NOUVELLES DE JÉRUSALEM - Printemps 2020
Les Nouvelles de Jérusalem sont une revue d'informations de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, 2 à 3 fois par an, elles donnent un aperçu des travaux en cours en exégèse comme en archéologie, ici à Jérusalem. Les articles alternent français et anglais. The Nouvelles de Jérusalem is an information review of the École Biblique et Archéologique française de Jérusalem, 2-3 times a year, they give an overview of the work in progress in both exegesis and archeology, here in Jerusalem. Articles are sometimes in French sometimes in English.
Les Nouvelles de Jérusalem sont une revue d'informations de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, 2 à 3 fois par an, elles donnent un aperçu des travaux en cours en exégèse comme en archéologie, ici à Jérusalem. Les articles alternent français et anglais.
The Nouvelles de Jérusalem is an information review of the École Biblique et Archéologique française de Jérusalem, 2-3 times a year, they give an overview of the work in progress in both exegesis and archeology, here in Jerusalem. Articles are sometimes in French sometimes in English.
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Nouvelles de Jérusalem
Lettre aux amis de l’École biblique
et archéologique française
N° 99 - Printemps 2020
École
biblique e
archéolog
française
Jérusalem
A Dominican Biblical institute housed at the priory of St Stephen
since 1890, the École biblique et archéologique française de
Jérusalem welcomes students and researchers from all over the
world and offers them a unique study experience.
The École thus continues the project of its founder, Father Marie-
Joseph Lagrange: to study the Bible in the land of the Bible, to
bring together both ‘document’ and ‘monument’ in an academically
rigorous way. To do this, the École offers an exceptional study
environment:
Specialised library
International team of teacher-researchers
Regular visits to archaeological sites
Fraternal atmosphere to foster dialogue
How you can help us ?
Let others know about the École
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France: associationdesamis@ebaf.edu
Canada: cfeb.aceb@gmail.com
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École biblique et archéologique française de Jérusalem
Nablus road 83-85 -POB 19053 -IL 911 9001 Jerusalem
Tél. : 972 2 626 44 68 ext 238 - Fax. : 972 2 628 25 67
www.ebaf.edu - secretariat.ebaf@gmail.com
Éditorial
The École biblique is not only a scientific institution, a center of
research and teaching, but also an active community of Dominican
friars. Many of the students share celebrations and daily prayer
with us. And those who knew the basilica till last spring were aware
that this church was still beautiful but dark.
With the generous help of our Swiss friends and the engagement of a
former director, Fr. Jean-Michel Poffet, Corinne Gentizon, expert of
antique stained glass windows, has restored more than the half of the
basilica’s windows and will continue in 2020. The glass was cleaned
and renewed, the church shines again, daylight entering the building
through the glass windows casts its colourful reflections on the floor.
We say thanks to Corinne, to Fr. Jean-Michel Poffet and to the
donors for their wonderful contribution. It supports our life as a
Dominican house that offers to its students, apart from studies, a
spiritual dimension of their stay in Jerusalem.
This renovation is a sign of vitality as we are going to celebrate the
centenary of the recognition of the École biblique as the French
archaeological school of Jerusalem. You will read more about it in
this newsletter.
Grâce à l’aide généreuse de nos amis suisses et de l’ancien directeur,
le Fr. Jean-Michel Poffet, Corinne Gentizon a pu cette année
restaurer les vitraux de la basilique rendant à cette l’église sa
merveilleuse lumière de couleurs variées. Ce n’est là qu’un des
signes de la vitalité d’une institution qui va célébrer cette année
2020 le centenaire de sa reconnaissance
comme École archéologique
française de Jérusalem.
Fr. Martin Staszak OP
Prieur
Couverture : Vitraux de la basilique St Étienne récement restaurés. Photo : © Serge Nègre
Collaborations
Une « Résidence Qumrân » à l’EBAF
L’idée est pour le moins originale.
Pensez à une résidence d’artiste :
un lieu où l’on peut librement
travailler sur ses projets, sans se
soucier des tracas quotidiens ou
des aspects logistiques. Cette résidence
d’artiste, nous avons voulu
la créer… pour des spécialistes de
manuscrits de la mer Morte.
Pour un qumrânologue, la simple
évocation de l’École fait rêver.
N’est-ce pas là que, dès l’été 1947,
on est venu recueillir l’opinion de
spécialistes sur ces étranges rouleaux,
trop beaux pour être vrais ?
N’est-ce pas le Père Roland de
Vaux, directeur de l’École, qui
mena les toutes premières fouilles
en janvier 1949 ? N’est-ce pas à
l’École qu’ont œuvré des pionniers
tels que Dominique Barthélemy,
Józef Milik, Jean Starcky, Pierre
Benoît ou Maurice Baillet ?
Aujourd’hui encore, l’École offre
un environnement exceptionnel
pour les études qumrâniennes.
Elle possède l’une des meilleures
bibliothèques au monde, bien organisée
et facilement accessible,
avec un accès 24 heures sur 24. On
peut donc y travailler sans limite
de temps, à l’instar d’artistes saisis
par l’inspiration en plein milieu de
la nuit.
Nous voulions que les qumrânologues
puissent jouir de ce cadre
mais aussi se rencontrer, échanger
et profiter de la présence des uns et
des autres, sans crainte d’être rejetés
ou pillés mais avec l’assurance
qu’ils seront écoutés, conseillés et
aidés. Nous avons donc contacté
des collègues et amis reconnus tant
pour l’excellence scientifique de
leurs travaux que pour leur bienveillance
et leur désir de collabo-
rer. Et proposé une date pour cette
première Résidence Qumrân : du 9
au 19 septembre 2019.
Habiter à l’École favorise les
échanges informels, aux repas, à
la bibliothèque, dans les jardins,
et même au ping-pong pour des
moments de détente. Pour valoriser
davantage encore ces discussions,
la Résidence Qumrân s’est
dotée d’un séminaire quotidien.
Chaque soir, un résident présentait
ses chantiers en cours. Pouvant
recueillir ainsi de précieuses
suggestions ou idées.
Pour ces dix jours de Résidence,
nous avons convié dix spécialistes :
Kelley Coblentz Bautch (États-
Unis), Torleif Elgvin (Norvège),
Daniel Falk (États-Unis), Charlotte
Hempel (Royaume-Uni), Jutta Jokiranta
(Finlande), Dan Machiela
(Canada), Mladen Popovic (Pays-
Bas), Jean-Sébastien Rey (France),
Alison Schofield (États-Unis) et
Cecilia Wassen (Suède). Si le séminaire
n’était pas ouvert au public,
nous avons néanmoins bénéficié de
la présence d’éminents collègues
israéliens tels que Emanuel Tov,
Esther Eshel ou Jonathan Ben-Dov.
Plusieurs collègues de l’École biblique
ont également accepté de se
joindre à nous, à l’instar d’Émile
Puech, Łukasz Popko ou Anthony
Giambrone.
Les thèmes abordés au cours du
séminaire quotidien ont été aussi
variés que les manuscrits de la mer
Morte eux-mêmes. Nous avons
également proposé quelques ateliers
liés aux humanités numériques,
avec l’emploi de nouvelles
techniques d’imagerie numérique
et d’intelligence artificielle.
Grâce à l’implication et à la bienveillance
de chacun, cette première
Résidence Qumrân a été un
immense succès. Outre l’excellence
scientifique, nous avons tous
été marqués par la qualité des rapports
humains et par l’accueil chaleureux
qui nous a été réservé. Je
remercie vivement Jean Jacques
Pérennès de la confiance qui m’a
été accordée pour cet audacieux
projet. Qu’on se le dise : s’il y
a bien un endroit où étudier les
manuscrits de la mer Morte, c’est
l’École biblique et archéologique
française de Jérusalem.
Michael Langlois
Chercheur associé au CRFJ
Photo : Veikko Somerpuro
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Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Centenaire
L’École biblique fête le centenaire
de sa reconnaissance
comme École archéologique française
Vendredi 15 novembre, l’École biblique
et le Studium Biblicum Franciscanum
ont fêté le Dies Academicus,
jour de rentrée officielle des
deux institutions. Après l’évocation
de l’année académique écoulée, les
participants ont suivi une brillante
conférence de M. Michel Zink,
Secrétaire perpétuel de l’Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres
(AIBL) : « Prêcher aux simples
gens. Un modèle à la naissance des
littératures européennes ».
En fin d’après-midi, de nombreux
amis nous ont rejoint pour une
séance académique destinée à lancer
la célébration du centenaire
de la reconnaissance de l’École
biblique comme École archéologique
française. C’est, en effet,
en 1920 que la France se tourna
vers les dominicains de Jérusalem,
par l’entremise de l’AIBL, pour
lui demander d’être son correspondant
en Palestine, créant ainsi
une quatrième École archéologique
française à l’étranger, après
celles d’Athènes (1846), de Rome
(1875) et d’Extrême-Orient (1898).
L’École changea alors de nom, devenant
désormais l’École biblique
et archéologique française de Jérusalem
(EBAF).
Cette décision s’explique dans le
contexte nouveau créé par la chute
de l’Empire ottoman et le mandat
sur la Palestine confié aux Britanniques
au lendemain de la Première
Guerre mondiale. Plusieurs pays
occidentaux, dont la France, se demandaient
comment ils pourraient
poursuivre leurs recherches archéo-
logiques en Palestine. La France s’y
était déjà illustrée par les travaux
de chercheurs comme Paul-Émile
Botta (1802-1870) ou Charles
Clermont-Ganneau (1846-1923).
L’École biblique elle-même avait
beaucoup contribué à la recherche.
Que l’on pense aux travaux du
Père Louis-Hugues Vincent sur
Jérusalem (Jérusalem, Recherches
de topographie, d’archéologie et
d’histoire, Gabalda, 1912), à ceux
d’Antonin Jaussen sur les tribus bédouines
(Coutumes des Arabes au
pays de Moab, Gabalda, 1908) ou à
l’expédition archéologique en Arabie
menée avant la Première Guerre
mondiale par les Pères Jaussen et
Savignac (Mission archéologique
en Arabie, Geuthner, 1909, 1914).
À diverses reprises, les dominicains
de l’École biblique avaient déjà été
sollicités pour le Corpus des Inscriptions
Sémitiques, lancé en 1867
à l’initiative d’Ernest Renan.
Pour Lagrange, dont les difficultés
avec Rome étaient à peine estompées,
cette reconnaissance par le
monde savant fut une immense
consolation : « Nous avons toujours
voulu travailler pour notre pays, et,
après cette distinction flatteuse,
nous essayerons de profiter de l’expérience
acquise dans l’intérêt des
études françaises que nous aurons
le très grand honneur de représenter,
si peu que ce soit … », écrivitil
en novembre 1920 au Secrétaire
perpétuel de l’AIBL. Cette académie
est celle qui, au sein l’Institut
de France, rassemble le plus
de savants dans les diverses disciplines
orientalistes : philologie,
épigraphie, langues sémitiques,
archéologie, etc. Ces disciplines
sont enseignées à l’École biblique
car elles permettent de contextualiser
le texte biblique et de mieux
le comprendre. De surcroît, elles
assurent à l’École un ancrage dans
le monde savant, au-delà de toute
confession religieuse.
Ce lien nouveau avec l’AIBL permit
à l’École biblique de recevoir
chaque année deux boursiers, choisis
parmi des candidats dans des
disciplines orientalistes, en général
l’archéologie et l’épigraphie, ainsi
qu’une subvention du Ministère
des Affaires étrangères. Au fil du
6 Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
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siècle écoulé, l’École biblique a
reçu 150 boursiers envoyés à Jérusalem
par l’AIBL. Cela vaut aussi
à l’École biblique une certaine protection
diplomatique, particulièrement
bienvenue dans le contexte
nouveau créé par la naissance de
l’État d’Israël.
Lors de la rentrée académique du 15
novembre, une brillante assemblée
de consuls, d’évêques, de religieux,
de chercheurs et d’amis nous a rejoints
pour commencer à célébrer ce
centenaire. Après une introduction
par le directeur de l’École, Fr. Jean-
Michel de Tarragon, responsable de
la photothèque, a montré à l’assistance,
à partir de quelques photographies
tirées de notre fonds, l’ancienneté
du lien de l’École avec le
monde des orientalistes. Dominique
Trimbur a rappelé les circonstances
de création de cette École archéologique
française de Jérusalem, sujet
sur lequel il a publié un ouvrage en
2002. Finalement, le Secrétaire perpétuel
de l’AIBL, M. Michel Zink,
a mis en valeur la place particulière
qu’occupe l’École biblique au sein
des écoles françaises d’archéologie
patronnées par l’Académie. Il l’a
fait avec une cordialité qui a beaucoup
touché les dominicains de
Jérusalem.
Le 6 mars 2020, un colloque réunira
au siège de l’Académie à
Paris des professeurs de l’EBAF
et les anciens boursiers de l’AIBL
à Jérusalem. Ce sera, à n’en pas
douter, une belle manière de
mesurer le chemin parcouru et
une incitation à poursuivre nos
efforts. La génération actuelle
de professeurs dominicains de
l’École biblique s’efforce ainsi
d’honorer l’intuition fondatrice
du Père Lagrange.
Fr. Jean Jacques Pérennès o.p.
Directeur de l’École biblique
Interview
Michel Gourgues o.p.
Quatre décennies au cœur du Nouveau Testament
Michel Gourgues o.p. est professeur au Collège universitaire dominicain
(Carleton University), à Ottawa, et professeur invité à l’École
biblique. Il vient de publier « Plus tard tu comprendras ». La formation
du Nouveau Testament (Cerf-Médiaspaul), fruit de plus de quarante
années d’enseignement.
Qu’est-ce qui vous a amené à
étudier le Nouveau Testament ?
J’ai passé une année à l’École biblique
comme étudiant en 1973-
1974. On me destinait à enseigner
la théologie systématique, la christologie
en particulier. J’avais choisi
comme sujet de thèse de doctorat
l’application au Christ de la première
moitié du premier verset du
Psaume 110 ! Qu’est-ce qui avait
amené les premières communautés
à représenter le Christ ressuscité
« assis à la droite de Dieu » et
quel sens cela avait-il ? La section
d’exégèse envisagée au point de
départ est ensuite devenue la thèse
à elle toute seule. Si bien que, pendant
trois ans, à Jérusalem puis à
Paris, je n’ai fait que de l’exégèse.
Assez pour en attraper le virus !
De retour au Collège dominicain,
j’ai repris un peu à regret l’enseignement
en théologie. Au bout
d’un an et demi, on m’a offert de
8
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
9
remplacer au pied levé le professeur
de Nouveau Testament, tombé
malade. Depuis lors, je n’en suis
plus jamais sorti !
Après tant d’années à être plongé
dans le Nouveau Testament,
les textes vous surprennent-ils
toujours ?
Je garde la même passion qu’au
début ! Le texte biblique n’a jamais
fini de surprendre, comme vous
dites. Les exégètes sont souvent
spécialistes d’un corpus en particulier,
parfois d’un ou de quelques
écrits. Quand on me demande de
quoi je suis spécialiste, je réponds :
« De rien du tout ! » Au Collège
dominicain, au premier cycle des
études, nous donnons en alternance
Paul, les synoptiques, Jean. Pendant
plus de 40 ans, j’ai pu ainsi explorer
les trois traditions. Aux cycles
supérieurs, le programme est plus
souple et permet d’offrir des cours
et séminaires sur des textes et des
thèmes qui nous intéressent ou qui
s’avèrent pertinents dans le contexte
culturel et croyant d’aujourd’hui.
Et qu’avez-vous surtout approfondi
?
Ayant travaillé dans cette ligne
pour ma thèse, j’ai continué de
m’intéresser aux expressions les
plus primitives de la foi chrétienne,
ce qu’on appelle dans le jargon les
« formulaires pré-pauliniens ». Ce
sont les témoins de cette période
ancienne d’une vingtaine d’années
qui va de la mort de Jésus à la première
lettre de Paul, dont il ne nous
est resté aucun écrit suivi mais dont
on trouve des échos dans ce qui deviendra
le Nouveau Testament.
Parallèlement, j’ai été amené à approfondir
surtout l’évangile de Jean,
le plus tardif, de même que les deux
lettres à Timothée et celle à Tite, les
dernières du corpus paulinien. Les
deux extrémités, pour ainsi dire :
« Fins et commencements », selon
le titre d’un beau livre que des amis
m’ont offert l’an dernier !
Votre dernier livre sur la formation
du Nouveau Testament est le fruit
de toutes ces années de recherche.
Qu’avez-vous voulu mettre en
avant dans cette publication ?
J’ai voulu montrer dans le Nouveau
Testament l’écho d’un processus
de maturation progressive de la foi,
en retraçant les trois étapes de sa
formation, étalées sur trois générations.
Quelle part de continuité et
quelle part de développement observe-t-on
de l’une à l’autre ? J’ai
choisi trois lieux de vérification.
D’abord, la centration sur le mystère
pascal, mort et résurrection de
Jésus, dont témoignent à l’origine
(entre 30 et 50) les formulaires anciens,
hymnes et credo. Dans quelle
mesure s’est-elle maintenue dans
les deux étapes qui ont suivi, de 50
à 70 en gros pour les lettres, puis
de 70 à 100 pour les récits évangéliques
et les Actes des apôtres ?
Deuxième lieu de vérification :
la place faite à la croix de Jésus,
depuis le silence et la discrétion
des origines – « scandale pour les
Juifs et folie pour les païens », dira
Paul – jusqu’à la grande vision de
la croix glorieuse, premier moment
de ce que Jean appelle l’« élévation
» de Jésus.
Troisième piste : l’approfondissement
du sens de la mort de Jésus,
depuis la proclamation du plus ancien
credo reproduit dans 1 Corinthiens
15, « mort pour nos péchés
selon les Écritures », en passant par
les développements théologiques
de Paul et de l’épître aux Hébreux,
jusqu’à « l’Agneau de Dieu qui enlève
le péché du monde » chez Jean.
« Plus tard, tu comprendras ».
Et vous, que comprenez-vous
maintenant de votre parcours
d’homme et d’exégète ?
C’est l’affirmation de Jésus à
Pierre qui résiste à se laisser laver
les pieds. Ensuite, Jésus dira les
choses autrement pour l’ensemble
des disciples : « J’ai encore beaucoup
de choses à vous dire, mais
vous ne pouvez pas les porter
maintenant. Quand viendra l’Esprit,
il vous conduira vers la vérité
tout entière » (Jn 16, 12-13a).
C’est bien cela dont témoigne le
Nouveau Testament. Impossible de
tout comprendre et assimiler d’un
coup. C’est l’affaire d’une vie. Et
encore. Il resterait encore tellement
à creuser. La route qui mène à la
« vérité tout entière » passe par
l’humilité intellectuelle !
Propos recueillis par
Marine Del Ben
Chargée de communication
10 Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Publication
Les hypogées du domaine Saint-Étienne
de Jérusalem
Le Fr. Riccardo Lufrani o.p. publie
dans cet ouvrage sa thèse de doctorat
en archéologie sur les deux
hypogées (ensemble de tombeaux
souterrains) du couvent Saint-
Étienne de Jérusalem, situés l’un
au Sud-Est du domaine, près de
la tonnelle du jardin du couvent
(tombe H1), l’autre derrière l’absidiole
sud du chevet de l’actuelle
basilique du couvent (tombe H2).
Les hypogées avaient été découverts
peu avant l’acquisition du domaine
Saint-Étienne par les dominicains.
Les Pères Vincent et Abel
en donnèrent une description et
proposèrent de dater les tombes de
l’époque hellénistique ou romaine.
Cette datation fut remise en cause
en 1975 par les archéologues israéliens
Gabriel Barkay et Amos
Kloner. Ceux-ci firent remonter
les tombes à l’époque du Fer II,
c’est-à-dire vers la fin du royaume
de Juda (VII e -VI e siècle av. J.-C.)
essentiellement à cause de la présence
de banquettes funéraires.
Amos Kloner proposa même d’attribuer
ces tombes luxueuses au roi
Manassé et à ses successeurs.
L’auteur de cet ouvrage propose de
réévaluer la proposition de Barkay
et Kloner à la lumière des données
récentes de l’archéologie à Jérusalem.
L’auteur envisage de donner une
meilleure datation à l’aide d’une
double contextualisation. Il constitue
une base de données avec 22
autres tombes de Jérusalem et du
Levant, datées entre le Fer II et la
période byzantine pour une comparaison
architecturale. Il présente
ensuite les restes archéologiques de
la zone autour du domaine Saint-
Étienne pour une contextualisation
12
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
de la zone. Les restes archéologiques
de Jérusalem, selon l’évolution
de l’expansion urbaine depuis
la période du Bronze jusqu’à
la fin de la domination ottomane
mettent en évidence, pour le début
de la période hellénistique (332-167
av. J.-C.), une incohérence entre les
maigres restes architecturaux et le
grand nombre de poignées de poteries
rhodiennes timbrées, datant de
cette époque.
Cette donnée, selon l’auteur,
confirme l’activité et l’intégration
de Jérusalem dans le tissu économique
et politique des empires ptolémaïque
et séleucide décrites par
des sources littéraires et archivistiques.
Mais aucun reste matériel de
cette période n’a été retrouvé dans
les nécropoles de Jérusalem. En revanche,
la présence de banquettes
funéraires taillées – argument majeur
de Barkay et Kloner pour la
datation des tombes à l’époque du
Fer – est attestée jusqu’au début de
la période romaine.
Deux éléments importants sont
ajoutés au dossier par l’auteur : l’accès
aux tombes et la décoration de
l’une d’elles. La modélisation 3D,
réalisée à partir de la photogrammétrie,
permet en effet de voir un
vestibule dans chaque hypogée, caractéristique
absente des tombes du
Fer II. Les autres caractéristiques
architecturales des tombes de la
base de données ne se révèlent pas
probantes pour une datation précise
des tombes sinon pour confirmer
le Fer II comme terminus post
quem. D’autre part, la décoration
pariétale de la chambre principale
de H1 ressemble aux tombes hellénistiques
d’Alexandrie : cela fait
remonter la date des hypogées aux
III e -II e siècles av. J.-C.
Cette datation correspond bien aux
données de sources littéraires et
aux restes archéologiques du début
de la période hellénistique qui font
de Jérusalem sous domination ptolémaïque
et séleucide une cité en
développement constant, animée
par une élite bien intégrée dans le
tissu international jusqu’à la crise
maccabéenne.
L’auteur suggère donc que ces
tombes ont appartenu à une riche
famille aristocratique en contact
avec Alexandrie, comme la famille
des Tobiades.
Philippe Cazala
Étudiant boursier de l’AIBL
à l’École biblique
Academic
Doctoral Seminars: Exploring the Roots of the Faith
Monday morning 8:55: the seminar
classroom is still empty. Two
minutes later, there is the sound of
running in the cloister: the three
SSD students (Jose Rafael Reyes
Gonzales OP, Cristobal Vilarroig
Martin LC, Silvano Yim) and the
postdoctoral assistant (myself)
are coming. We greet one another,
switch on our laptops, open
BibleWorks or some other scientific
biblical software, and quickly
read our paper once again.
At 9 am sharp, Michel Gourgues
OP is coming slowly, serenely,
with a laugh in his eyes seeing our
faces illuminated by the laptop
screen. “Maybe I’m old school”,
he says kindly holding in his right
hand the Greek New Testament and
in his left hand the huge Moulton-
Geden Concordance to the Greek
New Testament. Each of us is well
aware that Michel Gourgues needs
neither a laptop nor a powerful
biblical software to convey – as an
outstanding teacher – his passion
and his knowledge of the biblical
texts. For more than 40 years, he
has been working on one of the
themes which is proposed for the
New Testament doctoral seminar
this year: “Between Jesus and Paul:
The first formulations of the Christian
faith (from 30 to 50) before the
advent of the New Testament”.
If Christianity at its beginning did
not produce any written record, it
is possible, however, to find some
written traces of its conceptualizations
in the Christian writings of
the next generation, particularly in
the Pauline corpus.
The working method of the seminar
is inductive. Every week, each
participant receives a worksheet
with the literature and some questions
on the text so that everyone
can prepare the following session.
Each one is asked first to discover
and to delimit on his own a formulation
of faith found in the text
(a hymn, credo, short pre-Pauline
formula, an allusion to an ancient
tradition, etc.), and then to reflect
on its theology.
During the first hour of the doctoral
seminar every participant
shortly provides comments or
questions about the studied text;
the second hour is dedicated to a
detailed presentation by a doctoral
student; the third hour is a lively
exchange with the professor about
unresolved issues.
The seminar “Between Jesus and
Paul” is a paradigmatic example
about the objectives that the Old and
New Testament doctoral seminars
want to achieve. By focusing on a
transversal theme running through
several biblical books, they aim to
help the new doctoral candidates
to broaden their horizons to the
whole bible and to develop a biblical
mindset, and also to increase
their ability to use different exegetical
methods to analyze a biblical
text. Each seminar has also its own
method and its specific themes. For
the Old Testament Łukasz Popko
OP and Paul-Marie Fidèle Chango
OP, with Joachim Eck as postdoctoral
assistant, have proposed:
“Seeing God” and “Tracing Creations.”
For the New Testament, in
addition to the seminar given by
Michel Gourgues, Anthony Giambrone
OP, examines “The Origins
of Christological Monotheism”.
All these themes are fascinating,
and in fact, the bells of St. Stephen’s
Church, wich announce the
midday Mass, and therefore the
end of the seminar session, often
ring out far too early… But at the
same time what a joy to go now and
celebrate the mystery that we have
just perceived through the exegesis
of the biblical text!
Philippe Van den Heede
Post-doctorant à l’École biblique
14
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Reasearch
“First the bow is bent in study,
then the arrow flies in preaching”
Both in its original founding and
ongoing work, the École biblique
is the fruit of a Dominican spirituality
of sacred study. While the
school is heir to a unique and highly
specialized charge – uniting the
historical and theological understanding
of the Scriptures – it is far
from the only academic apostolate
initiative under the auspices of the
Order.
From its inception in the thirteenth
century, the Order of Preachers
has assiduously fostered its commitment
to theological science.
While medieval monastic culture
had already created conditions
conducive to intensive and
at times prodigious learning, the
distinctive doctrinal mission and
federated character of Dominican
life gave this monastic heritage
a more vital, centralized, and focused
character. The close association
of the Order with the emergence
of university culture in the
west was historically decisive and
has left Dominicans with a profoundly
scholastic patrimony.
A certain custody over the care
of this patrimony is entrusted to a
council of nine brethren, known today
as the Permanent Commission
for the Promotion of the Intellectual
life. The committee meets once a
year at Santa Sabina in Rome and
is designed to be representative of
the Order’s global and intellectual
diversity. It comprised first of five
Regents of Study, one elected from
each region: North America, South
America, Africa, Europe, and Asia.
In addition, the Master of the Order
directly appoints three individual
friars who represent various academic
interests.
Presently, one systematic theologian,
one exegete, and one university
president belong to the council, all
again representing diverse regions
of the world. Finally, the Master’s
fulltime Socius for the Intellectual
Life, today Fr. Pablo Sicouly, presides
over the Commission.
One of the major projects of the
present committee’s work has been
overseeing the local implementation
of the Order’s new Ratio studiorum
in the individual provinces. This is
the program governing the initial
and ongoing intellectual formation
received by every friar worldwide.
A particular challenge facing the
Order right now is how better to
assure a strong philosophical and
theological grounding, especially
in the Thomistic tradition, in those
places where the Dominican centers
of study are weak or non-existent.
Another issue of great importance
to the committee (and to the friars
in Jerusalem) is reinforcing and advancing
the missions of the various
centers of specialized study under
the direct jurisdiction of the Master.
In addition to the École, these
include places like the University
of Fribourg and the Angelicum in
Rome. Here an important part of
the discussion has concerned improving
policies for the preparation
and recruitment of professors and
increasing creative cooperation
with provinces and their Studia.
While the Commission is only advisory,
it represents an important
effort to coordinate the Order’s
many diverse activities devoted
to the life of the mind in the service
of the Holy Preaching.
Fr. Anthony Giambrone OP
Deputy director
Professor at the École biblique
16
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Archéologie
Restauration de sites byzantins à Gaza
ment a commencé. Des passerelles
en hauteur sont en cours de pose
pour surplomber les pavements.
À la fin du XIX e s., les pères fondateurs
de l’École, sans s’enfermer
en Palestine dans une archéologie
confessionnelle, se sont intéressés
aux sociétés qu’ils rencontraient.
Lorsque le British Council a offert
à l’École un projet de financement
pour contribuer à la formation des
jeunes de Gaza aux métiers de la
restauration qui touchent au patrimoine,
je n’ai pas hésité à en assumer
la direction scientifique.
Les fouilles que l’École avait menées
dans la Bande de Gaza entre
1995 et 2012 ont préparé l’entreprise.
Le consortium, sous la houlette
de l’ONG française Première
Urgence, a rassemblé une trentaine
de jeunes chômeurs et des étudiants
de l’Université islamique. Le choix
s’est porté sur deux sites byzantins
fouillés naguère conjointement
avec le Service des Antiquités de
Gaza, laissés à l’abandon depuis
plus de vingt ans : le complexe
ecclésiastique de Mukheitim et le
monastère de Saint-Hilarion.
La direction générale des travaux
a été confiée à René Elter, archéologue
et architecte dynamique et de
talent. Des experts accomplissent
de longs stages pour la formation
des jeunes : Florent Perrier, tailleur
de pierre et compétent en maçonneries
antiques ; Patrick Blanc et
Véronique Blanc-Bijon, spécialisés
dans l’étude et la restauration
des mosaïques, Louis de Lisle pour
documenter la poterie.
La basilique et le baptistère de
Mukheitim sont maintenant couverts
par une large toiture et des
parois de bois ajouré laissent entrer
une lumière tamisée sur les 400 m 2
de mosaïques ; leur désensable-
Le vaste monastère de Saint-Hilarion
a fait l’objet d’un projet ambitieux
de restauration pour devenir la
vitrine du patrimoine archéologique
de Gaza. Spectaculaire, une des
voûtes de la longue crypte de 21 m,
a été restituée : échafaudage cintré
en bois et taille à la main des 400
blocs des voussoirs, le tout à l’ancienne
avec l’outillage d’époque
reconstitué. Le bain romain est
maintenant protégé par un abri à
clairevoies. Plus de 100 m 2 d’une
mosaïque déposée depuis dix ans
sont en cours de remplacement.
Une visite sur les lieux témoigne
de l’activité fébrile sur les chantiers.
La jeunesse prisonnière de
Gaza s’est mobilisée pour participer
avec enthousiasme à la
mise en valeur de son patrimoine
historique. Avec vigueur on scie
des blocs de rocher pour en faire
des moellons aux dimensions précises,
avec intelligence on colmate
les caries dans les mosaïques,
avec patience on jointoie les murs
fragilisés. Nous nous émerveillons
de voir les jeunes étudiantes
accomplir un travail de force pour
reconstituer les murs de l’hôtellerie.
Il y a au moins un endroit dans
Gaza où s’exprime le bonheur de
travailler.
Un jour, un garçon timide
est venu travailler sur notre
fouille au bord du Camp de
réfugiés qui domine la mer
en pleine ville de Gaza. Trop
jeune pour la pioche, il a commencé
par laver les tessons,
tâche ingrate mais accomplie
sans faute. Avec le temps il a
pris la pioche puis gravi peu
à peu tous les échelons pour
être un bon archéologue. Les
stages de formation répétés en
France lui ont donné le goût du
français qu’il parle avec volubilité.
Sa bonne humeur inaltérable
et son rire communicatif
lui ont ouvert les portes. Fadel
Alotol est le numéro 2 sur les
chantiers de Mukheitim et de
Saint-Hilarion car il est probablement
le meilleur Gaziote à
comprendre l’archéologie.
Fr. Jean-Baptiste Humbert o.p.
Archéologue
Professeur émérite à l’École biblique
18
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Publication
Editing a Bible Commentary: A Book of Surprises
asks questions similar to those of
the Book of Job. As a subtitle, we
decided therefore to quote one of
God’s last questions: Is it good for
you to be angry?
Given the relative simplicity of
the Book of Jonah – it is relatively
short, it has no complex issues
of text criticism, or cumbersome
grammar, even the different versions
largely correspond to the Masoretic
Text – it seemed fit for the
holistic approach of the Bible in Its
Traditions project. For some years,
a team of researchers had composed
translations and scholarly notes for
the BEST online. Although having
a number of contributors ensures a
richness of perspectives, yet we had
difficulty maintaining coherence,
lest the commentary be a mere list of
disparate ideas. Fr. Olivier-Thomas
Venard OP decided, therefore, to
invite the main contributors to convene
at the École biblique.
Thanks to a grant offered by
the Confraternity of Christian Doctrine,
we were able to house the
main contributors: Dr. Isaac Alderman,
Erik Trinka (PhD cand.), and
Rev. Dr Jordan Schmidt OP (Rev.
Dr. Erik Wagner was not able to
participate). The session lasted from
the June 27th to July 11th.
Having reread and edited our highly
analytical notes, we were compelled
to return to the beginning,
i.e. to the translation. While notes
on literary devices demanded coherent
renderings, particularly of
figures of speech, even notes on reception
history or visual arts forced
us to acknowledge some grammatical
subtleties which modern commentaries
often deem insignificant.
Finally we all collaborated on writing
the proposals for reading for
each pericope. Intellectually, this was
very rewarding. Bringing together
different perspectives – beginning
with linguistic, cultural, up to theological
reception – brought about
not just a summary but a surplus
of meaning. More than once, one
of us was compelled to exclaim in
surprise that our fairy-tale Jonah
All of us agreed that even the most
effective virtual instruments cannot
replace real-life collaboration. While
the practical advantages are clear –
quicker exchange of thought, a clearer
rhythm of work, and a more stimulating
environment – beyond these
pragmatic benefits, creating personal
links of trust and even friendship
produced a profound sympathy so
fundamental for a collaborative project.
We appreciated also very much
the presence of Kevin Stephens, the
founder of the on-line BEST platform,
who could get immediate feedback
from us concerning his work.
We have spent two days travelling
to the sites pertinent to Jonah. First,
we travelled to Tel Arsuf-Apollonia
and Jaffa. Our second day focused
particularly on maritime archaeology.
Prof. Carolina Aznar, archaeologist
of the American University
in Madrid, guided us through the
Phoenician ports of Tel Dor and Tel
Shikmonah. Thereafter, at the Hecht
Museum in Haifa, Prof. Emmanuel
Nantet presented us the Ma’agan
Mikhael, the best-preserved ship
from the Persian period.
The commentary has been already
published online (free access) and
in its present form is the best illustration
of what the BEST commentary
can be, with rich multimedia
available. Thanks to the Donald
D. Lynch Family Foundation, volunteer
Joseph Ahmad is preparing
the paper edition of the commentary
in our series for publication
by Peeters, while also editing and
consolidating the notes online. The
printed edition should be available
for purchase in 2020 or early 2021.
Joseph Ahmad
Researcher for the Bible in its
Traditions’s programm
Fr. Łukasz Popko OP
Extraordinary professor,
Member of the editorial committee
for the Bible in its Traditions
20 Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
News
The École biblique has a new Grand Chancelor
A look on the institutional life of the École.
On July 13th, the General Chapter
of the Dominican Order elected a
new Master of the Order, Fr. Gerard
Timoner. As he is ex-officio
the Grand Chancelor of the École
biblique, the event provides us an
occasion to share with our friends a
word on how the École is governed
and about our relationships with different
partners involved in our life.
Created by the Dominican Order
in 1890, the École biblique was
approved by the Holy See in 1892
and is ruled by statutes approved by
the Congregation for Catholic Education
at the Vatican, like any other
22
ecclesiastical faculty. But the Dominican
friars assigned in Jerusalem
are directly chosen and sent by
the Master of the Order. As such, we
are a community of friars under the
immediate jurisdiction of the Master,
even if we still also belong to a
Dominican province (e.g. France,
Germany, Vietnam, Poland, etc.)
where we go back when our time in
Jerusalem is over.
Founded by Fr. Lagrange OP as the
École pratique d’études bibliques,
the École became in 1920 École
biblique et archéologique française
de Jérusalem when the French
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres recognized it as a French archaeological
school, like the French
schools of Athens, Rome and the Far
East, founded some years before.
This gives us a special link with
the French Foreign Affairs ministry,
which supervises and supports
the French archaeological schools
abroad. A source of some financial
subsidies, this link is important as
our political situation is quite fragile
in a foreign country.
The École offers two academic degrees
to students who follow the
program: Elève titulaire or Elève
diplômé after a cursus of one or two
years respectively. Since 1983, the
École additionally has the capacity
of granting the ecclesiastical doctorate
in biblical studies. In addition
to our doctoral students, who come
from around the world, we receive
two students each year, sent by the
French Academy, who specialize in
archaeology or epigraphy.
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
Despite this unique link with two
different institutions, one ecclesiastical
and one civil, the École biblique
functions as a normal faculty.
The director, appointed for 4 years
by the Master of the Order after a
consulting vote of the professors, is
assisted by a vice-director, a secretary
of studies and the administrator.
They are in charge of the current life
of the faculty. An academic council,
composed of all the professors,
meets monthly to discuss the work
of the École, prepare the programs,
choose the jury for the doctoral defenses
and vote for the acceptation
of the students’ dissertations, etc. A
scientific council, composed of experienced
scholars and administrators
from different countries, assists
the director in the definition of the
academic policies of the École.
Who is the new Master of the Order?
Fr. Gerard Timoner, 51, was born
in the Philippines where he joined
the Dominicans in 1985. After his
studies in Manila, he completed
his formation by a specialization
in theology in Nijmegen under
the direction of Fr. Edward
Schillebeeckx OP. Rector of the
Major seminary at the University of
Santo Tomas in Manila, Fr. Gerard
Timoner was elected prior
provincial of the Dominicans in the
Philippines, then named the Socius
to the Master of the Order for Asia-
Pacific, a position he still held at the
moment of his election. He is now
the 88th successor of St Dominic.
Fr. Jean Jacques Pérennès OP
Director of the École biblique
Voyage d’étude
Voyage d’étude en Galilée
Notre premier voyage d’archéologie
et de topographie dans le nord
du pays a eu lieu du 25 au 29 novembre
2019, sous la conduite du
Fr. Dominique-Marie Cabaret, o.p.
Voilà qu’une curiosité, attisée au
moins depuis le séminaire de rentrée
en octobre dernier, lequel nous
avait donné des outils pour comprendre
les beaux sites de la Samarie,
de la Galilée et du Golan, a pu
être assouvie — et cultivée. Ces
cinq journées bien remplies furent
aussi l’occasion pour notre groupe
de mieux faire connaissance et de
partager des moments de convivialité,
aidé en cela par l’accueil irréprochable
de nos hôtes, à Tibériade
(Pierre-Yves et Marie-Claire Ogier,
maison de L’Oasis) et à Sébaste (la
charmante Mosaic Guest House).
Un temps idéal nous a accompagnés
dans nos aventures : un soleil
généreux sans être oppressant, une
lune gracieuse sous une voûte étoilée
le soir et la clarté de l’aube sur
le lac de Tibériade.
Deux grands traits caractérisent les
sites que nous avons visités : d’une
part, il s’agit souvent de sites qui
présentent une occupation continue
dès une époque ancienne (âge
du Bronze, voire chalcolithique)
jusqu’à l’âge du Fer, comme les
fameux tell de Megiddo, Haṣor
ou Dan. D’autre part, ces sites illustrent
la diffusion des pratiques
culturelles dans le Levant, qu’il
s’agisse de l’ivoire sculpté retrouvé
dans les structures palatiales
des tertres du Bronze moyen et du
Bronze récent (Megiddo, Sichem/
Naplouse) ou des mosaïques, à
motifs géométriques ou figuratifs,
qui se retrouvent dans les maisons
(Haṣor), les basiliques (Susita/
Hippos, Bet Shean), les synagogues
(Capharnaüm, Sepphoris),
et les églises (Hippos, Kursi). Les
châteaux de Nemrod et de Belvoir
illustrent l’architecture militaire du
xiii e s., respectivement côté ayyubide
et côté franc.
Certains sites nous ont particulièrement
séduits, où la beauté du
lieu rendait tout éclatants les témoignages
archéologiques. Après
celui de Hippos, grandiose, le site
de Ḥurbat ‘Omrit a particulièrement
marqué nos esprits. Il domine
la vallée de la Ḥulah, à proximité
de Banias (Césarée Philippe) : les
vestiges de trois temples encastrés,
battus par les vents, culminent,
solitaires. Un autel hellénistique et
ses fresques ont été recouverts par
la plateforme d’un temple dédié à
Auguste par Hérode le Grand, élargi
ensuite à la fin du i er siècle. Le
sol de basalte noir fait ressortir la
structure de calcaire blanc. Titus et
Bérénice ont pu en être témoins !
Des rencontres lumineuses ont
ponctué notre voyage : les sœurs
de Nazareth nous ont ouvert le
tombeau du Juste à Nazareth et
les sœurs de la Ste Croix nous ont
présenté leur prieuré à Taybeh,
l’Éphraïm biblique. À Sébaste,
Mme Wala Ghazal, la responsable
du musée aménagé à côté
de la mosquée de Nabi Yahya, qui
occupe une partie de l’imposante
basilique croisée dédiée à S. Jean
Baptiste, nous a présenté ses collections,
dont un sarcophage sur
pieds, orné ; M. Sami Dababneh,
père de la dernière famille chrétienne
de la ville, nous a menés à
l’ancienne église byzantine dédiée
au chef du Baptiste.
Chaque année, l’EBAF fait ce pari
un peu fou d’envoyer ses étudiants
aux quatre coins du pays pour le
vivre dans la diversité de ses paysages
et de ses habitants. Beaucoup
découvraient ces sites pour la première
fois : des souvenirs qui nourrissent
en chacun, selon sa formation
et son parcours, l’intérêt pour
l’archéologie, ses méthodes et le
pays qui nous accueille.
Xavier Lafontaine
Doctorant boursier de l’AIBL à
l’École biblique
24
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
The École’s life
Fr. Joseph Lê Minh Thông’s OP return to Vietnam
Fr. Joseph, as you are returning
to Vietnam after 5 years of teaching
in Jerusalem, tell us something
about yourself.
I come from a Christian family.
Two of my brothers are Cistercian
priests and one of my sisters is a
nun. Around 1955, a few years after
the end of the Second World War,
my parents immigrated from the
North to South of Vietnam. Our village
of immigrants was very Catholic.
The Parish Church was the centre
of our village and we went for
mass daily.
Was it not a great challenge to
join a religious Order in a communist
country?
I desired to join the Dominicans because,
right from my childhood, I
26
had a great desire to study and teach
the Bible. The political situation
of my country was not favorable:
I had to wait 13 years to enter the
Dominican Order. Those years of
waiting I spent in studies, including
two years in meteorology (which
helped me to give the weather report
for the community at Monday
recreation). I also worked for three
years in a school for handicapped
children. Moreover, I was able to
study at university, especially foreign
languages like French and
English. I did my novitiate, simple
profession, and 3 years of studies
in philosophy and theology in Vietnam
and then came to Lyon for further
studies. It was a joy to do my
doctorate at the Catholic University
of Lyon.
What led you to specialize in Johannine
literature?
I had a special liking for the Gospel
of John even before joining the
Order. For me the Gospel of John is
the most profound of the four gospels.
The title of my master’s thesis
is Voir et entendre dans l’Évangile
de Jean. The Title of my doctoral
thesis is Aimer et haïr dans l’Évangile
de Jean.
How did you land up at the École
Biblique?
I never thought of coming to École
Biblique. I was well settled in my
mission in Vietnam, teaching and
publishing in my language. But the
Assistant to the Master for the Order
for Intellectual Life wrote to my
provincial, requesting him to send
me to Jerusalem.
Were the last five years spent at
the École fruitful?
My five years stay at the École has
been very important to me. The
École Biblique is an ideal place for
biblical research with a very good
library. I found more time to continue
my research. I spent a year
attending the topography course
and visiting the biblical sites here
in Israel and in Jordan. Staying at
the École has helped me to speak
French more fluently. I enjoyed
teaching the Gospel of John. With
the kindness of brother Dominic
Mendonca, I got the opportunity to
Nouvelles de Jérusalem - N° 99 - Printemps 2020
speak English and learn yoga which
I practice daily.
Can you tell us something about
your publications?
I have published a lot in Vietnamese,
but in January 2019, I published
a book in French Qui est le
disciple que Jésus aimait ? which
offers two main conclusions:
(1) The Beloved Disciple remains
anonymous and one cannot identify
him with the apostle John;
(2) He is a disciple of Jesus who
founded the Johannine community
and became an ideal disciple with
whom everyone could identify. In
September 2019, I published another
book in Vietnamese: Listening
and Hearing in the Gospel of John.
What are your future plans?
In Vietnam I will concentrate on
teaching Johannine Literature and
Mark’s Gospel, in the Dominican
Center of Study. I am planning to
write a commentary on the Gospel
of John in Vietnamese. The project
will take five to eight years for
completion.
Fr. Dominic Mendonca OP
Lecturer in the New Testament
Méditation
Christ est ressuscité !
Les Amis de l’EBAF
Nos Amis de l’association française
Christ est ressuscité d’entre les
morts : chaque année, en plein
cœur du printemps, nous avons
l’occasion de revivre pleinement
ce mystère au cours de la fête de
Pâques. La Semaine Sainte opère
l’incroyable passage d’une joie
inconsciente du malheur à venir –
la joie presque sensuelle provoquée
par l’image pittoresque de
Jésus monté sur un ânon, entouré
d’une foule qui dépose manteaux
et rameaux sur son passage, accueillant
avec allégresse l’entrée
triomphale dans la ville du Fils
de Dieu, bien différente de la sortie
qu’il fait moins d’une semaine
plus tard, accablé par le poids de
la croix où l’on s’apprête à le crucifier
– à l’ineffable joie qui saisit
les femmes après la découverte du
tombeau vide et l’absurde annonce
de l’ange qui leur apparaît : « Il
n’est plus ici, car il est ressuscité
comme il l’a dit. » Il faut pourtant
l’exprimer, cette joie purement
chrétienne, non seulement au sein
de notre Église, car c’est elle qui
nous rassemble lors de la veillée
pascale, mais aussi en-dehors,
lorsque nous proclamons la bonne
nouvelle qui nous a été confiée.
Pour cela, souvenons-nous d’un
mot dont le Carême nous prive
pendant ses quarante longs jours,
un mot que nous chantons du reste,
parfois sans en mesurer la portée,
avant chaque lecture de l’Évangile,
un cri capable de porter avec force
le bonheur dont nous sommes remplis,
un mot enfin qui devrait ponctuer
ainsi, au fond de notre cœur,
l’expression la plus simple de notre
foi : Christ est vivant, Alléluia !
Pauline Micos
Chercheuse en séjour pour le programme
La Bible en ses Traditions
L’association « Les amis de l’École
biblique et archéologique française
de Jérusalem » a été créée en
1971 (loi de 1901). Elle a pour but
de rassembler toutes les personnes
qui s’intéressent aux travaux de
l’École, en vue de lui apporter une
aide morale et matérielle, de soutenir
par tous moyens appropriés, les
activités scientifiques et culturelles
de l’École, de faciliter leur développement
et de contribuer au bon
fonctionnement de l’École lorsque
certaines opérations demandent une
intervention en France.
Son président est M. Jean Guéguinou,
ancien consul général de
France à Jérusalem et ambassadeur
de France auprès du Saint-Siège.
Son secrétaire général est M. Bruno
de Trémiolles. Elle est habilitée à
délivrer des reçus fiscaux.
Grâce aux cotisations de ses
membres, l’Association accorde tous
les ans des aides à l’École : bourses
d’étude, activités de recherches,
fouilles archéologiques, développement
de sa bibliothèque, aide à la
publication d’ouvrages. L’association
compte actuellement environ
500 adhérents, à qui sont proposées,
à Paris, deux conférences par an,
sur des sujets bibliques ou archéologiques.
Un bulletin, les Nouvelles de
Jérusalem, est envoyée deux fois par
an aux membres de l’Association.
La cotisation ordinaire est de 30€.
La cotisation de soutien est de 50 €.
Les nouveaux membres, souvent
d’anciens étudiants, disent en majorité
avoir découvert l’association
grâce au lobbying des anciens à la
faveur d’une visite de l’École, ou
encore grâce à la lettre aux amis.
Mais il y a aussi des adhésions spontanées.
C’est un très beau réseau.
Retrouvez-nous sur Internet :
https://communication4364.wixsite.com/aaebaf
Odile Flichy
Membre du bureau de l’Association
28
Nouvelles de l’École et des anciens élèves
1 2 3
Thèse de doctorat :
Le 3 octobre 2019, le Père Antônio César Seganfredo, missionnaire sclabrinien,
étudiant à l’École biblique en 2013-2014, a soutenu avec succès sa thèse de doctorat
à l’Université Pontificale Saint Thomas à Rome, sur «Efesini 2,19: la concittadinanza
dei santi come alternativa alla politeia greca e alla civitas romana».
La thèse était dirigée par le Père Paolo Garuti, o.p., professeur invité à l’EBAF.
Nominations :
Le 1 er octobre 2019, le fr. Jean Jacques Pérennès o.p. a été nommé directeur de
l’École biblique pour un second mandat par le Maître de l’Ordre des Dominicains.
Le 1 er décembre, le fr. Anthony Giambrone 1 o.p. a été nommé vice-directeur de
l’École biblique par le Maître de l’Ordre des Dominicains.
Décès
M. Paul-Eugène Dion, étudiant à l’École biblique au début des années 1960, est
décédé le 3 août 2019. Après un doctorat à l’Université de Toronto, il a enseigné
l’histoire de l’Ancien Israël à Ottawa et Toronto. On citera parmi ses travaux Les
Araméens à l’âge du Fer, (Collection Etudes bibliques, 1997).
M. Henri du Bessey de Contenson 2 , boursier de l’Académie à l’École biblique
en 1952-53, est décédé le 8 septembre 2019. Archéologue, il avait collaboré
avec le Père Roland de Vaux aux fouilles de Tel el-Far’ah.
Le père Stephen Pisano 3 sj, vice-recteur de l’Institut biblique pontifical, est décédé
le 7 octobre 2019. Membre du Conseil scientifique de l’EBAF, il fut le professeur
de critique textuelle de plusieurs professeurs et étudiants de l’École biblique.
Publications :
Khirbet Qumrân et Aïn Feshkha. IV A, Qumran Cave 11Q: Archaeology and
New Scroll Fragments, éd. Jean-Baptiste Humbert op, Marcello Fidanzio, Göttingen,
Vandenhoeck & Ruprecht, 2019, 288 p.
Etienne Nodet o.p., Les Romains, les Juifs et Flavius Josèphe, Paris, Editions
du Cerf, 2019, 376 p.
Michel Gourgues o.p., « Plus tard tu comprendras ». La formation du Nouveau
Testament comme témoin de maturations croyantes, Paris/Montréal, Cerf/
Mediaspaul, 2019, 187 p.
Jésus Christ, cet inconnu, Le Figaro Hors-série, en partenariat avec l’École
biblique, novembre 2019.
Agenda
Rencontre des Amis canadiens de l’EBAF
Le directeur de l’École biblique, Jean Jacques Pérennès, a participé le 9
décembre 2019 à Toronto à une réunion du bureau de l’Association des
Amis Canadiens de l’École biblique. Une autre rencontre a eu lieu les
jours précédents à Montréal avec les amis résidant au Québec.
Le 6 mars 2020 : « Le goût de l’Orient. Orientalisme et études bibliques
». Colloque pour le centenaire de l’École archéologique française
de Jérusalem à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 23 Quai de
Conti, 75006, Paris.
Du 16 au 18 mars 2020 : voyage d’études de l’École biblique au Neguev.
Du 27 avril au 2 mai 2020 : voyage d’études de l’École biblique en Jordanie.
Conférence de l’Association des Amis de l’EBAF
Le samedi 16 mai à 17h00 aura lieu la prochaine Assemblée générale
des Amis de l’EBAF à 17h00 à la salle Dumont, 45 Rue de la Glacière,
Paris 13 e .
15h00 : conférence de Katell Berthelot, historienne des religions, spécialisée
dans le judaïsme à l’époque hellénistique et romaine, chargée
de recherche au CNRS (Centre Paul-Albert Février, MMSH, Aix-en-Provence).
Sujet : « Le défi posé par l’empire romain “païen” à Israël, entre rivalité
et substitution ».
30 Lettre aux amis de l’ÉBAF - N° 95 - Printemps 2018
Avec ses étudiants, chercheurs et volontaires,
l’École biblique vous souhaite une belle année 2020.