement strident vint alors briser le récit de la
doyenne. De l’épaule de Miquela, tous purent voir le
corbeau prendre la parole.
- Vous avez bien élevé ma fille, villageois, et pour ma
part j’ai sauvé les hommes du village. Je déclare la
malédiction levée. Mon temps est fini. Adieu ma fille.
Puisses-tu protéger ces gens !
L’oiseau s’envola pour faire un tour circulaire au-dessus
de l’assemblée et disparu rapidement dans l’épaisseur
de la nuit.
Miquela devint guérisseuse du village et fut rapidement
connue dans le pays pour ses remèdes et ses onguents
miraculeux. D’où venait un tel savoir ? Personne ne le
savait, mais peut-être que les visites nocturnes qu’elle
recevait de temps en temps d’un oiseau noir au cri
strident y étaient pour quelque chose. Des apparitions
nocturnes qui faisaient s’écarquiller les yeux des plus
jeunes et arracher un sourire aux plus anciens.
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D’après un texte de Sylvie PONTIER
Biscarrosse Plage