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DOSSIER

Texte Sylvain Cabrol

Photo Fondation Trajets, Genève

Mad Pride

La Mad Pride, un appel festif à l’inclusion des personnes souffrant de troubles psychiques

La première Mad Pride de Suisse a eu lieu le 10 octobre dernier, une marche pour la visibilité et

l’inclusion des personnes souffrant de troubles psychiques. Retour sur un défilé inédit.

Aux origines du projet

« Depuis quinze ans, la Coraasp organise

une action de sensibilisation chaque 10

octobre », explique Florence Nater, directrice

de la Coraasp (Coordination romande

des associations d’action pour

la santé psychique). « Pour nos 20 ans

d’existence, nous avons souhaité investir

l’espace public avec un évènement de

plus grande envergure. C’est ainsi qu’un

de nos membres a proposé l’organisation

d’une Mad Pride à Genève », rapporte

la directrice. Sur le modèle des LGBT

Prides, l’évènement consiste en un défilé

en faveur de la visibilité et de l’inclusion

des personnes atteintes de troubles psychiques.

Un concept bienvenu, dans une

société où une personne sur deux souffre

d’un tel trouble au moins une fois dans sa

vie.

L’appellation a suscité des débats. Pour

Blaise Rochat, qui souffrait de troubles

schizophréniques il y a quelques années,

« la crainte qu’on pouvait avoir était de

passer pour des bêtes curieuses. Mais au

fil du temps, j’ai changé d’avis : pour les

LGBT, le fait d’être descendu·e·s dans la

rue a permis de faire évoluer les représentations

et le dispositif légal. En tant que

personnes ayant des troubles psychiques,

on souhaite faire passer le message suivant

: il faut tenir mieux compte des dispositions

mentales des gens. »

Des gestes pour inclure

Selon Florence Nater, « la santé mentale

reste tabou. Il y a beaucoup de rejet,

de solitude et d’isolement ». Blaise

Rochat évoque une époque où l’on incluait

plus volontiers les personnes

souffrant de troubles psychiques.

D’après lui, depuis la crise des années

1970, un changement de paradigme

se serait opéré : « Actuellement, on a

un discours très fort par rapport aux

compétences individuelles. L’accent

est mis sur les cursus, les employé·e·s

doivent être autonomes. L’aspect collectif

étant beaucoup moins présent,

on a tendance à écarter du monde du

travail les personnes en souffrance. »

À cela s’ajoute un phénomène d’auto-stigmatisation

: « La tendance est de

se replier sur soi », précise-t-il. « On

intériorise les valeurs et les représentations

sociales. »

« Le premier geste d’inclusivité passe

par une attitude bienveillante, il s’agit

d’être à l’écoute », explique Florence

Nater, ajoutant : « Parfois, il suffit de

s’approcher de la personne en lui demandant

comment elle va et de l’orienter

vers un·e professionnel·le. Bien sûr,

on peut être désarçonné·e et on ne

vous en fera pas le reproche. D’où l’importance

de s’informer au travers de

réseaux comme SantéPsy. » Blaise Rochat

abonde en ce sens : « S’informer

permet de battre en brèche les représentations

sociales liées aux fictions.

Les personnes psychotiques sont souvent

représentées comme folles dangereuses

alors qu’en réalité, elles sont

plus souvent victimes qu’agresseurs… »

Un accueil positif de la population

Le défilé de la Mad Pride, qui a rassemblé

un millier de personnes, a suscité

une majorité de réactions positives

de la part du public. « Il y avait une

énergie assez incroyable », relate Florence

Nater, poursuivant : « Beaucoup

de personnes nous ont abordé·e·s et

nous ont félicité·e·s d’avoir organisé

cet évènement, alors qu’elles n’étaient

pas directement concernées. »

« Il est important de continuer à parler

des différents troubles psychiques »,

conclut Blaise Rochat. Aussi, les discussions

sont en cours pour une nouvelle

édition en 2020, cette fois-ci à

Berne. ■

02.2020 spectrum

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