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360° Magazine / avril 2021

No.202 MODE

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RELECTURE<br />

Maître Desgouttes,<br />

En 1817, un crime dans la bourgade bernoise<br />

de Langenthal marquait les esprits<br />

l’« homme-fluide »<br />

et contribuait à échafauder en Suisse les<br />

premières théories modernes sur l’homosexualité.<br />

Par<br />

François<br />

Touzain<br />

Avocat, époux d’une riche héritière, féru de philosophie<br />

kantienne et même harpiste à ses heures : Franz<br />

Desgouttes avait tout du notable éclairé dans la Berne<br />

du début du XIX e siècle. Jusqu’à ce qu’il finisse exécuté<br />

en place publique, puis son cadavre exposé sur<br />

une roue, le 30 septembre 1817. C’est que l’honorable<br />

Maître avait perpétré un crime qui a choqué sa petite<br />

bourgade de Langenthal et fasciné les contemporains.<br />

Deux mois plus tôt, son jeune commis, un dénommé<br />

Daniel Hemmeler est retrouvé égorgé dans la chambre<br />

de son maître. L’avocat est interpellé le lendemain<br />

matin, ivre. Il déballe tout : le meurtre, mais aussi le<br />

mobile, inattendu : la jalousie. Car le notable entretenait<br />

depuis des années des « relations impudiques »<br />

avec son apprenti. Ils faisaient même ménage commun<br />

aux côtés de leurs conjointes respectives. Mais<br />

voilà que Hemmeler, 23 ans, avait décidé de quitter<br />

l’étude – et le lit – de son maître. Une trahison aux yeux<br />

de ce dernier, qui avait résolu de faire périr son amant.<br />

Desgouttes s’y essaie une première nuit,<br />

mais il se ravise face au visage « si mignon<br />

et si enfantin » de sa victime endormie. Le<br />

lendemain soir, il vide une demi-bouteille de<br />

schnaps avant de passer à l’acte. Il prévoit<br />

de faire disparaître le corps et d’élever un<br />

mausolée secret à son amant. Mais trop soûl,<br />

il abandonne le cadavre.<br />

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AMOUR ET SAUVAGERIE<br />

Pour la justice bernoise, l’affaire est si bizarre et<br />

scandaleuse qu’elle tente d’escamoter ses aspects<br />

les plus sulfureux sous d’autres méfaits commis par<br />

l’avocat. Et ils sont nombreux : vols, abus de confiance,<br />

faux dans les titres et diverses agressions sexuelles.<br />

Toutefois, le profil hors norme du si convenable Franz<br />

Desgouttes n’échappe pas aux initiés. L’affaire intrigue<br />

le pédagogue Heinrich Zschokke, grand intellectuel<br />

de l’époque. Elle contredit l’idée alors en vogue que<br />

l’éducation serait un rempart contre la sauvagerie.<br />

Dans l’essai « Eros ou de l’amour » (1821), il s’en inspire<br />

pour postuler l’existence de « Wassermenschen »,<br />

« hommes-fluides » esclaves de leurs bas instincts,<br />

mais néanmoins susceptibles de se fondre dans la<br />

société bourgeoise.<br />

Zschokke avait été aiguillé par les recherches<br />

d’un obscur modiste glaronnais du nom<br />

d’Heinrich Hössli. Bercé de culture classique,<br />

ce dernier avait vu dans cet épisode<br />

tragique une perversion de « l’amour grec »<br />

(et aussi un écho à sa propre vie). Ce sera le<br />

sujet de son propre « Eros » publié dès 1836.<br />

Ce manifeste homosexuel avant l’heure restera<br />

lettre morte. Par contre, Desgouttes luimême<br />

connaîtra un éphémère succès littéraire<br />

grâce aux pieuses confessions qui lui<br />

sont attribuées. Elles exposent le salut d’un<br />

être rongé par les pires turpitudes. « J’espère<br />

que mon âme immortelle trouvera grâce et<br />

miséricorde devant son juge suprême. »<br />

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« Une<br />

question ?»<br />

drgay.ch<br />

Chaque année, mon médecin<br />

me fait une prise de sang<br />

pour un bilan complet.<br />

Il me dit que c’est tout en ordre.<br />

Est-ce que c’est suffisant ?<br />

Les bilans de santé générale visent à contrôler<br />

certains indicateurs mais ne comprennent pas<br />

systématiquement les dépistages des IST.<br />

Il est recommandé de demander explicitement des<br />

dépistages spécifiques.<br />

Dans le sang, il est possible de dépister le VIH, la<br />

syphilis et les hépatites. En complément, il est<br />

impératif de faire un frottis pharyngé (fond de<br />

gorge), anal (rectum) et génital (urètre/vagin) ou<br />

un prélèvement d’urine (premier jet et au moins 2h<br />

après la dernière miction) pour dépister en tout cas<br />

gonorrhée et chlamydia.<br />

Il est préférable de systématiquement demander<br />

ses résultats afin de pouvoir en disposer si l’on doit<br />

consulter un autre service de santé. Cela peut<br />

éviter des analyses inutiles et/ou permettre de<br />

mieux interpréter certains résultats<br />

Cher Dr Gay<br />

A quelle fréquence faire mes dépistages ?<br />

42<br />

Culture 360 AVRIL <strong>2021</strong><br />

N 202<br />

Culture 43

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