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360° magazine / mai 2021

No.203 CINÉMA

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L’HUMEUR DE LÉON SALIN<br />

LES BOYS CLUBS<br />

Léon est un activiste transgenre. Il tient le compte<br />

Instagram @salinleon dans lequel il lutte pour plus de<br />

représentation positive des personnes transgenres.<br />

Ça y est, j’y ai enfin accès. Après avoir pris de la testostérone<br />

pendant deux ans, je ressemble enfin à un<br />

mec. Je passe tous les tests d’identification de genre,<br />

sans aucune hésitation de la part d'inconnnu·e·x·s.<br />

J’ai toujours été un homme <strong>mai</strong>s je n’y ai pas toujours<br />

ressemblé. Depuis que je corresponds à ce que les<br />

gens qualifient comme un homme, je vis dans un autre<br />

monde, un monde fait pour moi. Je me balade dans la<br />

rue, je croise un mec sur un trottoir étroit et à ma plus<br />

grande surprise, il s’écarte pour me laisser passer.<br />

C’est limite s’il ne me serre pas la <strong>mai</strong>n. Alors qu’avant<br />

EXPOSITION TEMPORAIRE<br />

9 avril <strong>2021</strong><br />

— 10 avril 2022<br />

c’était « écarte-toi ma belle, je passe ». Je vais acheter<br />

une bière un peu tard dans un kiosque, le vendeur me<br />

lance deux trois vannes et me demande si je vais passer<br />

une bonne nuit, wink wink. Alors qu’avant, c’était<br />

« il est un peu tard pour être toute seule dehors ». Je<br />

me balade avec ma copine à mon bras, des gars me<br />

félicitent de mon accomplissement et s’adressent uniquement<br />

à moi. Elle n’est qu’un bel accessoire pour accompagner<br />

ma masculinité dominante; un accessoire<br />

que j’ai été. Mais il n’y a pas que les passant·e·x·s qui<br />

me créent une nouvelle vie, il y a aussi mes proches.<br />

Je suis un homme <strong>mai</strong>ntenant, alors j’ai accès<br />

à tellement de sphères qui m’étaient auparavant<br />

refusées. Mon père me parle d’argent,<br />

mes potes mec me présentent à d’autres<br />

potes mec. Je suis même invité aux soirées<br />

pizza/jeux vidéo. Toute ma jeunesse je n’ai<br />

rêvé que d’une chose : pouvoir aller faire des<br />

aprems gaming avec mes potes. « Non <strong>mai</strong>s<br />

on fait un truc entre mecs là », « non <strong>mai</strong>s tu<br />

ne sais pas jouer », « non <strong>mai</strong>s j’ai que des<br />

jeux de guerre ». Mais sur quoi se basaient-ils<br />

pour m’exclure de ces espaces ? Le fait que<br />

j’ai une vulve définit ma capacité à cliquer sur<br />

des boutons ? Je ne crois pas. Cette année,<br />

je me suis acheté une console, et j’y ai joué.<br />

L’euphorie de genre s’est emparée de moi et<br />

je me suis senti validé, à ma place, mec. Ça<br />

y est, j’étais un espion dans les boys club.<br />

Infiltré <strong>mai</strong>s intégré, je découvre ce nouvel<br />

univers non-mixte ; l’unique non-mixité acceptée<br />

par la société.<br />

Queer<br />

La diversité est dans notre nature<br />

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CINÉMA<br />

Les mémoires<br />

du roi du trash<br />

Comme il le prouve avec l’esprit qu’on<br />

lui connaît dans son dernier livre, John<br />

Waters n’a pas dit son dernier mot. Un<br />

régal à lire d’une traite.<br />

Par<br />

Alexandre<br />

Lanz<br />

Il vient de fêter ses 75 ans et il est toujours autant<br />

punk. Signe des célébrités Alpha, telles celles d’Anna<br />

Wintour ou Andy Warhol, sa silhouette est déclinable<br />

en figurines Playmobil ou Lego. Lui, c’est sa<br />

fine moustache crayonnée à l’eyeliner qui l’a hissé<br />

au rang d’icône du style. Sa réputation, il la doit à son<br />

talent, son flair, à son empreinte indélébile sur le cinéma<br />

underground américain. John Waters, c’est le<br />

maître en farces et attrapes trash. « Pour comprendre<br />

le mauvais goût, il faut vraiment avoir bon goût », ditil.<br />

Si son anniversaire n’avait pas été rappelé sur les<br />

médias sociaux le 22 avril, on oublierait facilement<br />

qu’il a très largement atteint l’âge de la retraite, du<br />

moins pour le commun des mortel·le·x·s. Au fond de<br />

son regard, la petite flamme du goût de la provocation<br />

est toujours aussi ardente. On le sait, avec lui<br />

on n’est ja<strong>mai</strong>s à l’abri d’un petit scandale hilarant.<br />

Dans son dernier livre M. Je-Sais-Tout :<br />

Conseils impurs d’un vieux dégueulasse, récemment<br />

(remarquablement bien) traduit en<br />

français par Laure Manceau, il livre ses mémoires<br />

depuis ses débuts. Comme on peut<br />

s’y attendre venant de lui, le récit est truffé<br />

d’anecdotes à mourir de rire et de drames.<br />

Il se souvient avec émotion de la mort de<br />

la drag queen Divine, son actrice fétiche,<br />

à 42 ans. À peine trois se<strong>mai</strong>nes plus tôt,<br />

leur dernier film ensemble Hairspray (1988)<br />

sortait en salles. Il allait également être le<br />

premier véritable succès de John Waters<br />

au cinéma, le film qui allait le sortir de l’underground<br />

pour l’inscrire dans un genre un<br />

peu plus <strong>mai</strong>nstream. Non sans rappeler<br />

Armistead Maupin et ses Chroniques de<br />

San Francisco traversant les décennies,<br />

John Waters est conscient de l’époque<br />

dans laquelle il vit, encline à la déconstruction<br />

des réflexes patriarcaux, il fait des parallèles<br />

très pertinents entre la jeunesse<br />

actuelle et sa propre jeunesse à Baltimore.<br />

Et donne au passage des conseils à celles<br />

et ceux qui rêvent d’une carrière au cinéma.<br />

Souvent éclipsée par sa forte personnalité, sa filmographie<br />

est pourtant colossale. Cry Baby (1990), qui<br />

allait paver le passage de Johnny Depp du petit au<br />

grand écran, c’est lui. Il y en a beaucoup d’autres, notamment<br />

Serial Mother (1994) avec Kathleen Turner<br />

dans le rôle de la maman modèle Beverly et sa personnalité<br />

trouble. Avant ces films au succès aléatoire,<br />

le cinéaste a forgé son aura sulfureuse avec<br />

des productions indépendantes sorties dans la plus<br />

grande indifférence dans les années 70 et devenues<br />

cultes par la suite. Parmi celles-ci, on retrouve Pink<br />

Flamingos (1972) dans lequel Divine clôt le spectacle<br />

en mangeant un caca de chien, puis Female Trouble<br />

(1974), toujours avec Divine dans la peau de Dawn<br />

Davenport et enfin Polyester (1981), sa première<br />

« grosse production » accompagnée de sa célèbre<br />

carte à gratter ODORAMA pour offrir au public une<br />

expérience sensorielle complète. Il raconte comment<br />

est née l’idée dans le livre : « Si vous voyez le nom de<br />

Waters à l’affiche, changez de trottoir et bouchez-vous<br />

le nez. » En lisant cette phrase incendiaire d’un critique<br />

du New York Post, le cinéaste s’est mis en tête de la<br />

mettre en pratique. Un film qui pue ? Il n’en fallut pas<br />

moins au cinéaste pour inventer le cinéma odorant !<br />

M. Je-Sais-Tout : Conseils impurs<br />

d'un vieux dégueulasse, John<br />

Waters<br />

Actes Sud Editions<br />

<strong>2021</strong>, 364 pages<br />

N 203<br />

CULTURE 39

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