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RELECTURE<br />
Maître Desgouttes,<br />
En 1817, un crime dans la bourgade bernoise<br />
de Langenthal marquait les esprits<br />
l’« homme-fluide »<br />
et contribuait à échafauder en Suisse les<br />
premières théories modernes sur l’homosexualité.<br />
Par<br />
François<br />
Touzain<br />
Avocat, époux d’une riche héritière, féru de philosophie<br />
kantienne et même harpiste à ses heures : Franz<br />
Desgouttes avait tout du notable éclairé dans la Berne<br />
du début du XIX e siècle. Jusqu’à ce qu’il finisse exécuté<br />
en place publique, puis son cadavre exposé sur<br />
une roue, le 30 septembre 1817. C’est que l’honorable<br />
Maître avait perpétré un crime qui a choqué sa petite<br />
bourgade de Langenthal et fasciné les contemporains.<br />
Deux mois plus tôt, son jeune commis, un dénommé<br />
Daniel Hemmeler est retrouvé égorgé dans la chambre<br />
de son maître. L’avocat est interpellé le lendemain<br />
matin, ivre. Il déballe tout : le meurtre, mais aussi le<br />
mobile, inattendu : la jalousie. Car le notable entretenait<br />
depuis des années des « relations impudiques »<br />
avec son apprenti. Ils faisaient même ménage commun<br />
aux côtés de leurs conjointes respectives. Mais<br />
voilà que Hemmeler, 23 ans, avait décidé de quitter<br />
l’étude – et le lit – de son maître. Une trahison aux yeux<br />
de ce dernier, qui avait résolu de faire périr son amant.<br />
Desgouttes s’y essaie une première nuit,<br />
mais il se ravise face au visage « si mignon<br />
et si enfantin » de sa victime endormie. Le<br />
lendemain soir, il vide une demi-bouteille de<br />
schnaps avant de passer à l’acte. Il prévoit<br />
de faire disparaître le corps et d’élever un<br />
mausolée secret à son amant. Mais trop soûl,<br />
il abandonne le cadavre.<br />
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AMOUR ET SAUVAGERIE<br />
Pour la justice bernoise, l’affaire est si bizarre et<br />
scandaleuse qu’elle tente d’escamoter ses aspects<br />
les plus sulfureux sous d’autres méfaits commis par<br />
l’avocat. Et ils sont nombreux : vols, abus de confiance,<br />
faux dans les titres et diverses agressions sexuelles.<br />
Toutefois, le profil hors norme du si convenable Franz<br />
Desgouttes n’échappe pas aux initiés. L’affaire intrigue<br />
le pédagogue Heinrich Zschokke, grand intellectuel<br />
de l’époque. Elle contredit l’idée alors en vogue que<br />
l’éducation serait un rempart contre la sauvagerie.<br />
Dans l’essai « Eros ou de l’amour » (1821), il s’en inspire<br />
pour postuler l’existence de « Wassermenschen »,<br />
« hommes-fluides » esclaves de leurs bas instincts,<br />
mais néanmoins susceptibles de se fondre dans la<br />
société bourgeoise.<br />
Zschokke avait été aiguillé par les recherches<br />
d’un obscur modiste glaronnais du nom<br />
d’Heinrich Hössli. Bercé de culture classique,<br />
ce dernier avait vu dans cet épisode<br />
tragique une perversion de « l’amour grec »<br />
(et aussi un écho à sa propre vie). Ce sera le<br />
sujet de son propre « Eros » publié dès 1836.<br />
Ce manifeste homosexuel avant l’heure restera<br />
lettre morte. Par contre, Desgouttes luimême<br />
connaîtra un éphémère succès littéraire<br />
grâce aux pieuses confessions qui lui<br />
sont attribuées. Elles exposent le salut d’un<br />
être rongé par les pires turpitudes. « J’espère<br />
que mon âme immortelle trouvera grâce et<br />
miséricorde devant son juge suprême. »<br />
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« Une<br />
question ?»<br />
drgay.ch<br />
Chaque année, mon médecin<br />
me fait une prise de sang<br />
pour un bilan complet.<br />
Il me dit que c’est tout en ordre.<br />
Est-ce que c’est suffisant ?<br />
Les bilans de santé générale visent à contrôler<br />
certains indicateurs mais ne comprennent pas<br />
systématiquement les dépistages des IST.<br />
Il est recommandé de demander explicitement des<br />
dépistages spécifiques.<br />
Dans le sang, il est possible de dépister le VIH, la<br />
syphilis et les hépatites. En complément, il est<br />
impératif de faire un frottis pharyngé (fond de<br />
gorge), anal (rectum) et génital (urètre/vagin) ou<br />
un prélèvement d’urine (premier jet et au moins 2h<br />
après la dernière miction) pour dépister en tout cas<br />
gonorrhée et chlamydia.<br />
Il est préférable de systématiquement demander<br />
ses résultats afin de pouvoir en disposer si l’on doit<br />
consulter un autre service de santé. Cela peut<br />
éviter des analyses inutiles et/ou permettre de<br />
mieux interpréter certains résultats<br />
Cher Dr Gay<br />
A quelle fréquence faire mes dépistages ?<br />
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Culture 360 AVRIL <strong>2021</strong><br />
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Culture 43