Spectrum_1_2020
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DOSSIER
Texte Sylvain Cabrol
Photo Fondation Trajets, Genève
Mad Pride
La Mad Pride, un appel festif à l’inclusion des personnes souffrant de troubles psychiques
La première Mad Pride de Suisse a eu lieu le 10 octobre dernier, une marche pour la visibilité et
l’inclusion des personnes souffrant de troubles psychiques. Retour sur un défilé inédit.
Aux origines du projet
« Depuis quinze ans, la Coraasp organise
une action de sensibilisation chaque 10
octobre », explique Florence Nater, directrice
de la Coraasp (Coordination romande
des associations d’action pour
la santé psychique). « Pour nos 20 ans
d’existence, nous avons souhaité investir
l’espace public avec un évènement de
plus grande envergure. C’est ainsi qu’un
de nos membres a proposé l’organisation
d’une Mad Pride à Genève », rapporte
la directrice. Sur le modèle des LGBT
Prides, l’évènement consiste en un défilé
en faveur de la visibilité et de l’inclusion
des personnes atteintes de troubles psychiques.
Un concept bienvenu, dans une
société où une personne sur deux souffre
d’un tel trouble au moins une fois dans sa
vie.
L’appellation a suscité des débats. Pour
Blaise Rochat, qui souffrait de troubles
schizophréniques il y a quelques années,
« la crainte qu’on pouvait avoir était de
passer pour des bêtes curieuses. Mais au
fil du temps, j’ai changé d’avis : pour les
LGBT, le fait d’être descendu·e·s dans la
rue a permis de faire évoluer les représentations
et le dispositif légal. En tant que
personnes ayant des troubles psychiques,
on souhaite faire passer le message suivant
: il faut tenir mieux compte des dispositions
mentales des gens. »
Des gestes pour inclure
Selon Florence Nater, « la santé mentale
reste tabou. Il y a beaucoup de rejet,
de solitude et d’isolement ». Blaise
Rochat évoque une époque où l’on incluait
plus volontiers les personnes
souffrant de troubles psychiques.
D’après lui, depuis la crise des années
1970, un changement de paradigme
se serait opéré : « Actuellement, on a
un discours très fort par rapport aux
compétences individuelles. L’accent
est mis sur les cursus, les employé·e·s
doivent être autonomes. L’aspect collectif
étant beaucoup moins présent,
on a tendance à écarter du monde du
travail les personnes en souffrance. »
À cela s’ajoute un phénomène d’auto-stigmatisation
: « La tendance est de
se replier sur soi », précise-t-il. « On
intériorise les valeurs et les représentations
sociales. »
« Le premier geste d’inclusivité passe
par une attitude bienveillante, il s’agit
d’être à l’écoute », explique Florence
Nater, ajoutant : « Parfois, il suffit de
s’approcher de la personne en lui demandant
comment elle va et de l’orienter
vers un·e professionnel·le. Bien sûr,
on peut être désarçonné·e et on ne
vous en fera pas le reproche. D’où l’importance
de s’informer au travers de
réseaux comme SantéPsy. » Blaise Rochat
abonde en ce sens : « S’informer
permet de battre en brèche les représentations
sociales liées aux fictions.
Les personnes psychotiques sont souvent
représentées comme folles dangereuses
alors qu’en réalité, elles sont
plus souvent victimes qu’agresseurs… »
Un accueil positif de la population
Le défilé de la Mad Pride, qui a rassemblé
un millier de personnes, a suscité
une majorité de réactions positives
de la part du public. « Il y avait une
énergie assez incroyable », relate Florence
Nater, poursuivant : « Beaucoup
de personnes nous ont abordé·e·s et
nous ont félicité·e·s d’avoir organisé
cet évènement, alors qu’elles n’étaient
pas directement concernées. »
« Il est important de continuer à parler
des différents troubles psychiques »,
conclut Blaise Rochat. Aussi, les discussions
sont en cours pour une nouvelle
édition en 2020, cette fois-ci à
Berne. ■
02.2020 spectrum
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