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DÉVELOPPEMENT<br />

SORTIR RENFORCÉ<br />

DE LA CRISE<br />

CAPITALE<br />

DAKAR<br />

VISE L’AVENIR<br />

OLYMPISME<br />

À QUATRE ANS<br />

DES JOJ<br />

Travel Guide<br />

BUZZ, SPOTS<br />

ET BONNES<br />

ADRESSES<br />

Un hors-série<br />

FÉVRIER 2022<br />

L 13978 - 14 H - F: 5,90 € - RD<br />

SÉNÉGAL<br />

UN VOYAGE DE 156 PAGES AU PAYS<br />

DES LIONS DE LA TERANGA : ENJEUX, POUVOIRS,<br />

BUSINESS, CULTURE, ARTS, LIFESTYLE…<br />

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 €<br />

Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $<br />

Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />

Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0


2022<br />

L’ innovation<br />

se poursuit<br />

« À l’aube de cette nouvelle année, l’ensemble de l’équipe<br />

de Expresso Business se joint à moi<br />

pour vous souhaiter nos meilleurs vœux.<br />

Puisse 2022 être l’année de la résilience, de l’impact et de<br />

l’utile.<br />

Plus d’impact orienté vers vos entreprises<br />

Un impact centré sur le soutien à la compétitivité de vos<br />

entreprises avec des offres spécifiques.<br />

Nous démarrons 2022 avec des offres attractives, des<br />

terminaux robustes, des solutions innovantes, des liaisons<br />

spécialisées à une vitesse grand V, un réseau mobile de<br />

plus en plus performant.<br />

Conscients des mutations de nos sociétés modernes, sachiez<br />

que nous sommes résolument tournés vers la transformation<br />

digitale pour une expérience client simplifiée.<br />

Cette année 2022 sera marquée, par cette double exigence<br />

d’innovation produits et de support client le long du<br />

parcours, le tout porté par une ambition d’être un levier de<br />

croissance pour les entreprises.<br />

Que 2022 soit l’année des succès et de la réalisation de tous<br />

vos projets. »<br />

Fatou Sow KANE,<br />

Directrice Commerciale Pôle Entreprise.


édito<br />

PAR ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

CH<strong>AM</strong>PION D’AFRIQUE !<br />

Le football a des vertus magiques. Le 6 février,<br />

dans la nuit chaude de Yaoundé, pour cette finale<br />

au bout du suspense, au bout des prolongations, au<br />

bout des tirs au but, Sadio Mané n’aura pas tremblé.<br />

Le Sénégal est champion d’Afrique de football ! Un<br />

moment unique de rédemption triomphante après<br />

les échecs douloureux du passé. La victoire fut belle<br />

et la fête fut énorme. Avec des millions de gens dans<br />

les rues de Dakar, des autres villes et des villages, des<br />

éclats de joie dans toutes les diasporas à travers le<br />

monde. Comme s’il fallait se retrouver uni, autour de<br />

cette nouvelle « sénégalité » nationale, marquée par<br />

la victoire. Comme si les Sénégalais avaient besoin<br />

d’« être ensemble ». Comme pour dépasser, juste un<br />

temps, juste un moment, les tensions et les déchirements<br />

de la scène politique, les débats électoraux.<br />

Comme aussi pour souligner les nouvelles ambitions<br />

d’une nation souvent montrée en exemple, mais dont<br />

le dynamisme économique et l’émergence semblaient<br />

comme contraints, freinés, en attente.<br />

La symbolique du foot, celle des Lions de la<br />

Teranga, et la réalité se rejoignent. Après de très<br />

longues années de croissance en dents de scie, le<br />

Sénégal s’est engagé depuis 2012 dans une politique<br />

d’investissements, de grands travaux, de réformes pour<br />

se montrer plus compétitif. Le secteur privé est appelé<br />

à croître et à y croire. L’objectif est d’aller plus vite, plus<br />

loin et se poser enfin comme l’un des champions du<br />

continent, un hub incontournable. Les chemins de<br />

cette émergence sont exigeants. Nous sommes ici<br />

dans l’une des économies les plus dynamiques du<br />

monde sur le plan de la croissance, mais l’on vient<br />

de loin. La 21 e du continent et la 4 e de la sous-région<br />

ouest-africaine, après le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le<br />

Ghana, doit se moderniser à marche forcée. C’est le<br />

rôle du Plan Sénégal Emergent. Et c’est la ligne directrice<br />

du président Macky Sall, élu en 2012 et réélu en<br />

2019. Il faut gérer de front tous les sujets : compétitivité,<br />

croissance, exportations, équipements, changements<br />

climatiques, développement durable, inclusion<br />

sociale, protection des plus modestes… Le Sénégal<br />

aura aussi subi de plein fouet la crise du Covid-19, cette<br />

disruption stupéfiante à l’échelle planétaire, l’impact<br />

sanitaire et social, la fermeture des frontières, le tarissement<br />

des échanges et des financements. Dans cette<br />

période particulièrement difficile, douloureuse, le pays<br />

a su se montrer résilient. Et aussi innovateur. L’une des<br />

premières usines de vaccins d’Afrique francophone<br />

ouvrira dans les mois à venir à Dakar. Et symbole d’une<br />

ambition à plus long terme, en 2026 devraient se tenir<br />

à Dakar les 4 es Jeux olympiques de la jeunesse, une<br />

première historique pour le continent !<br />

Tout se retrouve. Le Sénégal, c’est aussi cette<br />

formidable vivacité culturelle, littéraire, musicale, cette<br />

« empreinte » qui va loin, celle d’un véritable soft power<br />

quasiment inégalé en Afrique. C’est la terre des contradictions<br />

créatives entre la tradition et le changement,<br />

celle de sociétés civiles actives, d’une jeunesse engagée<br />

et revendicative.<br />

Ce numéro d’Ensuite, collection de horsséries<br />

d’Afrique Magazine, vous emmène donc à<br />

Dakar et au-delà, à la rencontre d’un pays ambitieux,<br />

en mouvement. À la découverte de cette nation complexe,<br />

multiple, sahélienne, et déjà ouverte sur les tropiques,<br />

à la fois orientée vers le cœur du continent et<br />

vers le grand large de l’Atlantique, marquée par l’histoire<br />

tragique de la traite négrière, celle des révoltés du<br />

camp Thiaroye et des poèmes de Senghor, de ce Sénégal<br />

tout à la fois mystique, religieux et laïc. Ensuite s’intéresse<br />

au monde qui vient, à ce qui change, à ce qui<br />

évolue, à ces frontières de l’émergence, où se jouent<br />

une grande partie de l’avenir de l’humanité. Chaque<br />

parution se dirige vers une ville, un pays, ou s’empare<br />

d’un thème, qui incarne les défis auxquels nous faisons<br />

face, les changements que nous devons comprendre<br />

et les opportunités auxquelles nous pouvons prétendre.<br />

Le Sénégal se trouve sur ces lignes de crête.<br />

Bon voyage ! ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 3


France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 €<br />

Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $<br />

Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />

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SÉNÉGAL<br />

DÉVELOPPEMENT<br />

SORTIR RENFORCÉ<br />

DE LA CRISE<br />

L 13978 - 14 H - F: 5,90 € - RD<br />

CAPITALE<br />

DAKAR<br />

VISE L’AVENIR<br />

OLYMPISME<br />

À QUATRE ANS<br />

DES JOJ<br />

Un hors-série<br />

Travel Guide<br />

BUZZ, SPOTS<br />

ET BONNES<br />

ADRESSES<br />

SÉNÉGAL<br />

UN VOYAGE DE 156 PAGES AU PAYS<br />

DES LIONS DE LA TERANGA : ENJEUX, POUVOIRS,<br />

BUSINESS, CULTURE, ARTS, LIFESTYLE…<br />

NEW <strong>AM</strong><strong>HS</strong> Couv.indd 1 09/02/2022 19:22<br />

PHOTO DE COUVERTURE :<br />

ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

FÉVRIER 2022<br />

P.22<br />

FÉVRIER 2022 Un hors-série<br />

3 ÉDITO<br />

Champion d’Afrique<br />

par Zyad Limam<br />

6 ZOOM<br />

DES GRANDS ANGLES<br />

ET DES IMAGES<br />

POUR VOUS RACONTER<br />

par Zyad Limam<br />

14 COMPRENDRE<br />

TENDANCES, CHIFFRES<br />

ET ÉVOLUTIONS<br />

par Zyad Limam<br />

22 MELTING-POT<br />

LES GENS, LES LIEUX,<br />

LES SONS ET LES COULEURS<br />

Mohamed Mbougar Sarr,<br />

Goncourt du pays sérère<br />

130 PORTFOLIO<br />

L’art du portrait<br />

par Alexandra Fisch<br />

154 POUR CONCLURE<br />

Nangadef !<br />

par Emmanuelle Pontié<br />

P.38<br />

P.74<br />

TEMPS FORTS<br />

38 Sortir renforcé de la crise<br />

par Jean-Michel Meyer<br />

46 Abdou Karim Fofana :<br />

« L’industrialisation se trouve<br />

au cœur de nos ambitions »<br />

propos recueillis<br />

par Emmanuelle Pontié<br />

52 Dakar vise l’avenir<br />

par Jérémie Vaudaux<br />

60 Baïdy Agne :<br />

« Lorsque les entreprises<br />

s’unissent, tout est possible »<br />

propos recueillis<br />

par Zyad Limam<br />

66 Sahid Yallou :<br />

« Vous pouvez investir<br />

en toute confiance »<br />

propos recueillis<br />

par Jérémie Vaudaux<br />

70 Moustapha Sow :<br />

« L’heure de l’aide<br />

au développement<br />

est révolue ! »<br />

propos recueillis<br />

par Emmanuelle Pontié<br />

74 À l’épreuve de la donne<br />

climatique<br />

par Djiby Sambou<br />

80 Dakar s’échauffe<br />

à quatre ans des JOJ<br />

par Jérémie Vaudaux<br />

86 Mamadou Diagna Ndiaye :<br />

« Les JOJ donneront à voir<br />

la richesse et la diversité<br />

de l’Afrique »<br />

propos recueillis<br />

par Zyad Limam<br />

<strong>AM</strong>ANDA ROUGIER - SYLVAIN CHERKAOUI POUR JEUNE AFRIQUE - SYLVAIN CHERKAOUI/GCCA+/EU 2018<br />

4 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


FONDÉ EN 1983 (38 e ANNÉE)<br />

31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE<br />

Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93<br />

redaction@afriquemagazine.com<br />

XINHUA/LI MING/ABACAPRESS.COM - SADAK SOUICI - EL JUNIO - STEPHAN GLADIEU/FIGAROPHOTO.COM<br />

P.90<br />

90 L’âge des rêves<br />

et de l’action<br />

par Estelle Ndjandjo<br />

98 Pour un voyage<br />

new-look<br />

par Jérémie Vaudaux<br />

102 Samir Rahal :<br />

« Nous avons tout ce<br />

qu’il faut pour réussir »<br />

propos recueillis<br />

par Emmanuelle Pontié<br />

104 La belle musique<br />

de Saint-Louis<br />

par Olivia Marsaud<br />

110 Jean-Pierre<br />

Langellier :<br />

« La qualité<br />

du débat<br />

démocratique<br />

au Sénégal<br />

doit beaucoup<br />

à Senghor »<br />

propos recueillis<br />

par Cédric Gouverneur<br />

116 Le flow des dames<br />

par Sophie Rosemont<br />

120 Felwine Sarr :<br />

« Il faut sortir<br />

la francophonie<br />

de son carcan<br />

institutionnel »<br />

propos recueillis<br />

par Astrid Krivian<br />

124 Sénégal design<br />

par Luisa Nannipieri<br />

137 LE TRAVELER GUIDE<br />

LE VOYAGE, LES SPOTS,<br />

LES GENS !<br />

par les voyageurs<br />

de la rédaction<br />

P.124<br />

P.80<br />

P.104<br />

ANNONCEURS<br />

Expresso p. 2 – APIX p. 20-21 - CBAO p. 27 - Ellipse Projects p. 36-37 - Port Autonome de Dakar p. 58-59 - Plan<br />

Sénégal Emergent p. 72-73 – CSE p. 85 – Senegal Supply Base p. 96-97 – Ageroute p. 136 - Ecobank p. 155 - Port<br />

Autonome de Dakar p. 156.<br />

Zyad Limam<br />

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION<br />

zlimam@afriquemagazine.com<br />

Assisté de Laurence Limousin<br />

llimousin@afriquemagazine.com<br />

RÉDACTION<br />

Emmanuelle Pontié<br />

DIRECTRICE ADJOINTE<br />

DE LA RÉDACTION<br />

epontie@afriquemagazine.com<br />

Isabella Meomartini<br />

DIRECTRICE ARTISTIQUE<br />

imeomartini@afriquemagazine.com<br />

Jessica Binois<br />

PREMIÈRE SECRÉTAIRE<br />

DE RÉDACTION<br />

sr@afriquemagazine.com<br />

Amanda Rougier PHOTO<br />

arougier@afriquemagazine.com<br />

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO<br />

Alexandra Fisch, Virginie Gazon, Cédric<br />

Gouverneur, François Guibert, Astrid<br />

Krivian, Jean-Michel Meyer, Luisa<br />

Nannipieri, Estelle Ndjandjo, Olivia<br />

Marsaud, Sophie Rosemont, Djiby<br />

Sambou, Jérémie Vaudaux.<br />

VENTES<br />

EXPORT Laurent Boin<br />

TÉL. : (33) 6 87 31 88 65<br />

FRANCE Destination Media<br />

66, rue des Cévennes - 75015 Paris<br />

TÉL. : (33) 1 56 82 12 00<br />

ABONNEMENTS<br />

Com&Com/Afrique Magazine<br />

18-20, av. Édouard-Herriot<br />

92350 Le Plessis-Robinson<br />

Tél. : (33) 1 40 94 22 22<br />

Fax : (33) 1 40 94 22 32<br />

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COMMUNICATION ET PUBLICITÉ<br />

regie@afriquemagazine.com<br />

<strong>AM</strong> International<br />

31, rue Poussin - 75016 Paris<br />

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AFRIQUE MAGAZINE<br />

EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR<br />

31, rue Poussin - 75016 Paris.<br />

SAS au capital de 768 200 euros.<br />

PRÉSIDENT : Zyad Limam.<br />

Compogravure : Open Graphic<br />

Média, Bagnolet.<br />

Imprimeur : Léonce Deprez, ZI,<br />

Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.<br />

Commission paritaire : 0224 D 85602.<br />

Dépôt légal : février 2022.<br />

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos<br />

reçus. Les indications de marque et les adresses figurant<br />

dans les pages rédactionnelles sont données à titre<br />

d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction,<br />

même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique<br />

Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction.<br />

© Afrique Magazine 2022.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 5


ZOOM<br />

Des grands-angles et des images pour vous raconter<br />

présenté par Zyad Limam<br />

6 AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019


UNE PERSPECTIVE VERS LE FUTUR<br />

ELLE EST CONSUBSTANTIELLE À DAKAR, cette fameuse<br />

corniche, bordée par l’océan Atlantique, chaussée spectaculaire,<br />

parfois chaotique, souvent encombrée, objet des convoitises<br />

immobilières et champ de lutte avec associations de riverains<br />

et protecteurs de la nature. La corniche, c’est aussi un<br />

renouvellement permanent. Le nouveau projet prévoit une<br />

réhabilitation sur plus de 9 kilomètres, avec une remise à niveau<br />

des équipements sportifs, du marché de Soumbédioune, la<br />

revégétalisation de l’ensemble, la lutte contre l’érosion. Et face<br />

à la fameuse Université Cheikh Anta Diop, un forum tout<br />

à la fois symbolique et efficace qui pourra accueillir près de<br />

200 étudiants par jour, et même une fois le soleil couché. ■<br />

DR<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019 7


ZOOM<br />

CH<strong>AM</strong>PIONS AU BOUT DE LA NUIT<br />

FINALE DE LA COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS, à Yaoundé, 6 février 2022.<br />

Un ultime tir au but, tout en puissance, pour crucifier l’infranchissable<br />

gardien égyptien. Sadio Mané, capitaine triomphant des Lions de la<br />

Teranga, n’a pas tremblé, portant son équipe au sommet du football<br />

africain. Une enthousiasmante revanche après l’échec de 2002 et celui de<br />

2019. Le Sénégal s’est libéré d’une ombre envahissante, celle d’une équipe<br />

de toutes les promesses, qui rentre sans trophée. Ce fut donc une fête<br />

magnifique pour tout un pays, et pour toutes les diasporas disséminées<br />

aux quatre coins du monde, soudées dans ce moment de gloire. ■<br />

8 AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019


MOH<strong>AM</strong>ED ABD EL GHANY/FILE PHOTO/REUTERS<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019 9


AU CŒUR DE TOUBA, SIX MINARETS<br />

S’ÉLÈVENT VERS LE CIEL<br />

ICI, À TOUBA, résonnent toujours les mots de Cheikh Ahmadou<br />

Bamba, fondateur de la confrérie mouride, à la fin du xix e siècle.<br />

Particulièrement implanté au Sénégal et en Gambie, le mouridisme<br />

ne cache pas sa forte influence sur la vie sociale, économique et<br />

religieuse. Incarnation de ce rayonnement, la Grande Mosquée,<br />

l’une des plus vastes d’Afrique, dont les minarets peuvent se voir à des<br />

kilomètres de la ville. La construction, décidée en 1926 par le premier<br />

fils d’Ahmadou Bamba, fut épique, entre crise économique mondiale,<br />

manœuvres coloniales françaises et Seconde Guerre mondiale.<br />

Le voyage de Touba est à faire à l’occasion du grand Magal, stupéfiante<br />

fête religieuse qui peut rassembler près de 3 millions de pèlerins. ■<br />

10 AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019


PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019 11


ZOOM<br />

OUSMANE SOW ET LES SIENS<br />

IL N’IMAGINAIT PAS SCULPTER AILLEURS qu’au Sénégal.<br />

Il travaillait sur des armatures de fer, en utilisant une alchimie<br />

quasi secrète de matières, donnant vie à des personnages<br />

à la fois monumentaux et fragiles. Ousmane Sow nous a quittés<br />

le 1 er décembre 2016 et reste probablement le plus grand artiste<br />

contemporain du pays. Lui et une multitude d’autres talents<br />

incarnent une étonnante modernité artistique, un foisonnement<br />

et une rare liberté créative qui fait souvent contrepoids au<br />

conservatisme social. Une dualité tout à fait sénégalaise. ■<br />

12 AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019


Sculptures faisant partie de<br />

la série « Peul » (1993) : de gauche<br />

à droit, Scène de jeu amoureux,<br />

L'Adolescent et le bélier, Scène<br />

familiale, Scène de tressage<br />

et Scène du sacrifice.<br />

BÉATRICE SOULÉ/ROGER-VIOLLET<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2019 13


COMPRENDRE<br />

Tendances, chiffres et évolutions<br />

par Zyad Limam<br />

Politique<br />

Macky Sall<br />

au centre<br />

du jeu<br />

CE N’EST PAS SIMPLE, c’est le moins que l’on puisse dire, les débats sont souvent vifs, excessifs,<br />

la tension sociale accentue les clivages et l’opportunisme de certains, la presse ne ménage<br />

personne, et souvent le fond cède la place au « verbe » et à la forme. Mais le Sénégal reste une<br />

démocratie, même en construction. Un exemple dans une région où les reculs sont frappants.<br />

Un pays où les élections ont encore du sens. Comme celles toutes récentes, municipales et<br />

départementales, qui ont eu lieu le dimanche 23 janvier. Et qui ont souligné la vigueur des<br />

oppositions, le caractère frondeur des grandes villes, comme Dakar et Ziguinchor, dont le<br />

premier édile est désormais Ousmane Sonko, ténor de l’opposition, pressenti pour être l’un<br />

des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2024. Macky Sall sait que le chemin<br />

est ardu, avec comme prochaine étape des élections législatives en juillet 2022.<br />

L’enfant de Fatick, né le 11 décembre 1961 dans une grande famille du Fouta-Toro (région<br />

de l'extrême nord et nord-est), élu président une première fois en 2012 contre le supposé<br />

indéboulonnable Abdoulaye Wade, va vite prendre ses marques dans une société politique<br />

particulièrement compétitive et imposer son autorité. Macky Sall est un « omniprésident »,<br />

impliqué dans tous les dossiers, avec un agenda chargé du matin au soir. Il suit avec attention<br />

les projets qui lui tiennent à cœur, et ceux qui le côtoient dans le travail retrouvent le<br />

sens du détail propre à sa formation d’ingénieur géologue. Les ministres sont « marqués »<br />

de près, et tout ce qui compte ou presque remonte vers un arbitrage présidentiel. Il navigue<br />

avec habileté dans les différents Sénégal, à l’aise à l’intérieur du pays, attaché aux traditions,<br />

au confrérisme, à la culture religieuse, tout en étant décidé, dans une forme de « en même<br />

temps », à réformer le pays, à le moderniser vraiment sur le plan économique. Macky Sall<br />

aime la politique, le contact, il ne craint pas le rapport de force. Mais il veut être avant tout<br />

le président de l’émergence.<br />

Il prend le temps d’« écouter » une scène en constante évolution, mais on sent un chef de<br />

l’exécutif dans une forme d’urgence, urgence de faire avancer les réformes, les projets, de<br />

contrôler l’avancement, de conclure les travaux, d’aller plus vite dans la mise en place des<br />

infrastructures, des réalisations, dans la concrétisation des promesses. Il faut que ça bouge<br />

dans un pays où les résistances peuvent être multiples. Et le président est jeune. Il aura 62 ans<br />

en 2024 à l’échéance de son mandat, on ne sent pas une personnalité usée par le pouvoir,<br />

bien au contraire.<br />

Il y a bien sûr le débat sur le possible troisième mandat présidentiel qui agite la classe<br />

politique. Macky Sall réserve sa décision, tout en soulignant, malgré les vives oppositions,<br />

que le droit lui ouvre cette possibilité (avec la mise en place de la réforme constitutionnelle<br />

de 2016). Et tout en martelant que le moment n’est pas venu, que la priorité, c’est le travail.<br />

Macky Sall connaît son pays, mesure l’importance de cette décision. Trop tôt ou trop tard, et<br />

tout peut basculer. Trop tôt ou trop tard, et la substance de son pouvoir pourrait lui échapper<br />

au profit d’une classe politique où les ambitions ne manquent pas. Il mesure aussi son<br />

influence sur la scène internationale, de Paris à Washington, il sait qu’il fait partie des éléments<br />

clés, stabilisateurs d’une région aux prises avec la menace djihadiste et la résurgence<br />

des coups d’État. Le mandat qui s’ouvre à la présidence de l’Union africaine (UA) lui permettra<br />

de s’investir à l’échelle continentale, de prendre du champ. Et le poste de Premier ministre<br />

supprimé au lendemain de l’élection présidentielle de 2019, devrait être très bientôt rétabli.<br />

L’échéance est dans un peu plus de deux ans, Macky Sall prend son temps, les transitions et<br />

les successions sont toujours complexes, et la décision sera historique. En attendant, il restera<br />

fermement au centre du jeu, chef d’État et chef politique.<br />

14 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Le président<br />

de la République,<br />

à Dakar.<br />

YOURI LENQUETTE POUR JEUNE AFRIQUE<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 15


COMPRENDRE<br />

Diplomatie<br />

Un mandat<br />

au service<br />

de l’Afrique<br />

EN PRENANT SON MANDAT à la tête de l’Union africaine (UA), Macky Sall hérite de multiples<br />

dossiers particulièrement brûlants. Coups d’État au Mali, au Burkina Faso, en Guinée,<br />

transition dynastique au Tchad, crise des processus démocratiques, menaces terroristes au<br />

Sahel, crise sanitaire et économique liée au Covid-19… L’organisation panafricaine ne peut<br />

pas faire de miracle. Mais la présidence annuelle reste pourtant une précieuse occasion<br />

de porter un message fort, de tracer des lignes directrices. D’« énergiser » et de rassembler<br />

l’Afrique à un moment particulièrement critique. Macky Sall se prépare depuis des mois<br />

à cette quatrième présidence sénégalaise de l’UA. L’Éthiopie, pays hôte de l’Union, géant<br />

multiethnique, champion de la croissance, est confrontée à une crise véritablement existentielle.<br />

Et la tenue d’un sommet à Addis-Abeba semble encore incertaine au moment où ces<br />

lignes sont écrites. Sommet menacé également par les nouvelles vagues de Covid-19, et le<br />

variant à haute transmission Omicron. La vaccination du continent reste un enjeu majeur,<br />

et il faudra certainement une voix déterminée pour souligner l’égoïsme des pays riches qui<br />

accumulent les doses, alors que 10 % de la population africaine seulement est entièrement<br />

vaccinée. La souveraineté vaccinale du continent s’impose comme une priorité. Dans cette<br />

affaire du siècle, le Sénégal est en avance. À Dakar, l’Institut Pasteur doit commencer d’ici<br />

fin 2022 une production locale avec un objectif de 300 millions de doses. Derrière la crise<br />

sanitaire se profile aussi l’urgence d’une relance économique massive pour une Afrique<br />

frappée de plein fouet. L’Afrique aura fait la preuve d’une relative résilience sanitaire, mais<br />

elle aura connu la pire crise économique depuis un demi-siècle. Pour Macky Sall, l’enjeu est<br />

réel. Il faudra pousser les pays riches, qui croulent sous les liquidités, à transformer leurs<br />

promesses en apports réels.<br />

Cette question d’une plus grande justice pour le continent pourrait également motiver<br />

le président sur un dossier qui lui tient particulièrement à cœur : la représentation de<br />

l’Afrique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Depuis des années, elle demande<br />

deux sièges de membres permanents, représentatifs de sa population. Il est temps que ce<br />

dossier bouge.<br />

Influences<br />

Un soft power<br />

à la recherche<br />

de son nouvel<br />

équilibre<br />

L’IMAGE, LA PERCEPTION, la résonance Sénégal dépasse largement ses frontières. Le monde<br />

entier ou presque connaît le nom de Sénégal, le pays de l’île de Gorée et de sa maison des<br />

esclaves, le pays africain d’une démocratie relative mais durable, le pays de Léopold Sédar<br />

Senghor, incarnation du mouvement de la négritude. Le pays de Saint-Louis aussi, ville des<br />

confins du Nord, tout aussi puissante dans l’imaginaire que Dakar, le pays de l’aéropostale<br />

et des tirailleurs sénégalais, le pays de la tragédie de Thiaroye, presque fondatrice des<br />

premiers mouvements anticolonialistes. Le pays aussi de cette étonnante mixité religieuse,<br />

où se croisent islam et chrétienté, syncrétisme et confrérie. Ce pays d’Afrique, phare de la<br />

francophonie, où pourtant l’on parle plus souvent wolof que français. C’est le pays du Paris-<br />

Dakar, le vrai et le seul, avec l’arrivée sur le lac Rose. C’est le pays du mbalax, la première<br />

des musiques globales africaines, le pays de Youssou N’Dour. Le pays de l’immense Ousmane<br />

Sow, sculpteur de la matière aux secrets inviolés. Le pays d’une nouvelle génération d’artistes,<br />

de musiciens, de photographes, de peintres, d’écrivains, comme le tout récent prix Goncourt,<br />

Mohamed Mbougar Sarr, qui tentent tous de fusionner tradition et audace contemporaine.<br />

Le pays aussi d’une diaspora impliquée, soucieuse du retour permanent.<br />

Ces fulgurances, cette diversité, cette profondeur sont souvent remises en question par<br />

les conservatismes, le poids des traditions et des dogmes religieux. Le Sénégal est encore<br />

dual, mais la lutte pour son centre de gravité est réelle, sans concession.<br />

16 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Macky Sall a pris<br />

la tête de l’Union<br />

africaine le 5 février,<br />

pour un an. Ici, le siège<br />

de l'organisation,<br />

à Addis-Abeba,<br />

en Éthiopie.<br />

TIKSA NEGERI/REUTERS<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 17


COMPRENDRE<br />

Trajectoire<br />

Le défi de la<br />

croissance et<br />

de l’inclusivité<br />

ENTRE 2014 ET 2019, le Sénégal a enregistré une croissance annuelle supérieure à 6 %.<br />

L’arrivée au pouvoir de Macky Sall en 2012 aura enclenché un véritable processus d’ambition<br />

économique après de longues années de performances en dents de scie, soumises<br />

aux aléas de la climatologie et des cours de l’arachide. Avec la mise en place du Plan<br />

Sénégal Emergent (PSE), le pays se dote dès la fin 2012 d’une vision à long terme. Avec<br />

des projets novateurs dans le domaine des infrastructures, des services, des transports,<br />

de l’agriculture… Objectif : accéder au statut d’économie émergente d’ici 2035. Les jeunes<br />

entrepreneurs, femmes et hommes, bousculent l’ordre établi et se montrent audacieux dans<br />

des secteurs d’innovation comme la tech ou les télécommunications. Pour le Sénégal, le<br />

positionnement affiché est de s’imposer comme le hub principal de l’Afrique de l’Ouest. Un<br />

véritable changement de paradigme.<br />

La pandémie de Covid a donné un coup de frein brutal à ce cycle prometteur. Elle a<br />

souligné aussi les faiblesses structurelles du pays. Avec un PIB global de 25 milliards de<br />

dollars et un revenu par habitant de 1 500 dollars par an, l’économie demeure contrainte<br />

par la pauvreté. La crise sanitaire est venue assécher les capacités budgétaires de l’État, les<br />

ressources du tourisme, et impacter frontalement le secteur informel. Les événements de<br />

mars 2011 ont montré à quel point la rue pouvait être réactive à ce cocktail détonnant de<br />

précarité économique et de discours populistes d’une partie de l’opposition.<br />

Le pays a su se mobiliser autour du programme de résilience économique et sociale et<br />

d’une réorientation des objectifs du PSE vers des secteurs plus inclusifs de l’économie. La<br />

sortie de crise s’organise : 2022 devrait être une année de reprise de la croissance. L’espoir<br />

à plus long terme est réel, à condition que le rythme des réformes, l’impératif d’inclusivité<br />

et la stabilité politique restent les clés de ce nouveau modèle sénégalais.<br />

Dynamique<br />

Un pays<br />

jeune<br />

aujourd’hui<br />

et demain<br />

PRÈS DE 54 % DE LA POPULATION A MOINS DE 19 ANS (et plus de 40 % moins de 14 ans).<br />

Les taux de fécondité restent élevés (avec toujours 4 à 5 enfants par femme) dans un pays<br />

où la limitation des naissances et le débat sur la contraception restent des tabous puissants.<br />

En 2030, le Sénégal pourrait compter plus de 22 millions d’habitants (dont l’âge médian sera<br />

d’un peu plus de 20 ans). Et atteindre les 35 millions d’habitants en 2050. Cette jeunesse est<br />

à la fois une formidable opportunité, une source de créativité, d’énergie, la possibilité aussi<br />

de développement d’un marché intérieur plus dynamique [voir pp. 90-95]. Ils et elles croient<br />

en l’avenir, ont confiance, selon des études récentes. Mais cette jeunesse, c’est aussi une formidable<br />

pression sur l’appareil social et politique. Il faut former et éduquer ces centaines de<br />

milliers d’enfants, créer les emplois nécessaires, aménager les règles sociales sur les relations<br />

amoureuses, le mariage, mettre fin au « grand frérisme » dans les sphères publique et privée,<br />

favoriser l’autonomie. Leur (re)donner confiance dans le système politique, les faire adhérer<br />

durablement au processus démocratique. Et les éloigner des tentations mortifères, celle de la<br />

violence ou de l’exil, quel que soit le danger. Pour le Sénégal, comme pour l’Afrique, l’enjeu<br />

de la jeunesse est essentiel. Sans emplois, sans perspectives, sans enthousiasme, le risque<br />

de dérapage social est immense.<br />

C’est dans ce pays intrinsèquement jeune qu’auront lieu, en 2026, les 4 es Jeux olympiques<br />

de la jeunesse (JOJ) [voir pp. 80-89]. Une première historique et olympique pour l’Afrique.<br />

Un symbole pour le Sénégal. Un véritable défi logistique, financier, humain également. Le<br />

défi aussi justement de mobiliser autour de cet événement hors norme. Il reste quatre ans<br />

pour que la fête commence et qu’elle soit réussie. ■<br />

18 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Le futur stade de Diamniadio<br />

accueillera les Jeux olympiques<br />

de la jeunesse de 2026.<br />

DR<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 19


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MELTING-POT<br />

Les gens, les lieux, les sons et les couleurs<br />

<strong>AM</strong>ANDA ROUGIER<br />

22 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


PHÉNOMÈNE<br />

Mohamed<br />

Mbougar Sarr<br />

GONCOURT<br />

DU PAYS SÉRÈRE<br />

Le romancier de 31 ans, à la discipline d’ascète, a obtenu, en novembre<br />

2021, la PLUS PRESTIGIEUSE DISTINCTION LITTÉRAIRE française.<br />

Portrait intime signé Elgas, un autre jeune talent de la scène sénégalaise.<br />

DR<br />

PARIS, quartier des Grands Boulevards, le 3 novembre 2021,<br />

19 heures. Dans ce bar-restaurant de la rue Rougemont,<br />

à quelques pas du siège de l’éditeur Philippe Rey, la fête<br />

commence. On y attend dans l’effervescence l’homme du jour.<br />

L’émotion est palpable, la joie contagieuse. Domine plus encore<br />

le sentiment de vivre une soirée déjà historique. Ne manque<br />

que le bouquet final : l’homme lui-même, happé, pour l’heure,<br />

par le tourbillon médiatique. C’est d’abord le plateau du Journal<br />

de 20 h, La Grande Librairie en direct ensuite, après l’après-midi<br />

au restaurant Drouant. Amis, proches, collègues du Paris<br />

littéraire, tous sont là pour le féliciter. Vers 22 heures, il arrive,<br />

sous les vivats. Sa silhouette longiligne domine l’assistance.<br />

Embrassades, accolades, mercis en rafales, il improvise sur les<br />

marches un discours, où la pudeur émue le dispute à l’humilité.<br />

Une certaine candeur le sauve de la gloire ivre. Mohamed<br />

Mbougar Sarr vient, à 31 ans, d’accrocher le plus prestigieux<br />

prix littéraire français à son palmarès : le Goncourt.<br />

Toujours dans ce même quartier des Grands Boulevards.<br />

Cette fois, tout près du Rex. Un soir de juin 2012. Le décor<br />

est tout autre, l’ambiance moins survoltée. Dans ce petit bar<br />

où nous avons rendez-vous, c’est un post-adolescent timide,<br />

frêle, qui s’avance. La tête dans les nuages, le pas lent, l’allure<br />

rêveuse. Pourtant, déjà, derrière lui, une sacrée réputation.<br />

Meilleur élève du Sénégal en 2009, lauréat de plusieurs prix au<br />

Concours général – fabrique de la crème de la crème du pays –,<br />

plume remarquée de La Voix de l’étudiant, journal du Prytanée<br />

militaire de Saint-Louis, lycée d’excellence. Ce parcours<br />

prodigieux lui a ouvert les portes de la prépa du lycée Pierre<br />

d’Ailly, à Compiègne. Il y passera trois ans d’apprentissage,<br />

nouant des liens forts avec des professeurs d’exception,<br />

devenus mentors. Des honneurs, il en a à revendre, lui qui,<br />

pourtant, n’en fait jamais trop. L’écriture s’affirme comme sa<br />

vocation. Comme enseignant ou écrivain ? Le rêve est-il déjà là,<br />

silencieux ? Après un échec à l’École normale supérieure (ENS),<br />

c’est l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)<br />

qui l’accueille, et avec lui, Paris, ses mythes, ses mirages. Ce<br />

jour de 2012, dans ce café, la discussion roule sur Balzac, notre<br />

premier amour commun, l’un des premiers modèles du jeune<br />

Sérère. Chez lui, on dissèque, on commente, avec toujours<br />

l’exigence de la parure. Puis le football et l’Euro sont à l’ordre<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 23


MELTING-POT<br />

Il a été récompensé<br />

le 3 novembre dernier pour<br />

son roman La Plus Secrète<br />

Mémoire des hommes.<br />

du jour. Quand nous nous quittons, je gagne un camarade,<br />

mieux, un complice.<br />

Quelques centaines de textes lancés sur un blog – au titre<br />

repris de Victor Hugo, Choses revues –, et c’est la première<br />

grande folie du jeune homme : un manuscrit sur le djihadisme<br />

au Mali en 2013. Un coup d’essai et un coup de maître :<br />

Terre ceinte paraît à la fin de 2014 et conquiert le jury du<br />

prix Kourouma, bluffé par l’âge de l’auteur et l’épaisseur<br />

philosophique du texte. Il y fait dialoguer le Bien et le Mal, dans<br />

une ode à la résistance. Le propos est nuancé, mesuré, mature,<br />

et entre en écho avec l’actualité, en cette année du triomphe du<br />

film Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako. S’ensuivront d’autres<br />

récompenses (le prix du roman métis, celui de la<br />

Porte dorée, le prix Littérature-monde du festival<br />

Étonnants voyageurs…), pour quasiment tous<br />

ses livres. La toile de sa belle réputation se tisse<br />

sous des honneurs qui en appellent d’autres.<br />

Il est décoré par le président Macky Sall. Il suscite<br />

l’admiration et, fait plus rare, l’unanimité, sans<br />

jamais tomber dans la connivence ou la complaisance. Malgré<br />

cette besace pleine, le Paris littéraire le méconnaît. Il est encore<br />

dans le « ghetto ». Trois livres ne l’ont pas encore affranchi<br />

de son statut de promesse africaine ou francophone.<br />

Pour ce forgeron de l’écriture, ce n’est qu’une question de<br />

temps. Le talent est une donnée comme une autre chez lui, pas<br />

un privilège qui dispense de travailler. Seul, il est vain. Il faut<br />

donc lire, beaucoup, jusqu’à l’obsession, faire allégeance aux<br />

maîtres. Seulement après, peut-être, essayer de marcher sur<br />

leurs pas. L’écriture sera vie, malgré la précarité de la vocation<br />

et les angoisses alimentaires. Il s’y adonne corps et âme, en<br />

théoricien et en praticien. La thèse de doctorat qu’il commence<br />

sur trois livres de l’année symbolique de 1968 – Le Devoir de<br />

violence, du Malien Yambo Ouologuem, La Plaie, du Sénégalais<br />

Malick Fall, Les Soleils des indépendances, de l’Ivoirien Amadou<br />

Kourouma – attendra. Il finira par la suspendre, mais un<br />

tel corpus, celui de la désillusion, de la disparition, n’est pas<br />

anodin dans sa trajectoire. Étape décisive pour comprendre<br />

sa charpente littéraire et son rapport à la littérature africaine,<br />

Il suscite<br />

l’unanimité<br />

sans jamais<br />

tomber dans la<br />

complaisance.<br />

tant ces figures ont incarné à la fois la solitude, le retrait,<br />

la gloire la plus établie, mais aussi l’opprobre. C’est donc<br />

en lecteur qu’il se pose d’abord, en vrai lecteur qui tient les<br />

livres pour sacrés. Ce regard de chercheur sur son objet de<br />

cœur, cette immersion étofferont son regard et son approche.<br />

La lumière du vocatus ainsi allumée se fera de plus en plus<br />

vive au long de l’apprentissage. Silence du chœur (2017), son<br />

deuxième livre, séduit aussi en plein drame migratoire, ses<br />

héros siciliens confortent sa fibre humaniste. Il peaufine son<br />

style. Les rares critiques pointent une écriture « khâgneuse »,<br />

sage et gentiment classique, il leur tord le cou dans De purs<br />

hommes (2018), audacieuse confrontation avec le tabou<br />

ultime de la société sénégalaise : l’homosexualité. Il devance<br />

les critiques. S’arme contre les flèches à venir, immanquables,<br />

quand la gloire arrive et qu’elle suscite la malveillance. Ce<br />

n’est donc rien de moins qu’une rentrée littéraire dans laquelle<br />

il se lance en août 2021, donnant une saveur épique au défi.<br />

Se dépatouiller dans la forêt des 600 livres promis à l’oubli.<br />

Et ce, sans grand réseau derrière. Un pari fou, gagné haut<br />

la main. Avec une presse dithyrambique et des éloges, qui<br />

l’ont vu en bonne place sur les prix littéraires d’automne.<br />

Demeure, en trame de fond, cette candeur du refuge au pays<br />

de la littérature, malgré les urgences. Pour ce footballeur<br />

intermittent et doué, fan de Zidane, amateur de passements<br />

de jambes et de tacles fulgurants, bon vivant et rigolard,<br />

amoureux fou du mafé – moins du chou –, les rues de Paris sont<br />

autant de tableaux sociologiques, de livres, des<br />

sources ouvertes. Dandy sans le sou, il en a goûté<br />

les errances, souvent nocturnes et solitaires.<br />

Il les a pourtant embrassées, sans la folie propre<br />

des héros balzaciens, avec mesure, patience,<br />

en stratège, comme sûr que son heure était<br />

à l’horizon. Ses romans, son application d’ascète,<br />

lui ont pavé la voie à des rencontres fondatrices, mentors, amis,<br />

toujours séduits par son génie et sa personnalité. L’ancrage<br />

en pays sérère est un élément fondateur de son identité. Né<br />

en 1990, Mohamed Mbougar Sarr est l’aîné d’une fratrie de<br />

sept garçons. Père médecin et maman au foyer. Il grandit<br />

entre Diourbel, Mbour et Saint-Louis. Il s’est nourri d’une<br />

langue, de mythes, de valeurs, qui sont devenus chez lui<br />

des marqueurs. Point un hasard si La Plus Secrète Mémoire<br />

des hommes, le livre de la grande consécration, puise une<br />

partie de son histoire au cœur de ce pays sérère, ce berceau<br />

où il va souvent en pèlerinage. Si sa tête a toujours côtoyé les<br />

nuages du haut de son cérémonial mètre 91, les pieds, eux,<br />

sont restés bien sur terre, enracinés. Il doit cette humilité,<br />

entre autres, à son tempérament d’une naturelle pondération.<br />

Laquelle, sur les Grands Boulevards, est restée presque<br />

imperturbable malgré le fracas. Tout gagner à l’aube de la vie<br />

est bien désarmant, il faut survivre au Goncourt pour tutoyer<br />

d’autres sommets. Et s’il est un écrivain capable de s’ouvrir<br />

à de nouveaux horizons, c’est précisément celui-là. ■ Elgas<br />

AURORE THIBAULT/HANS LUCAS/HANS LUCAS VIA AFP<br />

24 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Une rétrospective<br />

des œuvres de<br />

tissu du plasticien<br />

Abdoulaye<br />

Konaté (à droite)<br />

est annoncée.<br />

DR - COURTESY THE ARTIST AND BLAIN SOUTHERN, PHOTO PETER MALLET<br />

DAKAR,<br />

ÉVÉNEMENT<br />

CAPITALE<br />

ARTISTIQUE<br />

Après son annulation en 2020,<br />

Dak’Art, principale biennale<br />

d’art contemporain du continent,<br />

fait un RETOUR EN BEAUTÉ.<br />

L’ENGOUEMENT EST REVENU, la 14 e édition aura bien<br />

lieu en 2022, du 19 mai au 21 juin. Le thème, « Indaffa#/<br />

Forger/Out of the Fire », a été conservé. « La biennale se fixe<br />

pour objectif de refuser la forme telle qu’elle est donnée<br />

et de forger les sens qui sont encore informes », explique<br />

le directeur artistique, Malick Ndiaye. Homme du sérail<br />

– il est conservateur du musée Théodore Monod d’art africain<br />

et enseignant-chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique<br />

noire (IFAN) de Dakar –, il porte l’orientation artistique et<br />

scientifique de la manifestation. La sélection initiale des<br />

59 artistes visuels (individuels ou collectifs) a été gardée, mais<br />

le choix des œuvres a évolué. « La pandémie a marqué tout<br />

le monde, y compris les artistes. On ne pouvait pas l’ignorer.<br />

Cela se traduit dans leurs créations », explique-t-il, avant<br />

de préciser : « Par rapport au thème d’origine “Indaffa”, nous<br />

avons ajouté le hashtag pour montrer que des expériences<br />

ont été traversées et que le glissement vers une nouvelle<br />

ère s’est fait. » Une nouvelle ère qui se ressent aussi dans<br />

l’invitation faite à quatre femmes commissaires d’expositions :<br />

la Sud-Africaine Greer Odile Valley, la Canadienne Lou Mo,<br />

la Ghanéenne Nana Oforiatta Ayim et la Marocaine Syham<br />

Weigant. Pendant un mois, Dakar va vivre au rythme des<br />

vernissages, débats et autres festivités. Certains temps<br />

forts sont annoncés, comme « Doxantu » (« promenade »<br />

en wolof), une exposition de sculptures, d’installations et<br />

de design prévue sur la corniche ouest d’artistes reconnus à<br />

l’international, avec un mot d’ordre : monumental. Pour Malick<br />

Ndiaye, « exposer l’art dans les lieux de déambulations » est<br />

une façon de le partager plus largement, de toucher surtout<br />

d’autres publics. Instaurer l’art dans l’espace public est une<br />

volonté de la biennale, financée en majorité par l’État. Le « in »<br />

prendra place dans plusieurs lieux emblématiques : le musée<br />

des Civilisations noires, le musée Théodore Monod, ou encore<br />

l’ancien palais de Justice sis au cap Manuel (le maître malien<br />

Abdoulaye Konaté doit y être exposé). Des projets spéciaux<br />

sont prévus, comme une exposition du collectif des Ateliers<br />

de troubles épistémologiques sur le dialogue entre collections<br />

muséales et art contemporain, un projet porté par la résidence<br />

Black Rock, ou encore l’installation monumentale composée<br />

de 343 pièces d’Ousmane Dia, plasticien sénégalo-suisse.<br />

Quant au « off », la programmation est plus libre, avec des<br />

centaines de manifestations essaimées sur un territoire plus<br />

large, grâce aux galeries, hôtels ou centres culturels régionaux<br />

de Saint-Louis, Mbour ou Ziguinchor. ■ Alexandra Fisch<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 25


MELTING-POT<br />

Ndokette Session,<br />

Untitled,<br />

Ibrahima Ndome,<br />

2019.<br />

MÉCÉNAT<br />

DIALOGUE ENTRE LES CULTURES<br />

Quand ELLIPSE PROJECTS, entreprise de construction présente<br />

en Afrique et en Asie, décide de créer une fondation, cela donne<br />

un nouveau prix qui impulse la jeunesse artistique émergente.<br />

PENDANT LE CONFINEMENT PARISIEN de mars 2020,<br />

Laura Picard et Victoria Jaunasse pensent une façon de<br />

« nouer des liens autres » que ceux qui unissent l’entreprise<br />

aux pays qu’elle équipe. Leur mantra : « Utiliser l’art comme<br />

expression du dialogue entre les cultures. » L’idée prend<br />

rapidement forme en un prix décerné chaque année dans<br />

un pays différent. Une façon de soutenir les jeunes artistes,<br />

de leur donner accès au circuit international de l’art<br />

contemporain. La première édition s’est tenue au Sénégal<br />

en juin 2021. La fondation a rassemblé un jury de grands<br />

noms du milieu. Parmi eux : Wagane Gueye, commissaire<br />

d’exposition, Ken Aïcha Sy, fondatrice de la plate-forme<br />

Wakh’Art, ou encore Bénédicte Alliot, directrice de la Cité<br />

internationale des arts, à Paris. Une soixantaine de candidats<br />

ont répondu à l’appel à candidatures, dont Ibrahima Ndome,<br />

du collectif Atelier Ndokette, l’heureux lauréat. Avec ses<br />

deux acolytes, Safi Niang et Souleymane Bachir Diaw, il a<br />

remporté une résidence de trois mois à Paris et l’exposition<br />

de son travail à la foire d’art contemporain africain Akaa<br />

en novembre 2021. Une impulsion bienvenue pour le jeune<br />

designer-costumier qui cherche, à travers le stylisme et la<br />

photographie, à « initier une remise en question chez les gens,<br />

les amener à questionner leur présent ». Pour la prochaine<br />

édition, rendez-vous en 2022 en Côte d’Ivoire. ■ A.F.<br />

XOULIXOOL<br />

26 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


MELTING-POT<br />

SAVOIR-FAIRE<br />

AÏSSA DIONE<br />

LA FIBRE DU DESIGN<br />

La pionnière du textile sénégalais de luxe est une ENTREPRENEURE<br />

ENGAGÉE pour la renaissance d’une industrie manufacturière locale.<br />

ARTISTE, GALERISTE, designeuse<br />

et cheffe d’entreprise : Aïssa Dione<br />

multiplie les casquettes. Formée<br />

aux Beaux-Arts de Paris, elle lance,<br />

en 1992, à Dakar, Aïssa Dione Tissus. Et<br />

démontre que les pagnes traditionnels,<br />

originaires du Sénégal, du Cap-Vert<br />

ou de la Guinée-Bissau, ont toute leur<br />

place sur la scène internationale du luxe,<br />

s’ils sont de qualité. D’où le soin avec<br />

lequel elle choisit la matière première<br />

de ses créations : le fil de coton, qu’elle<br />

mélange avec de la soie, du raphia ou<br />

de la viscose, tissé ensuite par d’habiles<br />

artisans. Elle allie alors savoir-faire<br />

et traditions locales tout en les<br />

modernisant. Cette marque de fabrique<br />

fait sa renommée, les commandes<br />

fusent. Parmi ses clients figurent<br />

Hermès, Rose Tarlow ou le groupe<br />

LVMH, mais aussi des décorateurs<br />

prestigieux qui « habillent » boutiques<br />

et hôtels de luxe. Persévérance, passion<br />

et créativité permettent à Aïssa Dione<br />

d’être toujours au sommet après<br />

trente ans de carrière. Sa capacité<br />

à innover l’a poussée à modifier le<br />

métier à tisser traditionnel, pour<br />

pouvoir proposer des bandes de textile<br />

adaptées au marché international.<br />

BRUNO DEMÉOCQ<br />

28 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Sa marque de fabrique : allier savoir-faire<br />

et traditions locales tout en les modernisant.<br />

Elle collabore avec des artisans et l’État afin d’avoir<br />

un fil de qualité, et fait travailler une centaine d’employés<br />

dans son atelier de Rufisque.<br />

BRUNO DEMÉOCQ/ATISS - DR - BRUNO DEMÉOCQ - DR<br />

Ou à se lancer dans la conception<br />

et la fabrication de meubles en bois<br />

haut de gamme, il y a quinze ans.<br />

Ce projet l’a amenée à collaborer<br />

avec le campus des Gobelins et a fait<br />

germer l’idée de créer un Institut des<br />

métiers d’arts au Sénégal. Pour celle<br />

qui voit dans le design « un moyen<br />

de développer la société dans son<br />

ensemble », former les nouvelles<br />

générations est une priorité. Des<br />

workshops sont lancés en 2019 avec<br />

l’école Boulle et soutenus par un<br />

partenariat public-privé. En parallèle,<br />

la reprise des activités de filature<br />

de l’usine textile de Domitexka à<br />

Kaolack, en 2021, s’inscrit dans son<br />

engagement pour la relance du secteur<br />

textile. Qu’elle crée de nouveaux<br />

tissus pour la mode dans son atelier<br />

de Rufisque – où travaillent une<br />

centaine d’employés – ou qu’elle<br />

organise des résidences artistiques<br />

en prévision de la biennale de Dakar<br />

depuis sa galerie d’art, Aïssa Dione<br />

collabore avec des artisans et l’État<br />

sénégalais pour obtenir un fil de<br />

qualité. « L’enjeu est de taille », expliquet-elle,<br />

rappelant que le coton produit<br />

en Afrique de l’Ouest est presque<br />

entièrement exporté en Asie pour être<br />

revendu en Europe. Elle-même est<br />

obligée d’acheter ses fils en Égypte.<br />

Si le projet aboutit, ce sera un pas de<br />

plus vers une « soft industrie », concept<br />

cher à la créatrice, qui prône la qualité<br />

du produit plutôt que la quantité<br />

et qui fait du design une véritable<br />

force motrice. ■ Luisa Nannipieri<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 29


MELTING-POT<br />

CULTURE<br />

Chercher,<br />

créer,<br />

diffuser<br />

Ces dernières années,<br />

les RÉSIDENCES D’ARTISTES<br />

se multiplient dans le pays,<br />

accueillant des talents<br />

du monde entier.<br />

PIONNIÈRE EN LA MATIÈRE, l’équipe de Raw<br />

Material Company (rawmaterialcompany.org) a<br />

lancé en 2011 son programme Ker Issa, qui peut<br />

accueillir deux résidents simultanément. Depuis,<br />

plus de 40 artistes, écrivains, commissaires<br />

d’exposition, chercheurs, musiciens ou encore<br />

étudiants venus du monde entier ont été accueillis<br />

dans le quartier de Baobab, à deux pas du siège<br />

de ce centre d’art et de recherche pluridisciplinaire<br />

indépendant créé à Dakar par la curatrice Koyo<br />

Kouoh. Les derniers résidents en date, Hamedine<br />

Kane et Stéphane Verlet-Bottéro, ont présenté le<br />

fruit de leurs travaux au cours du Partcours 2021.<br />

En 2015, deux autres lieux de résidence ont vu<br />

le jour. Thread a été lancé par la fondation américaine<br />

Josef & Anni Albers à Sinthian, petit village rural<br />

du Fouta (450 km au sud-est de Dakar), près de<br />

Tambacounda. Le bâtiment épuré, dessiné par<br />

l’architecte japonaise Toshiko Mori, a été sélectionné<br />

à la Biennale de Venise 2014. L’artiste invité peut<br />

passer entre quatre et huit semaines, et son projet doit<br />

DR<br />

30 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


La Villa Ndar,<br />

au sein de l’Institut<br />

français de<br />

Saint-Louis,<br />

peut accueillir<br />

simultanément<br />

trois invités.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 31


MELTING-POT<br />

s’intégrer à l’environnement du village<br />

et de ses habitants. Parmi les résidents,<br />

on peut citer la designeuse textile<br />

Johanna Bramble, venue explorer les<br />

techniques de tissage, et le réalisateur<br />

franco-portugais Pierre Primetens,<br />

qui a été l’un des derniers avant<br />

la pandémie de Covid-19.<br />

Quant à la Fondation Blachère, dont<br />

le siège à Apt (dans le sud de la France)<br />

accueille des artistes en<br />

résidence de création,<br />

elle a créé une extension<br />

à La Somone, près de<br />

Dakar. Les invités de<br />

2021, les photographes<br />

Lou Escobar, Charlotte<br />

Yonga et Malika Diagana,<br />

Surplombant<br />

la mer,<br />

l’adresse<br />

de Kehinde<br />

Wiley offre un<br />

confort XXL.<br />

exposeront leurs œuvres à Apt, en 2022.<br />

À la tête de la Compagnie<br />

sahélienne d’entreprises (CSE), poids<br />

lourd du BTP, Oumar Sow est aussi<br />

un collectionneur d’art contemporain<br />

et possède plus de 400 œuvres.<br />

Il invite régulièrement des artistes<br />

en résidence chez lui, à Pointe-Sarène,<br />

au sud de Mbour, épaulé par le designer<br />

Bibi Seck. Ensemble, ils ont monté<br />

la galerie Quatorzerohuit, à deux pas<br />

de la Place de l’Indépendance, où ont<br />

lieu les restitutions de ces résidences.<br />

Jems Koko Bi et Pascal Nampémanla<br />

Traoré font partie des artistes<br />

déjà exposés.<br />

Enfin, parmi les dernières nées,<br />

il y a la Villa Ndar (villandar.ifs.sn),<br />

lieu de résidence<br />

pluridisciplinaire<br />

qui a ouvert ses portes<br />

au sein de l’Institut<br />

français de Saint-Louis<br />

en juin 2019 et peut<br />

accueillir simultanément<br />

trois invités pour une<br />

durée d’un à trois mois. La belle<br />

et grande bâtisse, construite pour<br />

l’occasion, a déjà permis de recevoir<br />

plus de 20 plasticiens, écrivains,<br />

danseurs, musiciens… sans<br />

distinction d’âge ni de nationalité,<br />

sélectionnés par un comité d’experts<br />

pour la qualité et la pertinence de leur<br />

pratique dans le contexte saint-louisien,<br />

sénégalais, voire sous-régional.<br />

Black Rock (blackrocksenegal.org),<br />

résidence de luxe fondée à Dakar par<br />

le portraitiste américain d’origine<br />

nigériane Kehinde Wiley, a accueilli<br />

ses premiers invités en novembre 2019,<br />

dans le superbe bâtiment conçu par<br />

Abib Djenné à Yoff Virage. Surplombant<br />

la mer, il offre un confort XXL et une<br />

équipe d’encadrement très dynamique,<br />

qui aide les invités dans la construction<br />

de leur projet. Ayant jusqu’à présent<br />

accueilli une majorité d’anglophones,<br />

la résidence a largement diffusé son<br />

dernier appel à candidatures auprès<br />

des artistes sénégalais. ■ O.M.<br />

Le complexe<br />

Black Rock, créé<br />

par Kehinde Wiley.<br />

KYLIE CORWIN (2)<br />

32 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


SCIENCES<br />

MAR<strong>AM</strong> KAIRE<br />

PAR-DELÀ LES ÉTOILES<br />

Depuis juin 2021, UN ASTÉROÏDE découvert<br />

en 1998 porte le nom de cet astronome.<br />

DR<br />

PASSIONNÉ DES ASTRES depuis<br />

l’âge de 12 ans, le président<br />

de l’Association sénégalaise<br />

pour la promotion de<br />

l’astronomie (ASPA)<br />

est un autodidacte dans<br />

ce domaine, diplômé en<br />

ingénierie des systèmes<br />

informatiques. Maram<br />

Kaire observe le ciel,<br />

beaucoup, avec des amis, de<br />

plus en plus nombreux. Avec l’ASPA,<br />

créée en 2006, ils se fédèrent et parcourent<br />

les écoles, font des conférences et organisent<br />

même le festival Saint-Louis sous les étoiles<br />

entre 2008 et 2015. Leur motivation ? Vulgariser<br />

la discipline, la partager avec le grand public.<br />

Puis, en 2018, l’astronome est proposé par<br />

un confrère, David Baratoux, pour la mission<br />

New Horizon de la Nasa. Il s’agit d’observer<br />

une occultation stellaire (phénomène qui<br />

désigne le passage d’un astéroïde devant une<br />

étoile), visible depuis le Sénégal. Six mois de<br />

préparation et 2 tonnes de matériel plus tard,<br />

la mission est un succès. S’ensuit une autre<br />

en 2020 – un véritable challenge, car organisée<br />

en pleine pandémie. À l’issue de celle-ci, Alain<br />

Maury lui annonce qu’il a demandé à l’Union<br />

astronomique internationale (UAI) de donner<br />

son nom à l’astéroïde (35462) 1998 DW23,<br />

qu’il a découvert en 1998. Une reconnaissance<br />

inattendue pour le scientifique et un<br />

rayonnement pour tout un pays. Enthousiaste<br />

et inépuisable, Maram Kaire a coordonné une<br />

troisième mission en octobre 2021 pour la sonde<br />

spatiale Lucy. Nommé coordinateur national<br />

de l’astronomie pour l’éducation au Sénégal<br />

par l’UAI, il continue de militer en parallèle<br />

pour l’intégration complète de l’astronomie dans<br />

le programme scolaire. Et, pourquoi pas, voir<br />

enfin son projet d’observatoire aboutir ? ■ A.F.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 33


MELTING-POT<br />

34 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ÉVASION<br />

LA ROUTE<br />

DE CAP<br />

SKIRRING<br />

LES LARGES PLAGES DE L’ATLANTIQUE…<br />

Rendez-vous à l’opposé de la pointe<br />

de Saint-Louis, 700 kilomètres plus bas,<br />

dans l’extrême sud-ouest du Sénégal.<br />

JACQUES SIERPINSKI/SAIF IMAGES<br />

AU NORD donc du pays, c’est le Sahel.<br />

À l’opposé, c’est Cap Skirring, les tropiques,<br />

les plages de sable blanc, l’eau turquoise,<br />

les grands cocotiers, la végétation riche<br />

et débordante. Lieu des villégiatures des<br />

Ziguinchorois et de quelques expatriés à<br />

la fin des années 1960, Cap Skirring devient<br />

une destination célèbre avec l’ouverture<br />

du Club Med en 1973. C’est le début d’une<br />

belle histoire et de l’arrivée des touristes<br />

européens, de golfeurs, de pêcheurs, une<br />

clientèle souvent fidélisée qui revient d’une<br />

année sur l’autre. Une foule de personnes<br />

attirées par la douceur du<br />

climat pendant la « période<br />

d’hiver » (d’octobre à mai), la beauté<br />

naturelle, les eaux limpides, ainsi que<br />

les ambiances festives et musicales de la nuit.<br />

Cap Skirring, c’est aussi la découverte<br />

du fleuve Casamance, qui permet de se<br />

perdre dans les mangroves et les bolongs<br />

(ces îles qui abritent des milliers d’oiseaux).<br />

Et de partir à la rencontre des mystères<br />

et des richesses de la culture diola.<br />

Les temps n’ont pas toujours été faciles. La<br />

Casamance est comme géographiquement<br />

coupée du pays par la Gambie. Et<br />

l’irrédentisme de certains alimente un<br />

mouvement de guérilla multiple et divisée<br />

depuis près de quarante ans. La paix reste<br />

fragile. La pandémie de Covid-19 et ses<br />

restrictions sur les voyages ont stoppé le<br />

tourisme, avec un impact social sérieux sur<br />

l’emploi et les populations environnantes.<br />

Mais depuis janvier, et malgré la persistance<br />

de la pandémie, l’ambiance est à l’optimisme.<br />

La piste d’atterrissage de Cap Skirring a été<br />

remise à neuf, en attendant des travaux plus<br />

conséquents. Et le célèbre Club Med, avec<br />

ses 83 hectares, vient de rouvrir ses portes<br />

après vingt et un mois de fermeture. Il est<br />

temps de s’envoler pour une parenthèse<br />

dans un coin de paradis. ■ Zyad Limam<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 35


Le Centre hospitalier<br />

universitaire de Touba,<br />

inauguré le 18septembre<br />

dernier par le Président<br />

Macky Sall.<br />

Ellipse Projects, engagée<br />

pour la santé au Sénégal<br />

Créée en 2011, l’entreprise française est spécialisée<br />

dans la conception, la réalisation et le financement de<br />

projets clés en main. Rencontre avec son fondateur.<br />

Les infrastructures sont l’une des clés de<br />

l’avenir du continent. Quelle est la spécificité<br />

de l’offre d’Ellipse Projects dans<br />

ce domaine ?<br />

Olivier Picard : L’offre d’Ellipse Projects<br />

recouvre trois aspects spécifiques :<br />

➔ Ellipse Projects travaille avec ses<br />

clients très en amont des projets et de<br />

manière itérative. Cette méthode permet<br />

à nos clients de vraiment définir<br />

leurs besoins opérationnels sans passer<br />

Depuis 2018, Ellipse Projects a signé et mis en vigueur les projets suivants<br />

➔ Au Sénégal : 1CHU de<br />

300lits et 3 CHR de 150 lits pour<br />

un montant de 150millions€ ;<br />

69 bâtiments pour le ministère<br />

de la Justice du Sénégal pour<br />

unmontant de 380millions€.<br />

Olivier Picard<br />

Le président d’Ellipse<br />

Projects réalise des<br />

projets qui participent à<br />

l’amélioration du niveau<br />

de vie des populations<br />

et contribuent au<br />

développement de l’activité<br />

économique locale.<br />

➔ Au Ghana : 2CHR.<br />

Le premier de 120 lits<br />

pour un montant de<br />

23millions€. Et le second<br />

de 285 lits pour un montant<br />

de 70millions€.<br />

➔ En Côte d’Ivoire :<br />

279 établissements sanitaires<br />

de premier contact (ESPC)<br />

pour un montant de<br />

120millions€ (60 fermes<br />

et 60 optionnels).<br />

des années à commander des études et<br />

à retarder ainsi la réponse aux besoins<br />

urgents des populations. Par ailleurs,<br />

Ellipse Projects finance l’intégralité des<br />

études amont, des études architecturales,<br />

des études environnementales et<br />

sociales. Ces études amont représentent<br />

un investissement lourd, risqué mais<br />

indispensable pour bâtir un partenariat<br />

avec les pays africains.<br />

➔ Ellipse Projects accompagne toujours<br />

ses offres techniques et commerciales<br />

d’une offre de financement. Grâce à son<br />

réseau et sa connaissance des institutions<br />

financières européennes et américaines,<br />

Ellipse Projects parvient toujours<br />

à proposer l’offre de financement<br />

la plus attractive compte tenu des spécificités<br />

et de la situation financière de<br />

chaque pays.<br />

➔ Ellipse Projects propose des projets<br />

clés en main, que ce soit dans le domaine<br />

de la santé ou du digital. Cette<br />

approche est nouvelle en Afrique, en<br />

particulier dans le domaine de la santé<br />

où l’on avait l’habitude de construire<br />

des bâtiments, puis de se poser la question<br />

des équipements nécessaires à leur


Des hôpitaux dotés<br />

d’équipements<br />

modernes, comme des<br />

scanners (ci-dessus)<br />

ou des unités de soins<br />

dentaires complets<br />

(ci-dessous).<br />

fonctionnement. Aujourd’hui, lorsque<br />

Ellipse Projects délivre un hôpital, les<br />

patients peuvent être accueillis et les<br />

équipes médicales travailler dans les<br />

jours qui suivent.<br />

Votre entreprise est fortement active<br />

au Sénégal. Quelles sont les raisons de<br />

cette implantation stratégique ?<br />

O.P. : Le Sénégal est, avec la Côte<br />

d’Ivoire, le pays le plus dynamique<br />

d’Afrique de l’Ouest et l’un des plus<br />

prometteurs d’Afrique. Par ailleurs,<br />

c’est un pays démocratique et extrêmement<br />

stable, ce qui est important<br />

lorsque l’on investit sur le long terme.<br />

Enfin, c’est un pays où le niveau d’éducation<br />

est élevé, ce qui est important<br />

pour nous car nous développons des<br />

infrastructures complexes avec un fort<br />

contenu local.<br />

Vous avez réalisé un programme de 4hôpitaux.<br />

Aujourd’hui, vous êtes chargé<br />

d’un vaste projet de réhabilitation des<br />

infrastructures de la justice. Comment<br />

assurez-vous la polyvalence des équipes<br />

et du savoir-faire sur des projets de nature<br />

si différente ?<br />

O.P. : Bien sûr, les projets sont différents,<br />

mais pas tant que cela. D’un côté,<br />

le projet des 4 hôpitaux ne comprend,<br />

comme son nom l’indique, que 4 très<br />

grands bâtiments. Le projet du ministère<br />

de la Justice comprend 69 bâtiments<br />

pour la plupart plus modestes ;<br />

mais il s’agit d’un véritable défi, car nous<br />

devons construire ces 69 ouvrages en<br />

6 ans, contre 3 ans pour les 4 hôpitaux.<br />

D’un autre côté, il y a beaucoup de similitudes<br />

: les hôpitaux comme les bâtiments<br />

du ministère de la Justice sont<br />

des projets clés en main qui seront<br />

prêts à fonctionner dès leur livraison,<br />

les 69 bâtiments comme les 4 hôpitaux<br />

sont construits aux quatre coins<br />

du Sénégal. Enfin, les deux projets ont<br />

créé des milliers d’emplois pour les<br />

Sénégalais pendant plusieurs années.<br />

En résumé, c’est l’expérience que nos<br />

équipes ont acquise sur le programme<br />

des 4 hôpitaux qui va nous permettre<br />

de construire dans les temps les 69 ouvrages<br />

du ministère de la Justice.<br />

Peut-on garantir des infrastructures de<br />

qualité, de niveau international, tout en<br />

étant particulièrement compétitif sur les<br />

prix et les délais ?<br />

O.P. : Oui, bien sûr, en ayant des équipes<br />

intègres en France comme au Sénégal,<br />

en ayant recours aux dernières technologies<br />

et en travaillant en étroite collaboration<br />

avec nos clients. Les prix que<br />

“Le Sénégal est un pays démocratique<br />

et extrêmement stable, ce qui est important<br />

lorsque l’on investit sur le long terme.”<br />

nous proposons sont parmi les plus<br />

compétitifs du marché, et il faut noter<br />

que pour le programme des 4 hôpitaux,<br />

nous avons terminé dans les délais et<br />

sans jamais demander de modification<br />

du prix global.<br />

Le financement est l’un des éléments<br />

essentiels d’un projet d’infrastructure.<br />

Quelles sont les solutions apportées par<br />

Ellipse Projects dans ce domaine ?<br />

O.P. : Il y a, pour faire simple, deux<br />

grands types de financement :<br />

➔ Les financements exports, qui<br />

consistent pour un pays comme le Sénégal<br />

à emprunter pour avoir des infrastructures.<br />

C’est ce type de financement<br />

qui a permis de construire les<br />

4 hôpitaux. Ces financements sont<br />

très intéressants, car ce sont des financements<br />

à long terme et avec des taux<br />

faibles. Dans ce cas, notre mission est<br />

de trouver en Europe ou aux États-Unis<br />

le financement le moins coûteux pour<br />

le Sénégal. Ce type de financement<br />

a pour inconvénient d’augmenter la<br />

dette souveraine.<br />

➔ Les investissements directs et les partenariats<br />

public-privé, où les financements<br />

sont proposés par des investisseurs<br />

privés et le risque est partagé, c’est<br />

ce que nous avons proposé pour le projet<br />

du ministère de la Justice.<br />

Dans les deux cas, tout repose sur la<br />

confiance dans l’avenir économique du<br />

Sénégal et dans sa stabilité politique.<br />

www.ellipseprojects.com<br />

L’entrée du CHR<br />

de Kaffrine, dans<br />

le centre-ouest<br />

du Sénégal.<br />

PUBLI-REPORTAGE


développement<br />

SORTIR<br />

RENFORCÉ<br />

DE LA CRISE<br />

38 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Résister à court terme et préparer le long terme.<br />

C’est l’objectif, pour viser l’émergence à l’horizon 2035.<br />

Études de cas, de l’aérien au pétrole, en passant<br />

par les ports et les transports. par Jean-Michel Meyer<br />

Résister et rebondir. C’est le mot d’ordre du<br />

gouvernement pour affronter la crise planétaire.<br />

Après une croissance moyenne de 6 %<br />

par an entre 2014 et 2019, le pays a connu<br />

un trou d’air en 2020, avec une croissance<br />

poussive de 0,8 %. Mais, déjà, la Banque<br />

mondiale table sur une progression du PIB<br />

du Sénégal de 4,7 % en 2021 et de 5,5 % en 2022, « grâce à<br />

l’expansion de l’agriculture et des mines ainsi qu’au rebond du<br />

secteur des services, les entreprises adaptant leurs opérations<br />

à l’environnement du Covid-19. L’inflation devrait rester faible,<br />

autour de 2 %, et diminuer à 1,5 % en 2023 ». Si le Sénégal a<br />

limité la casse, c’est grâce au Programme de résilience économique<br />

et sociale (PRES) lancé en 2020 et doté de 1,5 milliard<br />

d’euros, soit 7 % du PIB injecté dans l’économie pour soutenir les<br />

ménages, les entreprises et préserver le cadre macroéconomique<br />

du pays. Mais l’économie a surtout résisté grâce au travail de<br />

fond entamé depuis 2014 avec le Plan Sénégal Emergent (PSE)<br />

qui court jusqu’en 2023. Plus de 7 milliards de dollars ont été<br />

investis dans les infrastructures, l’agriculture, l’industrie agroalimentaire,<br />

les mines et le tourisme. Pour réduire la fragilité d’une<br />

économie trop dépendante de l’extérieur, le PSE a été renforcé de<br />

22,4 milliards d’euros, dont un tiers doit être apporté par le secteur<br />

privé, pour assurer « la souveraineté alimentaire, sanitaire<br />

et pharmaceutique, et booster l’industrialisation, le numérique,<br />

le tourisme, le logement », a précisé le président Macky Sall.<br />

L’objectif est « d’accélérer la marche vers l’émergence en 2035 »,<br />

en visant dès 2023 une croissance de 8,7 %. Dans ce but, le<br />

PSE doit bâtir un socle d’infrastructures solides, dans l’aviation,<br />

le chemin de fer, l’industrie chimique, le pétrole et le gaz.<br />

Avec un État actionnaire à 100 %, la compagnie<br />

Air Sénégal est en pleine expansion :<br />

sept nouvelles destinations, deux vols<br />

hebdomadaires vers les États-Unis, et une flotte<br />

enrichie de huit moyen-courriers d'ici 2024.<br />

LIONEL XXXXXXXXX<br />

MANDEIX/PRÉSIDENCE<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 39


DÉVELOPPEMENT<br />

Plan de vol ambitieux<br />

pour Air Sénégal<br />

Avec sept nouvelles destinations en 2021, dont<br />

les États-Unis, la compagnie reprend son envol,<br />

dans un pays qui ambitionne de devenir<br />

le premier hub aérien et touristique ouest-africain.<br />

Avec l’espoir d’un salaire jusqu’à quatre fois plus élevé qu’à<br />

Tunisair, 15 pilotes tunisiens ont rejoint Air Sénégal. Un exil qui<br />

souligne l’attractivité de cette compagnie en pleine expansion.<br />

Lancée en 2018 par la volonté du président Macky Sall, Air Sénégal<br />

est une pièce maîtresse du PSE. « Je rêve d’une compagnie qui<br />

sera d’ici vingt ans l’alter ego d’Ethiopian Airlines, a-t-il confié.<br />

Je surveille personnellement et particulièrement le développement<br />

d’Air Sénégal. Je veux que cela soit une réussite, et c’est<br />

possible. » Après trois ans, la compagnie dessert, au départ du<br />

hub de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), une quinzaine<br />

de destinations en Afrique et en Europe, avec une flotte de<br />

huit avions. Celle-ci devrait s’enrichir de huit moyen-courriers<br />

A220 pour plus de 730 millions d’euros. Le premier appareil a<br />

été livré le 29 décembre dernier. En 2021, Air Sénégal tablait<br />

sur 500 000 passagers transportés – plus qu’en 2019 (495 000).<br />

Sept nouvelles destinations ont été ouvertes, dont Milan, Lyon,<br />

Cotonou, Douala, Libreville. Le transporteur a inauguré, en septembre,<br />

deux vols hebdomadaires vers les États-Unis, opérés en<br />

Airbus A330-900, à destination de New York JFK et de Baltimore.<br />

La compagnie comptait transporter 42 224 passagers dès<br />

2021, soit un coefficient d’occupation moyen de 70 %. Cela en<br />

fait la cinquième compagnie africaine à proposer des vols directs<br />

vers les États-Unis. De nouvelles lignes sont attendues en 2022<br />

vers Londres et Genève. Le trou d’air de la pandémie serait<br />

presque oublié. La fermeture des frontières, le 20 mars 2020, a<br />

fait perdre à Air Sénégal cette année-là 25 % de son chiffre d’affaires,<br />

qui était de 76,2 millions d’euros en 2019. Mais à l’inverse<br />

de plusieurs compagnies africaines, elle a bénéficié du soutien<br />

de l’État, qui lui a octroyé une dotation de 68 millions d’euros.<br />

L’envol d’Air Sénégal ne serait pas réussi sans la complémentarité<br />

de la compagnie avec l’AIBD, inauguré à la fin de 2017, après dix<br />

ans de travaux et plus de 610 millions d’euros investis. « Notre<br />

objectif est d’être un hub entre l’Europe et l’Afrique et entre les<br />

États-Unis et l’Afrique », martèle Doudou Ka, directeur général<br />

de l’AIBD. En parallèle, 13 aéroports du pays (Saint-Louis,<br />

Matam-Ourossogui, Kédougou, Cap Skirring…) sont en cours<br />

de rénovation pour permettre au transporteur national d’assurer<br />

une desserte régionale. Avec un État actionnaire à 100 %,<br />

le modèle économique d’Air Sénégal, dotée d’un capital initial<br />

de 40 milliards de francs CFA (61 millions d’euros), lui a permis<br />

de décoller rapidement. Demain, l’État pourra-t-il suivre le<br />

rythme élevé des investissements dans l’aérien ? Officieusement,<br />

la compagnie dirigée par Ibrahima Kane cherche un partenaire<br />

stratégique. Les pronostics sont ouverts.<br />

Essais du TER au site<br />

de maintenance<br />

et de remisage<br />

à Colobane, avant<br />

sa mise en circulation<br />

le 27 décembre 2021.<br />

À Dakar, le TER<br />

rétrécit le temps<br />

C’est à 160 km/h que le Train express régional<br />

avale, depuis le 27 décembre 2021, les 36 kilomètres<br />

séparant la gare centrale de Dakar à Diamniadio.<br />

Un second tronçon doit relier la capitale au nouvel<br />

aéroport international.<br />

Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Annoncé pour la<br />

fin 2018, puis en 2019 et en avril 2020, le Train express régional<br />

(TER) de Dakar quittait finalement le quai à la fin 2021. Un<br />

cadeau tombé du ciel ? « Rendez-vous a été donné aux Sénégalais<br />

le 24 décembre 2021 [il a finalement été mis en circulation le<br />

27, ndlr] pour leur cadeau de Noël, avec un début d’exploitation<br />

du TER, qui constitue un legs important pour les générations<br />

futures », avait annoncé Abdou Ndéné Sall, le directeur général<br />

de la Société nationale de gestion du patrimoine du TER (Sen-<br />

Ter). Initié par le président de la République Macky Sall, il s’agit<br />

du premier projet ferroviaire depuis l’indépendance du pays.<br />

40 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


SYLVAIN CHERKAOUI POUR JEUNE AFRIQUE<br />

« Le TER n’est pas seulement un moyen de transport rapide.<br />

Il nous projette à grande vitesse dans le temps de la modernité<br />

», assurait le chef d'État en 2019, évoquant le projet phare<br />

en matière d’infrastructures du PSE.<br />

Réalisé en deux phases, le TER avalera en trente-cinq<br />

minutes, dans un premier temps, les 36 kilomètres séparant<br />

la gare centrale de Dakar à la ville nouvelle de Diamniadio. Le<br />

tronçon de voies ferrées – réalisé par le français Eiffage, le turc<br />

Yapi Merkezi et la Compagnie sahélienne d’entreprises (CSE),<br />

un acteur local – est terminé. Et les 15 rames (22 à terme),<br />

fabriquées par le français Alstom, ont été réceptionnées. Le premier<br />

tronçon a coûté 656 milliards de FCFA (1 milliard d’euros).<br />

L’État sénégalais a apporté 142 milliards de FCFA, tandis que<br />

la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique<br />

de développement (BID) et l’Agence française de développement<br />

(AFD) assuraient le reste du financement. Dans un<br />

second temps, le trajet de 18 kilomètres, bénéficiant déjà d’une<br />

convention de financement avec les mêmes bailleurs, annoncée<br />

autour de 300 millions d’euros, doit relier Diamniadio à<br />

l’AIBD. L’exploitation et la maintenance des deux phases seront<br />

assurées pendant cinq ans par la SNCF et la RATP. Lancés<br />

à une vitesse de pointe de 160 km/h, les trains climatisés,<br />

équipes de la wi-fi et transportant jusqu’à 565 passagers chacun,<br />

seront l’arme fatale pour désembouteiller la capitale.<br />

Le TER accueillera 115 000 passagers par jour dès cette<br />

année et 215 000 à l’horizon de 2025, tout en économisant<br />

19 000 tonnes de CO 2<br />

par an. Quant aux usagers, ils gagneront<br />

près de quarante-cinq minutes sur leur temps de trajet et les<br />

automobilistes reconvertis économiseront 1,32 million d’heures<br />

par an. « Le trajet de Dakar à Diamniadio coûtera 1 200 FCFA.<br />

Nous serons les moins chers par rapport aux autres moyens<br />

de transport », assure Abdou Ndéné Sall, précisant que les prix<br />

ont été subventionnés par la volonté du président Macky Sall.<br />

Ce qui n’affectera pas la rentabilité, avec un taux de rentabilité<br />

interne compris entre 11,9 % et 14,9 %. À ceux qui dénoncent le<br />

coût très élevé du projet, ses promoteurs rétorquent que, « selon<br />

une étude de la Banque mondiale, la congestion de Dakar coûte<br />

100 milliards de FCFA (152,5 millions d’euros) par an. Ne rien<br />

faire pendant sept ans équivaudrait à perdre 700 milliards qui<br />

auraient pu financer le TER ». CQFD.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 41


DÉVELOPPEMENT<br />

Les bus rapides, remède<br />

contre les embouteillages<br />

Reliant Dakar à Guédiawaye, les 144 bus<br />

rapides du projet BRT doivent transporter,<br />

sur un espace dédié, 300 000 passagers<br />

par an à partir de la fin 2022.<br />

Asphyxiée par des embouteillages monstres : l’image qui<br />

colle à la peau de Dakar sera bientôt révolue. Sur une distance<br />

de 18,3 kilomètres, les 144 bus BRT – de l’anglais Bus Rapid<br />

Transit, traduit en français par Bus à haut niveau de service<br />

(BHNS) – relieront en quarante-cinq minutes, sur une route<br />

dédiée, le centre de Dakar à la ville côtière de Guédiawaye,<br />

en passant par Grand-Médine, contre quatre-vingt-dix minutes<br />

actuellement. Si les travaux lancés en octobre 2019, qui devaient<br />

s’achever en mai 2021, sont toujours en cours, le chantier « sera<br />

livré au plus tard en décembre 2022 », assure Mansour Faye,<br />

le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et<br />

du Désenclavement. Les bus traverseront alors 14 communes<br />

et transporteront 300 000 voyageurs par jour, à un coût bien<br />

inférieur à la construction d’un tram. « Ce projet emblématique<br />

entre dans le cadre du PSE, précise le ministre. Le président<br />

Macky Sall compte révolutionner le transport urbain. Chantier<br />

majeur, le BRT consacrera le transport de masse à Dakar. Il va<br />

changer le visage de la capitale et en désenclaver une bonne<br />

partie. » Aujourd’hui, dans une désorganisation totale, les<br />

transports collectifs, inefficaces, polluants, peu fiables et sûrs,<br />

assurent 80 % des transports motorisés : opérateur public Dakar<br />

Dem Dikk, minibus AFTU (« Tata »), minibus artisanaux Cars<br />

Rapides et Ndiaga-Ndiaye, taxis clandos, surnommés par les<br />

Dakarois « S’en fout la mort », « 1 000 kilos » ou « 22 places »…<br />

Décongestionner la ville est un défi majeur. Avec 3,6 millions<br />

d’habitants, la région de Dakar abrite 25 % de la population du<br />

pays, 50 % des urbains et 70 % du parc automobile immatriculé<br />

sur 0,3 % du territoire. Confinée sur l’étroite presqu’île du Cap-<br />

Vert, l’agglomération enregistre l’arrivée de 100 000 nouveaux<br />

habitants par an. « En 2040, nous serons 7 millions à Dakar, et<br />

le réseau du trafic routier est déjà saturé », relève Thierno Birahim<br />

Aw, directeur général du Conseil exécutif des transports<br />

urbains de Dakar (CETUD), pilote du projet BRT. D’ici un an,<br />

la ville devrait à nouveau respirer. L’initiative du BRT s’inscrit<br />

au titre des engagements du Sénégal dans le cadre de l’accord<br />

de Paris sur le climat, pour rendre la capitale « plus verte et<br />

propre ». Une étude de la Direction de l’environnement et des<br />

établissements classés (DEEC) estime d’ailleurs que le BRT fera<br />

« économiser 446 480 tonnes de CO 2<br />

d’ici 2035 ». Il sera aussi<br />

une passerelle vers l’emploi en favorisant « l’accès de près de la<br />

moitié des habitants aux faibles ressources économiques à plus<br />

de 8 000 emplois supplémentaires », selon une étude. Financé<br />

à hauteur de 457 millions d’euros par la Banque mondiale, la<br />

Banque européenne d’investissement et le Fonds vert pour le<br />

climat ou l’Agence française pour le développement, le BRT doit<br />

être rentable. Un rapport socio-économique de l’Institut international<br />

du développement durable (IISD) a démontré une très<br />

bonne rentabilité économique du projet, avec un TRI de 14 %<br />

à 16 %. À confirmer.<br />

Un futur port en eau<br />

profonde au service<br />

de la sous-région<br />

Stratégique pour le développement du pays<br />

et de l’hinterland, l’activité portuaire quittera<br />

Dakar d’ici 2024 pour le nouveau port en eau<br />

profonde de Ndayane. Un investissement<br />

de plus de 1 milliard de dollars.<br />

La bataille fait rage en Afrique de l’Ouest pour faire<br />

émerger du sable le hub portuaire le plus attractif du Golfe de<br />

Guinée. À Dakar, Abidjan, Lagos, Lomé, Tema ou encore Cotonou,<br />

c’est la course aux infrastructures. Poumon économique<br />

du pays, le port autonome de Dakar (PAD) a traité 19,3 millions<br />

de tonnes de marchandises en 2020, au troisième rang<br />

dans la sous-région pour le tonnage manipulé, derrière Abidjan<br />

(26 millions de tonnes) et Lomé (23 millions). Géré par<br />

l’émirati DP World depuis 2007, le PAD a généré un chiffre<br />

d’affaires de 91 millions d’euros en 2020 et un résultat net de<br />

16,1 millions d’euros. Il capte 95 % des échanges commerciaux<br />

du pays et constitue 95 % des recettes douanières de l’État. Le<br />

port joue également un rôle clé pour le Mali : 65 % du trafic<br />

à destination du pays enclavé transite par Dakar. Installée au<br />

bout de la presqu’île du Cap-Vert, l’activité portuaire est idéalement<br />

située au confluent des routes maritimes internationales.<br />

Mais aujourd’hui, les infrastructures sont vieillissantes et le<br />

PAD est coincé au cœur de la capitale. Étouffé par Dakar, il<br />

manque d’espace pour se développer. Le sujet est une priorité du<br />

PSE. « Si nous résolvons l’équation de la congestion, le Sénégal<br />

DR<br />

42 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Pour décongestionner le PAD,<br />

une partie de l’activité sera<br />

transférée vers le futur port<br />

en eaux profondes de<br />

Ndayane, sur la Petite-Côte,<br />

à 50 kilomètres au sud<br />

de Dakar.<br />

SYLVAIN XXXXXXXXX CHERKAOUI/COSMOS POUR JEUNE AFRIQUE<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 43


DÉVELOPPEMENT<br />

La mine de phosphate,<br />

dans la région de Taïba.<br />

sera en mesure d’enregistrer une progression de trois points<br />

de croissance supplémentaires », assure le directeur général du<br />

PAD, Aboubacar Sédikh Bèye. D’ici quelques années, le port<br />

existant sera converti pour l’exploitation d’un terminal de croisières<br />

et réaménagé en un front de mer résidentiel et commercial.<br />

Pour décongestionner le PAD, une partie de l’activité sera<br />

transférée vers le futur port en eaux profondes de Ndayane,<br />

sur la Petite-Côte, à 50 kilomètres au sud de Dakar. Géré par<br />

DP World avec le PAD, il doit s’ouvrir sur l’océan en 2024. Le<br />

port sera adossé à une zone économique spéciale de 600 hectares<br />

et connecté à celle du pôle urbain de Diamniadio ainsi<br />

qu’à l’aéroport international Blaise Diagne afin de former « le<br />

triangle de la prospérité ».<br />

« Ces équipements permettront à Dakar de jouer son rôle<br />

de hub logistique pour le Sénégal, mais aussi et surtout pour la<br />

sous-région », prédit Aboubacar Sédikh Bèye. Fin 2020, l’opérateur<br />

portuaire DP World et l’État ont conclu un accord dans ce<br />

sens. Dans un premier temps, l’émirati investira 837 millions<br />

de dollars dans la construction d’un nouveau terminal à conteneurs<br />

sur 300 hectares, doté d’un quai de 840 mètres et d’un<br />

nouveau chenal maritime de 5 kilomètres pour accueillir des<br />

navires de 366 mètres. Puis, un quai à conteneur de 410 mètres<br />

sera ajouté afin de traiter des navires de 400 mètres de long<br />

pour un investissement de 290 millions de dollars. « Ce sera le<br />

plus grand investissement portuaire de DP World en Afrique »,<br />

a souligné le sultan Ahmed bin Sulayem, PDG de l'entreprise.<br />

« C’est le plus important investissement privé de l’histoire du<br />

Sénégal, ce qui va attirer un grand nombre d’investisseurs et<br />

contribuer à la création de milliers d’emplois pour la jeunesse<br />

du pays », a promis Macky Sall.<br />

Le grand réveil des ICS<br />

Les Industries chimiques du Sénégal sont devenues<br />

le troisième producteur d’engrais phosphatés<br />

d’Afrique, avec l’appui de l’indonésien Indorama.<br />

C’est le grand retour des Industries chimiques du Sénégal<br />

(ICS). À l’agonie en 2014, l’ex-fleuron de l’industrie lourde du<br />

pays croule alors sous une dette de 320 millions de dollars,<br />

lorsque le géant indonésien de la chimie Indorama en rachète<br />

78 % du capital. Les ICS emploient 1 600 salariés sur trois sites :<br />

la mine de phosphate, à 100 kilomètres de Dakar ; l’usine<br />

d’acide phosphorique, à Darou, d’une capacité de production de<br />

600 000 tonnes par an ; et l’usine d’engrais, à Mbao, qui en<br />

produit 250 000 tonnes par an. Dès 2018, le groupe retrouve<br />

une production de 1,782 million de tonnes de phosphate pour<br />

une capacité de 2 millions de tonnes. « C’est la plus grosse production<br />

de phosphate des quinze dernières années. Et, en 2018,<br />

nous avons produit 549 000 tonnes d’acide phosphorique, qui<br />

est aussi la plus grosse production de ces quinze dernières<br />

années », précisait le directeur général des ICS, Alassane Diallo.<br />

L’acide phosphorique est surtout exporté vers l’Inde, tandis que<br />

les engrais, dont les prix ont doublé en un an, sont destinés au<br />

marché national et à la sous-région. « Le chiffre d’affaires<br />

tourne autour de 450 millions de dollars, et il augmente, ce qui<br />

fait des ICS la principale entreprise pourvoyeuse de devises au<br />

Sénégal, assurait-il en 2020. Nous jouons un rôle important,<br />

car nous commandons pour près de 50 milliards de FCFA<br />

chaque année aux entreprises locales. » Toutefois, le temps où<br />

les ICS représentaient 16 % du PIB (en 2004) paraît révolu,<br />

même si le groupe « est devenu le premier producteur d’engrais<br />

YOURI LENQUETTE<br />

44 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Mise à l’eau, à la fin d’avril 2021,<br />

du premier des 21 caissons béton<br />

du projet Grand Tortue Ahmeyim,<br />

sur la frontière maritime<br />

sénégalo-mauritanienne.<br />

DR<br />

phosphatés d’Afrique subsaharienne et le troisième du continent<br />

». Une renaissance pilotée à coup de « plusieurs centaines<br />

de millions de dollars », injectés par l’actionnaire Indorama, un<br />

groupe industriel ayant son siège à Singapour, qui possède plus<br />

de 20 sites (engrais, polyéthylène, textiles, etc.) dans neuf pays<br />

et emploie plus de 18 000 personnes. Ombres au tableau : les<br />

ICS sont accusées de pollution, et l’extension de l’un de ses sites,<br />

à Tobène, rencontre l’hostilité des habitants.<br />

Une puissance<br />

pétrolière en 2023<br />

Après plusieurs reports, l’exploitation doit débuter<br />

l'année prochaine. La manne pourrait déjà<br />

rapporter 30 milliards de dollars sur trente ans.<br />

Le compte à rebours est engagé et les perspectives sont très<br />

prometteuses, sauf si… « En 2023, nous connaîtrons les premiers<br />

mètres cubes de gaz et barils de pétrole », s’est réjoui, le<br />

28 octobre, le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye<br />

Daouda Diallo. Le Sénégal basculera alors du statut de pays<br />

qui consacre autour de 10 % de son PIB à sa facture pétrolière<br />

à celui d’un État qui regorge d’or noir et de gaz, lesquels<br />

devraient rapporter au pays l’équivalent de 6 à 7 % de points<br />

de PIB sur vingt ans, selon le FMI. Avant les premières découvertes<br />

de pétrole offshore en 2014 et de gisements de gaz en<br />

2017, plus de 20 compagnies pétrolières ont réalisé en vain, à<br />

terre et en mer, près de 168 forages de 1952 à 2014, pour plus<br />

de 760 millions d’euros investis. Désormais, les gains financiers<br />

de l’État pourraient s’élever à 30 milliards d’euros sur trente<br />

ans. D’après le ministre, la demande domestique du pays en<br />

hydrocarbure devrait être satisfaite et un taux de croissance de<br />

« 13,7 % est attendu dès 2023, avec le début de l’exploitation ».<br />

Selon la ministre du Pétrole et des Énergies, Sophie Gladima, les<br />

découvertes actuelles de gaz sont de 910 milliards de m 3 et d’un<br />

peu plus de 1 milliard de barils de pétrole avec le projet Grand<br />

Tortue Ahmeyim (GTA), mené par BP sur la frontière maritime<br />

sénégalo-mauritanienne, le champ gazier de Yakaar-Téranga<br />

et le champ pétrolier offshore de Sangomar. « Le potentiel<br />

réel du bassin sédimentaire sénégalais nous a convaincus de<br />

poursuivre sa promotion pour avoir d’autres découvertes », a<br />

confié la ministre, le 3 octobre. Toutefois, l’exploitation a déjà<br />

été retardée en raison de la chute des cours du pétrole, puis de<br />

la pandémie. À 16 dollars au début de la crise sanitaire, le prix<br />

du baril dépasse les 80 dollars et pourrait franchir la barre des<br />

100 dollars en 2022. Idem pour le prix du gaz naturel, au plus<br />

haut depuis 2014. Mais la versatilité des cours tend les relations<br />

entre l’État et les groupes pétroliers, sur des investissements<br />

(3,6 milliards de dollars pour BP dans GTA) qui engagent pour<br />

vingt à trente ans. Ce qui n’empêche pas les autorités sénégalaises<br />

de réfléchir à l’utilisation des revenus des hydrocarbures,<br />

qu’une loi en préparation doit redistribuer. « Une partie des revenus<br />

sera réservée au budget de l’État pour des investissements<br />

dans la santé, l’éducation, etc. Une autre partie sera réservée<br />

aux générations futures, à travers un fonds intergénérationnel.<br />

Et une part reviendra au Fonds de stabilisation, pour parer aux<br />

fluctuations des cours du baril », résume la ministre du Pétrole.<br />

De son côté, l’Initiative pour la transparence dans les industries<br />

extractives (ITIE) a demandé davantage de lumière, le<br />

20 octobre, dans « l’octroi des contrats et licences ». ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 45


interview<br />

Abdou Karim Fofana<br />

« L’industrialisation se trouve<br />

au cœur de nos ambitions »<br />

Le ministre en charge du suivi du Plan Sénégal Emergent (PSE)<br />

évoque les défis de la deuxième phase, qui s’étendra jusqu’en 2023.<br />

propos recueillis par Emmanuelle Pontié, envoyée spéciale


ERICK AHOUNOU


INTERVIEW<br />

<strong>AM</strong> : Vous êtes en charge du PSE depuis un an.<br />

À votre arrivée, la phase 1 du plan était censée<br />

être terminée. Quel bilan peut-on en tirer ?<br />

Abdou Karim Fofana : Le PSE a été mis en place en 2014. Il<br />

apporte en premier lieu de la planification. Auparavant, nous<br />

fonctionnions avec des études prospectives sur vingt ans et<br />

des plans quinquennaux. Mais nous n’avions pas une véritable<br />

vision sur une génération. Le PSE procède par priorisations. Si<br />

nous voulons avoir un pays qui entre dans l’émergence, il faut<br />

transformer notre économie, mais aussi développer notre capital<br />

humain, encourager la solidarité, mieux préparer les générations<br />

futures aux défis du monde qui vient, et travailler sur la<br />

paix et la sécurité. Le PSE nous permet de disposer d’un plan<br />

global, qui ne parle pas seulement d’économie ou de croissance.<br />

Il parle de défis sociaux, de questions de sécurité, de soucis de<br />

bon voisinage. Il s’agit d’un plan global sur le long terme, sur un<br />

horizon de vingt ans (2014-2035). Et ce plan est séquencé. Tous<br />

les cinq ans, nous mettons en place un plan d’action prioritaire.<br />

Le premier était destiné à la transformation<br />

structurelle de l’économie. Pour y<br />

parvenir, nous avons dû régler le problème<br />

de nos capacités productives. Je<br />

vous donne un exemple : en 2012, le<br />

Sénégal, c’était 500 mégawatts de capacité<br />

de production d’électricité. On a<br />

connu en 2011 ce que l’on a appelé les<br />

« émeutes de l’électricité ». Il fallait agir<br />

vite pour que le pays puisse disposer<br />

d’électricité en quantité suffisante et<br />

qu’elle soit produite à un coût compétitif.<br />

Le président de la République a d’abord<br />

veillé au redressement des finances<br />

publiques. Nous avons mis le curseur<br />

sur les infrastructures et les capacités<br />

productives, pour faire en sorte que<br />

l’on produise davantage d’électricité à<br />

un prix plus raisonnable. Et puis, nous<br />

avons élargi la base de la croissance.<br />

Avant 2012, nous avions deux moteurs de croissance, le duo<br />

services financiers et télécommunications. Mais 60 % de notre<br />

population vit de l’agriculture. Dans la première phase du PSE,<br />

nous avons réussi à faire en sorte que notre agriculture produise<br />

plus et mieux. Pour l’arachide, qui représentait la base de nos<br />

productions, nous sommes passés de 400 000 tonnes à 1,8 million<br />

de tonnes. Pour le riz, que nous importions beaucoup, nous<br />

produisons aujourd’hui localement 1,3 million de tonnes, contre<br />

400 000 auparavant. Cela montre que les bases de notre croissance<br />

ont changé. Nous sommes passés de deux à six moteurs.<br />

Et la croissance du Sénégal entre 2011 et 2019-2020, avant la<br />

pandémie, a été multipliée par quatre. C’est ce que l’on attendait<br />

Malgré<br />

la pandémie,<br />

nous avons<br />

pu maintenir<br />

une croissance<br />

de 1,7 %,<br />

avec un déficit<br />

budgétaire assez<br />

soutenable.<br />

du PSE : changer la structure de notre économie. Remettre l’agriculture<br />

à l’honneur, ainsi que le tourisme, l’habitat…<br />

Quels ont été les nouveaux objectifs<br />

définis lors de votre arrivée ?<br />

Ce qui caractérise le PSE, c’est que l’on détermine des<br />

batailles clés pour construire un Sénégal à l’horizon 2035. Et<br />

quel pays souhaitons-nous en 2035 ? Nous voulons une société<br />

et une économie plus prospères. Une économie plus orientée<br />

vers les services et l’industrie. Une agriculture plus développée.<br />

Avec une productivité plus importante. Mais qu’allons-nous<br />

faire de cette croissance ? Il nous faut en premier lieu de l’équité<br />

territoriale. Il y avait des zones qui n’étaient pas sur la côte<br />

atlantique, mais qui avaient du mal à avoir les voies de communication<br />

nécessaires pour être connectées au reste du pays.<br />

Ainsi que des zones où l’eau et l’électricité étaient un problème,<br />

et d’autres où les équipements pour l’éducation ou la santé<br />

n’étaient pas suffisants. Les fruits de la croissance doivent aider<br />

à rétablir cette équité territoriale. Chaque zone doit bénéficier<br />

de sa part de croissance et de notre<br />

ambition nationale d’émergence. Et<br />

puis, nous devons nous occuper de<br />

toutes les questions liées à l’avenir<br />

du Sénégal. Par exemple, nous avons<br />

construit deux universités : la nouvelle<br />

université de Dakar et celle du Sine<br />

Saloum, qui a déjà commencé à fonctionner.<br />

Pour information, de 1960 à<br />

2018, l’université Cheikh Anta Diop, à<br />

Dakar, a augmenté sa capacité de lits<br />

d’étudiants à 4 000 unités. Entre 2018<br />

et 2020, nous avons doublé cette<br />

dernière. Les tarifs de restauration<br />

dans les universités n’ont pas bougé,<br />

nous proposons toujours un tarif de<br />

100 francs CFA par repas. Un prix<br />

incomparable par rapport aux pays<br />

de la sous-région. Notre croissance<br />

doit servir à développer les infrastructures,<br />

préparer l’industrialisation, aider les étudiants à travailler<br />

mieux. Aider aussi les couches les plus vulnérables. C’est tout<br />

cela la promesse du PSE.<br />

Le plan, dont la deuxième phase doit s’étendre<br />

jusqu’en 2023, a dû tenir compte des retards à cause<br />

du Covid-19. A-t-il aussi été réorienté à cet effet ?<br />

Tout à fait. Entre 2020 et 2021, les économies du monde<br />

entier ont subi de plein fouet les effets de la pandémie. Même<br />

si le Sénégal fait partie des pays qui ont le mieux résisté. Nous<br />

avons pu maintenir une croissance de 1,5 %, 1,7 %, avec<br />

un déficit budgétaire assez soutenable. Mais en 2021, nous<br />

devons retrouver une croissance de 5 %, et l’année prochaine,<br />

48 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Entre 2018 et 2020, grâce au PSE, le nombre de lits d’étudiants à l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, est passé de 4 000 à 8 000.<br />

SYLVAIN CHERKAOUI<br />

elle devrait atteindre environ 5,5 %. Cela prouve que notre<br />

économie est résiliente. Mais il est vrai que certains projets<br />

ont été retardés.<br />

Lesquels ?<br />

Nos autoroutes surtout. Nous devions réaliser celle qui relie<br />

Thiès à Saint-Louis. Ou encore l’axe Fatick-Kaolack. Il y a eu un<br />

peu de retard. Et bien sûr, nous avons dû opérer un recadrage<br />

de nos politiques économiques, car le monde n’est plus ce qu’il<br />

est. La nouvelle priorité est de diminuer notre dépendance visà-vis<br />

de l’extérieur. Dans le domaine alimentaire, de nombreux<br />

produits ont subi de plein fouet des augmentations de prix, car<br />

les containers ou les moyens de transport n’étaient plus disponibles.<br />

Un motif de plus pour produire davantage local pour<br />

notre consommation. Nous devons plus orienter nos jeunes vers<br />

l’entrepreneuriat social et solidaire, vers des métiers innovants.<br />

On le constate à Dakar, où tous ont l’ambition d’avoir leur société<br />

et d’être présents dans des secteurs où, en général, on ne voit pas<br />

de Sénégalais. La digitalisation a beaucoup aidé dans ce sens.<br />

Les jeunes n’attendent plus d’être salariés ou d’entrer dans la<br />

fonction publique. C’est la raison pour laquelle l’État a mis en<br />

place la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide (DER),<br />

où un système de nano-crédit a été créé à l’intention des jeunes<br />

et des femmes qui ont une activité quotidienne, comme vendre<br />

du poisson. Elles arrivent à obtenir des petits crédits de 75 ou<br />

150 euros pour leur activité durant la semaine, puis elles remboursent<br />

et reprennent un nano-crédit. Notre économie et nos<br />

systèmes financiers sont en train de s’adapter aux réalités de<br />

notre monde. Autre constat post-Covid, nous avons compris que<br />

pour nous soigner, nous sommes en queue de file. Il faut par<br />

exemple attendre que certains pays vaccinent toute leur population<br />

avant que d’autres en reçoivent. Et au-delà des vaccins,<br />

nous avons prix conscience que 90 % des médicaments que<br />

nous consommons sont importés. Le marché du médicament au<br />

Sénégal, c’est 150 milliards de FCFA. Le président de la République<br />

a lancé un appel aux entrepreneurs, aux spécialistes des<br />

questions médicales. Il a donné l’exemple en construisant de<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 49


INTERVIEW<br />

grands hôpitaux dans des zones où il n’en existait pas, comme la<br />

région de Kaffrine, Kédougou, Touba… Et il y en aura d’autres.<br />

Mais nous devons aussi fabriquer nos médicaments. Pour le<br />

Sénégal et pour l’Afrique de l’Ouest.<br />

Quels sont les chantiers en cours dans ce domaine ?<br />

Tout d’abord, il faut rappeler que notre pays a une longue<br />

tradition de production de produits pharmaceutiques. L’usine<br />

Médis, à Thiaroye, fabriquait des médicaments. Le Fonds souverain<br />

d’investissements stratégiques avait investi dans l’usine<br />

de solutés Parenterus. Et avec le Covid, nous avons appris que<br />

les États devraient faire autant d’efforts pour se protéger médicalement<br />

que militairement. C’est la raison pour laquelle nous<br />

avons inauguré quatre hôpitaux en deux années. En 2012, nous<br />

disposions de deux centres de dialyse, aujourd’hui il y en a 10.<br />

Et l’objectif d’ici 2024, c’est qu’il y en ait 16. Chaque région doit<br />

avoir le sien. Au-delà des questions médicales, nous avons aussi<br />

mis en place la couverture maladie universelle, afin que tous les<br />

Sénégalais aient accès aux soins. Vous cotisez<br />

5 euros par an, et vous avez droit à une<br />

prise en charge de vos dépenses de santé à<br />

hauteur de 80 % pour les actes médicaux<br />

et les médicaments génériques. C’est une<br />

grosse avancée. Et qu’avons-nous constaté ?<br />

Entre 2012 et 2019, nous sommes passés de<br />

20 % à 50 % de personnes disposant d’une<br />

assurance maladie. Il nous faut donc avancer<br />

petit à petit dans la fabrication locale. Notre<br />

objectif est de passer à 30 % de production<br />

en 2030. Et d’arriver à 50 % en 2035. Nous<br />

ne voulons plus dépendre de l’extérieur. Nos<br />

entreprises doivent profiter de cet énorme<br />

marché du médicament que nous offrons,<br />

tout en générant du savoir faire local.<br />

Où en est le projet d’usine<br />

Nous<br />

avons une<br />

perspective<br />

heureuse et<br />

prometteuse<br />

avec la<br />

découverte<br />

du gaz et<br />

du pétrole.<br />

de fabrication de vaccins ?<br />

La firme BioNTech, qui a découvert le<br />

premier vaccin à ARN messager pour le Covid, a décidé de<br />

nouer des partenariats avec deux pays en Afrique : le Rwanda<br />

et le Sénégal. Elle nous a choisis parce que l’Institut Pasteur de<br />

Dakar est réputé dans le monde, avec son passé de producteur<br />

de vaccins pour la fièvre jaune. Un investissement de 200 millions<br />

de dollars est en cours, provenant de plusieurs pays, dont<br />

le Sénégal qui participera à hauteur de 10 millions de dollars,<br />

les États-Unis, certains pays de l’Union européenne, etc. L’idée<br />

est de produire des vaccins à partir de l’Afrique pour l’Afrique.<br />

Nous disposons du savoir-faire et de l’historicité en la matière.<br />

Nous produirons des vaccins contre le Covid. Et d’autres aussi.<br />

Quelles sont les autres priorités de la deuxième phase ?<br />

Cette deuxième phase, c’est le Plan d’action prioritaire<br />

numéro 2 (PAP 2). Normalement, il devait s’étendre de 2019 à<br />

2023. Mais à cause de la crise du Covid, nous l’avons renommé<br />

« PAP 2A » : Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré. Le<br />

PAP 2A fait référence à notre souveraineté. Il nous faut produire<br />

davantage chez nous ce que nous consommons pour ne<br />

pas subir des événements malheureux comme la pandémie, qui<br />

crée beaucoup d’incertitudes. On ne sait pas si le riz importé<br />

va arriver à l’heure, si l’on va subir les effets des marchés internationaux,<br />

etc. C’est pour cela que je parle de souveraineté<br />

alimentaire et d’économie sociale et solidaire, de donner aux<br />

jeunes des formations utiles, de lancer la fabrication locale<br />

de médicaments pour ne plus être dépendant, etc. Ce sont les<br />

priorités du PAP 2A. Auxquelles il faut ajouter le PSE vert, qui<br />

gère la question de la reforestation. En 2019, le président a expliqué<br />

que le Sénégal faisait partie des pays qui perdaient beaucoup<br />

de forêts. Et qu’il fallait agir sur l’environnement. Nous<br />

avons une politique de reforestation, à travers un programme<br />

dédié, qui doit aussi créer un écosystème environnemental.<br />

L’industrialisation se trouve également au<br />

cœur de nos ambitions. L’État du Sénégal a<br />

posé des actes forts. Comme la mise en place<br />

d’agropoles au sud et au centre, avec des<br />

produits identifiés et prioritaires. Il s’agit de<br />

zones où les producteurs agricoles peuvent<br />

échanger avec les industriels, vendre leurs<br />

produits qui sont transformés sur place,<br />

puis exportés ou mis en vente sur les marchés<br />

locaux.<br />

Quels sont les principaux produits<br />

manufacturés localement aujourd’hui ?<br />

L’arachide en premier, qui est transformée<br />

et exportée. Mais nous souhaitons compter<br />

sur davantage de produits manufacturés. Et<br />

exporter plus de denrées dont nous disposons.<br />

Par exemple, nous produisons beaucoup de<br />

sel. C’est une véritable filière qui est en train<br />

de se développer dans la région de Fatick. Si<br />

vous prenez le Nigeria, le pays importe environ 1 000 milliards<br />

de francs CFA de sel par an. Et il vient principalement de l’Inde<br />

ou du Brésil, alors que nous disposons d’un énorme potentiel sur<br />

notre sol. Parfois, nous en perdons, parce que nous n’avons pas<br />

les marchés en face ou les équipements nécessaires à la conservation<br />

et la transformation. Aujourd’hui, ces industries sont<br />

appuyées par l’État. Autre exemple, nous importons beaucoup<br />

d’huile de palme, alors que nous possédons des espaces et des<br />

terres dans certaines zones disposant d’une bonne pluviométrie.<br />

L’idée est donc de retravailler ces filières, en créer davantage à<br />

haute valeur ajoutée, dans l’aquaculture, dans l’élevage. Nous<br />

sommes devenus autosuffisants en ce qui concerne la pomme<br />

de terre ou l’oignon. Autant de produits que nous importions<br />

beaucoup auparavant.<br />

50 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ELLIPSES - PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE<br />

Le nouvel hôpital régional de Kaffrine.<br />

Revenons sur la bataille cruciale<br />

de l’énergie. Elle semble gagnée à Dakar,<br />

où les délestages ont pratiquement disparu.<br />

Qu’en est-il du reste du pays ? Et quel type<br />

d’énergie privilégiez-vous pour demain ?<br />

L’énergie est un gros défi. Nous avons fait un véritable<br />

bond en avant, puisque nous sommes passés de<br />

576 mégawatts à plus de 1529 mégawatts. Nous avons<br />

presque triplé notre capacité en moins de dix ans.<br />

L’autre point, c’est que nous avons réussi le mix énergétique.<br />

Avec 30 % d’énergie renouvelable. Et nous<br />

avons une perspective heureuse et prometteuse avec<br />

la découverte du gaz et du pétrole. Nous sommes en<br />

train de préparer cela avec des centrales à gaz. Aujourd’hui,<br />

West African Energy, une entreprise portée par des investisseurs<br />

sénégalais, est en passe d’être l’une des premières sociétés<br />

de production et de transformation d’électricité à gaz. C’est<br />

une révolution. Cela nous permettra d’être encore plus souverains<br />

dans notre capacité de production. Et de maîtriser nos<br />

coûts. Des tarifs plus bas nous permettront d’être plus compétitifs,<br />

surtout pour notre monde industriel. Sur le plan de<br />

l’accès à l’ électricité, il existe deux segments : l’électrification<br />

urbaine, pour laquelle nous affichons un taux très élevé qui<br />

tourne autour de 92 %, et l’électrification rurale où nous en<br />

sommes à 55 %. Entre 2012 – où nous en étions à 24 % – et<br />

aujourd’hui, nous avons plus que doublé le taux d’accès. C’est<br />

un très bon taux. Mais le président de la République souhaite<br />

que davantage de Sénégalais aient accès à l’électricité. Et nous<br />

y travaillons. Le taux de l’électrification nationale tourne<br />

autour de 76 %, et je pense que c’est l’un des plus élevés en<br />

Afrique subsaharienne.<br />

Inauguration<br />

par Macky Sall,<br />

le 10 juillet 2021,<br />

de la troisième<br />

usine d’eau potable<br />

de Keur Momar<br />

Sarr (KMS).<br />

L’accès à l’eau semble plus compliqué.<br />

Les Sénégalais se plaignent de nombreuses<br />

coupures. Quelles en sont les raisons ?<br />

Tout d’abord, nous avons subi des retards d’investissement<br />

dans la décennie 2000-2010. Ils nous ont rattrapés. Mais nous<br />

avons su faire les investissements nécessaires avec l’usine de<br />

Keur Momar Sarr, qui injecte 200000 m 3 d’eau par jour dans le<br />

réseau. Le taux d’accès en milieu urbain est très élevé. Il avance<br />

bien en milieu rural aussi. La grande région de Dakar, qui compte<br />

plus de 3 millions d’habitants, concentre 60 % de l’activité économique<br />

du pays. La population croît. Elle est de plus en plus<br />

jeune, avec 75 % de moins de 35 ans. Cela crée des besoins. Les<br />

coupures à Dakar n’existent plus. Quand il y en a, elles sont ponctuelles,<br />

et liées à des travaux d’adaptation sur le réseau. L’eau<br />

est l’un des secteurs prioritaires, très surveillé. Nous sommes en<br />

train de préparer un projet de dessalement de l’eau de mer pour<br />

renforcer encore davantage la capacité de production du pays,<br />

surtout en milieu urbain et dans la région de Dakar. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 51


52 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Les limites<br />

de Dakar reculent,<br />

poussées par<br />

une urbanisation<br />

galopante qui met<br />

sous pression<br />

un écosystème<br />

fragilisé. Son futur<br />

se dessine<br />

urbanitéDAKAR pourtant fort.<br />

VISE L’AVENIR<br />

par Jérémie Vaudaux<br />

XXXXXXXXX<br />

SHUTTERSTOCK<br />

La route de la Corniche,<br />

en allant vers le Plateau.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 53


URBANITÉ<br />

Dakar est gargantuesque. La presqu’île du<br />

Cap-Vert, qui a vu naître le destin hors<br />

norme de la capitale du Sénégal, a fait<br />

les frais de sa faim dévorante. Si l’Atlantique<br />

qui borde la Corniche contient<br />

son appétit, à l’est il n’y a pas d’entrave.<br />

Aujourd’hui, Dakar, métropole<br />

qui cache encore administrativement<br />

son nom, semble n’avoir ni fin ni cesse. Ses limites régionales<br />

reculent devant les assauts répétés d’une urbanisation qui<br />

englobe aujourd’hui près de 820 km 2 , une partie de l’espace<br />

naturel humide des Niayes et de la région voisine de Thiès. Les<br />

alizés battant les flancs de la capitale auraient-ils aiguisé son<br />

appétit ? À moins que la faute n’incombe à la formidable capacité<br />

polarisatrice d’une ville-monde qui ne cache plus ses ambitions.<br />

Se mettre à la même table qu’Abidjan et Lomé. Se positionner<br />

comme le principal carrefour de la sous-région ouest-africaine et<br />

rayonner au-delà même de ses frontières continentales. En 2017,<br />

l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) ouvre ses portes.<br />

Portée par la dernière-née des compagnies nationales, Air Sénégal,<br />

Dakar se rapproche des grandes métropoles d’Europe et des<br />

États-Unis : Paris, Milan, Londres, Washington et New York. En<br />

2027, la mise en service du port multifonctionnel en eau profonde<br />

de Ndayane – le troisième du continent –, situé à 60 kilomètres<br />

au sud de la capitale, devrait désengorger le port actuel<br />

situé au centre-ville. Et assouvir peut-être la boulimie d’une ville<br />

tournée vers l’ailleurs et l’avenir.<br />

Le paisible quotidien de pêcheurs lébous, dont les villages<br />

rythmaient les côtes du Cap-Vert au XVIII e siècle, appartient<br />

aux livres d’histoire – ceux sommeillant dans la bibliothèque<br />

de la prestigieuse, quoique régulièrement taxée de décadente,<br />

Université Cheikh Anta Diop (UCAD). La région concentre<br />

aujourd’hui 90 % des emplois permanents, contribue à 80 %<br />

du produit intérieur brut (PIB) et s’est imposée comme la tête<br />

de pont du Sénégal émergent. Il suffit de jeter un œil au sommet<br />

des immeubles qui bordent la place de l’Indépendance, dans<br />

Peinture murale pour sensibiliser<br />

la population aux gestes barrières<br />

contre le Covid-19.<br />

le quartier d'affaires du Plateau : Banque centrale des États de<br />

l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), bureau régional de la Banque africaine<br />

de développement (BAD), celui de l’UNESCO… Autant<br />

d’organisations qui participent au prestige d’une capitale cosmopolite<br />

dont le rayonnement est aussi culturel. En témoigne<br />

la tenue d’événements de prestige, comme la biennale d’art<br />

contemporain africain ou la Dakar Fashion Week.<br />

Là où son dynamisme s’observe le mieux, c’est pourtant au<br />

quotidien, dans les rues que se partagent 4 millions d’habitants<br />

– soit près du quart de la population sénégalaise qui s’entasse<br />

sur 0,3 % du territoire national. Une tête d’épingle, en somme,<br />

mais chauffée à blanc par un dynamisme démographique galopant.<br />

Aujourd’hui, un Dakarois sur deux a moins de 20 ans.<br />

Il faut, pour en saisir l’ampleur, s’immerger dans les artères<br />

bouillonnantes du marché Soumbédioune où tout se trouve,<br />

du poisson à la chaîne hi-fi, longer les locaux industriels de la<br />

baie de Hann qui, concentrant 80 % des industries de Dakar,<br />

semblent ne jamais dormir. Il faut prendre la pleine mesure du<br />

secteur informel qui occupait en 2013 un Dakarois actif sur<br />

deux, entre motos-taxis, vendeurs à la sauvette et restaurants<br />

clandestins. Le crépuscule venu, il faut s’attarder aux abords de<br />

la plus grande mosquée d’Afrique de l’Ouest, nommée Les Chemins<br />

du paradis, vers laquelle convergent des milliers de fidèles.<br />

Il faut enfin, sans craindre les contrastes, s’enfoncer dans la nuit<br />

et écumer la Corniche, où la jeunesse dorée vogue de club en<br />

club jusqu’à l’aube.<br />

Dakar abrite des mondes qui se frôlent parfois, mais se<br />

croisent rarement. L’apparent dynamisme de la capitale cache<br />

mal une ségrégation sociospatiale marquée, dont l’origine<br />

remonte aux politiques hygiénistes du temps des colonies. Une<br />

épidémie de peste servira de prétexte pour mettre à l’écart les<br />

populations indigènes. Le quartier de la Medina est ainsi créé<br />

en 1914, séparé du Plateau par un cordon sanitaire. L’inopérabilité<br />

des visions planificatrices du développement urbain<br />

au cours de la deuxième moitié du XX e siècle fera perdurer la<br />

dichotomie sociospatiale à Dakar. L’enjeu, actuel, est celui du<br />

vivre-ensemble.<br />

ÉTALEMENT URBAIN DIFFÉRENCIÉ<br />

Dans les années 1970, la cité implose. Les<br />

intenses sécheresses qui sévissent au Sénégal<br />

ainsi que les mirages de la capitale provoquent un<br />

exode rural massif. Entre 1955 et 1976, la population<br />

de la région de Dakar triple pour atteindre<br />

799 000 habitants. Précaires, les néo-arrivants<br />

s’installent de façon illégale dans une zone non<br />

ædificandi inondable : la Grande Niaye, une zone<br />

humide de dépression interdunaire où affleure la<br />

nappe phréatique mise en valeur par l’agriculture,<br />

mais alors majoritairement réserve de biodiversité.<br />

Y naissent les villes de Pikine et Guédiawaye,<br />

situées à une quinzaine de kilomètres du nord-est<br />

SADAK SOUICI/LE PICTORIUM<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


La Chambre de commerce,<br />

d’industrie et d’agriculture<br />

est située sur la place<br />

de l’Indépendance, au cœur<br />

du quartier d’affaires du Plateau.<br />

ERICK CHRISTIAN AHOUNOU/AID<br />

de Dakar. Elles s’y étendent aussi. Au risque, chaque année,<br />

lors de la saison des pluies, que ses habitants se réveillent les<br />

pieds dans l’eau.<br />

À force de déguerpissements, d’assainissements et de relogements<br />

via la Société immobilière du Cap-Vert (SICAP) et la<br />

Société nationale des habitations à loyer modéré (SNHLM), une<br />

partie des habitants a pu s’installer dans l’extension de Pikine<br />

et, dans une moindre mesure, dans les immeubles des quartiers<br />

populaires, plus centraux, de SICAP et de HLM. Il n’en demeure<br />

pas moins qu’en 2012, après les inondations, près de 75 % des<br />

400 000 habitants du quartier de Pikine Irrégulier Sud ont été<br />

portés sinistrés. Bien que des mesures de réduction des risques<br />

naturels aient été prises dans le cadre du Plan Sénégal Émergent<br />

(PSE) adopté en 2012, elles demeurent en deçà des réalités<br />

de l’urbanisation illégale, qui s’accroît encore aujourd’hui<br />

dans les zones à risque. Le département de Pikine a désormais<br />

dépassé celui de Dakar en nombre d’habitants – sans rattraper<br />

son niveau de vie. Transiter de Pikine aux Almadies, pour bien<br />

comprendre, revient à tenter un grand écart. Les quartiers résidentiels<br />

de l’ouest dakarois, prisé notamment par les expatriés<br />

occidentaux, sont le siège des couches nanties. Les rues arborées,<br />

pour la plupart carrelées ou goudronnées, font la belle<br />

place aux villas gardées par les sociétés de sécurité privées et<br />

aux 4x4 rutilants malgré la poussière ambiante – repoussée à<br />

la sueur du front des employés de maison. Près d’un tiers des<br />

Là où son dynamisme<br />

s’observe le mieux,<br />

c’est au quotidien,<br />

dans les rues<br />

que se partagent<br />

4 millions d’habitants.<br />

ménages des quartiers résidentiels percevaient en 2015 plus<br />

de 600 000 francs CFA (environ 910 euros), selon une enquête<br />

du sociologue Ibrahima Ndiaye, affilié à l’UCAD. À Pikine et à<br />

Guédiawaye, cette part plafonnait à 2 %. Aussi, lorsque l’on met<br />

en corrélation la disparité des revenus avec l’intense pression<br />

immobilière dont Dakar fait l’objet, on a l’impression d’écouter<br />

l’histoire du serpent qui se mord la queue. Entraînée par une<br />

augmentation des loyers de 256 % par rapport à 1994, la dynamique<br />

de perpétuation des discriminations sociospatiales ne<br />

connaît, pour le moment, pas de frein. Année après année, la<br />

ville pousse les classes les plus pauvres dans ses marges. Et cela,<br />

même alors que le Plan directeur d’urbanisme (PDU) de Dakar<br />

à l’horizon de 2035 prône l’inclusivité.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 55


URBANITÉ<br />

REDESSINER LA VILLE<br />

Dakar pourrait pourtant bien tirer son épingle du jeu<br />

en renversant les notions mêmes de centre et de périphérie.<br />

Aujourd’hui, la concentration monopolaire des activités de<br />

commerces et de services met sous pression une infrastructure<br />

urbaine qui se caractérise par de monstrueux embouteillages<br />

pendulaires. Chaque matin, la ville est témoin de migrations<br />

massives des travailleurs issus des quartiers populaires convergeant<br />

vers le Plateau. Se retrouver dans l’interminable file de<br />

voitures s’étirant sur la Corniche, lundi matin sous un soleil<br />

de plomb, coupe l’envie de se perdre dans la contemplation<br />

de l’océan.<br />

L’heure n’est pourtant pas à la fatalité. Avec la mise en<br />

service du Train express régional (TER), le 27 décembre dernier,<br />

le président Macky Sall a posé la première pierre d’un<br />

vaste projet de restructuration des modes de communication<br />

dans la capitale. Le tracé relie la gare centrale de Dakar à<br />

Pikine, la ville encore en projet de Diamniadio [voir encadré<br />

ci-dessous], puis, à terme, l’AIBD. Selon les chiffres officiels,<br />

115 000 passagers quotidiens pourraient profiter des services<br />

hypermodernes du TER – reste à savoir si le prix plancher<br />

de 500 francs CFA (0,76 euro) du billet ne sera pas trop onéreux<br />

pour la frange populaire des habitants, habituée aux<br />

faibles tarifs des cars rapides et des bus Tata. Afin d’épauler le<br />

TER dans sa mission de désengorgement des axes routiers, la<br />

municipalité planche aussi sur un projet de Bus Rapid Transit<br />

(BRT), dont les navettes circuleront dans des corridors réservés.<br />

En 2022, elles relieront les communes de Keur Massar,<br />

Guédiawaye, Pikine Nord et Dakar. Le chiffre de 300 000 usagers<br />

quotidiens est avancé [voir pp. 40-41].<br />

Faciliter la mobilité dans l’agglomération : l’objectif est<br />

assumé. Mieux encore, en cascade, son accomplissement<br />

favoriserait la décentralisation et l’émergence de deux nouveaux<br />

pôles de croissance urbaine, Diamniadio et Daga Kholpa.<br />

Si le premier est en phase de devenir réalité à l’horizon de 2024,<br />

le second se heurte, pour l’heure, aux résistances des habitants.<br />

Ceux-ci ne s’estiment pas assez concertés et craignent<br />

des spoliations de territoire. Et ce, bien que le PDU indique<br />

« la coexistence des villages existants et des zones urbaines<br />

modernes » dans un territoire de 3 891 hectares, qui n’accueillait<br />

en 2020 que 33 000 habitants… et dont l’aménagement<br />

vise à en accueillir 190 000.<br />

Une densité qui pèse aussi sur les questions agricoles. Alors<br />

que l’alimentation représente près de 50 % des dépenses des<br />

ménages modestes, l’agriculture périurbaine est menacée. En<br />

cause, l’extension du bâti, l’appauvrissement des sols dû à la<br />

pollution et les difficultés d’accès à l’eau. « Comment imaginer<br />

l’avenir d’une métropole comme Dakar sans la conditionner<br />

à une agriculture […] qui permette de concilier la sécurité<br />

foncière et écologique des territoires ? », alertait en 2015 la<br />

Fondation Nicolas Hulot à l’origine d’un rapport réalisé avec<br />

le GRDR. La région, pourtant, ne manque pas de potentiel.<br />

Située sur la zone humide et fertile des Niayes, elle fournit<br />

un tiers de la production agricole nationale en maraîchage<br />

et approvisionne la ville à plus de 90 % de sa consommation<br />

en fruits et légumes, selon le dernier recensement national<br />

de l’agriculture en 2013. Face à l’importation des produits de<br />

première nécessité comme le riz, dont 70 % de la consommation<br />

dakaroise provient d’Asie, la préservation des surfaces<br />

d’agriculture périurbaine devient indispensable.<br />

Désengorgement et décentralisation, donc, sont les maîtresmots<br />

d’une nouvelle politique de gouvernance qui œuvre<br />

également pour préserver l’écosystème mis sous pression par<br />

l’anthropisation de la région de Dakar, dont près de 97 % de<br />

Diamniadio, la cité qui s’invente<br />

Située au carrefour de<br />

l’agglomération dakaroise et<br />

du reste du pays, Diamniadio<br />

cristallise les espoirs d’une<br />

réponse à une urbanisation devenue<br />

incontrôlable. Un projet pharaonique<br />

de 1644 hectares adossé à une Zone<br />

économique spéciale intégrée (ZESI).<br />

Voilà ce que promet l’État du Sénégal,<br />

qui a déjà déboursé 600000 milliards<br />

de francs CFA (914 millions d’euros)<br />

dans la phase de démarrage du<br />

projet – les opérateurs privés, pour la<br />

plupart turcs, chinois et sénégalais,<br />

ont, eux, pris le relais en 2020 de<br />

la phase de développement. Le futur<br />

pôle urbain devrait, à terme, compter<br />

300 000 habitants. « Diamniadio<br />

servira de modèle urbain pour<br />

le Sénégal, en tant que ville<br />

soigneusement planifiée », assure la<br />

Délégation générale à la promotion des<br />

pôles urbains (DGPU), en charge du<br />

suivi opérationnel. Reste qu’une ville,<br />

si elle peut s’inventer, doit devenir un<br />

objet de désir pour ses futurs habitants.<br />

La présence de voisins prestigieux<br />

pourrait enjoindre les Dakarois<br />

à franchir le pas : la Dakar Arena,<br />

ce complexe sportif multifonctionnel<br />

de 15 000 places, est l’un d’eux. La<br />

nouvelle université Amadou Makhtar<br />

Mbow, la Cité ministérielle et la<br />

Maison des Nations unies aussi. Quant<br />

à la qualité de vie d’une cité scindée en<br />

deux par l’autoroute, la DGPU l’assure :<br />

Diamniadio sera durable. La ville sera<br />

dotée en infrastructures faisant la<br />

part belle à la mobilité douce et aux<br />

espaces verts. Résiliente, elle sera<br />

équipée notamment de technologies<br />

de surveillance et de planification<br />

56 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


la surface est urbanisée. Une goutte d’eau, diront certains, au<br />

regard des enjeux écologiques auquel la capitale fait déjà face.<br />

Dakar serait en passe de devenir une bombe écologique. La<br />

plage de Yoff, située au nord, sur la commune éponyme, en est<br />

l’un des symboles. Mis de côté les sportifs, les promeneurs, les<br />

mouettes par le poisson alléchées et le soleil couchant, restent<br />

les déchets domestiques. Ceux déchargés sauvagement. Ceux<br />

drainés par les flots. Pour pallier la pression toujours plus<br />

grande que les déchets solides impriment sur la capitale, la<br />

municipalité a lancé en 2019 la campagne citoyenne « Dakar<br />

ville propre ». Chaque parcelle de quartier nettoyée par ses<br />

habitants est abondamment partagée sur les réseaux sociaux,<br />

non sans soulever quelques interrogations – les bonnes volontés<br />

des Dakarois ne s’avèrent-elles pas insuffisantes si elles ne<br />

sont pas adossées à une solide gouvernance publique ? Que<br />

peut faire de plus l’Unité de coordination de la gestion des<br />

déchets solides (UCG) ? L’organisme compétent dans la collecte<br />

et la prise en charge de 2 100 tonnes de déchets quotidiens n’a<br />

d’autre choix que d’envoyer ceux-ci dans les 75 hectares de la<br />

décharge à ciel ouvert de Mbeubeuss, adossée à l’une des plus<br />

grandes zones maraîchères de la région, dans la commune de<br />

Malika. Aucun remplaçant crédible n’a, pour l’heure, été trouvé<br />

à Mbeubeuss, bien qu’un site d’enfouissement des déchets, plus<br />

écologique, ait été ouvert en 2015 dans la commune de Sindia,<br />

soixante kilomètres au sud de la ville.<br />

FACE À SON ENVIRONNEMENT<br />

Si Dakar salit, Dakar consomme aussi – de l’eau et de l’électricité,<br />

en des quantités toujours plus importantes. La demande<br />

en électricité était estimée à 348 MW en 2013. Les projections<br />

indiquent plus du quintuple à l’horizon de 2035, soit 1 810 MW.<br />

Quant à l’eau, alors que les ménages consommaient en moyenne<br />

près de 280 000 m 3 d’eau par jour, le PDU table sur le double en<br />

2035, soit 595 000 m 3 . Les installations peinent pourtant déjà<br />

à tenir le choc. La société Sen’Eau, opérée par le groupe français<br />

Suez, qui gère et exploite la distribution de l’eau au Sénégal<br />

depuis 2020, doit régulièrement s’excuser via les réseaux<br />

sociaux : les travaux de maintenance sur le système d’approvisionnement<br />

sous-dimensionné occasionnent des pénuries à<br />

Dakar depuis quelques années. En cause, aussi, un manque de<br />

diversification des ressources : la consommation des ménages<br />

dépend à 45 % du lac de Guiers, situé à plus de 250 kilomètres<br />

au nord de la capitale. Les 55 % restants proviennent des<br />

forages puisant dans les nappes phréatiques de Thiaroye et<br />

de Pout, dans la région de Dakar – des nappes surexploitées<br />

et surpolluées qui, en l’absence d’un réseau d’assainissement<br />

suffisant, sont caractérisées par un taux de nitrate et de matière<br />

fécale dans des taux 10 fois supérieurs à ceux recommandés<br />

par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour tenter de<br />

diversifier les sources de production, une usine de dessalement<br />

d’eau dans le quartier des Mamelles a été financée par l’Agence<br />

japonaise de coopération internationale (JICA). Sa capacité de<br />

100 000 m 3 quotidienne pourrait soulager des nappes phréatiques<br />

rendues exsangues par la soif d’une ville insatiable.<br />

C’est sans doute là le prix fort que Dakar doit payer.<br />

Son rayonnement et la polarisation dont la ville fait l’objet<br />

aujourd’hui risquent de la déconnecter de son écosystème<br />

qui, pourtant, ne cesse de se rappeler à elle. Après de folles<br />

années caractérisées par l’euphorie des débuts, la capitale,<br />

afin de conserver son aura et offrir à ses habitants un cadre<br />

de vie digne de la teranga sénégalaise, n’a plus d’autre choix<br />

que d’entrer de plain-pied dans l’âge de raison en se dotant<br />

d’une gouvernance solide – et ainsi faire face à son cortège<br />

de responsabilités. ■<br />

La prestigieuse<br />

Dakar Arena,<br />

complexe<br />

sportif de<br />

15 000 places.<br />

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA<br />

intelligentes, afin de s’adapter<br />

aux inondations et au changement<br />

climatique. Inclusive, enfin, elle<br />

proposera 15 000 habitations à loyer<br />

modéré. Les louables intentions des<br />

plaquettes commerciales, cependant,<br />

ne font aucune mention de la pression<br />

mise sur l’économie locale et des<br />

expropriations des agriculteurs dont<br />

les exploitations préexistaient à<br />

l’implantation de la ville futuriste. Les<br />

conflits fonciers, s’ils étaient résolus,<br />

pourraient bien ouvrir la voie à Dakar<br />

qui, en préparant son futur, aurait<br />

aussi tiré des leçons de son passé. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 57


PLAN SÉNÉGAL EMERGENT<br />

Image virtuelle<br />

du futur terminal<br />

à conteneurs du<br />

port multifonction<br />

deNdayane.<br />

Un Port du Futur<br />

à Ndayane<br />

Distance entre<br />

leport de Dakar et<br />

le port de Ndayane<br />

(50km) sur la côte.<br />

La société nationale du Port Autonome<br />

de Dakar, par une convention<br />

datée du 8 octobre 2007, a<br />

concédé à DP World FZE l’aménagement,<br />

l’équipement, l’exploitation, la<br />

gestion et la maintenance des terminaux<br />

à conteneurs existant en zone<br />

nord du Port de Dakar (premier volet<br />

du projet comprenant une superficie de<br />

29 hectares pour une durée de 25 ans<br />

renouvelable).<br />

Ladite convention prévoyait, à partir<br />

d’un seuil de trafic de 412 000 EVP qui<br />

serait atteint dès 2009, la construction,<br />

à proximité de l’actuel Port de Dakar,<br />

Objectifs du projet<br />

Ce port de commerce sera réalisé<br />

en trois phases :<br />

➔ Phase 1 : Terminal à conteneurs<br />

et terminal RORO<br />

➔ Phase 2 : Terminal<br />

conventionnel destiné au vrac<br />

alimentaire et autres trafics<br />

➔ Phase 3 : Création d’une zone<br />

logistique portuaire (zone<br />

économique spéciale)


Terminal à<br />

conteneurs avec<br />

une augmentation<br />

du trafic EVP.<br />

du Port du Futur, à partir de 2009 pour<br />

être opérationnel en 2012. La croissance<br />

soutenue du trafic, la congestion,<br />

le tirant d’eau très limité, l’atteinte des<br />

limites du volume de la concession du<br />

terminal à conteneurs prévu en 2021, le<br />

manque de réserve foncière sur le site<br />

actuel du Port de Dakar, font du Port<br />

de Ndayane un projet incontournable<br />

pour l’adaptation et le développement<br />

de l’offre portuaire du Sénégal. Le projet<br />

de construction du développement<br />

du Port du Futur ou Port de Dakar à<br />

Ndayane est une partie intégrante du<br />

Plan Sénégal Emergent (PSE).<br />

Infrastructure maritime<br />

➔ Un chenal de 5 kilomètres<br />

➔ Intérieur : 18,7 mètres de<br />

profondeur et 164 mètres de large<br />

➔ Extérieur : 21,5 mètres de<br />

profondeur et 266 mètres de large<br />

➔ Un épi de 1 300 mètres de long<br />

(à partir du mur de quai)<br />

➔ Un bassin d’évitage de 600 mètres<br />

et 18,7 mètres de profondeur<br />

➔ Une zone de mouillage au large<br />

de 18,5 kilomètres de diamètre<br />

Les composantes du projet<br />

Développer une plate-forme logistique<br />

portuaire moderne et performante pourra<br />

satisfaire aux tendances lourdes de l’environnement<br />

et aux objectifs nationaux<br />

etrégionaux :<br />

➔ Créer un hub logistique moteur du PSE<br />

➔ Une plate-forme portuaire moderne<br />

➔ Décongestionner la ville de Dakar<br />

➔ Créer de nouveaux pôles de<br />

développement économique<br />

Image 3D<br />

du terminal<br />

àconteneurs.<br />

PUBLI-REPORTAGE


interview<br />

Baïdy Agne<br />

« Lorsque<br />

les entreprises<br />

s’unissent,<br />

tout est<br />

possible »<br />

Croissance, emploi, exportation,<br />

agriculture, numérique…<br />

Le président du Conseil national<br />

du patronat se montre confiant.<br />

propos recueillis par Zyad Limam<br />

<strong>AM</strong> : La transformation structurelle, l’amélioration de la<br />

productivité et la compétitivité du secteur privé sont au<br />

cœur du Plan Sénégal Emergent (PSE). En cette période<br />

pandémique, les priorités ont-elles changé ? Le secteur<br />

privé reste-t-il le moteur principal de l’émergence ?<br />

Baïdy Agne : Les crises mondiales dévoilent l’architecture<br />

ainsi que les fractures des systèmes économiques, financiers et<br />

sociaux. La pandémie de Covid-19 a mis en exergue notre forte<br />

capacité nationale de résilience économique et à faire face aux<br />

urgences sanitaires, à mobiliser des ressources financières pour<br />

préserver notre secteur productif national et les emplois. Les<br />

orientations du PSE n’ont pas changé, par contre il a été surtout


DR


INTERVIEW<br />

question d’accélérer la mise en œuvre des politiques sectorielles<br />

visant trois objectifs : réduire notre fragilité et notre dépendance<br />

extérieure des secteurs vitaux tels que la santé, l’alimentation,<br />

l’énergie ; atteindre les 17 Objectifs de développement durable<br />

(ODD) au cœur de l’Agenda 2030 ; et renforcer la présence du<br />

secteur privé national dans le secteur productif tout en rendant<br />

attractif plus d’investissement direct étranger. Cela s’est traduit<br />

par une mise à niveau du cadre réglementaire et juridique de<br />

contractualisation des projets de partenariat public-privé (PPP),<br />

mais aussi par une responsabilisation plus grande du secteur<br />

privé national dans la réalisation des projets structurants du PSE.<br />

La forte croissance économique depuis 2013-2014,<br />

par rapport aux longues années de stagnation<br />

précédentes, a-t-elle bénéficié, d’une manière ou<br />

d’une autre, aux entreprises privées sénégalaises ?<br />

La dynamique forte de croissance<br />

économique constatée entre 2013 (3,5 %)<br />

et 2014 (6,2 %), puis maintenue jusqu’à<br />

l’avènement de la pandémie de Covid-<br />

19, nous a donné une moyenne d’environ<br />

6,5 % de croissance du PIB. Cette<br />

trajectoire de croissance, qui en fait<br />

l’un des pays d’Afrique subsaharienne<br />

les plus performants, témoigne d’une<br />

amorce de la transformation structurelle<br />

sous-tendue par des réformes axées sur<br />

l’amélioration du climat de l’investissement,<br />

de la gouvernance et des investissements.<br />

Cette période correspond<br />

également à la mise en œuvre du PSE,<br />

qui a eu un impact positif sur les entreprises<br />

privées sénégalaises des secteurs<br />

d’activité tels que le BTP, le transport,<br />

l’hôtellerie et la restauration, l’industrie<br />

Il suffit<br />

de prendre<br />

conscience<br />

des nouveaux<br />

enjeux et défis<br />

mondiaux,<br />

et ensuite,<br />

d’agir avec<br />

l’État.<br />

et l’agro-industrie, le commerce, l’agriculture, la pêche, les services,<br />

etc. Bien entendu, les performances enregistrées par les<br />

entreprises privées sont aussi tributaires de facteurs comme le<br />

processus managérial et la gouvernance interne.<br />

Le Sénégal figurait à la 123 e place dans le classement<br />

du Doing Business en 2020. Cela reflète encore<br />

les difficultés de fonctionnement et de compétitivité<br />

du secteur privé. Quels sont les principaux<br />

écueils auxquels vous devez faire face ?<br />

Le Sénégal a en effet été classé 123 e , mais il faut noter le<br />

progrès par rapport au classement de 2019, où nous occupions<br />

la 141 e place. Le Doing Business n’est pas un indicateur de<br />

compétitivité et de performances économiques ni des entreprises<br />

ni des pays. Il permet avant tout d’apprécier l’évolution d’une<br />

catégorie bien déterminée de réformes sur l’environnement<br />

des affaires, dont celles portant sur la création d’entreprises<br />

et la protection des investisseurs. Pour ce qui est du Sénégal,<br />

il a été possible d’améliorer notre climat des affaires et surtout<br />

de prendre en compte les préoccupations du secteur privé. De<br />

nouvelles juridictions commerciales ont été mises en place,<br />

permettant de désengorger nos tribunaux avec un traitement<br />

plus rapide des contentieux commerciaux. La dématérialisation<br />

des services à l’entreprise a aussi été faite, notamment les<br />

télédéclarations et télépaiements aussi bien fiscaux que douaniers.<br />

Et vous avez les cadres législatifs, réglementaires et juridiques<br />

relatifs à des secteurs comme le pétrole et le gaz, l’électricité,<br />

les contrats de PPP, etc. Une plus grande importance est donnée<br />

à la promotion et au renforcement des capacités du secteur<br />

privé national, à travers des textes et instruments régissant<br />

la notion de « contenu local » dans des secteurs stratégiques<br />

de croissance inclusive que nous impulsons dans le cadre<br />

d’un dialogue public-privé conséquent, et<br />

surtout suite à une directive du chef de l’État,<br />

Macky Sall. Ce mouvement de réformes sur<br />

l’environnement des entreprises est permanent,<br />

autant que l’exige la mondialisation. Ce qui<br />

compte, c’est le renforcement de nos capacités<br />

productives pour mieux nous insérer dans<br />

l’économie-monde.<br />

De nombreux observateurs soulignent<br />

le rôle encore très largement<br />

dominant de l’État, du secteur public,<br />

des entreprises publiques, le poids<br />

d’une réglementation contraignante.<br />

Quelle est votre analyse ?<br />

Je ne pense pas que l’on puisse parler de<br />

prédominance de l’État en ce qui concerne<br />

les activités marchandes. Au contraire, notre<br />

pays s’est lancé très tôt dans des contrats de<br />

délégations pour la gestion de services publics<br />

et le développement des infrastructures. Je rappelle ainsi que,<br />

déjà, en 1996, il y avait un contrat d’affermage dans le secteur<br />

de l’eau. Puis nous avons eu divers build-operate- transfer<br />

(BOT) ou build-own-operate-transfer (BOOT) dans d’autres<br />

secteurs comme ceux de l’électricité, des infrastructures, etc.<br />

Ensuite, nous sommes passés à une nouvelle étape, avec des<br />

contrats de concessions portuaires, aéroportuaires et routières,<br />

ainsi que des contrats PPP plus adaptés à notre économie. Dire<br />

aujourd’hui que la réglementation est contraignante, ce n’est pas<br />

mon avis, et ce d’autant plus que nous disposons d’une nouvelle<br />

loi PPP avec ses décrets d’application.<br />

Doit-on favoriser le secteur informel ? Faut-il<br />

le formaliser, et si oui, de quelle manière ?<br />

C’est un débat essentiel et complexe. L’attractivité de l’informel<br />

repose sur sa flexibilité et sur sa rapide capacité d’adaptation<br />

aux réalités socio-économiques nationales. La migration<br />

62 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


SYLVAIN CHERKAOUI - SYLVAIN CHERKAOUI POUR JEUNE AFRIQUE<br />

des activités informelles vers le formel,<br />

elle, est perçue en général sous<br />

deux angles : celui de la fiscalité et<br />

celui de la protection sociale au sens<br />

large. Ce qui est, à mon avis, important,<br />

c’est déjà de circonscrire le secteur<br />

informel que l’on pourrait aider<br />

à migrer dans un premier temps. Et<br />

là, je pense aux acteurs qui évoluent<br />

principalement dans la pêche, l’agriculture,<br />

l’élevage et l’artisanat. Ils le pays, le secteur privé doit<br />

À Dakar comme dans tout<br />

être le principal pourvoyeur<br />

regroupent une population d’actifs<br />

d’emplois.<br />

particulièrement jeunes, qu’il faut<br />

davantage former et aider à s’insérer<br />

dans l’activité économique. Cela veut dire<br />

agir sur les leviers suivants : un meilleur accès<br />

aux marchés, y compris la commande publique ;<br />

un encadrement technique approprié pour satisfaire<br />

les exigences des marchés ; des instruments<br />

financiers adaptés à leurs activités ; un régime<br />

fiscal simple et à leur portée ; une base minimale<br />

et évolutive de cotisation sociale couvrant un<br />

minimum de droits sociaux.<br />

Comme souvent en Afrique, l’accès<br />

au financement reste un frein majeur<br />

au développement normal des PME<br />

du pays. Comment peut-on adresser<br />

cette question essentielle ?<br />

C’est vrai, c’est une problématique réelle.<br />

Elle se pose principalement à trois niveaux : les<br />

taux d’intérêt, la durée des crédits, et les sûretés<br />

réelles et personnelles exigées. Alors, là où les PME vous<br />

diront que le coût de l’emprunt est trop élevé et difficilement<br />

supportable, les établissements financiers répondront qu’ils sont<br />

tenus de respecter les ratios prudentiels obligatoires et qu’ils ne<br />

disposent pas assez de ressources longues. C’est donc une situation<br />

assez complexe. À mon avis, l’une des difficultés majeures<br />

provient des accords successifs de Bâle I, II, III et IV. Il s’agit de<br />

normes prudentielles internationales, avec des argumentaires<br />

du risque de crédit, du risque de marché et du risque opérationnel,<br />

qui sont portées à un niveau optimal et qui ne se justifient<br />

pas pour nos pays. Le nœud à dénouer est certainement là. Il<br />

faudra ensuite y ajouter des instruments financiers innovants et<br />

des mécanismes de soutien à l’investissement privé.<br />

Comment concilier « inclusivité sociale », lutte contre<br />

la pauvreté et développement du secteur privé ?<br />

Il suffit de prendre conscience des nouveaux enjeux et défis<br />

mondiaux : la transformation numérique, la nouvelle économie<br />

climatique et le développement durable, le dividende démographique<br />

à capter. Ensuite, il faut agir ensemble, l’État et le secteur<br />

Le Sénégal se positionne<br />

activement sur le secteur<br />

des nouvelles technologies.<br />

privé partageant une vision prospective créatrice de valeur ajoutée<br />

durable et d’emplois décents, agissent ensemble.<br />

Au Sénégal comme dans de nombreux pays émergents,<br />

on assigne au secteur privé une mission d’ampleur<br />

historique : absorber le chômage. Est-ce réaliste ?<br />

Pour nous, il n’y a rien d’historique. Il est tout à fait normal<br />

que le secteur privé soit le principal pourvoyeur d’emplois. Et<br />

dans tous les pays du monde, la création d’emplois dans le secteur<br />

public est fonction du budget national, lui-même dépendant<br />

de diverses ressources, dont la contribution des entreprises.<br />

Comment, selon vous, peut-on gérer le volet<br />

démographique de cette équation ?<br />

En mettant en place, justement, un environnement incitatif<br />

à l’investissement privé et à la création de plus d’emplois-jeunes.<br />

Lors du Conseil présidentiel sur l’insertion des jeunes, j’ai eu<br />

à présenter plusieurs propositions visant à soutenir et accompagner<br />

notre jeunesse nombreuse vers le monde du travail :<br />

intégration de nouveaux critères relatifs à l’emploi et à la<br />

formation des jeunes dans la contractualisation des marchés<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 63


INTERVIEW<br />

publics pour les entreprises, réactualisation de la convention<br />

État-employeurs, accélération de la mise en place des agropoles<br />

pourvoyeurs d’emplois, réalisation du programme de<br />

100 000 logements sociaux – une niche de création de milliers<br />

d’emplois –, renforcement des capacités du dispositif de financement<br />

de la formation professionnelle, mise en œuvre au niveau<br />

national du programme de formation école-entreprise, développement<br />

intensif d’emplois verts avec le projet de la Grande<br />

muraille verte, promotion de solutions pédagogiques de masse<br />

portant sur les métiers agricoles et d’artisanat en utilisant des<br />

simulateurs virtuels, développement de call centers, etc.<br />

De nombreux États, comme le Maroc ou la Tunisie<br />

ont construit leur modèle sur le développement<br />

d’un secteur export performant. Les exportations<br />

traditionnelles, comme l'arachide, sont en relative perte<br />

de vitesse. Quels sont les secteurs porteurs dorénavant ?<br />

Non, l’arachide n’est pas en perte de vitesse à l’exportation.<br />

Au contraire, nous faisons face à une demande exponentielle si<br />

forte de la Chine et d’autres pays d’Asie que<br />

nous avons été obligés de mettre en place un<br />

dispositif pour assurer un minimum d’approvisionnement<br />

à notre industrie locale<br />

et avoir un stock de semencier de sécurité.<br />

Le Sénégal est aussi, toujours, un grand<br />

exportateur de phosphates, d’acide phosphorique,<br />

de produits de la pêche, auxquels<br />

il faut aujourd’hui ajouter l’or et des produits<br />

miniers. Nous disposons également<br />

de secteurs très compétitifs à l’export tels<br />

que l’industrie, le numérique, les télécommunications,<br />

le BTP, etc.<br />

On évoque souvent le potentiel<br />

agricole du pays, et donc<br />

la possibilité de structurer<br />

un véritable secteur agro-industriel…<br />

Nous disposons de terres arables et de ressources en eau<br />

importantes. Nous devons juste continuer notre politique<br />

d’investissement dans ces zones, en formant aussi notre jeunesse<br />

à la pratique d’une agriculture irriguée et un élevage<br />

moderne. Il faut poursuivre la réalisation des infrastructures<br />

de base pour intensifier les flux d’échanges entre nos villes et<br />

leurs hinterlands. Il y a les questions sensibles et inhérentes<br />

au cadastre rural et à la sécurisation foncière. Le projet des<br />

Agropoles Centre, Sud et Nord du PSE contribuera au renforcement<br />

de l’industrialisation du Sénégal à travers les chaînes<br />

de valeur agricoles, la mise à disposition d’infrastructures<br />

durables et d’équipements d’exploitation. Elles réduiront les<br />

disparités entre les régions et créeront les conditions favorables<br />

à des investissements vecteurs de compétitivité. Il faut ainsi<br />

accélérer leur mise en œuvre et en faire, à travers un régime<br />

incitatif à l’investissement privé, un dispositif à haute intensité<br />

de main-d’œuvre.<br />

Le Sénégal se positionne progressivement<br />

sur le secteur des nouvelles technologies et des<br />

industries numériques. Avons-nous l’environnement<br />

J’ai<br />

toujours prôné<br />

le patriotisme<br />

économique<br />

auprès des<br />

hautes autorités<br />

du pays.<br />

nécessaire, les avantages compétitifs ?<br />

S’il y a bien un secteur dynamique où il existe toutes les<br />

compétences professionnelles nationales de qualité et un savoirfaire<br />

qui n’a rien à envier au reste du monde, c’est bien celui-là.<br />

D’ailleurs, l’Organisation professionnelle des technologies de l’information<br />

et de la communication (OPTIC) a réalisé au mois de<br />

septembre 2021 le 1 er salon virtuel immersif de l’économie numérique<br />

en Afrique subsaharienne. Et je souligne que, lorsque la<br />

pandémie sanitaire est venue, nos professionnels du numérique<br />

ont mis en place toutes les plates-formes nécessaires à une gestion<br />

efficiente en partenariat avec les ministères en charge de la<br />

Santé et du Numérique. Quant à l’environnement du numérique,<br />

il est compétitif avec non seulement la qualité de nos infrastructures<br />

de télécommunications, mais<br />

aussi la richesse du dialogue publicprivé,<br />

qui a permis de concevoir très<br />

tôt la stratégie Sénégal numérique<br />

2025 et de mettre en place un Conseil<br />

national du numérique. Aujourd’hui,<br />

nos professionnels du numérique sont<br />

engagés dans la réflexion visant l’élaboration<br />

d’une stratégie nationale sur<br />

l’intelligence artificielle. Et il y a déjà<br />

tout un dispositif législatif et réglementaire<br />

pour l’émergence et le développement<br />

des start-up.<br />

Comment soutenir le secteur<br />

privé sénégalais par rapport aux<br />

grands groupes internationaux ?<br />

Comment définir le nécessaire équilibre ?<br />

J’ai toujours prôné le patriotisme économique auprès des<br />

plus hautes autorités de notre pays. Une prise en compte de<br />

notre environnement socio-économique est nécessaire dans la<br />

promotion des entreprises locales. Lorsque les sociétés privées<br />

sénégalaises acceptent d’unir leurs forces, de se constituer en<br />

conglomérat national, tout est possible. Ensemble, nous sommes<br />

capables de répondre à certains grands appels d’offres, prouvant<br />

ainsi notre capacité à satisfaire les conditions requises, à<br />

nouer des partenariats et alliances stratégiques nécessaires à<br />

la réalisation des investissements et de l’exploitation dans les<br />

contrats d’achat ou de production, et à réduire la dépendance<br />

extérieure de notre secteur productif. Comme je l’ai souligné<br />

précédemment, la loi sur le contenu local et la loi sur les PPP<br />

sont aujourd’hui des dispositifs qui accordent une place particulière<br />

à la promotion du secteur privé national.<br />

64 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Des seccos d’arachides, durant la période de récolte, dans la région du Sine Saloum.<br />

MICHEL RENAUDEAU/ONLYWORLD.NET<br />

Le pétrole et le gaz sont-ils des game changers ?<br />

La découverte d’importants gisements de pétrole et de<br />

gaz a conduit à une réflexion sur l’optimisation du contenu<br />

local. Des rencontres ont été organisées avec l’ensemble des<br />

acteurs socio-économiques du pays pour faire profiter à toutes<br />

les couches de notre population les retombées attendues. Cette<br />

richesse en ressources offre à notre pays de nouvelles opportunités,<br />

mais présente aussi des risques qu’il va falloir circonscrire.<br />

Certains pays s’engagent dans une politique<br />

de soutien et de construction de « champions<br />

nationaux », de construction d’entreprises d’une taille<br />

suffisante. A-t-on la même approche au Sénégal ?<br />

Au Sénégal, il n’y a pas de politique particulière de construction<br />

de champions nationaux comme vous le sous-entendez.<br />

La question préalable de la détermination des critères de choix<br />

dans ce genre de politique est extrêmement importante et<br />

sensible. Cependant, je peux vous assurer que nos fleurons<br />

nationaux, nos porte-drapeaux étoilés, existent et sont bien là.<br />

Ils innovent, investissent et rachètent des entreprises. Ils s’exportent<br />

dans de nombreux pays africains et font la fierté de leurs<br />

compatriotes sénégalais.<br />

Quelles qualités faut-il pour être<br />

un entrepreneur au Sénégal ?<br />

L’entrepreneur sénégalais évolue dans un environnement en<br />

perpétuelle mutation. À ce titre, il doit développer des qualités<br />

propres aux marchés national et sous-régional, et essayer ainsi<br />

d’avoir ce pas d’avance sur la concurrence. Il lui est conseillé<br />

d’agencer toutes les idées qui concernent son projet et de les<br />

approfondir point par point. Il est également indispensable de<br />

s’entourer, dès la phase préparatoire, d’experts-conseils qui<br />

l’appuieront dans la validation de la cohérence économique,<br />

financière et juridique du projet. C’est pourquoi nous avons<br />

aussi fait du développement du mentorat un élément essentiel<br />

de notre dispositif d’accompagnement et d’encadrement des<br />

jeunes entrepreneurs.<br />

Si vous deviez conseiller un(e) jeune futur(e)<br />

entrepreneur(e), quels seraient, selon vous,<br />

les grands secteurs d’avenir où investir :<br />

éducation, tourisme, agriculture, immobilier ?<br />

Les secteurs où investir sont nombreux au Sénégal. Ils vont<br />

de l’agriculture à la pêche, en passant par l’élevage, l’artisanat,<br />

le BTP, le tourisme et les industries culturelles, le transport,<br />

l’économie numérique, les services, ou encore le sport…<br />

Aujourd’hui, notre jeunesse représente une force productive<br />

indispensable à l’amélioration des performances économiques<br />

et sociales de notre pays. C’est pourquoi le développement<br />

de l’auto- entrepreneuriat chez les jeunes peut déboucher en<br />

quelques années sur une TPE/PME, avec un chiffre d’affaires<br />

plus conséquent et une meilleure inclusion dans l’écosystème<br />

économique. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 65


interview<br />

Sahid Yallou<br />

« Vous pouvez investir<br />

en toute confiance »<br />

Selon le directeur général d’Ecobank Sénégal, filiale du premier<br />

groupe bancaire de la zone Union économique et monétaire ouest-africaine<br />

(UEMOA), les conditions institutionnelles favorisent un bon climat<br />

d’affaires. Celui-ci est porté par d’encourageantes transformations<br />

structurelles dans les secteurs du digital et des énergies.<br />

propos recueillis par Jérémie Vaudaux<br />

<strong>AM</strong> : Quelle est l’approche spécifique d’Ecobank<br />

sur le Sénégal ? Que représente ce marché pour<br />

la banque panafricaine ?<br />

Sahid Yallou : Ecobank n’a qu’un marché : l’Afrique. Le cœur<br />

de la stratégie de notre groupe est et restera le développement<br />

du secteur financier sur le continent. Dans ce sillage, le<br />

Sénégal représente un marché de premier ordre. En interne<br />

chez Ecobank, nous le qualifions de grand pays.<br />

Quels sont, du point de vue du banquier<br />

que vous êtes, les secteurs de l’économie<br />

dans lesquels investir ?<br />

En tant que destination économique, le Sénégal commence<br />

à montrer des signes d’une transformation structurelle, notamment<br />

grâce aux dépenses engagées par l’État dans des secteurs<br />

clés de l’énergie, du digital et, depuis très récemment, du pétrole<br />

et du gaz. Quand on considère également le pouvoir d’attraction<br />

de son secteur alimentaire à l’international, on peut noter le<br />

passage d’une agriculture au potentiel limité à un secteur<br />

bien structuré.<br />

Selon vous, l’État serait le moteur dans<br />

la transformation structurelle de l’économie ?<br />

Un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires<br />

adoptées dernièrement semblent indiquer une continuité<br />

des politiques publiques. À ce titre, la loi sur le contenu local<br />

[amorcée en 2019 et visant à mettre en place un dispositif législatif,<br />

réglementaire et institutionnel relatif au contenu local dans<br />

le secteur des hydrocarbures, ndlr] est significative dans la poursuite<br />

de l’internalisation de la chaîne de valeurs créées. C’est là<br />

tout l’enjeu du Sénégal : maximiser la production de valeurs par<br />

les acteurs locaux.<br />

Quel rôle le secteur bancaire – et votre établissement<br />

en particulier – peut-il jouer dans la réalisation<br />

des ambitions d’émergence du pays ?<br />

Depuis notre implantation au Sénégal en 1999, nous nous<br />

considérons comme un partenaire de l’État. Notre collaboration<br />

va au-delà d’une simple relation de banque à client, bien que les<br />

financements demeurent intensifs et importants via le marché<br />

ou en direct. Pour preuve, nous avons organisé en 2021 à Dakar<br />

le forum Invest In - Sénégal [l’Africa CEO Forum permet aux<br />

États de présenter leurs stratégies économiques, notamment<br />

sectorielles, les grandes opportunités d’investissement et les<br />

projets de partenariat public-privé les plus importants, ndlr].<br />

Notre message était clair : « Vous pouvez venir investir au<br />

Sénégal en toute confiance. » D’une manière générale, nous<br />

nous efforçons d’accompagner les réformes qui vont dans le<br />

sens de la création de valeur, de la structuration de l’économie<br />

66 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


DR<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 67


INTERVIEW<br />

domestique, et de la captation de valeur au profit des entreprises<br />

locales. Nous savons que les grandes entreprises continueront<br />

de jouer leur rôle de gros investisseurs. Cependant,<br />

l’économie nationale doit être portée par un tissu de petites<br />

et moyennes entreprises/industries (PME/PMI) suffisamment<br />

agiles, solides et bien organisées pour faire le relais de la<br />

croissance. Autrement, l’internalisation de la chaîne de valeur<br />

sera un vœu pieux.<br />

On reproche souvent aux banques de ne pas jouer leur<br />

rôle de financement des PME/PMI, qui sont pourtant le<br />

cœur du tissu économique national. À quelles conditions<br />

pourraient-elles mieux soutenir les entrepreneurs locaux ?<br />

L’expérience montre que nous, banquiers, n’avons pas toujours<br />

eu la bonne approche envers les PME/PMI. En réalité,<br />

le principal problème rencontré était d’ordre informationnel.<br />

Nous ne connaissions pas assez bien ces<br />

PME/PMI, et ne disposions pas toujours<br />

de la capacité de pouvoir les suivre dans<br />

leur exploitation et leur développement.<br />

Nous l’avons compris chez Ecobank. C’est<br />

pourquoi nous nous sommes engagés<br />

dans une approche partenariale avec<br />

les instances étatiques et régionales qui,<br />

ces dernières années, ont mis en place<br />

un ensemble de dispositifs favorable<br />

à l’accompagnement des PME/PMI au<br />

Sénégal. Des moyens importants [9 milliards<br />

de francs CFA, 13,7 millions d’euros<br />

en 2021, ndlr] ont récemment été mis à<br />

la disposition du Fonds de garantie des<br />

investissements prioritaires (FONGIP),<br />

qui permet d’avoir accès à des garanties<br />

institutionnelles dans notre financement<br />

des PME. Aussi, la Banque centrale des<br />

États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a<br />

introduit en 2018 le Dispositif PME,<br />

qui tend à favoriser le financement des<br />

PME/PMI, notamment à travers sa capacité à refinancer leurs<br />

créances bancaires. Ces changements institutionnels nous ont<br />

fait réviser notre stratégie de croissance : aujourd’hui, le financement<br />

des PME/PMI en est le deuxième pilier, après le digital.<br />

Le secteur des fintech est en pleine expansion. Pourtant,<br />

encore une fois, de nombreux observateurs soulignent<br />

le peu de risques pris par les banques pour soutenir<br />

ces « jeunes pousses ». Partagez-vous ce constat ?<br />

À Ecobank, nous ne pratiquons pas la politique de l’autruche<br />

concernant les fintech : nous les invitons à s’approcher de nous<br />

afin de tisser des partenariats. C’est pourquoi nous avons<br />

organisé à Dakar, en 2021, le Forum des fintech. Notre message<br />

était celui-là : chez Ecobank, nous sommes disposés à envisager<br />

un financement pour les start-up en mesure de pouvoir prouver,<br />

via leur business plan, qu’elles produiront des flux de trésorerie<br />

Nous nous<br />

considérons<br />

comme un<br />

partenaire<br />

de l’État. Notre<br />

collaboration<br />

va au-delà<br />

d’une simple<br />

relation de<br />

banque à client.<br />

(cash flows) qui viendront en remboursement du crédit. L’emprunt<br />

bancaire n’est pas toujours la forme de financement la<br />

plus indiquée, car certaines jeunes pousses des fintech, bien<br />

que créant de la valeur, n’ont pas le modèle opérationnel suffisant<br />

pour générer des cash flows lors des premiers exercices.<br />

Quand ce type d’entreprise en vient à faire financer son business<br />

plan, c’est de financement par capital dont elle a besoin. Dans<br />

ce cas, nous les encourageons à rechercher un business angel ou<br />

d’autres types de financements mis en place par l’État.<br />

Quelles sont les réformes urgentes à engager<br />

afin de consolider l’économie sénégalaise ?<br />

Des efforts doivent être consentis dans le domaine de la<br />

baisse des facteurs de production, notamment celui du coût de<br />

l’énergie. C’est un point essentiel du développement de l’investissement.<br />

Aussi, il est de notoriété publique que le défi majeur du<br />

pays est l’emploi des jeunes. Un peu plus<br />

de flexibilité aiderait à détendre le marché<br />

de l’emploi et à créer des opportunités<br />

pour les jeunes, afin d’éviter le drame de<br />

l’immigration clandestine. Le risque, c’est<br />

que la situation sociale ne devienne explosive,<br />

comme en témoignent les émeutes<br />

de mars 2021 [après l’arrestation de l’opposant<br />

politique Ousmane Sonko, accusé<br />

de viol, de sanglantes manifestations ont<br />

éclaté contre les forces de l’ordre et les symboles<br />

de la présence française, sur fond de<br />

révolte sociale, faisant 13 morts, ndlr]. Le<br />

chômage des jeunes est l’un des points critiques<br />

susceptibles de menacer la stabilité<br />

qui fait aujourd’hui la force du Sénégal.<br />

Comment les banques peuvent-elles<br />

participer à la transformation<br />

du secteur informel ?<br />

Nous travaillons activement chez<br />

Ecobank dans le cadre du programme<br />

des 100 000 logements sociaux [une composante<br />

phare du programme zéro bidonville du Plan Sénégal<br />

Emergent, à destination des ménages à revenus faibles et/ou irréguliers,<br />

ndlr]. Et nous aurons, dans le futur, une part importante<br />

à jouer dans le financement du secteur informel pour leur permettre<br />

d’accéder à la propriété. À nous de trouver les formules<br />

adaptées et, sans pouvoir en dire davantage pour le moment,<br />

nous pensons que le digital peut nous y aider.<br />

Le taux de bancarisation de l’économie sénégalaise<br />

est autour de 20 %. Comment l’améliorer et quels progrès<br />

la digitalisation des services bancaires apporterait-elle ?<br />

Lorsqu’on élargit le taux de bancarisation à la microfinance<br />

et à la monnaie électronique, nous nous approchons de 80 %.<br />

L’inclusion financière est une réalité au Sénégal, grâce au développement<br />

des infrastructures de télécommunication. Chez Ecobank,<br />

nous sommes en mesure de servir nos clients partout où il<br />

68 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


La banque panafricaine a son siège à Lomé, au Togo.<br />

MICHEL AVELINE POUR JA/RÉA<br />

y a une possibilité d’avoir accès au réseau mobile grâce au service<br />

Xpress Cash, qui permet d’envoyer de l’argent de manière dématérialisée<br />

en partageant un code de retrait. La digitalisation des<br />

services bancaires n’est pas seulement un facilitateur. Elle crée<br />

aussi de la valeur, et c’est ce que nous souhaitons encourager, à<br />

la faveur de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, 80 % de nos<br />

transactions passent par nos canaux digitaux. La pandémie a<br />

révélé cette capacité de changement structurel.<br />

Le 9 septembre 2021, Ecobank a lancé Ellever,<br />

une initiative à l’intention des entrepreneuses.<br />

Quel premier bilan peut-on faire de cette action ?<br />

Bien que le programme lancé à l’échelle du groupe soit<br />

jeune, nous sommes confiants, et le bilan est satisfaisant. En<br />

quatre mois, nous avons pu signer une douzaine de partenariats<br />

au Sénégal. Et le 18 janvier, nous avons conclu un accord-cadre<br />

de financement avec la Mairie de Dakar : dans ce sillage, près de<br />

12000 femmes seront accompagnées. L’objectif du programme<br />

Ellever est de participer au financement, au développement,<br />

à la formation ainsi qu’à l’inclusion financière des femmes<br />

entrepreneures, dont l’impact social et de création de valeur<br />

est significatif.<br />

Quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune<br />

entrepreneur(e) prêt(e) à se lancer aujourd’hui ?<br />

J’en liste trois. Le premier est de savoir clairement ce que<br />

l’on veut proposer au marché. Le deuxième est de se préparer<br />

mentalement à essuyer des échecs. Un échec ne doit surtout<br />

pas être dissuasif. Le dernier conseil est d’avoir l’ingéniosité de<br />

se former et de profiter du cadre institutionnel et de soutien<br />

favorable aux affaires. En général, on se sent rarement seul<br />

au Sénégal. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 69


interview<br />

Moustapha Sow<br />

« L’heure de l’aide au<br />

développement est révolue !»<br />

Le banquier d’affaires et patron du cabinet de conseil SF Capital<br />

évoque les pistes pour doper la compétitivité de l’économie nationale.<br />

propos recueillis par Emmanuelle Pontié<br />

<strong>AM</strong> : Comment se porte l’économie<br />

du Sénégal selon vous ?<br />

Moustapha Sow : Comme la plupart des économies africaines,<br />

elle se trouve dans une situation pas facile. Nous venons de sortir<br />

de deux années d’inactivité économique mondiale globale.<br />

Résultat, en macro et microéconomie, nous faisons face à d’importants<br />

défis. Sans compter que le Sénégal importe beaucoup<br />

et que la plupart de ses produits de consommation viennent<br />

d’Asie. Parfois d’Europe. Nous connaissons le challenge qui se<br />

pose en matière de transport, engendrant une violente augmentation<br />

de la plupart des produits. Cela dit, restons positifs, car<br />

nombre d’autres nations ont été plus impactées que la nôtre.<br />

Le Covid-19 a montré que l’un des rares avantages d’être un<br />

pays non développé, c’est que l’on est du coup moins frappé<br />

par ce type de crise mondiale. Maintenant, il faut que tous les<br />

acteurs, l’État comme le secteur privé, mettent en place des<br />

programmes de relance qui permettront au Sénégal de compter<br />

davantage sur ses ressources internes que sur ses ressources<br />

externes. En termes macro économiques, on a récemment pu<br />

voir dans le rapport du Fonds monétaire international (FMI)<br />

que le pays commence à sortir la tête de l’eau. Et la construction<br />

des infrastructures est en train d’être relancée. Il existe pas mal<br />

de programmes mis en place par l’État, notamment Xëyu Ndaw<br />

Ñi (le travail pour la jeunesse), une série d’accompagnements<br />

avec l’implication de la Délégation générale à l’entrepreneuriat<br />

rapide (DER) et de nombreuses agences pour permettre une<br />

relance de l’économie.<br />

Pour parler du secteur privé, la loi PPP vient d’être<br />

récemment validée. Qu’est-ce que cela va changer ?<br />

Beaucoup de choses. En Afrique, la plupart des investissements<br />

dans le domaine des infrastructures sont pilotés par<br />

l’État. L’heure est venue pour le secteur privé de prendre le relais.<br />

Attirer les investisseurs dans nos pays est souvent un challenge,<br />

car ils craignent l’instabilité politique, l’insécurité, etc. Un cadre<br />

juridique rassurant a toujours fait défaut. Le fait pour le Sénégal<br />

de mettre en place une loi PPP est extrêmement positif.<br />

En ce qui concerne les partenaires bilatéraux et les<br />

bailleurs de fonds, y a-t-il eu de nouvelles initiatives ?<br />

Oui. Le financement bilatéral est devenu très prisé dans nos<br />

États. La Chine, à travers une politique de partenariat agressive,<br />

a fait plus que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement<br />

ou la Banque islamique de développement. Bien sûr,<br />

ces politiques ont montré des limites. Car la Chine a toujours su<br />

ce qu’elle attendait des Africains, mais eux n’ont jamais su ce<br />

qu’ils attendaient de la Chine. Cela a engendré une relation déséquilibrée.<br />

Et la pandémie a obligé le géant asiatique à revoir ses<br />

priorités. C’est le souci avec les relations bilatérales. Vous comptez<br />

sur un pays, et s’il a des problèmes, vous en faites les frais.<br />

Aujourd’hui, c’est ce que nous vivons sur le continent. Du coup,<br />

ça laisse de la place aux autres partenaires. Le Brexit permet par<br />

exemple au Royaume-Uni de se repositionner sur l’Afrique avec<br />

une stratégie différente. Il a mis en place plusieurs lignes dans<br />

des pays francophones, avec la particularité de permettre aux<br />

États de choisir l’entreprise avec laquelle ils veulent contracter.<br />

Une initiative qui n’existe pas avec les autres pays. Aujourd’hui,<br />

pour bénéficier de l’argent chinois, il faut contracter avec les<br />

Chinois, pour capter un financement de Bpifrance, il faut travailler<br />

avec une entreprise française, etc. Dorénavant, pour avoir<br />

accès au financement de UK Export Finance par exemple, les<br />

États africains ne sont pas obligés de recourir à une entreprise<br />

britannique. Pour le moment, cela ne fonctionne qu’avec les Britanniques,<br />

mais j’espère que les autres bailleurs suivront. Les<br />

70 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


AID/ERICK-CHRISTIAN AHOUNOU<br />

partenaires se sentent ainsi dans une relation gagnant-gagnant.<br />

Et il faudrait que nous changions de mentalité pour relancer utilement<br />

nos économies. Il n’y a qu’en Afrique, par exemple, que<br />

l’on perçoit un programme d’infrastructures comme étant juste<br />

la résultante d’un financement. Aux États-Unis, quand on parle<br />

de réalisations d’infrastructures, on parle surtout de relance<br />

économique, de création d’emplois. Un financement ambitieux,<br />

comme celui de la construction du chemin de fer au Nigeria (qui<br />

s’élèverait à 14,4 milliards de dollars), doit d’abord être perçu<br />

comme une formidable opportunité pour le pays de se relancer,<br />

d’impliquer le maximum de sociétés locales et de favoriser la<br />

création d’emplois, même s’ils sont temporaires. C’est l’approche<br />

que nous devons exiger, et les partenaires bilatéraux accepter.<br />

Idem pour le transfert de technologies qui doit se faire. Nous<br />

entretiendrons ainsi des relations beaucoup plus équilibrées.<br />

Je le dis souvent : l’heure de l’aide au développement<br />

est révolue ! On a fonctionné avec elle pendant<br />

soixante ans. Et je n’ai jamais vu un pays se développer<br />

grâce à elle. Laissons le choix aux Africains de définir<br />

leur propre politique de développement.<br />

Vous êtes membre du Club des<br />

investisseurs sénégalais. Comment<br />

évolue le secteur privé aujourd’hui ?<br />

Nous n’avons pas le secteur le plus dynamique.<br />

Et les responsabilités sont partagées.<br />

L’État est censé mettre en place ce que j’appelle<br />

l’infrastructure de base, c’est-à-dire<br />

l’ensemble des règles qui permettent aux<br />

entreprises locales de pouvoir s’impliquer<br />

davantage. Mais ce serait malhonnête<br />

de mettre toute la faute sur<br />

l’État. Je travaille personnellement<br />

avec de nombreux opérateurs du<br />

secteur privé, pas seulement au<br />

Sénégal. Et c'est souvent plus difficile<br />

de collaborer avec les entreprises<br />

sénégalaises. Je vous donne<br />

un exemple : un promoteur local<br />

avait un projet de 40 milliards,<br />

nous avions signé un mandat,<br />

et je lui avais demandé de me<br />

verser une provision modique,<br />

juste pour sentir son engagement<br />

dans le service que je lui<br />

offrais. Et je lui ai dit : « Si je n’arrive<br />

pas à régler ton problème, je<br />

te rembourse. » Mais il n’a jamais<br />

voulu payer. Résultat, il a perdu<br />

son projet, qui a été saisi par<br />

une banque. Le pire, c’est<br />

que j’avais déjà les partenaires techniques. Juste parce qu’il n’a<br />

pas voulu payer une obole, il perd tout son projet ! Et ça, c’est<br />

typique de la façon de fonctionner de nos entrepreneurs. Il y a de<br />

grosses résistances dans les mentalités. Plus globalement, dans<br />

le secteur du BTP, nous avons encore une approche archaïque.<br />

On s’appuie sur les marchés de l’État. Alors qu’aujourd’hui, on<br />

sait qu'il faut faire de l’engineering procurement construction, et<br />

puis on apporte le financement. Sinon, il n’y a aucun moyen de<br />

survivre. Nous avons essayé d’impulser cette approche à des<br />

entreprises réticentes. Une ou deux se sont ouvertes au processus<br />

et voient aujourd'hui les résultats.<br />

Vous dites souvent que le Sénégal est un pays<br />

compliqué. De manière générale…<br />

Je suis fier d’être sénégalais. Mais c'est une<br />

nation où les 17 millions d'habitants sont tous<br />

des spécialistes ! Chacun a son avis sur tout.<br />

On ne laisse pas les vrais experts s’exprimer.<br />

Comme disait un sage très connu chez<br />

nous : « Notre problème, c’est que ceux qui<br />

savent ne parlent pas et ceux qui parlent<br />

ne savent pas. » Comme si la médiocrité<br />

était méritante. Alors qu'il faut mettre en<br />

avant les gens compétents, qui seront des<br />

repères pour la jeunesse. Sur ce sujet,<br />

c’est toute la société sénégalaise<br />

qui est responsable et devrait<br />

se remettre en cause. ■<br />

71


PLAN SÉNÉGAL EMERGENT<br />

La construction<br />

d’un Sénégal nouveau<br />

Abdou Karim<br />

Fofana, ministre<br />

auprès du président<br />

de la République<br />

en charge du suivi<br />

du Plan Sénégal<br />

Emergent.<br />

Pilier du projet hub<br />

aérien régional, Air<br />

Sénégal a démarré ses<br />

activités commerciales<br />

le 14mai 2018.<br />

Articulé autour de 27 projets phares et<br />

17 réformes, le Plan Sénégal Emergent<br />

est le fruit d’un travail de longue haleine<br />

effectué par de hauts cadres sénégalais,<br />

en relation avec des partenaires techniques<br />

extérieurs. Dès sa phase d’amorçage,<br />

il a mis en cohérence les orientations<br />

et défis urgents du Sénégal dans<br />

un monde en transformation.<br />

Le Bus Rapid<br />

Transit (BRT)<br />

offrira une qualité<br />

de service proche<br />

d’un tramway.<br />

La mise en service de l’AIBD,<br />

le 7décembre 2017, a constitué<br />

une avancée majeure dans<br />

l’exécution du plan de relance<br />

du hub aérien régional, l’un<br />

des projets phares du PSE.


Les autoroutes à péage<br />

Dakar-Diamniadio-AIBD-<br />

Mbour et Dakar-Touba<br />

décongestionnent la capitale<br />

et connectent des territoires<br />

de l’intérieur du pays.<br />

La cohérence consiste en la transformation structurelle<br />

de l’économie avec des bases de croissance<br />

plus élargies passant du couple composé des services<br />

financiers et du numérique à un cercle vertueux<br />

alliant plusieurs moteurs, notamment l’agriculture,<br />

le tourisme, les mines, l’énergie, les infrastructures,<br />

l’habitat.<br />

Le ministre en charge du<br />

suivi du PSE à un atelier de<br />

structuration de l’industrie<br />

pharmaceutique. Le Sénégal<br />

vise une production locale<br />

de 30% de sa consommation<br />

en médicaments en 2030<br />

et50% en 2035.<br />

Le ministre en charge<br />

du suivi du PSE en<br />

visite dans une usine<br />

de production de<br />

sel à Fatick (centre),<br />

dans le cadre de<br />

lastructuration des<br />

filières porteuses<br />

decroissance.<br />

Ce plan adossé à une vision et articulé autour<br />

d’objectifs prioritaires est en train de<br />

redessiner le visage de ce beau pays. L’ambition<br />

demeure la construction d’un Sénégal<br />

nouveau fort de progrès économiques, de<br />

justice sociale et de renforcement de l’État<br />

de droit.<br />

Inauguré le 27décembre<br />

2021, le Train Express<br />

Régional (TER) contribuera<br />

à la restructuration du<br />

système de transport et au<br />

rééquilibrage de l’espace<br />

urbain dans la capitale.<br />

PUBLI-REPORTAGE


environnement<br />

À l’épreuve<br />

de la donne<br />

climatique<br />

Érosion côtière, sécheresse, déforestation,<br />

précipitations erratiques…<br />

Les défis sont quasi existentiels.<br />

Mais la volonté de l'État et des citoyens<br />

de faire face est forte. par Djiby Sambou<br />

Face aux enjeux climatiques, l’État du Sénégal a adopté et<br />

approuvé en décembre 2020 des actions prioritaires d’atténuation<br />

et d’adaptation à travers sa Contribution déterminée<br />

au niveau national (CDN), qui constitue l’engagement du pays<br />

dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Dans ce document,<br />

le Sénégal a identifié le transport, les déchets, l’énergie,<br />

l’industrie, la foresterie et l’agriculture comme les secteurs clés<br />

d’émission de gaz à effet de serre. Ainsi que les domaines sensibles,<br />

sur lesquels vont porter les activités prioritaires d’adaptation et de maîtrise<br />

des impacts potentiels du changement climatique, que sont l’érosion côtière, la<br />

pêche, l’élevage, la santé, la biodiversité et les inondations. Deux buts sont visés :<br />

un objectif inconditionnel de réalisation des activités avec les moyens nationaux<br />

(État, collectivités locales, secteur privé, ONG, etc.) et un objectif conditionnel,<br />

qui sera atteint avec le soutien de la communauté internationale. Une enveloppe<br />

de 13 milliards de dollars est prévue pour le financer.<br />

Point de rencontre entre le fleuve Sénégal et l’océan Atlantique, la Langue<br />

de Barbarie forme un cordon sableux s’étirant sur environ 40 kilomètres du sud<br />

de Saint-Louis jusqu’à l’embouchure du fleuve. Son altitude ne dépassant guère<br />

2 mètres, une telle configuration géomorphologique combinée à la dynamique<br />

marine et fluviale expose cet espace aux aléas climatiques, et en particulier<br />

aux inondations. Celle d’octobre 2003 est toujours dans les mémoires. Elle avait<br />

nécessité l’ouverture d’une brèche pour évacuer les eaux pluviales de la ville. De<br />

4 mètres de large au départ, cette brèche atteint aujourd’hui les 7 kilomètres, ce qui<br />

change les caractéristiques biophysiques de la zone. Une erreur de diagnostic de<br />

74 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Sur la ligne de front<br />

du dérèglement climatique,<br />

la fameuse Langue<br />

de Barbarie s’étend sur<br />

environ 40 kilomètres dans<br />

la région de Saint-Louis.<br />

XXXXXXXXX<br />

SYLVAIN CHERKAOUI/GCCA+/EU 2018<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 75


ENVIRONNEMENT<br />

l’État, pressé par l’urgence, qui a eu de graves conséquences. Les<br />

terres du Gandiol, jadis propices au maraîchage, sont désormais<br />

incultivables car affectées par l’eau salée. Les villages de Doun<br />

Baba Dièye et de Keur Bernard ont, eux, purement disparu. Les<br />

surcotes (dépassement anormal du niveau des marées) en 2015,<br />

2017 et 2018 ont ainsi ravagé plusieurs dizaines de maisons<br />

dans la Langue de Barbarie, poussant les autorités à reloger les<br />

familles sinistrées dans des camps à l’intérieur des terres. Le Projet<br />

de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis a été<br />

mis en œuvre pour réduire la vulnérabilité de ces populations.<br />

Plusieurs études estiment un recul du trait de côte de<br />

0,35 mètre par an entre 2000 et 2018. Des simulations et prédictions<br />

sur l’élévation du niveau de la mer indiquent que, pour<br />

une hausse de 0,5 mètre, 11 % du territoire de la Langue de<br />

Barbarie serait inondé (soit 199 216 hectares). Les habitants<br />

ont conscience des risques, subissant déjà les effets de l’érosion<br />

côtière : effondrement des habitations et des infrastructures,<br />

inondations des quartiers… Alors ils luttent à leur manière. Les<br />

initiatives individuelles et communautaires correspondent principalement<br />

à des « méthodes douces » : construction de murets<br />

de bois ou de pierre, élévation de digues avec des sacs de sable,<br />

plantation de végétaux pour retenir les sédiments…<br />

Les actions de l’État portent, elles, sur des travaux de plus<br />

grande ampleur, avec la construction de brise-lames faits de sacs<br />

de sable déposés le long du rivage. Ces mesures entamées après<br />

la catastrophe du village de Doun Baba Dièye ont été financées<br />

par le ministère de l’Environnement à hauteur de 525 000 euros,<br />

mais n’ont toutefois pas produit les résultats escomptés. Depuis<br />

lors, la construction d’une colossale barrière de rochers pour<br />

protéger les habitants a été privilégiée dans certains secteurs<br />

côtiers urbanisés, comme les quartiers de Goxu Mbathie et Santhiaba.<br />

Ces ouvrages ont été financés par la France (15 millions<br />

d’euros) et la Banque mondiale (22 millions d’euros).<br />

PLANTER POUR RESTAURER<br />

Le diagnostic du secteur forestier réalisé durant la planification<br />

de la Politique forestière du Sénégal (2005-2025) est sans<br />

appel. Il confirme une tendance à la dégradation et à la régression<br />

des ressources forestières sous l’effet d’une sécheresse<br />

récurrente combinée aux actions anthropiques néfastes telles<br />

que coupes abusives, feux de brousse, surpâturages ou défrichements<br />

agricoles. À cela s’ajoutent les multiples enjeux liés<br />

à la convergence de multinationales étrangères à la recherche<br />

effrénée de terres pour des exploitations à caractère industriel.<br />

L’un des premiers grands projets verts pour restaurer les<br />

fonctions écologiques et économiques des écosystèmes est la<br />

reforestation de la mangrove. Dès 2006, le Sénégal a lancé<br />

dans les estuaires de la Casamance et du Sine Saloum l’une<br />

des plus grandes campagnes mondiales de reforestation de<br />

mangrove, dont 45 000 hectares – soit un quart de la surface<br />

totale – avaient été détruits depuis les années 1970. Les mangroves<br />

réunissent des fonctions nourricières, écologiques et<br />

76 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


XXXXXXXXX<br />

SADAK SOUICI<br />

Dès 2006, le Sénégal<br />

a lancé l’une des plus<br />

grandes campagnes<br />

mondiales de reforestation<br />

de mangrove, dont<br />

45 000 hectares avaient<br />

été détruits depuis<br />

les années 1970.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 77


ENVIRONNEMENT<br />

Priorité aux<br />

énergies vertes<br />

Malgré d’importantes découvertes<br />

de pétrole, le pays souhaite verdir<br />

sa production énergétique.<br />

Avec 3000 heures d’ensoleillement par an, le<br />

Sénégal dispose de l’un des potentiels parmi les<br />

plus élevés au monde pour valoriser l’énergie<br />

solaire. Si cette réserve a longtemps été sousexploitée,<br />

le pays cherche à rattraper le temps perdu.<br />

« L’énergie solaire constitue la source la mieux répartie et<br />

la plus importante sur l’ensemble du territoire, même si,<br />

pour les autres filières, il existe un potentiel considérable,<br />

notamment l’éolien, la biomasse et l’hydraulique »,<br />

relève Djiby Ndiaye, le directeur de l’Agence nationale<br />

pour les énergies renouvelables du Sénégal (ANER).<br />

Une institution qui s’est fixée comme mot d’ordre de<br />

produire « de l’énergie à moindre coût et respectueuse<br />

de l’environnement partout et pour tous ». Aujourd’hui,<br />

les énergies renouvelables représentent 30 % du mix<br />

énergétique du pays (la répartition des différentes<br />

sources d’énergies consommées). La capacité des énergies<br />

vertes installées est estimée à 1500 mégawatts (MW),<br />

contre 500 MW en 2012. Entre 2016 et 2020, plus de<br />

400 MW d’énergies propres ont été ajoutées. Première<br />

source d’énergie renouvelable du Sénégal, le solaire<br />

représente 226 MW, suivi par l’éolien, grâce au parc<br />

de Taïba Ndiaye de 158,7 MW – première centrale<br />

éolienne à grande échelle d’Afrique de l’Ouest, mise en<br />

service en 2020 –, puis de l’hydraulique avec 70 MW.<br />

Alors que 65 % du territoire est électrifié, l’objectif est<br />

d’atteindre un accès universel à l’électricité à l’horizon<br />

de 2025. Il repose sur plusieurs projets de production<br />

décentralisée (mini-réseaux, etc.) intégrant les énergies<br />

renouvelables. Ainsi, dans l’hydroélectrique, des sites<br />

sont à l’étude pour installer près de 1400 MW sur les<br />

fleuves Sénégal et Gambie, ainsi que leurs affluents.<br />

La découverte d’importants gisements de gaz depuis<br />

2017, moins émetteur de gaz à effet de serre que le<br />

pétrole, va faciliter la stratégie du pays à se convertir<br />

à des énergies plus vertes. Avec le programme « Gaz<br />

to Power », lancé en 2018, le Sénégal a notamment<br />

l’ambition de convertir au gaz ses centrales thermiques<br />

polluantes, fonctionnant au fioul, qui assurent encore<br />

67 % de la production d’électricité. ■ Jean-Michel Meyer<br />

économiques : ressources alimentaires, forestières, épuration de<br />

l’eau, protection contre l’érosion et les évènements extrêmes…<br />

Elles abritent également une biodiversité exceptionnelle et<br />

emprisonnent très efficacement le carbone atmosphérique.<br />

Entre 2006 et 2019, plus de 279 millions de palétuviers et<br />

d’arbres ont été plantés sur 32 000 hectares. Selon le Fonds<br />

Carbone Livelihoods, qui a financé 90 % du projet (les 10 % restants<br />

provenant de l’État et d’appels aux dons), la croissance de<br />

la mangrove va permettre d’absorber environ 500 000 tonnes<br />

de carbone sur vingt ans, de produire 18 000 tonnes de poissons<br />

par an et de favoriser le développement des crevettes, des<br />

huîtres et des mollusques. Des études datant de 2019 ont déjà<br />

montré des résultats positifs en Casamance, où la mangrove<br />

regagne du terrain.<br />

RESTAURER LES ÉCOSYSTÈMES<br />

La Grande muraille verte (GMV) est un autre des grands<br />

projets. Lancée en 2009 avec pour objectif de planter une coulée<br />

verte de 7 600 kilomètres de long sur 15 kilomètres de large<br />

entre le Sénégal et Djibouti (11 pays concernés), la GMV doit<br />

ralentir l’avancée du désert, améliorer la gestion des ressources<br />

naturelles et lutter contre la pauvreté, mais également restaurer<br />

100 millions d’hectares, séquestrer 250 millions de tonnes de<br />

carbone et créer 10 millions d’emplois verts à l’horizon 2030.<br />

Le dernier rapport d’évaluation de la mise en œuvre (datant<br />

de septembre 2020) indique que seulement 18 % des objectifs<br />

auraient été atteints. Ce faible taux d’avancement s’explique par<br />

la difficile coordination entre les différentes parties prenantes et<br />

l’insécurité grandissante dans le Sahel à cause du déploiement<br />

des groupes djihadistes.<br />

Au Sénégal, la GMV mesure 545 kilomètres de long sur<br />

15 kilomètres de large et constitue une superficie de 817 500 hectares.<br />

Elle concerne les régions de Louga, Saint-Louis et Matam<br />

(principalement dans la zone sylvopastorale où les précipitations<br />

annuelles ne dépassent guère 400 mm). Les populations<br />

bénéficiaires directes sont estimées à 322 221 habitants. La mise<br />

en œuvre du programme est confiée à l’Agence panafricaine<br />

de la grande muraille verte (APGMV), qui en a fait un projet<br />

multisectoriel. Il s’agit de restaurer les écosystèmes par la plantation<br />

de milliers d’arbres, tout en développant les territoires.<br />

L’approche consiste à mettre en place des jardins polyvalents<br />

adaptés aux conditions du milieu et aux besoins des populations<br />

et de les impliquer pour garantir la durabilité. Des résultats<br />

positifs ont été obtenus.<br />

Entre 2008 et 2015, le pays a reboisé dans ce cadre<br />

33 300 hectares, produit 16 150 000 plants et mis en défens<br />

– clôturé – 13 000 hectares, empêchant ainsi la coupe et le passage<br />

des animaux. Les espèces reboisées sont endémiques à la<br />

zone et résistantes à la sécheresse : il s’agit principalement de<br />

l’acacia Sénégal et du Balanites aegyptiaca, dont les propriétés<br />

et les usages traditionnels (pharmacopée) et domestiques sont<br />

bien connus des habitants.<br />

78 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Ci-contre, sur le tracé<br />

de la Grande Muraille,<br />

des cultures dans<br />

le village de Widou<br />

Thiengoly, région<br />

du Ferlo.<br />

Ci-dessous,<br />

Haïdar El Ali, ancien<br />

ministre de l’Écologie,<br />

connu pour son francparler<br />

et visage de<br />

l’engagement citoyen.<br />

ARNAUD SPANI/HEMIS.FR - SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS<br />

Parallèlement au reboisement, des jardins polyvalents y sont<br />

associés. Celui qui est le plus cité comme exemple de solution<br />

adaptée aux conditions du milieu et aux besoins des populations<br />

est le jardin polyvalent villageois de Widou Thiengoly, dans la<br />

région du Ferlo. D’une surface de 7 hectares, il est cultivé par une<br />

association de 249 femmes. En saison des pluies, elles cultivent<br />

des pastèques, du niébé et des aubergines amères. Et durant la<br />

saison sèche, elles utilisent le système de goutte-à-goutte pour<br />

cultiver des oignons, des carottes, des tomates, des pommes de<br />

terre, des salades. Il y a aussi quelques arbres fruitiers, des manguiers,<br />

des citronniers et des orangers. Cela leur a permis une<br />

diversification de leur nourriture, améliorant ainsi la santé de<br />

leur famille et leur autonomie financière. Le reste des récoltes<br />

est vendu au marché local, et les bénéfices servent à accorder des<br />

prêts aux membres de l’association qui ont des projets.<br />

ENGAGEMENT CITOYEN ET PARTICIPATIF<br />

La prise de conscience de l’urgence de préserver les ressources<br />

naturelles est le cheval de bataille de plusieurs organisations,<br />

groupement de jeunes, associations, ONG, plates-formes<br />

citoyennes… Parmi elles, l’Oceanium de Dakar est une association<br />

spécialisée, depuis plus de dix ans, dans la restauration des<br />

écosystèmes forestiers. Très impliquée dans le projet de reforestation<br />

de la mangrove, elle a permis à travers des pépinières<br />

communautaires la mobilisation citoyenne de 100 000 personnes<br />

provenant de 350 villages et a ainsi contribué au succès<br />

des campagnes de reboisement du littoral en Casamance<br />

et au Sine Saloum. En plus de redonner racine à la mangrove,<br />

cette association a également permis de redévelopper l’écosystème<br />

économique, notamment la culture du riz, fragilisée par<br />

le recul de la forêt. Son fondateur, Haïdar El Ali, est connu<br />

pour son franc-parler, son pragmatisme et son inappétence à la<br />

bureaucratie. Il fut le premier à avoir alerté sur « le génocide écologique<br />

» en Casamance et dénoncer le pillage de la forêt casamançaise<br />

par des réseaux organisés de trafic du bois. Ancien<br />

ministre de l’Écologie, il dirige aujourd’hui l’Agence nationale<br />

de la grande muraille verte (ANGMV) du Sénégal. L’homme est<br />

profondément convaincu que les solutions pour répondre au<br />

défi climatique ne pourront venir que des sociétés elles-mêmes.<br />

Plus locale, l’association Nébéday s’active dans la mise en<br />

place de filières de valorisation des ressources naturelles avec<br />

les femmes. Ses actions sont multiples : maraîchage et arboriculture,<br />

fabrication et diffusion de foyers améliorés à base d’argile<br />

et de bio-charbon à base de paille, protection et valorisation<br />

d’aires protégée ou encore des campagnes d’éducation environnementale<br />

dans les écoles ou de reboisement. Adaptation au<br />

changement climatique et préservation de l’environnement sont<br />

l’alliance essentielle pour un développement humain durable. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 79


performance<br />

DAKAR<br />

S'ÉCHAUFFE<br />

À QUATRE<br />

ANS DES JOJ<br />

80 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


La quatrième édition des Jeux olympiques<br />

de la jeunesse consacrera l’émergence<br />

du Sénégal et le rayonnement de l’Afrique<br />

sur la scène sportive mondiale.<br />

L’occasion, d’ici là, de fédérer le pays<br />

derrière un événement riche en émotions<br />

et en opportunités. par Jérémie Vaudaux<br />

XINHUA/ABACA XXXXXXXXX<br />

La délégation sénégalaise<br />

lors de l'ouverture des JO<br />

de Tokyo 2020, reportés<br />

du 23 juillet au 8 août 2021.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 81


PERFORMANCE<br />

Lors des JOJ de Buenos Aires,<br />

en Argentine, en octobre 2018, le<br />

Sénégal a été désigné officiellement<br />

par les membres du CIO pour<br />

accueillir l'édition suivante.<br />

Ci-contre, le président Macky Sall<br />

et le prince Albert II de Monaco.<br />

Seize ans, trois éditions, deux continents et<br />

une pandémie après leur création, les Jeux<br />

olympiques de la jeunesse d’été auront bien<br />

lieu en 2026 à Dakar, qui sera, le temps d’une<br />

rencontre entre les meilleurs jeunes athlètes<br />

de la planète, l’épicentre du sport mondial.<br />

Certes, les quatrièmes JOJ devaient se tenir<br />

en 2022 ; certes, la pandémie et son cortège<br />

de bouleversements sont passés par<br />

là ; certes, le Comité national olympique et sportif sénégalais<br />

(CNOSS) accuse désormais quatre ans de retard à l’allumage. Il<br />

n’empêche : « Dakar 2026, c’est une victoire de l’Afrique », assurait<br />

en bon fédérateur Mamadou Diagna Ndiaye, président du<br />

CNOSS et membre du Comité international olympique (CIO),<br />

au lendemain du report des JOJ en juillet 2020. Le symbole<br />

est de taille. Jamais l’Afrique n’avait été le théâtre d’une compétition<br />

internationale multisport. Une victoire sénégalaise,<br />

confie Mamadou Diagna Ndiaye, à laquelle le président de la<br />

République Macky Sall a personnellement œuvré : « C’est une<br />

fierté pour le pays, pour le peuple et pour moi-même de voir le<br />

Sénégal organiser les Jeux olympiques de la jeunesse en 2026.<br />

Le Sénégal est pleinement engagé aux côtés du CIO pour offrir<br />

des Jeux historiques », déclarait le chef d'État à l’issue des résultats.<br />

Historiques. Le mot est lâché.<br />

Historique, déjà, était le combat. Il a fallu, pour le pays, se<br />

défaire de ses concurrents : le Botswana, le Nigeria et la Tunisie,<br />

candidats malheureux coiffés au poteau par l’organisation rigoureuse<br />

dont le CNOSS et le Comité d’organisation des Jeux olympiques<br />

de la jeunesse (COJOJ) de Dakar 2026 ont fait preuve.<br />

LES RAISONS DE LA VICTOIRE<br />

« Notre dossier était sans faille. En bons élèves, nous avons<br />

suivi à la lettre chaque exigence du cahier des charges imposé<br />

par le CIO. Tous les acteurs privés et publics ont joué leur partie »,<br />

s'est félicité le président du COJOJ, Ibrahima Wade, rencontré<br />

par Afrique Magazine à Dakar à l’issue d’un comité de pilotage<br />

avec le CIO, fin janvier. Plus largement, selon lui, la candidature<br />

victorieuse du Sénégal repose sur un socle culturel, social et<br />

politique favorable. « L’engouement des Sénégalais pour la discipline<br />

physique est inscrit dans notre ADN. Il n’y a qu’à regarder<br />

l’endurance des éleveurs peuls, qui parcourent des milliers de<br />

kilomètres chaque saison pour guider leurs troupeaux, ou encore<br />

la tradition de lutte féminine de l’ethnie diola, les chorégraphies<br />

sportives… En tant que peuple, nous disposons de qualités physiques<br />

indéniables ! » s’enthousiasme Ibrahima Wade. Et d’ajouter,<br />

lucide, que la stabilité politique dont jouit le Sénégal – aucun<br />

coup d’État depuis l'indépendance en 1960 et plusieurs alternances<br />

démocratiques constatées par les urnes – et la sécurité<br />

garantie pour la bonne tenue des rencontres sportives ont adouci<br />

les sentiments du CIO : « Les votes en ont tenu compte. Ils ont<br />

sanctionné aux yeux du monde entier le Sénégal comme étant<br />

une destination de confiance », reconnaît le président du COJOJ.<br />

LIONEL MANDEIX/PRÉSIDENCE DU SÉNÉGAL<br />

82 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


L'accueil des JOJ est l'occasion<br />

de réhabiliter des infrastructures<br />

sportives, comme la piscine<br />

olympique de Dakar, ci-dessus.<br />

Ci-contre, Thomas Bach, président<br />

du Comité international olympique,<br />

en visite dans la capitale, en 2019.<br />

SHUTTERSTOCK - IOC/GREG MARTIN<br />

« Le Sénégal<br />

est pleinement<br />

engagé aux<br />

côtés du CIO<br />

pour offrir<br />

des Jeux<br />

historiques »,<br />

déclarait<br />

Macky Sall.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 83


PERFORMANCE<br />

UN RÊVE DE TRANSFORMATION<br />

À l’occasion des JOJ 2026, les yeux du monde seront braqués<br />

sur le Sénégal et ses trois villes hôtes ; Dakar, sa capitale historique,<br />

Diamniadio, la nouvelle ville symbole de son émergence,<br />

et Saly, ville de tourisme balnéaire en reconversion. L’occasion<br />

est belle pour le pays de montrer son meilleur visage, son visage<br />

moderne – son visage émergent, pour reprendre un élément de<br />

langage convenu de la communication gouvernementale. Sur<br />

le devant de la scène donc, l’Aéroport international Blaise Diagne<br />

(AIBD), le centre des expositions et la Dakar Arena situés à<br />

Diamniadio et inaugurés en 2018, ainsi que le stade olympique,<br />

qui a vu le jour en février 2022 : « L’idée, c’est de proposer un<br />

effet “waouh” aux sportifs, aux invités et aux spectateurs dès<br />

la descente de l’avion jusqu’aux différents sites des JOJ », confie<br />

Ibrahima Wade.<br />

La recette « waouh » ? Des infrastructures de<br />

transport de qualité. Une bretelle autoroutière<br />

sera créée pour l’occasion, afin de réduire le<br />

temps de trajet entre le village olympique situé<br />

à Diamniadio, dans l’enceinte de la nouvelle<br />

université Amadou Makhtar Mbow et la cité<br />

balnéaire de Saly, qui accueillera les épreuves<br />

de cross-country, de triathlon et pentathlon,<br />

de voile, d’aviron, de canoë, de handball et volley-ball<br />

de plage. Une extension de l’autoroute<br />

A1, qui relie aujourd’hui Dakar à Mbour, desservira<br />

également Saly, distante d’une dizaine<br />

de kilomètres de l’actuel tracé, « afin de faire<br />

durer l’effet “waouh” jusqu’au bout », sourit le<br />

président du COJOJ. Et de préciser : « Bien que<br />

les infrastructures de transport aient été pensées<br />

dans le cadre des JOJ 2026, elles bénéficieront à<br />

terme à toute la population sénégalaise. »<br />

Idem pour les infrastructures sportives. Si<br />

le cahier des charges du CIO impose de ne pas<br />

construire de nouvelles infrastructures pour les<br />

JOJ, le COJOJ s’est fait un point d’honneur à<br />

restaurer les infrastructures sportives existantes<br />

de Dakar, notamment la piscine olympique<br />

et le stade Iba Mar Diop, qui accueilleront respectivement les<br />

épreuves de natation et d’athlétisme. Sans les JOJ, ces infrastructures<br />

auraient été laissées à leur état de décrépitude, assure Ibrahima<br />

Wade, qui pointe une opération gagnante : « Les sites seront<br />

rendus aux sportifs sénégalais en meilleur état qu’avant les JOJ. »<br />

FÉDÉRER ET MOTIVER LES POPULATIONS<br />

Tangible, l’héritage des JOJ de Dakar 2026 sera également<br />

immatériel. 2022, à cet égard, sera décisive : « Nous aurions été<br />

prêts sur le plan organisationnel pour accueillir les Jeux à l’automne<br />

2022, mais nous prenons ce report avec philosophie : nous<br />

emploierons, au COJOJ ces quatre ans à construire un engouement<br />

de la jeunesse derrière les Jeux », explique son président.<br />

Dakar 2026<br />

en chiffres<br />

3 VILLES (Dakar,<br />

Diamniadio, Saly)<br />

19 SITES<br />

35 SPORTS (dont 7 sports<br />

additionnels proposés<br />

par Dakar 2026 : baseball<br />

à cinq, breaking, karaté,<br />

skateboard, escalade,<br />

surf et wushu)<br />

246 ÉVÉNEMENTS<br />

4 676 ATHLÈTES<br />

(15-18 ans)<br />

50 % DE FILLES/50 % DE<br />

GARÇONS<br />

5000 VOLONTAIRES<br />

32500 INVITÉS<br />

150 MILLIONS DE<br />

DOLLARS (budget estimé)<br />

Un legs, en quelque sorte, à destination des jeunes Sénégalais et<br />

Sénégalaises. Si une génération de sportifs se retrouve privée de<br />

Jeux à cause du report de quatre ans dû à la pandémie, l’occasion<br />

est belle de faire pénétrer les valeurs de l’olympisme – excellence,<br />

amitié et respect – au Sénégal, dont 60 % de la population<br />

est âgée de moins de 24 ans. L’enjeu est de taille, au regard des<br />

difficultés et de la perte de sens auxquelles est confrontée la<br />

jeunesse. Chômage de masse, absence de perspective d’avenir,<br />

hystérisation du débat politique, violences… « Nous souhaitons<br />

canaliser cette énergie chez les jeunes, qui peut être créatrice,<br />

afin d’en faire une force pour l’organisation des Jeux », précise<br />

Ibrahima Wade.<br />

Sur les tablettes du Comité d’organisation, une série de<br />

mesures visent à rapprocher les Jeux des jeunes, ou les jeunes<br />

des Jeux, selon par quel bout on prend l’affaire.<br />

Première étape au printemps 2022,<br />

avec l’organisation d’une caravane des JOJ.<br />

Battant le pavillon olympique, elle sillonnera<br />

le pays, notamment les régions les plus<br />

enclavées, telles que Matam, Kédougou, et<br />

Tambacounda, où la notion même de Jeux<br />

olympiques y est aussi parlante que celle d’onglée<br />

un matin d’hiver. Un programme éducatif<br />

leur sera délivré – les valeurs de développement<br />

durable et de citoyenneté figurent en<br />

bonne place.<br />

11 000 écoles du pays seront également<br />

mobilisées à compter d’avril 2022 dans le<br />

cadre de la « Semaine de la jeunesse au<br />

rythme de l’olympisme » : tout est dans le titre<br />

ou presque, puisqu’il s’agira de promouvoir la<br />

pratique sportive chez les jeunes et de mobiliser<br />

la communauté éducative autour des<br />

valeurs citoyennes et sportives. La mise en<br />

place d’un « brevet olympique » visera à mobiliser<br />

les élèves et les professeurs autour d’une<br />

formation d’excellence à l’issue de laquelle<br />

« les meilleures écoles pourront hisser le drapeau<br />

olympique et les détenteurs du brevet<br />

être prioritaires dans la sélection des volontaires lors des Jeux »,<br />

indique le président du COJOJ. Quant à l’opération « Dakar en<br />

Jeux », l'objectif est simple : fédérer et motiver les populations<br />

autour de l’événement, en amont des Jeux.<br />

UNE LOGIQUE DE PARTENARIAT : L'ALLIANCE JOKKO<br />

Les initiatives du Sénégal, aux yeux des observateurs avertis<br />

de l’olympisme, ont un air de déjà-vu. Et pour cause. L’organisation<br />

des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024<br />

reprend nombre de ces mesures et ne s’en cache pas, puisque<br />

les JOJ de Dakar étaient prévus, avant leur report, comme un<br />

laboratoire vivant des JOP de Paris : « On ne parle pas de chaperonnage<br />

de la France sur le Sénégal, ni même d’assistanat car le<br />

84 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


cadre de partenariat qui unit Paris et Dakar a été mis sur pied<br />

en 2019, soit avant le report des JOJ à 2026 », explique Ibrahima<br />

Wade. Tony Estanguet, le président du COJOP de Paris 2024,<br />

ajoute : « Nous avions envie de signer une convention différente<br />

et unique… C’est parce qu’il y a une vraie envie collective, en<br />

France, d’accompagner au mieux le<br />

projet de Dakar 2026. »<br />

À la confluence des deux capitales,<br />

l’Alliance Jokko. Mise sur pied en 2019,<br />

elle « concrétise l’engagement des plus<br />

hautes autorités françaises et sénégalaises,<br />

des élus de nos collectivités territoriales,<br />

des responsables du secteur<br />

privé et des dirigeants du mouvement<br />

olympique et sportif de nos deux pays »,<br />

dans la double perspective des Jeux de Paris et de Dakar, détaille<br />

Ibrahima Wade. L’Institut national du sport, de l’expertise et de<br />

la performance (INSEP) de Paris est dans la boucle, de même<br />

que l’Agence française de développement (AFD) et l’Association<br />

internationale des maires francophones (AIMF). « Nous avons<br />

testé une nouvelle approche – la cocréation – pour une nouvelle<br />

Première étape au printemps<br />

2022, avec l’organisation<br />

d’une caravane qui sillonnera<br />

le pays.<br />

destination – le continent africain. Nous vivons une expérience<br />

fascinante, qui nous permet de proposer des idées novatrices<br />

et de rechercher des solutions intelligentes. Un modèle pour<br />

le Sénégal et les futurs hôtes ! », s’emballait même Christophe<br />

Dubi, directeur exécutif des JO au CIO, à l’occasion du lancement<br />

de l’Alliance Jokko. Pourtant, si la cocréation semble être<br />

le mot d’ordre de la quatrième édition des Jeux olympiques de la<br />

jeunesse, Ibrahima Wade l’assure : « Au COJOJ incombe la tâche<br />

de colorer les Jeux avec les saveurs locales, faites d’authenticité<br />

et d’hospitalité. » Son sourire semble indiquer : détails classés<br />

secret-défense, rendez-vous dans quatre ans. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 85


86 AFRIQUE MAGAZINE I 402 – MARS 2020


interview<br />

Mamadou<br />

Diagna Ndiaye<br />

« Les JOJ donneront<br />

à voir la richesse<br />

et la diversité<br />

de l’Afrique »<br />

Les Jeux olympiques de la jeunesse<br />

auront lieu à Dakar en 2026. C’est la<br />

première fois que le continent accueillera<br />

un événement de cette dimension. Retour<br />

sur les raisons de ce choix et les enjeux de<br />

l’organisation avec le président du Comité<br />

national olympique et sportif sénégalais.<br />

propos recueillis par Zyad Limam<br />

PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE DU SÉNÉGAL<br />

Le président<br />

Macky Sall<br />

tenant la torche<br />

olympique<br />

remise par<br />

Mamadou<br />

Diagna Ndiaye,<br />

le 20 novembre<br />

2021, à Dakar.<br />

<strong>AM</strong> : De la part du Comité internationale olympique<br />

(CIO), il s’agit d’un choix historique. Quels étaient les<br />

points forts de la candidature de Dakar et du Sénégal ?<br />

Mamadou Diagna Ndiaye : Le projet proposé, sous la direction<br />

du président de la République, était ambitieux et techniquement<br />

viable. Notre pays, terre de tolérance, d’expression libre de la<br />

pensée, de dialogue, ainsi que sa beauté sont autant de points<br />

qui se sont imposés aux décideurs.<br />

À l’origine, les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ)<br />

devaient se tenir en 2022. Comment justifier<br />

un report de quatre ans ? La pandémie de Covid-19<br />

est-elle la seule explication ?<br />

Oui, c’est la seule explication et la meilleure alternative.<br />

Nous avions le choix entre les décaler ou les annuler. Suivant<br />

la même logique, les Jeux olympiques (JO) de Tokyo ont été<br />

décalés à 2021 après de multiples péripéties. Paris 2024 étant<br />

acté, il nous restait 2026, la date la plus proche pour respecter<br />

la phase séquentielle des deux années qu’imposent les règles.<br />

C’est en responsabilité que le président de la République et le<br />

président du CIO ont décidé, d’un commun accord, du report<br />

87


INTERVIEW<br />

des Jeux olympiques de la jeunesse, dans un contexte sanitaire<br />

mondial incertain et particulièrement volatil.<br />

En quoi ces Jeux seront-ils différents,<br />

« sénégalais », « africains »?<br />

D’abord parce qu’ils sont organisés pour la première fois en<br />

Afrique, le continent de la jeunesse. Pour l’image de l’Afrique,<br />

et qu’on lui fasse davantage confiance dans l’avenir, le Sénégal<br />

doit en réussir l’organisation. Les JOJ, à la différence des JO,<br />

ne sont pas seulement un événement sportif. Ils comportent un<br />

volet culturel tout aussi important. L’Afrique est un continent de<br />

culture. Les expressions artistiques qui seront programmées lors<br />

de ces Jeux donneront à voir la richesse et la diversité de cette<br />

dernière. Ces JOJ sont organisés au Sénégal, mais la dimension<br />

africaine sera un marqueur dans la programmation et dans l’organisation.<br />

L’héritage qu’ils laisseront sera également au profit<br />

de la jeunesse sénégalaise et africaine.<br />

Quelle est leur « architecture »?<br />

Elle demeure la même, autour de l’idéal de l’olympisme, qui<br />

se nourrit du passé et s’enrichit des apports du vécu de tous les<br />

jours pour écrire le futur. Les JOJ sont des jeux multisports, avec<br />

une dimension culturelle et éducative, qui a pour cible les jeunes<br />

gens de 15 à 18 ans. Ils visent à aider à la promotion des activités<br />

sportives, à diffuser et favoriser le partage des valeurs olympiques,<br />

à faire éclore et évoluer des talents et espoirs nouveaux.<br />

Le Stade du Sénégal, à Diamniadio, qui doit être<br />

inauguré prochainement, fera-t-il partie intégrante<br />

des Jeux ?<br />

Le Stade du Sénégal a été pensé comme un cadeau à la<br />

jeunesse et à la communauté sportive du pays, dans le prolongement<br />

de l’attribution des Jeux par le CIO. C’est une infrastructure<br />

remarquable et un atout certain. Au niveau du comité<br />

d’organisation, en rapport avec le CIO, nous sommes en train de<br />

Les jeunes gens<br />

de 15 à 18 ans doivent s’investir<br />

pleinement pour la réussite<br />

de l’événement. C’est leur fête.<br />

réfléchir pour y programmer des compétitions, voire y organiser<br />

la cérémonie d’ouverture, car il présente aussi l’avantage d’être<br />

bien situé. Mais nous verrons en temps utile, après concertations<br />

avec les autorités, l’usage que nous en ferons.<br />

L’État s’est-il totalement investi aux côtés du Comité<br />

d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse<br />

(COJOJ) ? Macky Sall est-il votre principal soutien ?<br />

Le soutien du président Macky Sall se traduit par son implication<br />

personnelle, et cela depuis le début. Il a conduit la délégation<br />

à Buenos Aires en 2018, lors de la désignation de Dakar<br />

comme ville hôte. Depuis, il suit, à travers divers canaux, les<br />

préparatifs. Il a également demandé à tous les services de l’État<br />

de rester mobilisés et de tout mettre en œuvre pour la réussite<br />

de ce premier événement olympique en terre africaine. C’est un<br />

sérieux gage de succès.<br />

Quel rôle joue le CIO sur l’organisation ? Comment<br />

se répartissent les tâches avec le COJOJ ?<br />

Les deux comités sont inscrits depuis la désignation de<br />

Dakar dans un processus de cocréation, afin de délivrer des<br />

Jeux conformes aux attentes de toutes les parties prenantes.<br />

Nous avons défini ensemble une matrice des rôles et responsabilités,<br />

un bel outil de planification qui recense les actions<br />

devant être menées et qui identifie les responsables qui en ont<br />

la charge. Le document a été élaboré sur la base du plan d’édition<br />

signé entre l’État du Sénégal, la Ville de Dakar, le Comité<br />

national olympique et sportif sénégalais (CNOSS), le COJOJ<br />

et le CIO. C’est vraiment dans cet esprit de collaboration et de<br />

partage d’expériences que nous travaillons avec ce dernier pour<br />

une excellente organisation.<br />

Paris 2024 et Dakar 2026 ont signé une convention de<br />

coopération. Quels sont les effets positifs d’un tel accord ?<br />

Le partenariat avec Paris 2024 est bénéfique à plus d’un<br />

titre. Notre collaboration se fait dans un cadre plus élargi<br />

appelé Alliance Jokko, qui regroupe, en plus de Paris 2024<br />

et Dakar 2026, l’Agence française de développement (AFD),<br />

l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance<br />

(INSEP), la Ville de Paris, la Région Île-de-France et bien d’autres<br />

partenaires français. La convention de partenariat Paris 2024-<br />

Dakar 2026 prévoit des échanges qui porteront notamment sur<br />

l’organisation opérationnelle et la livraison des Jeux, la formation<br />

des ressources humaines, la stratégie d’héritage, le plan<br />

de transformation, le développement durable, l’engagement et<br />

la mobilisation de la jeunesse, entre autres<br />

domaines. Avant le report, Paris 2024 devait<br />

hériter de Dakar 2022. Mais, puisque les<br />

JOJ se dérouleront en 2026, c’est Dakar qui<br />

bénéficiera de l’expertise de Paris. Enfin,<br />

cette coopération comporte un volet technique<br />

qui inclut le transfert d’équipements<br />

entre les deux comités d’organisation, dans<br />

une démarche commune de promotion de<br />

l’économie circulaire et de Jeux durables.<br />

Quels sont les principaux challenges que le pays<br />

et le COJOJ doivent relever d’ici 2026 pour assurer<br />

une organisation optimale ?<br />

Le premier défi à relever demeure celui de l’appropriation<br />

et de la participation. C’est la fête de la jeunesse. Il faut que la<br />

population en général, et en particulier les jeunes gens de 15<br />

à 18 ans adhèrent à ce projet et s’investissent pleinement pour<br />

la réussite de l’événement. La question de la sécurité constitue,<br />

dans le contexte global du monde actuel, un second défi majeur.<br />

La participation gagnante de nos athlètes est également, bien<br />

88 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Sur une plage publique de la Corniche, où de nombreux jeunes viennent faire du sport.<br />

SADAK SOUICI<br />

sûr, dans tous les esprits. Il est temps que le Sénégal monte de<br />

nouveau sur le podium des JO. Enfin, l’environnement doit être<br />

de qualité et s’insérer parfaitement dans la politique environnementale<br />

déclinée par le gouvernement.<br />

Comment rentabiliser sur le long terme la plupart<br />

des installations sportives qui auront été construites<br />

pour les JOJ 2026 ?<br />

Historiquement, l’héritage des Jeux olympiques a souvent<br />

posé des problèmes de réaffectation des investissements réalisés.<br />

Au Sénégal, nous avons opté pour une démarche prudentielle, et<br />

mis l’accent sur la réhabilitation et la modernisation de certaines<br />

de nos structures existantes, comme la piscine de Dakar, qui<br />

sera rénovée par l’AFD, ou le stade Iba Mar Diop. La réalisation<br />

du stade de Diamniadio entre dans la programmation du plan<br />

d’équipement en infrastructures modernes de l’État du Sénégal.<br />

Le village olympique, bâti sur le campus de l’Université Amadou<br />

Mahtar Mbow, servira, par la suite, de résidence pour étudiants.<br />

Et les infrastructures complémentaires à Saly combleront en<br />

partie le déficit d’installations sportives des villes de l’intérieur.<br />

Vous êtes investi depuis longtemps dans le mouvement<br />

olympique sénégalais. Vous êtes membre du toutpuissant<br />

CIO. Que représente pour vous le sport ?<br />

Celui-ci est-il réellement un investissement nécessaire ?<br />

Quelle importance a-t-il dans le développement<br />

d’un pays comme le Sénégal ?<br />

Dans ma tendre jeunesse, à Saint-Louis, ma ville natale,<br />

j’ai d’abord été attiré par le sport de rue – comme d’ailleurs la<br />

plupart des enfants. Cette passion qui ne m’a jamais quitté n’est<br />

sans doute pas étrangère à mon parcours : tour à tour président<br />

de fédération, de confédération, du CNOSS, et membre du CIO.<br />

On attribue à Pierre de Coubertin le fait d’avoir redonné vie à<br />

l’expression de Juvénal, « Mens sana in corpore sano », autre-<br />

ment dit « un esprit sain dans un corps sain ». Si cela devait<br />

être la seule vertu du sport, elle vaudrait largement la peine<br />

de s’y investir sans réserve. Mais le sport, langage universel,<br />

nous imprègne, en prime, de toutes les valeurs consubstantielles<br />

au vivre-ensemble, dont la paix, la tolérance et le respect<br />

de l’autre sont le socle intangible qui fonde la cohésion<br />

sociale. Investissement humain et social indispensable, il est<br />

aujourd’hui, par les opportunités économiques qu’il génère, au<br />

cœur des politiques de développement et du rayonnement culturel<br />

de tous les pays.<br />

La jeunesse représente au Sénégal, comme<br />

dans de nombreux pays d’Afrique, à la fois<br />

une fantastique opportunité et un enjeu important.<br />

Comment répondre à cette équation ?<br />

La jeunesse est en effet un levier formidable dans un<br />

processus de développement qui se joue sur le long terme.<br />

La problématique est complexe, les approches plurielles. Il n’y a<br />

pas de solution prête à l’emploi, mais il ne fait de doute pour<br />

personne que les réponses à cet enjeu sociétal de premier ordre<br />

tiennent à notre capacité à faire face ensemble.<br />

Vous êtes un personnage public et, en même<br />

temps, très secret. L’opinion et la rumeur vous accordent<br />

toutes sortes d’ambitions et de relations très haut<br />

placées, au Sénégal et ailleurs. Cette position de patron<br />

du COJOJ Dakar 2026 vous expose politiquement.<br />

Êtes-vous serein ?<br />

« Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être<br />

les organisateurs », disait Jean Cocteau. « Je ne laisse pas les<br />

rumeurs et les critiques influer sur mes choix et mes décisions,<br />

a déclaré l’actrice Emma Watson. Cela me ferait perdre beaucoup<br />

d’opportunités et d’expériences. » C’est vrai, je n’affectionne<br />

pas les rumeurs et les polémiques en carton. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 89


90 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


société<br />

L’AGE<br />

DES<br />

REVES<br />

ET DE<br />

L’ACTION<br />

XXXXXXXXX SADAK SOUICI<br />

Sur l'île de Gorée,<br />

devant la statue<br />

commémorant la libération<br />

de l'esclavage.<br />

Un peu plus de la moitié<br />

de la population a moins<br />

de 20 ans. C’est à la fois<br />

une force, une opportunité<br />

et une exigence. Largement<br />

présente dans les nouveaux<br />

cercles digitaux, comme<br />

au sein du tissu associatif,<br />

cette jeunesse, mise<br />

à mal par la pandémie,<br />

reste réaliste, ambitieuse<br />

et optimiste. par Estelle Ndjandjo<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 91


SOCIÉTÉAu printemps 2021, des manifestations<br />

violentes éclatent dans le pays, à la<br />

suite de l’arrestation de l’opposant<br />

Ousmane Sonko, accusé de viol. De<br />

celles-ci résulte un rassemblement<br />

prodémocratie plus large, mené par<br />

la jeunesse du pays. Ce mouvement<br />

traduit une perte de confiance envers<br />

les institutions. Pourtant, en 2019, une enquête du think tank<br />

Futuribles a montré l’optimisme de la jeunesse face à l’avenir<br />

du pays. Près de 75 % des jeunes ont estimé que la démocratie<br />

participative aura progressé d’ici 2030. Mais la pandémie a<br />

ralenti l’économie informelle, dont dépendent tant de familles<br />

sénégalaises, aggravant encore un peu plus le contexte socioéconomique.<br />

En mars, des milliers de manifestants descendent<br />

alors dans la rue, pour dénoncer le manque de justice sociale et<br />

de démocratie. C’est le lancement du mouvement #FreeSenegal.<br />

Un hashtag devenu viral sur les réseaux sociaux, générant à<br />

partir du 3 mars 2021 plus de 2,8 millions de tweets. Cette mobilisation<br />

virtuelle fait suite aux manifestations opposant jeunes<br />

et forces de l’ordre. Pape Demba Dione est à l’initiative de ce<br />

hashtag. Il est à l’image de cette jeunesse engagée et connectée.<br />

Sous son calme typiquement sénégalais, se cache un redoutable<br />

communicant numérique. Il a compris que la mobilisation africaine<br />

si vite étouffée trouvait sa liberté sur la Toile. Rapidement,<br />

#FreeSenegal est aussi devenu un outil pour lancer des initiatives<br />

citoyennes, afin d’aider les blessés au sein des manifestations.<br />

Il a fallu moins d’une semaine au mouvement pour réunir<br />

10 millions de francs CFA à destination des familles de blessés.<br />

Un appel à la mobilisation a permis, en moins de trois jours, de<br />

récolter 300 pochettes de sang.<br />

La société civile et la jeunesse sont en avance sur les dirigeants<br />

selon Cheikh Fall, le cofondateur d’AfricTivistes, la ligue<br />

africaine des blogueurs et Web activistes pour la démocratie. Il<br />

définit « la démocratie silencieuse comme étant l’expression publique<br />

d’une partie de la population, restée longtemps aphone<br />

et qui se positionne en force de contestation pour des exigences<br />

républicaines ». Des exigences d’une partie de la jeunesse que<br />

Cheikh Fall a récemment exposées au sommet Afrique France,<br />

qui s’est tenu à Montpellier en novembre 2021. Devant le président<br />

français Emmanuel Macron, il a dénoncé avec émotion le<br />

passé colonialiste et néocolonialiste entre la France et l’Afrique.<br />

Il l’a désigné comme « un passé lourd à porter » pour les jeunes<br />

générations. L’activiste panafricain n’en est pas à son coup d’essai<br />

concernant les luttes démocratiques. En 2012, lors des élections<br />

présidentielles, il avait créé la plate-forme Sunu2012.sn,<br />

destinée à surveiller le bon déroulement du scrutin électoral<br />

au Sénégal. Natty Seydi, également cofondateur d'Afric-<br />

Tivistes, souligne cette force numérique qui grandit dans l’espace<br />

public : « Aujourd’hui, si tu as un problème, la première<br />

chose que tu fais, c’est un post sur Internet. Ce que les gens<br />

espèrent, c’est cette relation entre les nouveaux médias et les<br />

médias traditionnels. »<br />

OBJECTIFS : ZÉRO GROSSESSE NON DÉSIRÉE<br />

ET ZÉRO MARIAGE FORCÉ<br />

Les femmes donnent de la voix pour faire respecter leurs<br />

droits. De nombreux collectifs existent partout dans le pays<br />

pour lutter contre les violences faites aux femmes. Certains<br />

encouragent la scolarisation des filles. Sylvie Diack, une étudiante<br />

de 22 ans et animatrice radio de l’organisation Parole<br />

aux jeunes, en a fait son cheval de bataille. Elle milite pour<br />

l’université pour toutes au Sénégal, où une femme sur trois ne<br />

fait pas d’études supérieures. Dans ses émissions diffusées sur<br />

Facebook, elle donne la parole aux filles et aux associations.<br />

Et met en avant les nouvelles initiatives citoyennes féminines.<br />

C’est le cas du pacte de Kolda, mis en place dans la région du<br />

même nom, en Casamance. Ce pacte est un accord signé entre<br />

les parents, qui garantissent à leurs filles de ne pas les marier<br />

avant leurs 18 ans. En retour, celles-ci ne doivent pas tomber<br />

enceintes et assurent pendant leur scolarité un travail de sensibilisation,<br />

comme leaders de communauté. Leur objectif ? Zéro<br />

grossesse non désirée et zéro mariage forcé.<br />

DR<br />

92 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


SADAK SOUICI/LE PICTORIUM - MAX HIRZEL/HAYTH<strong>AM</strong>-REA<br />

À gauche,<br />

l’animatrice<br />

radio Sylvie<br />

Diack milite<br />

pour l’université<br />

pour toutes.<br />

Ci-dessus,<br />

la surfeuse<br />

Khadjou<br />

Sambe, qui<br />

vise les Jeux<br />

olympiques<br />

de la jeunesse<br />

en 2026.<br />

Et ci-contre,<br />

Cheikh Fall,<br />

cofondateur<br />

de la ligue<br />

AfricTivistes.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 93


SOCIÉTÉ<br />

Ce renouveau féministe se retrouve également au niveau<br />

sportif. Enfonçant les portes qui se fermaient à elle, Khadjou<br />

Sambe est devenue la première surfeuse professionnelle du<br />

pays. À 26 ans, elle tente de participer aux prochains Jeux olympiques<br />

de la jeunesse organisés en 2026. Khadjou est originaire<br />

de Ngor, un village de pêcheurs au nord de la ville. Elle a dû<br />

affronter les préjugés pour monter sur sa planche : « J’ai commencé<br />

entre 13 et 14 ans. J’habite tout près de la plage, donc je<br />

voyais les gens partir surfer et je me demandais : “Mais où sont<br />

les filles ?” Je me suis alors dit : “Pourquoi pas surfer en tant<br />

que fille, en tant que Sénégalaise, en tant qu’Africaine.” Je suis<br />

la seule femme qui surfe dans ma famille, pourtant mon oncle,<br />

Kenu, laboratoire<br />

artistique<br />

Ce centre d’art est situé à Ouakam, un<br />

quartier populaire de Dakar. Il a été créé<br />

par Alibeta, un artiste pluridisciplinaire,<br />

qu’il décrit comme un laboratoire des<br />

imaginaires. Kenu signifie « pilier » en wolof. Le centre<br />

joue aussi un rôle communautaire important dans<br />

le quartier auprès des lycéens et étudiants qui le<br />

fréquentent. Cinéma populaire, studio de musique,<br />

scène de théâtre, résidence d’artistes, galerie d’exposition,<br />

Kenu propose un espace où le vivre-ensemble est possible.<br />

La troupe du théâtre-forum est composée de jeunes<br />

Dakarois et Dakaroises. Ils y interprètent, sensibilisent<br />

et s’approprient des sujets de société. ■<br />

mon cousin, mes neveux surfent aussi. » Khadjou Sambe a reçu<br />

l’aide de Black Girls Surf. Cette organisation sportive, fondée<br />

par la surfeuse noire américaine Rhonda Harper, aide les jeunes<br />

filles à devenir pro, grâce à un entraînement de haut niveau.<br />

Comme de nombreux surfeurs à Dakar, Khadjou confie avoir<br />

à maintes reprises ramassé sur sa planche des déchets flottant<br />

dans l’eau.<br />

Cette sensibilisation à la cause environnementale touche<br />

toute sa génération. Quand les opérations de quartier pour nettoyer<br />

les plages se mettent en place dans le sud du pays, les jeunes<br />

Casamançais replantent la mangrove en perdition. Yaro Sarr<br />

est un étudiant en physique-chimie. À Dakar, il a fait partie de<br />

ces premiers jeunes à mobiliser les<br />

autres aux questions écologiques.<br />

À peine sorti de l’adolescence, il<br />

a fait parler de lui en 2019. Alors<br />

qu’il fait du porte-à-porte lors d’une<br />

action de sensibilisation du grand<br />

public, il tombe sur un homme qui<br />

le frappe, le discours environnemental<br />

passant toujours mal dans<br />

un pays où les confréries religieuses<br />

prospèrent. Il finira par porter un<br />

appareil dentaire. Qu’à cela ne<br />

tienne, Yaro Sarr continue et rassemble<br />

de plus en plus d’étudiants<br />

et de lycéens, derrière Fridays For<br />

Future Sénégal, le mouvement<br />

écologiste de Greta Thunberg.<br />

Toujours connectée, la jeunesse<br />

use et abuse des platesformes<br />

numériques, fédérant grâce<br />

aux réseaux sociaux des initiatives<br />

citoyennes. En tête, on retrouve le<br />

compte Save Dakar (Sauvons Dakar), destiné à promouvoir le<br />

vivre-ensemble et l’écologie. Plus qu’un compte sur les réseaux,<br />

c’est une philosophie de vie dans laquelle se reconnaissent<br />

65 000 abonnés.<br />

#DEUILNATIONAL, COMMENT RENDRE<br />

HOMMAGE AUX MORTS EN MER<br />

Agir ici et souvent rêver d’ailleurs. La route vers les îles<br />

Canaries est devenue ces dernières années un passage alternatif<br />

de migration clandestine vers l’Europe. Ces îles espagnoles,<br />

territoire européen le plus proche des côtes ouest-africaines,<br />

voient se multiplier les candidats à l’exil venant du Maroc<br />

comme du Sénégal. En novembre 2020, une embarcation de<br />

plus de 480 Sénégalais a échoué en mer. Un drame relayé par<br />

le hashtag #DeuilNational lancé (également) par Pape Demba<br />

Dione, qui a encouragé les citoyens à rendre hommage et à prier<br />

face à cette tragédie. Un phénomène illustré au cinéma dans<br />

Atlantique, de Mati Diop, sorti en 2019. Sélectionné aux Oscars<br />

DR<br />

94 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Sur le campus de l’université<br />

Cheikh Anta Diop,<br />

l’une des facultés les plus<br />

réputées d’Afrique de l’Ouest.<br />

SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS<br />

dans la catégorie du meilleur film étranger, il avait mis un coup<br />

de projecteur sur le phénomène. Au sein du pays, la question<br />

du départ est un sujet épineux, qui divise. Après avoir interrogé<br />

les membres de la troupe de théâtre-forum [voir encadré<br />

ci-contre] sur la migration clandestine, il est apparu que la majorité<br />

d'entre eux souhaite rester au Sénégal, mais rêve de voyager<br />

sans pouvoir le faire. Pour Mohamed, 19 ans, étudiant, la vie en<br />

Europe ne le fait plus rêver : « Les gens ici pensent que lorsque<br />

tu es en Europe, tu es fortuné, tu as tout l’or du monde, t’es en<br />

paix, alors que ce n’est pas facile. J’ai un cousin qui est là-bas,<br />

il joue au foot et m’a assuré que sa vie était une vraie galère. »<br />

Pour ceux qui restent, l’université au Sénégal reste accessible<br />

et maintient un bon niveau à l’échelle de la sous-région.<br />

Les quartiers de l’université de Dakar attirent même une multitude<br />

de nationalités différentes dans ses résidences étudiantes :<br />

Marocains, Nigérians, Camerounais, Congolais se bousculent<br />

pour étudier la médecine à l’université Cheikh Anta Diop, l’une<br />

des facultés les plus réputées d’Afrique de l’Ouest.<br />

Les étudiants investissent le monde, aussi bien au Maroc,<br />

au Canada qu’en Chine. Dans les hôtels de luxe de la capitale,<br />

il n’est pas rare d’assister à des journées portes ouvertes, entièrement<br />

dédiées aux opportunités nord-américaines. Les classes<br />

les plus aisées envoient leurs enfants à l’Université McGill de<br />

Montréal ou, par exemple, à Vancouver, qui compte déjà une<br />

bonne communauté sénégalaise implantée. L’Europe n’est<br />

plus le passage obligé. Les pays du Nord étant de plus en plus<br />

Les étudiants<br />

investissent le monde,<br />

au Maroc, au<br />

Canada, en Chine.<br />

L’Europe n’est plus<br />

le passage obligé.<br />

sélectifs, l’arrivée d’étudiants extra-européens majoritairement<br />

africains devient difficile. En outre, ces dernières années, les relations<br />

entre le Sénégal et la Chine se sont développées, ouvrant<br />

un horizon à l’Est. Des accords bilatéraux prévoient l’obtention<br />

de bourses d’études pour les étudiants désireux de s’installer en<br />

Chine.<br />

Quand une partie de la jeunesse s’exporte, l’autre,<br />

diasporique d'Europe ou d'Amérique du Nord, projette un retour<br />

au pays des parents – à l'instar des « Sénégaulois », comme on les<br />

appelle, qui tentent l’expérience d’une autre qualité de vie, de<br />

nouvelles opportunités. Ces binationaux sont souvent entrepreneurs,<br />

artistes, travaillent dans des grandes firmes ou s’attellent<br />

à du travail social sur place, pour le rayonnement de leur pays. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 95


Navire de<br />

chargement (PSV)<br />

à quai au niveau<br />

de la Senegal<br />

Supply Base.<br />

Senegal Supply Base<br />

Façonner la chaîne<br />

d’approvisionnement<br />

de demain<br />

Opération de<br />

manutention<br />

d’un conteneur<br />

cargo offshore.<br />

Senegal Supply Base (SSB) a été<br />

créée en 2020 en vue de l’exploitation<br />

du pétrole et du gaz au Sénégal.<br />

Sa base logistique, située dans le<br />

port autonome de Dakar, soutient les<br />

plates-formes d’exploitation offshore.<br />

S’appuyant sur le modèle de centre logistique<br />

à services intégrés développé<br />

partout où a lieu une activité pétrolière,<br />

Senegal Supply Base offre une gamme<br />

complète de services à l’industrie du<br />

pétrole et du gaz au Sénégal. SSB fournit<br />

à chaque entreprise des installations<br />

et des zones dédiées pour la gestion et<br />

l’exploitation de ses activités logistiques<br />

capables de soutenir les opérations<br />

offshore en pleine croissance. Avec un<br />

investissement de 17 millions de dollars,<br />

SSB aura pour première mission<br />

de démontrer une expertise de classe<br />

mondiale et de devenir une base d’approvisionnement<br />

logistique multiutilisateurs<br />

exclusive pour les activités<br />

pétrolières et gazières.<br />

Le Sénégal, un producteur de pétrole<br />

et gaz à grande échelle demain<br />

Les premiers projets pétroliers et gaziers<br />

du Sénégal sont en cours de développement<br />

et la première production<br />

est attendue d’ici un an. L’émergence du<br />

Sénégal en tant que joueur clé de l’industrie<br />

pétrolière et gazière a été remarquable.<br />

Il est important que la communauté<br />

locale soit impliquée dans cette<br />

ambition. Et il est également important


Visite de la base<br />

par les équipes<br />

de Senegal<br />

Supply Base.<br />

Vue aérienne<br />

de la Senegal<br />

Supply Base.<br />

Tests des<br />

dispositifs<br />

deforage, dits<br />

« christmas<br />

trees ».<br />

de créer un environnement favorable<br />

aux investisseurs dans le secteur pétrolier.<br />

Les projets « Fast-Track » seront un<br />

objectif réalisable grâce à l’implication<br />

forte des secteurs privé et public. Le<br />

contenu local est une création de valeurs.<br />

C’est pourquoi le Sénégal a mis<br />

en œuvre des politiques et des cadres<br />

appropriés afin que le bénéfice du développement<br />

de ces nouvelles énergies retombe<br />

sur les investisseurs ainsi que sur<br />

les populations locales.<br />

“L’exploration<br />

et l’exploitation<br />

des ressources<br />

de pétrole<br />

etde gaz nécessitent<br />

desinvestissements<br />

immenses, qui sont hors de<br />

portée du budget national.<br />

Mais la bonne nouvelle,<br />

c’est que la chaîne de<br />

valeur du pétrole et du gaz<br />

offre une large gamme<br />

d’activités génératrices<br />

derevenus et à la portée<br />

dusecteur privé national.”<br />

M. Macky Sall Président de la République<br />

Les engagements<br />

de Senegal<br />

Supply Base<br />

Mission<br />

Fournir des services de qualité<br />

enmatière de logistique intégrée<br />

etdegestion des bases pour soutenir<br />

les acteurs du secteur pétrolier et gazier,<br />

avec sécurité et professionnalisme,<br />

afinde satisfaire les clients.<br />

Vision<br />

Devenir l’entreprise logistique de<br />

référence dans le secteur pétrolier au<br />

Sénégal, dans le respect des ressources.<br />

Valeurs<br />

Sécurité,<br />

santé et environnement,<br />

éthique et intégrité,<br />

valorisation du capital humain,<br />

orientation du client avec performance<br />

et création de valeur,<br />

qualité et professionnalisme.<br />

www.senegalsupplybase.com<br />

PUBLI-REPORTAGE


évasions<br />

POUR UN VOYAGE<br />

NEW-LOOK<br />

Le tourisme est et restera un secteur clé de l’économie du pays.<br />

Avec de véritables perspectives d’avenir post-Covid. À condition<br />

d’affronter les obstacles structurels et de s’inscrire dans un schéma<br />

réellement écologique. par Jérémie Vaudaux<br />

Une pandémie bien opportune ? Alors que<br />

le monde se retranchait derrière ses frontières,<br />

le secteur du tourisme sénégalais<br />

fourbissait ses armes. N’allons pourtant<br />

pas parler d’une bénédiction pour le pays<br />

de la Teranga. Les 300 jours de soleil n’ont<br />

guère réchauffé le cœur des acteurs d’un<br />

secteur sinistré. Et ce, malgré les 157 milliards de francs CFA<br />

(239 millions d’euros) injectés dans les domaines de l’aérien<br />

et du tourisme par le biais du Programme de résilience économique<br />

et solidaire (PRES) en 2020. S’il n’existe pas de statistiques<br />

officielles à propos des faillites d’entreprises touristiques<br />

post- Covid, on ne peut qu’imaginer l’hécatombe dans un secteur<br />

qui reste en partie informel et qui représentait en 2019<br />

le deuxième pourvoyeur d’emplois derrière l’agriculture, avec<br />

300 000 actifs directs et indirects. Entre 2018 et 2020, l’activité<br />

touristique s’est contractée de 78 %. Selon les récentes modélisations<br />

d’une enquête de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD),<br />

2021 et ses incertitudes l’auraient fait reculer de 30 %. N’empêche.<br />

Le secteur veut sortir grandi de la crise sanitaire, afin<br />

d’ouvrir les portes de son pays. Comme un symbole de l’embellie<br />

sénégalaise, le Club Med de Cap Skirring, en Casamance, se<br />

réveillait en décembre 2021 après une torpeur qui durait depuis<br />

près de deux ans. À l’horizon de 2025, le Sénégal souhaite<br />

PICASA<br />

98 HORS-SÉRIE


Le fleuve Sénégal,<br />

long de 1 750 kilomètres.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 99


ÉVASIONS<br />

Des marchés<br />

différents et<br />

complémentaires<br />

La relance du tourisme passe par une<br />

redéfinition des flux. Historiquement,<br />

la France représente le contingent<br />

le plus important de touristes au Sénégal,<br />

ce que confirment les chiffres d’avant la pandémie :<br />

400161 Français avaient plébiscité la destination<br />

en 2018. Des chiffres qui font état d’une forte<br />

dépendance à ce marché émetteur, dont les entrées sont<br />

supérieures à celles de tous les pays d’Afrique réunis<br />

– et plus de 10 fois supérieures aux entrées américaines,<br />

estimées à 34329. Pourtant, pas de statu quo.<br />

L’ouverture en septembre 2021 d’une ligne Air Sénégal<br />

entre Dakar, New York et Washington est censée venir<br />

stimuler un segment de marché porteur – celui du<br />

tourisme mémoriel, centré sur les vestiges patrimoniaux<br />

de la traite négrière au mémorial de Gorée et au Musée<br />

des civilisations noires, notamment. En parallèle,<br />

l’ASPT appuie depuis 2017 la promotion du marché<br />

touristique auprès des résidents. Au programme :<br />

des plages, de la nature et de la culture. Et ça<br />

marche. Entre 2016 et 2018, la part des Sénégalais<br />

dans les arrivées globales hôtelières a augmenté<br />

de 7 %, pour atteindre 32 %. Le site Internet<br />

Taamu Sénégal, bardé d’offres promotionnelles,<br />

initié en 2020 comme rempart à la pandémie et<br />

maintenu en 2022, pourrait bien capitaliser sur<br />

cette bonne dynamique du tourisme interne. ■<br />

L’île de Gorée est une destination très prisée. Ici,<br />

des touristes devant l’église Saint-Charles Borromée.<br />

attirer 4,1 millions de touristes, contre 2,1 millions avant la<br />

pandémie, et dégager 1 000 milliards de FCFA (1,52 milliard<br />

d’euros) de recettes, contre 710 milliards de FCFA (1,08 milliard<br />

d’euros) en 2018. Vertigineux, mais il y a mieux : « Le Sénégal<br />

sera le premier hub aérien et touristique d’Afrique de l’Ouest »,<br />

clamait le président Macky Sall en avril 2021. L’affirmation n’est<br />

pas gratuite. Elle repose sur une stratégie nationale bien rodée.<br />

UNE VOLONTÉ POLITIQUE<br />

En 2019, le secteur participait au produit intérieur brut (PIB)<br />

à hauteur de 8 %, juste derrière les 12 % de celui de la pêche.<br />

C’est à ce titre qu’il a été érigé en priorité nationale dans le cadre<br />

du Plan Sénégal Emergent (PSE), projet de développement<br />

multi sectoriel lancé en 2014, qui est entré dans sa deuxième<br />

phase en 2019. D’ici 2025, les chantiers touristiques auront<br />

englouti 840 milliards de FCFA (1,28 milliard d’euros), sans<br />

compter les 424 milliards de FCFA (646 millions d’euros) dédiés<br />

à la construction de l’aéroport international Blaise Diagne. La<br />

modernisation des infrastructures de transport représente l’un<br />

des cinq axes prioritaires de la modernisation du secteur du<br />

tourisme au Sénégal, complété par le renforcement de la gouvernance,<br />

du tourisme local, du marketing et de l’expérience client.<br />

Malgré le réseau routier relativement dense par rapport<br />

aux autres pays d’Afrique de l’Ouest, certaines zones souffrent<br />

encore d’un relatif enclavement – un état de fait que vise à corriger<br />

le Programme de réhabilitation des aéroports du Sénégal<br />

(PRAS), initié en 2018 avec la rénovation de l’aéroport de<br />

Saint-Louis. En décembre 2021, c’est au tour de l’aéroport de<br />

Cap Skirring d’être réhabilité. Ziguinchor, Kédougou, Podor,<br />

Tambacounda et Ourossogui suivront en 2022. Ces points sont<br />

stratégiques. Ils correspondent aux six zones touristiques décrétées<br />

d’intérêt national par l’Agence sénégalaise de promotion<br />

touristique (ASPT), qui opère sous la houlette du ministère du<br />

Tourisme et des Transports aériens. Chacune d’entre elles sera<br />

adossée à des parts de marché clairement établies – dans des<br />

soucis de lisibilité et de diversification de l’offre touristique,<br />

jusqu’alors trop univoque. Avant la pandémie de Covid-19, 54 %<br />

des flux visaient le tourisme balnéaire, contre seulement 7 % le<br />

tourisme culturel et 6 % l’écotourisme. Quant aux 33 % restants,<br />

ils convergeaient à l’endroit du tourisme d’affaires – un segment<br />

porteur, à la mesure des ambitions d’un Sénégal émergent et sur<br />

lequel l’ASPT souhaite appuyer.<br />

La marge de progression est grande dans le segment des<br />

MICE (acronyme anglais désignant les réunions, les congrès,<br />

les conventions et les voyages de gratification). En 2019,<br />

le classement de l’International Congress and Convention Association<br />

(ICCA), calculé sur la base du nombre d’événements d’affaires<br />

à portée internationale hébergés par pays, faisait pointer<br />

le Sénégal à la 18 e place des destinations africaines avec seulement<br />

cinq rencontres organisées. Le podium, composé de<br />

l’Afrique du Sud, du Maroc et du Rwanda, cumulant à eux trois<br />

180 événements est, pour l’heure, inatteignable. Le voisin<br />

SHUTTERSTOCK<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Symbole de l’embellie économique du pays, le Club Med de Cap Skirring a réouvert le 5 décembre 2021,<br />

après vingt et un mois de fermeture.<br />

DR<br />

ivoirien, fort de 11 événements, figurait à la 12 e place – de quoi<br />

piquer l’orgueil du Sénégal, qui ne cache pas son ambition de<br />

rattraper son rival régional sur ce secteur.<br />

Son principal levier ? Diamniadio. Situé à une trentaine de<br />

kilomètres au sud de Dakar, le pôle urbain encore en gestation<br />

cristallise les derniers investissements du pays – complétés par<br />

des fonds privés – en matière d’infrastructures d’envergure<br />

internationale. Le trio Centre des expositions/Centre international<br />

des conférences Abdou Diouf/Dakar Arena a ainsi vocation<br />

à polariser l’organisation d’événements institutionnels,<br />

artistiques et sportifs de premier ordre dans la sous-région<br />

d’Afrique de l’Ouest : « Toutes ces infrastructures permettent<br />

au Sénégal d’accueillir les plus grands événements du monde »,<br />

soutenait, en 2019, le ministre du Tourisme et des Transports<br />

aériens, Alioune Sarr, à l’occasion du salon touristique Top Resa,<br />

à Paris. Les perspectives récentes semblent lui donner raison.<br />

La programmation multisite du 9 e Forum mondial de l’eau,<br />

prévu en mars 2022, met à l’honneur le trio de Diamniadio.<br />

Initialement prévus en 2022 et reportés pour des raisons de<br />

calendrier bousculé par les contraintes sanitaires, les Jeux olympiques<br />

de la jeunesse (JOJ) auront bien lieu en 2026. Hormis<br />

les structures sportives situées dans la capitale intra-muros, les<br />

JOJ seront hébergés dans la moderne Dakar Arena. Quant à la<br />

ville côtière de Saly Portudal, située sur la Petite-Côte, à une<br />

cinquantaine de kilomètres de Dakar, elle accueillera les compétitions<br />

de natation. Un signal fort de requalification, pour les<br />

observateurs, de cette station balnéaire en perte d’attractivité.<br />

DES LENDEMAINS DURABLES ?<br />

Saly Portudal – qui fut, au lendemain des indépendances,<br />

le fleuron des 718 kilomètres de plage du Sénégal – cristallise<br />

les dangers d’un tourisme de masse sur l’environnement :<br />

« L’ouverture de Saly aux initiatives touristiques a provoqué des<br />

risques de saturation de l’espace. Ce milieu littoral est le théâtre<br />

d’exploitation abusive des ressources naturelles. Au point que<br />

plusieurs chercheurs sénégalais, au cours de ces dernières<br />

décennies, se sont posé avec acuité la question de sa survie »,<br />

pointait, en 2020, Mamadou Diombéra, enseignant-chercheur<br />

à l’université Assane Seck de Ziguinchor. L’étude dénonce le<br />

mitage artificiel du littoral de la Petite-Côte réalisé avec le blancseing<br />

de la Société d’aménagement et de promotion des côtes<br />

et zones touristiques du Sénégal (SAPCO). Après sa création<br />

en 1975, la société publique rattachée au ministère du Tourisme<br />

et des Transports aériens délivre des permis de construire à des<br />

promoteurs qui édifient à Saly des complexes hôteliers à une<br />

cinquantaine de mètres du rivage, frappé de plein fouet par<br />

l’érosion côtière. Les bungalows de l’hôtel Espadon s’en souviennent<br />

: ils durent fermer en 2014, lorsque les vagues commencèrent<br />

à leur lécher les pieds.<br />

Alors, plus jamais ça ? L’histoire pourrait pourtant bégayer<br />

à Pointe-Sarène, la dernière-née des stations balnéaires située<br />

à 20 kilomètres au sud de Saly. Afin de reconstituer les plages<br />

exsangues de cette dernière, l’Agence nationale pour la promotion<br />

des investissements et des grands travaux (APIX) recommande<br />

le dragage du sable au large des côtes de Pointe-Sarène.<br />

« Ses populations, accompagnées par les acteurs de la pêche du<br />

département de Mbour, pensent que les autorités sénégalaises<br />

veulent déshabiller Jean pour habiller Paul », pouvait-on lire dans<br />

le quotidien Enquête+. Les amateurs d’humour noir apprécieront.<br />

Quant aux optimistes, ils préféreront sans doute tourner<br />

la tête du côté du Sine Saloum, du Sénégal oriental ou de la<br />

Casamance. Sous l’impulsion d’acteurs locaux vivote un écotourisme<br />

certes confidentiel, vu le déséquilibre engendré par le<br />

tourisme d’affaires et balnéaire, mais porteur de perspectives<br />

sociales durables. « Au regard de la qualité et de l’importance de<br />

son capital naturel et culturel, le Sénégal gagnerait à développer<br />

l’écotourisme », annonçait, prophétique, une note du ministère<br />

du Tourisme et des Transports aériens en 2013. Neuf ans plus<br />

tard, sur les 27 points d’intérêt mis en avant par l’ASPT dans son<br />

plan de relance, 10 d’entre eux font la part belle aux parcs et<br />

réserves naturelles, aux rencontres ethniques et culturelles. De<br />

quoi augurer des lendemains plus verts, au pays de la Teranga. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 101


interview<br />

Samir Rahal « Nous avons<br />

tout ce qu’il faut pour réussir »<br />

Le directeur général du Terrou-Bi, à Dakar, propose des pistes<br />

pour le développement d’un tourisme haut de gamme.<br />

propos recueillis par Emmanuelle Pontié<br />

À<br />

l’origine un restaurant gastronomique ouvert en<br />

1986, le Terrou-Bi – « débarcadère » en wolof –<br />

est aujourd’hui l’un des fleurons de l’hôtellerie de<br />

luxe du pays. Cette institution familiale a évolué<br />

en hôtel en 2009, proposant plus de 100 chambres<br />

et suites. Agrandi en 2015 avec une extension de 56 nouvelles<br />

clés, le lieu se transforme en complexe avec piscine, nouveau<br />

restaurant et casino. Avec toujours plus de succès et d’étoiles.<br />

Rencontre avec son directeur général (DG).<br />

<strong>AM</strong> : En mars 2020, l’industrie touristique a dû s’arrêter<br />

à cause de la pandémie. Comment traversez-vous<br />

les différentes périodes de cette crise sanitaire mondiale ?<br />

Samir Rahal : Le Covid-19 a fait beaucoup de dégâts, chez nous<br />

comme chez nos concurrents. On attend beaucoup de 2022. Nous<br />

avons eu une véritable reprise depuis le mois d’octobre 2021,<br />

après avoir été plus qu’impactés pendant dix-huit mois. L’hôtel<br />

a été fermé pendant quatre mois [à partir de mars 2020, ndlr].<br />

Puis il nous a fallu six à huit mois pour tout remettre en route,<br />

en s’adaptant aux couvre-feux, de 18 heures puis de 21 heures.<br />

Jusqu’en octobre, nous avons travaillé autour de 40 % de notre<br />

capacité. Et ces dernières semaines, nous sentons un ralentissement<br />

à cause de la vague Omicron et du retour des tests obligatoires,<br />

des rappels pour les pass. C’est une période confuse,<br />

parce que nous n’avons pas de visibilité à court terme. Mais on<br />

ne peut pas se plaindre, car nous avons repris le travail. Le gouvernement<br />

a compris que nous n’avons pas les mêmes moyens<br />

qu’en Europe ou aux États-Unis. Nous ne sommes pas un pays<br />

riche mais en devenir, et si l’on oblige les gens à rester chez eux,<br />

eh bien… Nous sommes un peu obligés de faire avec le virus.<br />

Mais en ce qui concerne notre business, il faut que la clientèle<br />

internationale, qui représente 70 % de notre chiffre d’affaires,<br />

puisse continuer à venir pour que ça marche.<br />

Votre clientèle a-t-elle évolué ?<br />

Au début de la reprise, nous avons surtout accueilli des « touristes<br />

» de loisirs, qui ne pouvaient plus voyager à l’international<br />

et allaient donc en Casamance ou à Saly sur la Petite-Côte, ou<br />

bien à Dakar dans des établissements comme le nôtre avec une<br />

piscine ou une plage. Nous avons reçu un peu de clientèle d’affaires,<br />

venant de pays limitrophes comme le Mali, la Guinée<br />

ou la Mauritanie. Mais sans retrouver le volume enregistré au<br />

Terrou-Bi en vitesse de croisière normale.<br />

Que pensez-vous de l’offre hôtelière actuelle ?<br />

Comment vous positionnez-vous ?<br />

Le Sénégal est une destination idéale pour organiser des<br />

congrès, faire des affaires, grâce au développement fulgurant<br />

des opportunités dans le pays. Nous bénéficions de la vision<br />

du président Macky Sall, qui développe les infrastructures routières,<br />

sportives, de transport, etc. Globalement, je ne pense pas<br />

que la demande doit créer l’offre. C’est plutôt l’offre qui crée la<br />

demande. Et tant que l’on ne disposera pas d’une offre plus large<br />

en matière de capacité hôtelière de standing, nous ne pourrons<br />

pas atteindre un niveau de nuitées suffisant dans le pays. Je ne<br />

vais pas dire que la concurrence n’est pas gênante. Mais il est<br />

vrai que la situation de monopole, idyllique, est dangereuse pour<br />

le secteur, car elle apporte une sorte de tranquillité à l’entreprise,<br />

qui a tendance à s’endormir sur ses lauriers. Nous sommes<br />

deux ou trois acteurs haut de gamme importants dans le secteur,<br />

et si cela ne change pas dans les prochaines années, c’est un<br />

risque. Il faut ouvrir le marché, et pas seulement en créant des<br />

hôtels supplémentaires. Il faudrait aussi alléger les taxes que<br />

les compagnies aériennes subissent pour atterrir au Sénégal,<br />

ouvrir l’espace aérien. Les vols charters ne sont quasiment plus<br />

admis chez nous. On vient à Dakar en classe économique pour<br />

1200 ou 1300 euros. Heureusement, nous avons Air Sénégal<br />

qui monte en puissance, en pratiquant des prix plus cohérents.<br />

Un ciel plus « ouvert » est essentiel si nous voulons développer le<br />

tourisme d’affaires, et surtout le tourisme balnéaire.<br />

À combien s’élève le nombre de lits à Dakar aujourd’hui ?<br />

En hôtels de standing comme le nôtre, nous comptons<br />

le Pullman, les deux Radisson et le King Fahd Palace.<br />

Avec cinq établissements, nous tournons autour de 1100 ou<br />

102 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


KHALIFA HUSSEIN POUR <strong>AM</strong><br />

1200 chambres. C’est dérisoire. Pour le moindre colloque de<br />

3000 ou 4000 personnes, il n’y a pas la capacité d’accueil nécessaire.<br />

Or, aujourd’hui, nous bénéficions d’un climat tempéré<br />

neuf mois sur douze, et notre pays est stable, sécurisé face au<br />

danger terroriste. Nous avons tout ce qu’il faut pour réussir.<br />

Que faudrait-il encore améliorer ?<br />

À la base, le Sénégal est un pays de folklore. Dans les villages,<br />

vous pouvez découvrir des fêtes, des chants, des danses.<br />

Chaque région offre ses propres traditions. Et ça, c’est positif.<br />

L’art également prend une grande place aujourd’hui. Le<br />

pays regorge de créativité, de talents. Mais, en parallèle, une<br />

forme d’anarchie s’est installée. Les transports en commun<br />

sont hors d’âge, les taxis s’arrêtent n’importe où sur les voies<br />

rapides pour charger des clients… Pour les Occidentaux qui<br />

ne sont pas habitués, cela peut être choquant. Il faudrait<br />

trouver un compromis qui rassure les touristes. Je sais que les<br />

autorités y travaillent. Enfin, il y a un autre souci, d’un autre<br />

ordre : c’est le coût de l’argent. Depuis le sommet de l’Organisation<br />

de coopération islamique (OCI) qui s’est déroulé<br />

en 2008 au Sénégal, grâce auquel nous avons bénéficié d’un<br />

accompagnement très intéressant, aucun hôtel n’est sorti de<br />

terre à part le Radisson et le Terrou-Bi. Les projets se sont<br />

bousculés, mais aucun d’entre eux n’a abouti. Nous bénéficions<br />

aujourd’hui d’une structure comme l’Agence nationale<br />

pour la promotion des investissements et des grands travaux<br />

(Apix) qui nous soutient et nous aide, c’est très précieux.<br />

Mais le système bancaire sénégalais est tel qu’on ne peut<br />

pas amortir l’investissement de la construction d’un hôtel.<br />

La logique voudrait que les nationaux investissent dans le<br />

dur et que des groupes étrangers viennent gérer ces entreprises.<br />

Or, avec des crédits accordés sur seulement cinq ou<br />

sept ans – ce qui représente un très court terme, même si<br />

l’on appelle ça ici du « long terme » –, il est impossible de<br />

rembourser l’investissement d’un hôtel 5 étoiles. Le coût<br />

d’une chambre s’élève au minimum à 200000 euros. Si vous<br />

construisez un hôtel de 200 chambres, nous parlons d’un<br />

investissement de 40 millions d’euros. Qui peut rembourser<br />

une telle somme en sept ans ? On peut investir ici, mais grâce<br />

à un financement étranger, qui offre un crédit sur quinze<br />

ans. Les nationaux n’arriveront jamais à investir, seuls les<br />

étrangers pourront le faire. Je sais que l’État a conscience<br />

de ce problème, mais malheureusement, il n’est pas souverain<br />

sur la question. C’est la Banque centrale des États de<br />

l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui manage les conditions bancaires<br />

imposées par les banques de nos pays. De mon point<br />

de vue, le développement passe obligatoirement par un accès<br />

« pas cher » à l’argent. Tout en encadrant les prêts avec des<br />

conditions draconiennes, pour être sûr que le projet arrive à<br />

terme et sorte de terre.<br />

Quels sont vos projets, en cours ou à venir ?<br />

Tout d’abord, nous allons procéder à une extension, avec<br />

un nouveau bâtiment hôtelier sur le site. Un positionnement<br />

stratégique sur l’avenir, qui offrira l’équivalent d’une capacité<br />

d’environ 150 lits, toujours dans le haut de gamme. Par ailleurs,<br />

notre hôtel fêtera bientôt ses 13 ans, et nous comptons rafraîchir<br />

nos chambres sur les trois années à venir. Pour se préparer à la<br />

concurrence. Preuve que cette dernière est une saine émulation<br />

pour maintenir notre produit à niveau. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 103


La belle<br />

balade<br />

musique<br />

de Saint-Louis<br />

Enserrée entre l’océan et le fleuve, entre hier<br />

et demain, rythmée par les notes de kora<br />

et de jazz, la cité se laisse découvrir pas à pas.<br />

par Olivia Marsaud<br />

104 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Il est des villes qui se regardent, et d’autres qui<br />

s’écoutent et qui chantent plus que d’autres. Saint-<br />

Louis est de celles-ci. Ville archipel, posée à l’embouchure<br />

du fleuve Sénégal, elle se partage entre<br />

la partie continentale, Sor, et l’île Saint-Louis,<br />

reliée par le fameux pont métallique Faidherbe,<br />

devenu emblème de la cité. Un autre pont, plus<br />

modeste, relie l’île à la Langue de Barbarie et au village de<br />

Guet Ndar. Cette « vieille ville française, centre d’élégance<br />

et de bon goût sénégalais », comme le disait joliment l’écrivain<br />

Ousmane Socé Diop (1911-1973), est baignée à la fois<br />

par la mer et le fleuve. Au cœur du quartier historique,<br />

qu’on appelle aussi Ndar, le son clair des sabots des chevaux<br />

rythme la journée. Plus il y a de visiteurs et de touristes<br />

pour prendre les petites calèches peintes à la main, plus on<br />

entend les sabots sonner sur le pavé et le goudron, accompagnés<br />

des interjections des conducteurs. Ils seront remplacés<br />

le soir venu par les appels à la prière, puis les chants<br />

religieux qui s’échappent des cours des maisons jusque tard<br />

dans la nuit. Il n’est pas rare, également, que quelques notes<br />

de jazz s’échappent d’un estaminet, ce mot désuet correspondant<br />

exactement au genre d’endroits que l’on trouve<br />

encore à Saint-Louis, avec ses tabourets de bar en similicuir,<br />

ses lumières néon, son ventilateur qui brasse l’air en saison<br />

chaude et son groupe de blues qui chante aussi bien en<br />

wolof qu’en français ou en anglais. On y entend en outre<br />

le crissement des vélos. « On a le sens du vélo comme on<br />

a l’oreille musicale », résume Meissa Fall, le sculpteur du<br />

quartier sud. Dans son atelier, les pièces détachées rouillent<br />

tranquillement au contact de l’air salé et deviendront des<br />

pièces uniques : masques, sculptures, bougeoirs… « Une<br />

bicyclette, ça se prête, ça se partage, comme on partage<br />

des souvenirs », explique ce fils et petit-fils de réparateur<br />

de vélos. « Je vois dans les cycles des formes humaines et<br />

animales, que je complète au fil de mon imagination. »<br />

À deux pas de l’atelier, le fleuve surgit. C’est lui, bien<br />

sûr, qui donne ce rythme particulier à la ville, ce calme,<br />

cette force tranquille, cette invitation à la rêverie pour le<br />

promeneur, rarement solitaire car souvent sollicité par les<br />

marchands ambulants, les artisans et les conducteurs de<br />

calèches… En cette fin d’hivernage, il est particulièrement<br />

haut, et sa couleur café au lait, dans la poussière de l’harmattan,<br />

se confond avec le beige du ciel. Sur ses rives, on<br />

y trouve à toute heure de la journée des hommes assis<br />

EL JUNIO<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 105


BALADE<br />

en tailleur sur des tapis de prière, ou ce qui peut y ressembler<br />

(un bout de tissu, un bout de carton parfois). Ils y récitent le<br />

Coran pour eux-mêmes, se balançant légèrement d’avant en<br />

arrière, leur souffle se mélangeant à celui du grand fleuve.<br />

Lorsque le soir tombe, on vient y prendre le frais, les amoureux<br />

occupent chastement les bancs publics, les anciens jouent<br />

aux dames. On égrène des chapelets, on chantonne, on médite.<br />

Dans ces moments, l’île a sans conteste une atmosphère qui<br />

n’appartient qu’à elle. De jour, on croise des femmes en voiles<br />

mauritaniens, nous rappelant que la Mauritanie n’est qu’à une<br />

encablure, des jeunes en maillot de foot côtoient de vieux gentlemen<br />

en costume, et il n’est pas rare de croiser quelques chapeaux<br />

de cow-boys, nous donnant l’impression de marcher dans<br />

un film de Moustapha Alassane ou dans le court-métrage très<br />

musical de Laurence Attali, Le Déchaussé, tourné dans la ville<br />

en 2003 avec le chanteur Cheikh Lô. « Saint-Louis est connu<br />

pour être pluriel dans son histoire et les cultures dont la ville a<br />

reçu les multiples empreintes, africaines et française, anglaise<br />

un moment, arabe, dans un emmêlement de toutes ces identités<br />

à la fois et des hybridations qu’elles ont engendrées », écrit le<br />

philosophe Souleymane Bachir Diagne, « enfant de Saint-Louis »,<br />

dans son dernier livre, Le Fagot de ma mémoire.<br />

À l’extrême sud de l’île, les barques de pêcheurs s’alignent<br />

le long de la berge : elles sont des dizaines, formant comme<br />

une arche colorée. Les pélicans se laissent dériver. De l’autre<br />

côté, c’est justement le quartier des pêcheurs, Guet Ndar. Plus<br />

de 25 000 personnes vivent sur cette langue de sable de 200 à<br />

400 mètres de large. Cette communauté de pêcheurs est l'une<br />

des plus importantes d'Afrique de l'Ouest. C'est la plus grande<br />

activité économique de la ville. Sur le continent, c’est la Saint-<br />

Louis travailleuse, populaire, étudiante aussi, avec le campus<br />

de la très réputée université Gaston Berger. C’est sur cette rive,<br />

à Ndiolofène, que le musicien Ablaye Cissoko a décidé d’ouvrir<br />

Le collectionneur et mécène du Musée de la photographie, Amadou Diaw.<br />

son école de kora en 2015. Lorsqu’on a la chance d’observer<br />

une répétition des jeunes recrues, qui ont entre 7 et 10 ans,<br />

la concentration et le sérieux des enfants étonnent. Peut-être<br />

savent-ils qu’il leur faudra sept ans pour maîtriser les bases de<br />

la kora… Le maître est né dans une famille de griots à Kolda,<br />

mais est tombé sous le charme de la ville dès 1985. « Je suis<br />

venu ici avec mes oncles pour une prestation musicale, et j’ai<br />

été happé par sa beauté. J’ai tout de suite senti le côté magique<br />

qu’on lui attribue. Je suis venu pour un jour et n'en suis jamais<br />

reparti. C’est une cité qui a une âme, qu’elle a réussi à conserver.<br />

Elle est unique. C’est une ville de rencontres, et ma musique<br />

appelle justement à l’échange. C’est une ville d’eau, une île<br />

double. Elle m’a donné une famille, je regarde mes enfants y<br />

grandir, et elle est présente en permanence dans ma musique. »<br />

La musique de Saint-Louis pour lui ? « La voix des chanteuses<br />

traditionnelles du Fanal, cet événement traditionnel qui mobilise<br />

toute la cité chaque fin d'année. On est en train de finaliser<br />

un projet ensemble, qui s'appelle Wareef. Ces chanteuses me<br />

parlent beaucoup. »<br />

AU CENTRE DE LA CRÉATION<br />

Le Fanal, c’est aussi la madeleine de Proust pour le danseur,<br />

chorégraphe et plasticien Alioune Diagne. « Pour moi, la<br />

musique de Saint-Louis, c’est celle du défilé du Fanal, avec les<br />

voix saint-louisiennes accompagnées des orchestres de sabar. »<br />

Lors du défilé, chaque 25 décembre, les habitants marchent<br />

en musique, en portant des lampions. « Jusqu’à mes 14 ans, j’ai<br />

participé au Fanal des enfants. On créait notre propre lampion<br />

de bric et de broc pour se joindre au grand Fanal de notre quartier<br />

», se souvient l'artiste, pour qui Saint-Louis est aussi une<br />

ville-muse. Après avoir créé le festival Duo solo danse en 2008,<br />

il a ouvert le Château sur la Langue de Barbarie en 2012, une<br />

superbe bâtisse qui accueille de nombreuses résidences de création,<br />

des spectacles, des chambres en Airbnb. C’est<br />

un lieu de vie, de rencontres, d’échanges.<br />

« Je suis né sur la Langue de Barbarie, j’ai grandi<br />

sur l’île, puis j’ai passé du temps à Sor où j’ai commencé<br />

la danse et à bricoler avec mes mains. C’est<br />

ce quartier qui m’a permis de développer mon côté<br />

artistique et de grandir avec. À 25 ans, je suis revenu<br />

sur l’île, où j’ai notamment beaucoup dansé à l’Institut<br />

français de Saint-Louis. J’ai vécu dans les trois<br />

quartiers. Je suis un pur produit saint-louisien ! Cette<br />

ville nourrit très fortement mon travail, chorégraphique<br />

comme plastique. » On se souvient de son<br />

spectacle autour de Battling Siki, autre enfant de la<br />

cité, boxeur prodige né en 1897 et au destin tragique.<br />

Aujourd’hui, un hôtel-restaurant porte son nom sur<br />

l’île. Alioune, qui a aussi développé une pratique de<br />

plasticien depuis quelques années, ramasse sur la<br />

plage de la Langue de Barbarie des bouts de bois,<br />

des filets de pêches qui iront rejoindre l'une de ses<br />

EL JUNIO<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


C’est le fleuve qui donne ce rythme particulier<br />

à la ville, ce calme, cette force tranquille,<br />

cette invitation à la rêverie pour le promeneur.<br />

ZYAD XXXXXXXXX LIM<strong>AM</strong><br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 107


BALADE<br />

Un archipel<br />

de musées<br />

L’île de Saint-Louis est classée au patrimoine<br />

mondial de l’Unesco depuis 2000. Le quartier<br />

conserve de très nombreuses maisons<br />

typiques de l'époque coloniale, avec leur<br />

façade de chaux, leur double toiture en tuiles, leur<br />

balcon en bois et leur balustrade en fer forgé. Mais<br />

l’état de délabrement de nombreux bâtiments saute<br />

aux yeux… et la plupart des rénovations récentes sont<br />

le fait d’initiatives privées. C’est le cas d'Amadou Diaw,<br />

qui a ouvert le Musée de la photographie (MuPho)<br />

en 2017 pour y loger sa collection de photographies<br />

anciennes et contemporaines. Mama Casset y côtoie<br />

avec bonheur Omar Victor Diop dans une atmosphère<br />

feutrée. Le MuPho a ensuite donné vie à un « archipel<br />

de musées ». Ainsi, le parcours culturel se poursuit<br />

à Kër Lahlou, dédié à l’histoire des indépendances<br />

et de la presse. Kër Thiane est consacré à la musique,<br />

avec une très belle collection de photographies noir<br />

et blanc de tous les grands noms passés par Saint-Louis<br />

et une installation d’instruments de musique dans<br />

un grand entrepôt rénové. On y trouve également<br />

des sculptures de la potière de Casamance Seyni Awa<br />

Camara, des sculptures en fer du plasticien Soly Cissé<br />

et un grand marcheur du sculpteur Ndary Lo. Kër<br />

Hamet Gora est dédié à la mémoire du commerçant<br />

réputé Hamet Gora Diop (1846-1910) et accueillera<br />

bientôt une exposition permanente sur l’histoire des<br />

lettres et de la littérature au Sénégal. Enfin, le Musée<br />

du Souwère propose une belle collection de pièces<br />

anciennes et contemporaines. Mention spéciale à la<br />

salle réalisée par Germaine Anta Gueye, qui donne<br />

une autre dimension à cette technique de peinture<br />

traditionnelle. Amadou Diaw a par ailleurs pour projet<br />

de construire deux autres espaces muséaux. ■<br />

œuvres. « Enfant, je faisais la même chose pour construire les<br />

petites pirogues avec lesquelles nous jouions pour imiter nos<br />

oncles pêcheurs. » C’est d'ailleurs toujours le cas pour les enfants<br />

de Guet Ndar, dans les rues sablonneuses… « Toutes mes créations<br />

en danse sont nées ici. Les idées me viennent ici. La ville me porte,<br />

et je la porte en moi. Elle m’a d’abord apporté la danse et m’a<br />

ouvert les portes du monde entier. »<br />

Alioune Diagne évoque aussi Aminata Fall (1930-2002), l'une<br />

des premières chanteuses de blues et de jazz d’Afrique de l’Ouest.<br />

« Quand j’entends sa voix, j’entends Saint-Louis. Cette ville entretient<br />

une relation très forte avec le jazz et le blues. » De nombreuses<br />

personnes lui trouvent d’ailleurs un air de Nouvelle-Orléans, la<br />

musique constituant une dimension essentielle de la culture des<br />

deux villes. Lors d’un colloque organisé en 2013 sur le sujet, le<br />

musicien Vieux Mac Faye avait reconnu l’influence du blues, en<br />

particulier celui du delta du Mississippi, sur son parcours musical.<br />

Ibrahima Seck, de l’Université Cheikh Anta Diop, avait alors<br />

déclaré : « La musique a voyagé, s’est transformée. Elle est revenue<br />

en Afrique comme un boomerang, et les Africains ont continué<br />

à la reconnaître et à l’adopter. » Le jazz, né de la circulation des<br />

hommes et de leur culture entre les deux rives de l’Atlantique,<br />

a trouvé un terreau fertile à Saint-Louis. L’épopée du Star Jazz,<br />

formé dans les années 1950 par Pape Samba Diop (dit « Mba »),<br />

rejoint ensuite par Aminata Fall et Pape Seck, est encore dans<br />

les mémoires des vieux Saint-Louisiens, ainsi que le mythique<br />

club Le Cocotier dans le quartier Sindoné, dans lequel le groupe<br />

se produisait. On trouve des traces jazzy un peu partout dans<br />

la ville : de la pointe nord, à l’hôtel Keur Dada, où les photos<br />

en noir et blanc évoquent le passage des plus grands noms du<br />

jazz, jusqu’aux Comptoirs du fleuve d’Amadou Diaw, où l’on est<br />

accueillis le plus souvent par de la musique dès la réception, en<br />

passant par le Spoutnik Bar, où « ça va jazzer », comme l'annonce<br />

la devanture.<br />

LE RENDEZ-VOUS DES ARTISTES<br />

Devenu au fil des ans un événement incontournable, le Festival<br />

international de jazz de Saint-Louis a été créé en 1993.<br />

Drainant des passionnés du monde entier, il est connu pour ses<br />

concerts grand format place Faidherbe et ses fêtes mythiques qui<br />

ont souvent débordé jusque sur le pont du bateau de croisière Bou<br />

El Mogdad, amarré au quai nord, entraînant dans son sillage les<br />

bars, restaurants et clubs en fête. La dernière édition, malgré<br />

beaucoup d’incertitudes pour cause de Covid-19, s’est quand même<br />

tenue en juin 2021, avec en tête d’affiche Baaba Maal, Vieux Farka<br />

Touré et Awa Ly. Comme l’ensemble de la ville, le festival a été<br />

touché par les restrictions liées à la pandémie, qui ont frappé de<br />

plein fouet les activités touristiques de l’île. Malgré tout restent les<br />

souvenirs des flamboyantes éditions précédentes. Amadou Diaw,<br />

fondateur de la première école de commerce privée du Sénégal<br />

(Institut supérieur de management), mécène, collectionneur et<br />

fondateur du Forum de Saint-Louis, se souvient de l’Orchestra<br />

Aragon sur la place Faidherbe en 2014 : « Les Saint-Louisiens en<br />

chapeau Torpedo, les Saint- Louisiennes en voile, qui, dans le feu<br />

du concert, jettent leur foulard pour se mettre à danser sur la<br />

musique de leur jeunesse. C’était magique ! » Pour lui, la musique<br />

de Saint-Louis serait un tango, lui, l’amoureux de la cité, qui<br />

danse un pas de deux avec elle.<br />

Oumar Sall, trentenaire avenant, se souvient lui du passage de<br />

la chanteuse mauritanienne Malouma en 2008. Puis de Marcus<br />

Miller, Lokua Kanza, Manu Dibango, Stanley Clarke, Hervé Samb,<br />

Fatoumata Diawara… Il les a tous accueillis dans son café, le Ndar<br />

Ndar Music & Café. « Saint-Louis est une ville de musique, elle est<br />

inspirante. C’est une cité artistique. Le festival de jazz est comme<br />

108 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


La communauté de pêcheurs<br />

est l'une des plus importantes<br />

d'Afrique de l'Ouest.<br />

« J’ai tout de suite senti<br />

le côté magique qu’on<br />

lui attribue. Je suis<br />

venu pour un jour et<br />

n’en suis jamais reparti.<br />

Elle a une âme, qu’elle<br />

a réussi à conserver. »<br />

Ci-dessus, la cathédrale Saint-Louis.<br />

Ci-dessous, l'hôtel de la Poste, adresse mythique.<br />

EL JUNIO (2) - ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

un pèlerinage qui attire les gens dans le but de communier autour<br />

de la musique et de profiter de la teranga saint-louisienne. Ce<br />

festival se confond avec l’âme de la cité. » Le « boy-Ndar » Oumar<br />

s’est d’abord lancé dans le rap dans les années 1990, lorsqu’il était<br />

au collège. « C’était l’avènement du rap au Sénégal, avec Positive<br />

Black Soul, ou Daara J, dont j’étais fan. Avec mon groupe, Keur<br />

Gouma, on a même fait leurs premières parties. » En 2004, il est<br />

poussé par le hasard et l’amitié aux manettes du seul magasin de<br />

disques de l’île, et y reste jusqu’en 2013, quand il doit déménager<br />

à cause d’Ebola et de la hausse du loyer. Grâce aux membres de<br />

la résidence Waaw – des Finlandais tombés eux aussi amoureux<br />

de Saint-Louis –, il devient barista et, en octobre 2015, ouvre un<br />

café mouchoir de poche dans lequel le comptoir et le mur de CD<br />

prennent toute la place. Le lieu a un charme fou, devient vite<br />

le rendez-vous des artistes et de tous les amateurs de bon café<br />

et de musique de passage dans la ville. Depuis un an, le Ndar<br />

Ndar Music & Café a pris de l’ampleur, en déménageant dans un<br />

lieu plus grand, une belle et ancienne bâtisse peinte en blanc et<br />

gris, au cœur de l’île. Le comptoir et le mur de CD sont toujours<br />

là, mais il y a en plus un espace de coworking et la galerie d’art<br />

Éthiopiques juste à côté. « Nous qui habitons là, nous faisons tout<br />

pour pérenniser le côté culturel de Saint-Louis. Tous les musiciens<br />

viennent chez moi, et je suis toujours content de les accueillir ! »<br />

L’histoire d’amour entre Saint-Louis et la musique ne semble pas<br />

près de s’arrêter. Un single rassemblant une vingtaine de musi-<br />

ciens, « Dëkk Bi », vient d’ailleurs de sortir, pour « appeler à l’unité<br />

et à l’effort pour le développement de la ville », explique Ablaye<br />

Cissoko. Le maître de kora a lancé en octobre dernier un nouveau<br />

festival, Au tour des cordes, qui a rassemblé le temps d’un long<br />

et beau week-end des guitares, des basses, une harpe celtique,<br />

un setar, un qanun et des voix sublimes. Ils ont fait résonner le<br />

lycée de jeunes filles Ameth Fall, le lycée Abdou Diouf et l’Institut<br />

français, communiant une fois de plus avec cette ville singulière,<br />

protégée par un génie tutélaire, Mame Coumba Bang, qui semble<br />

elle aussi aimer la musique, inspirant les plus grands griots qui<br />

chantent son histoire au rythme endiablé des xalam. Cette sirène<br />

à la beauté incomparable peut montrer sa puissance les jours de<br />

tempête. Le reste du temps, elle veille sur les Saint-Louisiens et<br />

la petite musique de leur cœur. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 109


interview<br />

Jean-Pierre Langellier<br />

« La qualité du débat<br />

démocratique au Sénégal<br />

doit beaucoup à Senghor »<br />

Le journaliste français signe une passionnante biographie<br />

de l’illustre poète. Et retrace la lente transformation de cet homme<br />

de lettres en homme politique, puis en chef d’État.<br />

propos recueillis par Cédric Gouverneur<br />

Léopold Sédar<br />

Senghor, Perrin,<br />

400 pages, 24 euros.<br />

De sa jeunesse dans « le<br />

royaume d’enfance » au<br />

cœur du monde rural à<br />

ses études contrariées au<br />

séminaire, de ses années<br />

parisiennes avec ses amis<br />

Georges Pompidou et<br />

Aimé Césaire à son passage<br />

dans l’armée française<br />

en pleine débâcle, toutes les étapes de la vie<br />

du célèbre président sont évoquées dans cette biographie<br />

captivante. Homme de lettres, puis homme<br />

politique, et enfin chef d'État, Léopold Sédar Senghor<br />

« laisse à ses successeurs un héritage aussi rare que<br />

précieux sur le continent »: « la démocratie, le pluralisme,<br />

l’alternance et le goût de la palabre politique,<br />

la recherche de l’accord conciliant, la préservation<br />

de l’unité nationale », énumère Jean-Pierre Langellier,<br />

qui répond aux questions d’Afrique Magazine.<br />

<strong>AM</strong> : Vous racontez que Senghor était « deux<br />

fois minoritaire »: catholique dans un pays<br />

majoritairement musulman, et sérère. Quel<br />

rôle a joué ce statut dans sa vie politique ?<br />

Jean-Pierre Langellier : Être deux fois minoritaire<br />

l’a incité à la prudence, à la tolérance, à jouer un<br />

rôle d’arbitre avec habileté. À noter qu’il était de plus<br />

catholique dans une famille musulmane ! Sa mère,<br />

des frères, des sœurs, des cousins étaient musulmans.<br />

Ce paradoxe l’amusait. Le fait de n’appartenir<br />

à aucune des deux grandes confréries musulmanes<br />

sénégalaises, les Mourides et les Tidjanes, lui a aussi<br />

permis d’être écouté de l’une comme de l’autre, et<br />

d’arbitrer. Senghor a mis beaucoup d’habileté, dès<br />

qu’il a commencé sa carrière politique, à aller chercher<br />

des voix en terre musulmane.<br />

Vous narrez la force de son amitié de plus<br />

d’un demi-siècle avec Georges Pompidou.<br />

Quelle influence ont-ils eue l’un pour l’autre ?<br />

DR (2)<br />

110 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ROGER-VIOLLET<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 111


INTERVIEW<br />

Son amitié avec Georges Pompidou [Premier ministre français<br />

de 1962 à 1968, puis président de 1969 jusqu’à son décès<br />

en 1974, ndlr] était en effet très forte. À son arrivée en France,<br />

Senghor ne dispose pas encore d’un bagage littéraire solide :<br />

il a été éduqué au Sénégal par des curés bretons, alsaciens et<br />

normands, qui exerçaient une sorte de « censure catholique »<br />

sur les livres accessibles à leurs étudiants. Du fait de l’influence<br />

exercée par ces hommes d’Église, il est même plutôt monarchiste<br />

! Lorsqu’ils se rencontrent en khâgne, Pompidou l’initie à<br />

la lecture des grands auteurs : le jeune homme, alors de gauche,<br />

et issu d’un milieu modeste du sud-ouest de la France, fait<br />

découvrir la méritocratie républicaine à celui qu’il surnomme<br />

« Ghor » (« courageux » en sérère) et l' introduit dans le milieu<br />

intellectuel. Tous deux vont ensemble au théâtre et au cinéma,<br />

avec le troisième membre de leur trio, le futur écrivain vietnamien<br />

Pham Duy Khiêm. Pompidou a en quelque sorte sensibilisé<br />

Senghor à « l’Ailleurs » et a ainsi eu une influence littéraire,<br />

politique et sociale.<br />

Vous rappelez que le concept de « négritude »<br />

a pu être polémique, par exemple avec cette citation<br />

ambiguë : « L’émotion est nègre, la raison est hellène. »<br />

Senghor entendait faire rendre gorge à ce rationalisme occidental,<br />

attaquer les désaccords au coupe-coupe, avec passion.<br />

Il a été emballé par les écrits de l’ethnologue allemand Leo<br />

112 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


C'est un point<br />

très important de sa vie :<br />

à plusieurs reprises,<br />

il a la chance de rencontrer<br />

des gens qui l’ont aidé<br />

à prendre les bonnes décisions.<br />

KEYSTONE-FRANCE/G<strong>AM</strong>MA-RAPHO<br />

Aux côtés de son épouse,<br />

Colette Senghor, et<br />

d'Abdou Diouf (au second<br />

plan), alors Premier ministre,<br />

à l'aéroport de Dakar,<br />

le 7 février 1971.<br />

Frobenius [1873-1938, l'un<br />

des premiers scientifiques<br />

européens à remettre en<br />

cause le colonialisme et ses<br />

prétentions civilisatrices et<br />

racistes, ndlr]. Il écrivait<br />

ce que Senghor attendait,<br />

mais ses écrits ont pu faire<br />

glisser le jeune homme sur<br />

une dangereuse pente, que<br />

l’on qualifierait aujourd’hui<br />

d’« essentialiste ». Il pensait<br />

que le renouveau noir passait<br />

par l’ethnie, et reconnaîtra<br />

ensuite son erreur,<br />

l’attribuant à la passion et<br />

à l’enthousiasme du retour<br />

aux sources.<br />

Il a failli être abattu<br />

à deux reprises : quand<br />

les nazis ont fusillé<br />

des milliers de tirailleurs<br />

sénégalais lors de<br />

la débâcle française, en juin 1940, et dans l’attentat<br />

manqué contre lui au Sénégal, en mars 1967. Il fera<br />

à chaque fois preuve d’un grand sang-froid. Homme de<br />

lettres, homme politique, mais aussi homme d’action ?<br />

En effet ! Et Senghor a également fait preuve d’une très<br />

grande maîtrise, en août 1960, face au coup de force du président<br />

malien Modibo Keita, qui a cherché à absorber le Sénégal.<br />

C'était un homme d’action qui agissait avec sang-froid, un<br />

pragmatique qui avait coutume de dire : « En politique, je ne<br />

faisais pas de poésie. » Il savait réagir rapidement.<br />

La poésie sera pour Senghor sa « voie de salut<br />

pour sublimer sa double fidélité à l’Europe<br />

et à l’Afrique », écrivez-vous. Vous racontez même<br />

qu’en 1946, il hésitera à entrer en politique !<br />

En effet, il ne voulait pas entrer en politique. Pour lui, la<br />

politique était sale, c’était de la magouille. Ce monsieur, dans sa<br />

jeunesse, ne rêvait que d’être curé puis d’être admis au Collège<br />

de France, d’être à la fois prêtre et pédagogue. Senghor avait<br />

des ambitions élevées, spirituelles, intimes et personnelles. Il<br />

a beaucoup hésité à entrer en politique. C’est en retournant<br />

au pays juste après la Seconde Guerre mondiale qu’il réalise<br />

combien son peuple a souffert sous Vichy [entre 1940 et 1944,<br />

les autorités coloniales du Sénégal étaient favorables non pas au<br />

général de Gaulle mais au maréchal Pétain, ndlr]. C'est déjà un<br />

intellectuel très connu, et ils ne sont pas nombreux à disposer<br />

d’un tel profil. Ses amis et sa famille ont su le convaincre. C’est<br />

un point très important de sa vie : à plusieurs reprises, Senghor<br />

a la chance de rencontrer des gens qui l’ont aidé à prendre les<br />

bonnes décisions. Plusieurs exemples : avec l’appui du député<br />

français du Sénégal Blaise Diagne, il décroche une bourse pour<br />

partir étudier dans l'Hexagone. Quand il fait son service militaire<br />

dans l’est, un général lui obtient une place tranquille à<br />

Paris. En 1940, lorsqu’il est fait prisonnier de guerre des Allemands,<br />

un médecin français réussit à le faire libérer. Et ainsi de<br />

suite. Son habileté, son pouvoir de séduction naturel donnaient<br />

aux gens l’envie de l’appuyer. La chance, il faut la mériter.<br />

Senghor en campagne, c’est le candidat<br />

des ruraux, des paysans, des confréries (qui<br />

appuient ce catholique), ainsi que des cheminots<br />

de la ligne Dakar-Niger. Ce fut sa grande force<br />

face à la Section française de l'Internationale<br />

ouvrière (SFIO) de Lamine Gueye ?<br />

Lamine Gueye appréciait surtout les dîners parisiens… Il<br />

a été élu sans effort à Dakar et Saint-Louis, et n’avait pas vraiment<br />

besoin de faire campagne. Senghor avait conscience que<br />

la SFIO était puissante dans les villes sénégalaises, et, lui, a donc<br />

battu campagne. Il n’avait pas besoin de se forcer : en 1978, en<br />

tant que journaliste, j’avais couvert la campagne multipartis de<br />

Senghor, et j’avais pu observer combien il était à l’aise avec les<br />

paysans. Il partageait leur repas. Senghor, rappelez-vous, avait<br />

grandi à la campagne, dans ce qu’il nomme dans ses écrits « le<br />

royaume d’enfance ».<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 113


INTERVIEW<br />

15 faits méconnus<br />

sur sa vie<br />

◗ Léopold Sédar Senghor est né en 1906, mais le jour<br />

précis reste ignoré : était-ce le 15 août ou le 9 octobre ?<br />

◗ « Sédar » signifie « celui que l’on ne peut humilier »:<br />

toute sa vie, Senghor s’efforcera de mériter<br />

son prénom sérère en restant un homme fier.<br />

◗ « Senghor» viendrait du portugais « Senhor»<br />

(« monsieur »).<br />

◗ Son « nom de totem », confié à l’adolescence lors<br />

de son initiation et gardé secret, signifiait « l’Ancêtre<br />

à la peau d’orage sillonnée d’éclairs et de foudre ».<br />

◗ Le suicide d’un palefrenier, après que son père<br />

l'a traité de « menteur », l’a hanté toute sa vie.<br />

◗ À Paris, dans le Quartier latin, les passants se<br />

retournaient sur un trio de joyeux étudiants : un Blanc,<br />

un Noir et un Asiatique. Il s'agissait de Georges<br />

Pompidou, Senghor et Pham Duy Khiêm. Tous trois<br />

auront des destins exceptionnels.<br />

◗ La cadence de l’alexandrin lui évoquant un austère<br />

« défilé militaire », il préfèrait Paul Claudel, dont le<br />

rythme lui rappellait la poésie orale de l’Afrique.<br />

◗ « Je considère un peu Senghor comme une partie<br />

de moi-même », disait Aimé Césaire.<br />

◗ Fait prisonnier en juin 1940, le tirailleur Senghor a<br />

sympathisé avec l'un de ses gardiens – un officier<br />

autrichien secrètement antinazi –, lequel transmettra<br />

discrètement son courrier à ses amis à Paris !<br />

◗ Une femme de ménage avait jeté à la poubelle<br />

par mégarde le brouillon de sa thèse.<br />

◗ Ancien professeur tatillon, le président Senghor a fait<br />

supprimer les apostrophes de certains patronymes<br />

sénégalais (N’Diaye, M’Baye).<br />

◗ Son entêtement à maintenir en détention Mamadou<br />

Dia l’a sans doute privé du prix Nobel de littérature…<br />

◗ Lors de la démocratisation du Sénégal, le président<br />

Senghor a refusé de légaliser le parti de l’historien<br />

Cheikh Anta Diop… Peut-être par rivalité intellectuelle !<br />

◗ Afin de ne pas froisser les confréries, il n’a jamais<br />

invité le pape au Sénégal (la venue de Jean-Paul II<br />

attendra 1992).<br />

◗ Senghor est mort le 20 décembre 2001. Ni le président<br />

français Jacques Chirac, ni son Premier ministre Lionel<br />

Jospin n’ont jugé bon d’interrompre leurs fêtes de fin<br />

d’année pour venir assister à ses funérailles… ■<br />

À l’indépendance, Senghor défendra jusqu’au bout<br />

l’idée d’une fédération ouest-africaine. Ce fédéralisme<br />

fut un échec, mais aurait-il pu fonctionner ?<br />

Cette fédération avait peu de chance de fonctionner, car<br />

trop de protagonistes étaient contre, notamment Guy Mollet<br />

[secrétaire général de la SFIO, plusieurs fois ministre et chef de<br />

gouvernement sous la IV e République, ndlr], De Gaulle, la Mauritanie,<br />

ainsi que le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny.<br />

Vous rappelez d'ailleurs sa rivalité avec ce dernier<br />

dans des anecdotes tragicomiques ! Pourquoi<br />

tant d’animosité entre les deux principaux<br />

leaders de l’Afrique de l’Ouest francophone ?<br />

Les deux hommes étaient si différents : Senghor était un<br />

intellectuel, un poète un peu rêveur, et Houphouët-Boigny,<br />

un planteur enraciné, terre à terre, qui avait pour priorité les<br />

intérêts nationaux. La Côte d’Ivoire s’enrichissant, celui-ci ne<br />

voulait pas d’une redistribution des richesses en faveur du<br />

Sénégal. Il a su prendre les commandes d’un parti régional<br />

multiétatique, le Rassemblement démocratique africain (RDA),<br />

et s’est fait respecter à Paris pour son intelligence politique. Il a<br />

fait en sorte que le RDA soit présent à l’Assemblée constituante<br />

et à l’Assemblée nationale françaises. C’était une très bonne<br />

idée qu’aurait dû rallier Senghor, comme il l’a admis lui-même<br />

par la suite. Félix Houphouët-Boigny considérait ce dernier<br />

comme « un Français noir ». Mais malgré tout, tous les deux<br />

s’estimaient, à défaut de s’apprécier ! Leur rivalité s’est apaisée<br />

quand leurs intérêts communs ont grandi. Dans les archives de<br />

Jacques Foccart [le sulfureux « Monsieur Afrique » des présidents<br />

français, de De Gaulle à Jacques Chirac, ndlr], on lit qu’il a tenté<br />

de les rabibocher… Leur rivalité agaçait à l’Élysée, qui avait<br />

besoin de l’un comme de l’autre !<br />

L’épisode de Mamadou Dia est dramatique.<br />

Après son coup de force raté de décembre 1962,<br />

le président du Conseil est incarcéré plus de onze<br />

ans dans des conditions déplorables… On est étonné<br />

de la dureté de Senghor face à son ancien ami, avec<br />

lequel il avait fondé en 1948 le Bloc démocratique<br />

sénégalais, qui est ensuite devenu son rival, puis<br />

finalement son ennemi. Une dureté collant mal<br />

au reste du personnage. Comment l’expliquer ?<br />

J’ai beaucoup parlé avec l’anthropologue Roland Colin, qui<br />

les a connus tous les deux. Ils étaient très proches, et puis les<br />

circonstances les ont éloignés. Une fois président, Senghor est<br />

devenu moins accessible. Après la condamnation de Dia, il s’est<br />

enfermé dans une attitude de déni, sans comprendre qu’on lui<br />

reproche sa dureté. Il n’a pas apprécié les critiques à ce sujet de<br />

la revue Esprit, dont il se sentait proche. Senghor jugeait indispensable<br />

d’affirmer l’autorité de l’État sénégalais. À la fin des<br />

années 1960, il ne supportait plus qu’on lui parle de la détention<br />

de Dia. Il a fallu attendre qu'il prenne la décision seul, sans qu’il<br />

114 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


FRANK PERRY/AFP<br />

s’y sente contraint, pour que Dia soit<br />

enfin libéré. Félix Houphouët- Boigny<br />

a mis la pression. Roland Colin a<br />

ensuite servi de médiateur. Après sa<br />

libération, Dia n'a revu le président<br />

qu’une unique fois. C’est une histoire<br />

humaine très triste.<br />

Senghor a obtenu ce qu’il voulait :<br />

« L’indépendance dans l’amitié<br />

de la France. » Mais est-il parvenu<br />

à libérer l’économie sénégalaise<br />

de sa trop forte dépendance<br />

à l’arachide et aux entreprises<br />

françaises qui l’exploitaient ?<br />

Poser la question, c’est y<br />

répondre… C’est la fatalité de la<br />

monoculture. Le Sénégal étant alors<br />

pauvre et à 90 % rural, ses possibilités<br />

de développement n’étaient pas<br />

nombreuses. La Côte d’Ivoire, en<br />

comparaison, bénéficiait d’un climat<br />

et d’une géographie plus favorables à<br />

sa fertilité et à sa diversification économique.<br />

Lors de ses visites en Côte<br />

d’Ivoire, Senghor avait été frappé<br />

par la fréquence des pluies… Mais<br />

le Sénégal n’était pas une exception<br />

concernant la puissance des entreprises<br />

françaises sur l’économie. Il<br />

faut également noter que ce n’était<br />

pas un économiste, ce rôle incombant<br />

à Dia. Et non, il n’est pas parvenu à<br />

réduire la dépendance de l’économie<br />

de son pays.<br />

Le Sénégal est désormais<br />

l'une des démocraties les plus solides du monde<br />

africain francophone. En quoi la pratique<br />

du pouvoir par Senghor y a-t-elle contribué ?<br />

Après une période de monopartisme autoritaire, Senghor<br />

a tout fait pour préparer son pays au multipartisme, étape par<br />

étape, en légalisant des partis et en instaurant la liberté de<br />

la presse, dans un relatif respect des droits de l’homme. Sa<br />

pratique du pouvoir s’est caractérisée par la rigueur morale,<br />

l’intégrité, l’absence de népotisme. Ancien professeur, il a également<br />

eu le courage politique d’investir dans l’enseignement<br />

et l’éducation. La qualité de la presse et du débat démocratique<br />

au Sénégal lui doit beaucoup. Enfin, il a quitté le pouvoir<br />

de son plein gré en 1981, sans y être obligé, sans être poussé<br />

vers la sortie. Et ça, c’est une magistrale leçon de démocratie<br />

en Afrique !<br />

Poète<br />

prolifique,<br />

il a été<br />

le premier<br />

Africain<br />

à être élu<br />

à l'Académie<br />

française<br />

en 1983.<br />

Ici, à Tours,<br />

en 1985.<br />

Son empreinte est politique,<br />

mais aussi morale, intellectuelle<br />

et artistique. Il a organisé le<br />

premier Festival mondial des arts<br />

nègres en 1966 et a fait exposer<br />

à Dakar Soulages et Picasso.<br />

Quelle est l’empreinte de Senghor<br />

dans le Sénégal d’aujourd’hui ?<br />

Son empreinte est politique, comme nous venons de le voir,<br />

mais aussi morale, intellectuelle et artistique. Il a organisé le<br />

premier Festival mondial des arts nègres en 1966, et a notamment<br />

fait exposer à Dakar les peintres Pierre Soulages et Pablo<br />

Picasso. Il a fait de la ville un pôle artistique et du pays un carrefour<br />

culturel. Quarante ans après son départ du pouvoir, vingt<br />

ans après sa mort, sa présence aujourd’hui n’est pas forcément<br />

très forte : après tout, le pays a une population très jeune, les<br />

générations s’y succèdent vite. De ses poèmes, un ou deux sont<br />

bien connus, comme le conte La Belle Histoire de Leuk-le-Lièvre,<br />

que des générations d’enfants ont appris. Je dirais que les Sénégalais<br />

trouvent naturelles, normales, des choses qu’ils doivent<br />

à Senghor, mais sans les lui attribuer forcément. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 115


Awa Ly,<br />

en juin 2021,<br />

dans le cadre<br />

des Arabofolies,<br />

au Trianon,<br />

à Paris.<br />

rythmes<br />

LE FLOW<br />

DES D<strong>AM</strong>ES<br />

Elles ont interprété<br />

le rap et le mbalakh,<br />

investi le rapakh, mixé<br />

la soul et le hip-hop<br />

aussi. Elles s’imposent<br />

sans complexe sur<br />

une scène musicale<br />

particulièrement<br />

novatrice.<br />

par Sophie Rosemont<br />

Lorsqu’on parle de musique sénégalaise, on<br />

évoque souvent uniquement le rap, qui,<br />

depuis son arrivée dans les années 1980,<br />

n’a cessé de se réinventer. D’autant qu’il<br />

peut aussi bien convoquer l’esprit des<br />

griots que le mbalakh (melting-pot des<br />

sonorités traditionnelles nationales, de<br />

mélopées afro-cubaines, du funk et du<br />

rock, roi des dancefloors). Du français au wolof en passant par<br />

l’anglais, tout est possible dans un rap encore organique, où<br />

peuvent résonner des instruments traditionnels comme la kora.<br />

Productrice et fondatrice de l’association Kaani, à Dakar, Camille<br />

Seck partage son activité entre événementiel, management et<br />

mise en place de projets artistiques. « Après les États-Unis et<br />

la France, le Sénégal est la troisième patrie mondiale du rap,<br />

observe-t-elle. Aujourd’hui, deux mouvements se partagent la<br />

scène : le rap et le mbalakh. Le premier se tourne désormais<br />

ALAIN LEROY/SAIF IMAGES<br />

116 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


Poundo,<br />

symbole de la<br />

« west african<br />

trap ».<br />

DR<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 117


RYTHMES<br />

Les pionnières<br />

Elles sont nombreuses à avoir<br />

ouvert la voie aux artistes<br />

féminines d’aujourd’hui.<br />

Mais certaines sont rentrées<br />

dans la légende. À commencer par<br />

la cantatrice Yandé Codou Sène<br />

(1932-2010). Bercée par les sons<br />

traditionnels sérères, elle devient<br />

la chanteuse officielle de Léopold<br />

Sédar Senghor, qu’elle a rencontré<br />

adolescente. Durant trois décennies,<br />

son timbre grave a incarné la mémoire<br />

du passé et des traditions. Son<br />

premier album paraît alors qu’elle<br />

a 66 ans, en 1998. Avec Night Sky<br />

in Sine Saloum, qui bénéficie de<br />

l’apport du jeune Youssou N’Dour,<br />

elle cultive un terrain polyphonique<br />

et envoûtant. C’est du côté du jazz<br />

et du gospel qu’Aminata Fall (1930-<br />

2002), surnommée « la Perle noire »,<br />

également d’origine sérère, puise<br />

son inspiration. D’abord vendeuse<br />

de cacahuètes à Saint-Louis, elle est<br />

également repérée par Léopold Sédar<br />

Senghor. Elle fait les belles heures<br />

de l’Ensemble lyrique traditionnel et<br />

apparaît même dans plusieurs films,<br />

de Touki Bouki à Bandit cinéma.<br />

Comme Yandé Codou Sène, elle<br />

Coumba Gawlo lors<br />

de la cérémonie de clôture<br />

de la Coupe d’Afrique des nations<br />

de football, en février 2017,<br />

à Libreville, au Gabon.<br />

enregistre sur le tard un premier<br />

album, en 1995, avec Mamadou Konté,<br />

d’Africa Fête, et le groupe Keur-Gui, où<br />

résonne son amour pour le mbalakh<br />

et le blues. Fille de la griotte Fatou<br />

Kiné Mbaye, Coumba Gawlo chante<br />

dès sa plus tendre enfance, remporte<br />

le concours « Voix d’or du Sénégal »<br />

à l’âge de 14 ans et, très rapidement,<br />

rentre en studio. D’abord avec Thione<br />

Seck puis, en 1998, avec Patrick Bruel.<br />

Elle cartonne avec le single « Pata<br />

Pata », emprunté à Miriam Makeba.<br />

Soutenant la cause des femmes et<br />

s’insurgeant contre la précarité, elle<br />

a fait partie de la troupe des Enfoirés<br />

pour les Restos du cœur, a chanté<br />

lors de la finale de la Coupe d’Afrique<br />

des nations de football en 2017. Avec<br />

Coumba Gawlo, Kiné Lam a été<br />

membre de l’association Been loxo, où<br />

elles étaient les deux seules femmes.<br />

C’est en 1975 que l’on a entendu pour<br />

la première fois sa voix, dans le cadre<br />

d’un concours de chant au stade Iba<br />

Mar Diop. Elle n’a cessé de gagner<br />

en notoriété, d’abord managée par<br />

son père, puis par son mari, Dogo.<br />

Elle a travaillé avec des pointures :<br />

Cheikh Tidiane Tall, Thio Mbaye, Dial<br />

Mbaye, Etu Dieng, Habib Faye… C’est<br />

du côté du R’n’B que s’illustre d’abord<br />

la diva Viviane Chidid, née en 1973.<br />

Épouse du frère de Youssou N’Dour,<br />

dont elle fut la choriste, elle sort coup<br />

sur coup Entre nous (1999), merveille<br />

de modernité, et Nature (2000), qui<br />

rappelle son attachement aux traditions<br />

sonores sénégalaises. Dans la foulée,<br />

elle crée le Djolof Band. Et, lorsque<br />

le rap s’installe dans son pays, elle se<br />

frotte avec talent à ce style musical : en<br />

témoigne le succès de son album Esprit<br />

(2004), la meilleure vente de hip-hop<br />

local. Depuis, elle s’est attaquée à<br />

l’afro trap. On ne l’arrête plus ! ■<br />

davantage vers la pop, quitte à explorer les codes mbalakh,<br />

comme l’a fait Amira Abed avec son tube “Chéri coco”. » « Le<br />

mbalakh devient une musique urbaine et se mélange à la pop, au<br />

rap et à l’afro, qui prend le dessus. Parce que les femmes dansent<br />

l’afro et maîtrisent davantage ses rythmes et ses caractéristiques,<br />

elles ont un rôle à jouer », commente le chanteur Faada Freddy.<br />

Mina la voilée a gardé le surnom dont on l’affublait, non sans<br />

condescendance, à ses débuts, pour en faire une force. Membre<br />

du mouvement citoyen Y’en a marre, elle a refusé de se brider…<br />

Son flow est percutant, ses instrus accrocheurs, le jogging porté<br />

large et le voile ne quitte pas sa tête. À raison : elle est l’une des<br />

rappeuses les plus populaires, et pas qu’au Sénégal. Son dernier<br />

clip, « Ennemis », se propage jusqu’aux terres anglo-saxonnes.<br />

Le mélange des genres ne fait pas peur à Poundo. Son<br />

très remarqué premier album We Are More, principalement en<br />

langue manjak, mixe (entre autres) hip-hop et électro. Lors de<br />

son dernier séjour à Dakar, cette musicienne issue de la diaspora<br />

a été épatée par la détermination des rappeuses : « Dans ce qu’on<br />

appelle le rapakh, ce mélange de mbalakh et de rap, elles écrivent<br />

à merveille. Elles font preuve d’une vraie dextérité face à une<br />

prédominance masculine. En manjak, en anglais, en français ou<br />

en wolof, le rap est leur moyen de communication. » Depuis les<br />

années 1990, elles y abordent des sujets sensibles : l’excision, les<br />

violences sexuelles, le blanchiment de la peau… Se distingue l’activiste<br />

Moonaya, signée chez Sony Music Afrique, qui dénonce les<br />

dérives gouvernementales et la misogynie ambiante. Il y a aussi<br />

Black Queen, Sister LB, Eve Crazy, Fatim Sy, Ami Yerewolo,<br />

Toussa… Le hip-hop étant un art basé sur la collaboration, des<br />

alliances se forment, comme le duo Def Maama Def ou le trio<br />

Safary, dont les singles (tel « Faut pas forcer ») portent un discours<br />

féministe. Ces artistes décuplent ainsi leurs forces. Car la visibilité<br />

n’est toujours pas gagnée, explique Camille Seck : « En ce moment,<br />

ISSOUF SANOGO/AFP<br />

118 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


DR (4)<br />

on voit émerger l’orchestre 100 %<br />

féminin Jigeen Ñi. Il confirme que<br />

les femmes ne peuvent se réduire au<br />

statut de simples choristes. Cependant,<br />

il existe peu d’instrumentistes<br />

féminines au Sénégal, hormis<br />

quelques exceptions, comme la<br />

bassiste albinos Maah Keïta. On n’enseigne<br />

plus la musique à l’école. Dans<br />

certaines régions, la place des femmes<br />

est à la maison, et il manque encore<br />

des tremplins d’expression. Si les institutions<br />

européennes les incitent à se<br />

faire entendre, beaucoup n’osent pas<br />

se révéler ou n’ont pas les outils. »<br />

Selon Poundo, « il y a énormément<br />

de talents, mais une restriction<br />

de moyens qui touche surtout les<br />

femmes. Leurs noms n’apparaissent<br />

pas sur les affiches de festivals…<br />

Alors que ce serait formidable d’exporter<br />

cette immense culture ».<br />

CULTURE DES GRIOTS<br />

Et à part le rap ? D’après<br />

Camille Seck, « quand on fait autre chose, c’est plus difficile<br />

d’exister à la télévision, dans les streamings, la consommation<br />

de masse ». Certes, on constate la vitalité du jazz au festival de<br />

Saint-Louis. Mais une seule femme y était mise en avant en 2021 :<br />

la Franco-Sénégalaise Awa Ly. Côté acoustique, la chanteuse<br />

Marema a influencé beaucoup d’artistes en abordant des sujets<br />

tabous sur un son organique. Dans son sillage, Kya Loum, qui<br />

a imposé son timbre rauque jusqu’aux plateaux de l’émission<br />

Music Explorer, ou la charismatique guitariste-bassiste Daba. Si<br />

Mariaa Siga incarne un reggae bien à elle, Maïna cultive un<br />

style néo-soul. Sa vocation n’était pas envisageable, étant issue<br />

d’une famille très religieuse, jusqu’à ce qu’elle s’empare du micro<br />

et ne veuille plus le lâcher. Attachée à la tradition mandingue,<br />

Mamy Kanouté est devenue davantage que la choriste de Baaba<br />

Maal… Dans tous les cas, les ambitions sont pop. Certaines,<br />

comme Aïda Samb, manient tous les styles, de l’afrobeat au traditionnel,<br />

du mbalakh au R’n’B. De même pour Dieyla Guèye,<br />

également actrice, découverte grâce au tremplin Sén Petit Galé,<br />

et dont les registres s’étendent du gospel au mbalakh. Importé du<br />

Nigeria, l’afropop commence à s’immiscer dans les studios. Or,<br />

quoiqu’il arrive, les artistes sénégalais restent attachés à leurs<br />

racines griottes. Lorsqu’ils s’emparent d’un mouvement musical,<br />

ils le cultivent avec fidélité, ignorant les lumières factices des<br />

tendances. Y compris au-delà des frontières. « Notre musique doit<br />

nous ressembler, confie Poundo. Il faut savoir d’où l’on vient pour<br />

sampler dans la richesse de nos origines. Ma musique serait plus<br />

lisse sans la musique sénégalaise avec laquelle j’ai grandi. Nous,<br />

De gauche à droite,<br />

des pochettes de CD<br />

de Safary, OMG,<br />

Moonaya et Black Queen.<br />

« Il y a énormément<br />

de talents, mais les<br />

moyens sont réduits<br />

pour les femmes »,<br />

déplore Pundo.<br />

artistes de la diaspora, sommes aussi<br />

ambassadeurs de cette culture. »<br />

Plus que jamais, les femmes ont leur<br />

carte à jouer. D’autant qu’elles comptent<br />

depuis toujours au sein de la culture<br />

des griots. « Ce sont des femmes qui<br />

racontent l’histoire, analyse Poundo.<br />

Des temples de la mémoire sénégalaise.<br />

Les premières stars de la chanson<br />

étaient griots car elles avaient l’habitude<br />

de prendre la parole, elles détenaient<br />

l’information. Elles sont riches<br />

d’un savoir transmis de génération en<br />

génération et gagnent en affirmation. »<br />

Faada Freddy, lui, leur voit un « avenir<br />

réjouissant » sur scène : « C’est un<br />

atout d’être une femme, pas une faiblesse.<br />

Elles ont moins de complexes<br />

à s’approprier des métiers masculins,<br />

tels que la mécanique ou l’agriculture.<br />

On les voit même mieux entreprendre<br />

que les hommes. Nous avons<br />

de grandes artistes comme Viviane<br />

Chidid ou la rappeuse OMG, qui<br />

accomplit un travail colossal dans le<br />

monde entier. La plus belle voix du duo Maabo, c’est celle d’une<br />

femme. La jeune Abiba est en train de monter en puissance, etc.<br />

Attention cependant : ce qui compte dans ce business, c’est le<br />

talent, puis l’entourage. Un homme qui, sous prétexte de lancer<br />

la carrière d’une chanteuse, exige de partager son lit, peut faire<br />

des ravages. »<br />

NOUVELLES SONORITÉS<br />

Pour s’émanciper entièrement, devraient-elles s’impliquer<br />

davantage dans ce qui reste une niche au Sénégal, la musique<br />

électronique ? C’est ce que pense DJ Cortega, cofondateur<br />

d’Electrafrique. Il a participé à l’avènement d’une électro au<br />

Kenya, qui fait des émules sur tout le continent. En l’espace d’une<br />

décennie, il a vu les femmes investir les studios de Nairobi, devenant<br />

même majoritaires, motivées par des modèles comme DJ<br />

Coco Em. Depuis l’été 2021, il organise à Dakar une formation<br />

Ableton Live, avec le soutien du Goethe Institut : « Les lignes commencent<br />

à bouger. Des figures importantes du hip-hop féminin,<br />

comme DJ Zeyna, s’intéressent à ces nouvelles sonorités. Car,<br />

avec un ordinateur et un micro, on devient son propre studio<br />

d’enregistrement. Si on a les aptitudes techniques, on peut se<br />

faire connaître dans l’industrie de la musique, et pas uniquement<br />

en étant prise en charge par des équipes souvent masculines. »<br />

Porteuses de l’histoire des griots, folkeuses dans l’âme, rappeuses<br />

ou reines du mbalakh, les femmes ne sont qu’au début de leur<br />

engagement musical. Et l’électro pourrait définitivement les<br />

consacrer. ■ Remerciements à Frédérique Miguel.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 119


Chez lui,<br />

à Dakar.


interview<br />

Felwine Sarr<br />

« Il faut sortir<br />

la francophonie<br />

de son carcan<br />

institutionnel »<br />

Coéditeur du prix Goncourt 2021, l’écrivain et essayiste<br />

publie un roman philosophique autour de l’exil,<br />

de l’amour, de la mort. propos recueillis par Astrid Krivian<br />

SOPHIE GARCIA/HANS LUCAS.COM<br />

Ce natif de l’île Niodior a reçu<br />

de ses ancêtres sérères une<br />

spiritualité ancestrale et une<br />

ardeur au travail. Et de son<br />

père colonel, l’engagement<br />

pour son pays, choisissant,<br />

pour citer son maître Aimé<br />

Césaire, les « armes miraculeuses<br />

de l’esprit », afin d’apporter sa contribution à<br />

la marche du Sénégal et du continent. Né en 1972,<br />

Felwine Sarr est un touche-à-tout à la quête<br />

transdisciplinaire. Écrivain, musicien, professeur<br />

agrégé d’économie à Saint-Louis pendant treize<br />

ans, enseignant désormais la philosophie africaine<br />

contemporaine et diasporique à l’université Duke<br />

aux États-Unis, il a cofondé la maison d’édition<br />

Jimsaan (nom sérère d’une rizière dans les îles du<br />

Saloum), ainsi que l’événement culturel les Ateliers<br />

de la pensée, à Dakar. Coauteur du rapport sur la<br />

restitution d’œuvres africaines vers le continent par<br />

la France, il a notamment signé l’essai Afrotopia,<br />

réflexion sur une Afrique définissant elle-même<br />

ses modèles de société, libérée de concepts néocoloniaux<br />

et capitalistes. Cet adepte de méditation,<br />

ceinture noire de karaté, dont la généalogie littéraire<br />

et spirituelle va des mystiques bouddhistes et<br />

chrétiens à Nietzsche, Rûmî ou René Char, publie<br />

un nouveau roman sur l’exil, l’amour, la mort,<br />

pétri de philosophie et de métaphysique, Les Lieux<br />

qu’habitent mes rêves.


INTERVIEW<br />

<strong>AM</strong> : Pourquoi cela vous intéressait-il de raconter<br />

l’histoire de frères jumeaux sénégalais, Bouhel<br />

et Fodé, l’un ancré dans la culture et la spiritualité<br />

ancestrale du pays sérère, l’autre poursuivant<br />

des études supérieures en France ?<br />

Felwine Sarr : C’est une question qui se pose aux générations<br />

actuelles : le rapport entre les archives d’origine, de la culture<br />

première et la rencontre avec le monde. Il y a quelques siècles,<br />

cette rencontre, forcée, s’est faite dans la violence. De nos<br />

jours, c’est différent, nous pouvons choisir de dialoguer, de<br />

rencontrer, de se confronter aux autres. C’est intéressant d’explorer<br />

la fraternité, la gémellité, le mouvement, la rencontre<br />

profonde de soi et du monde à travers deux figures issues d’une<br />

même matrice. Ils prennent des chemins initiatiques différents,<br />

incarnent deux manières de faire monde.<br />

Qu’est-ce que vivre poétiquement d’après vous,<br />

comme se demande l’un de vos héros ?<br />

La poésie ne se limite pas à un rapport au langage, à de<br />

belles métaphores filées. Elle est aussi un rapport à la vie, une<br />

présence au monde. Elle entre en résonance avec la « sinistre<br />

épaisseur des choses », pour citer Césaire. On souhaite tous la<br />

beauté, l’extase, le tremblement, mais il y a aussi le crépuscule,<br />

la peine, la douleur, l’âpreté de l’expérience humaine. Vivre<br />

poétiquement, c’est apprendre à être présent à toutes les dimensions<br />

du réel, être en mesure d’habiter ses différentes strates.<br />

Avec les écrivains Boubacar Boris Diop et Nafissatou<br />

Dia Diouf, vous avez fondé les éditions Jimsaan en 2012.<br />

Coédité avec Philippe Rey, La Plus Secrète Mémoire<br />

des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr,<br />

a été couronné du prix Goncourt<br />

en 2021. Quelle répercussion cette<br />

récompense a-t-elle sur Jimsaan ?<br />

Notre maison suscite l’intérêt, elle<br />

gagne en visibilité, en crédibilité. Et ce<br />

prix apporte des moyens supplémentaires,<br />

qui nous permettent de publier<br />

des livres d’autres auteurs. C’est une<br />

excellente chose. Nous avons créé<br />

Jimsaan car, à nos yeux, il manquait<br />

une maison d’édition africaine avec une vraie ligne éditoriale,<br />

exigeante. Nous voulons faire entendre ces voix, ces histoires,<br />

faire circuler les imaginaires des écrivains sans les travestir, les<br />

trahir, les rendre « consommables ». On est très attentifs à ce qui<br />

s’écrit à partir du continent, mais nous souhaitons désormais<br />

publier également des auteurs singuliers du monde entier.<br />

À l’ère du numérique, de la prédominance<br />

des écrans, comment inculquer le goût<br />

de la lecture et du livre à la jeunesse ?<br />

Une réflexion sur la politique du livre, son coût, les librairies,<br />

etc., est à mener. Mais avant tout, le libre accès aux livres,<br />

à la littérature est fondamental. Chaque quartier, chaque ville<br />

doit être doté d’une bibliothèque. Un jeune piqué par le virus<br />

de la lecture doit pouvoir nourrir cet appétit dans un espace<br />

dédié. Quand j’étais enfant, à Dakar, il y avait dans ma rue<br />

deux centres culturels, l’un français et l’autre américain. J’y<br />

passais mes mercredis après-midi à lire, à fouiller les rayons,<br />

à voyager à travers les livres.<br />

Quelle place donner à la francophonie ?<br />

Il faut la sortir de son carcan institutionnel. Et jeter aux<br />

oubliettes ce désir d’influence d’une France qui veut rayonner<br />

dans le monde à travers le français, en tant que langue<br />

véhiculaire. Sortir des imaginaires d’un Hexagone qui serait<br />

le centre, et les pays africains, le Québec, la Suisse, une périphérie.<br />

Nous devons considérer le français, parlé en Afrique<br />

depuis plus d’un siècle, comme un espace de partage linguistique<br />

et démocratique équitable, et non comme un outil<br />

d’influence de la France. Dans l’espace francophone, ce pays<br />

compte 67 millions d’habitants, et les locuteurs du français<br />

sont 200 millions. Les projections tablent sur quelque 700 millions<br />

de locuteurs dans cinquante ans, dont la majorité sur le<br />

continent africain. Beaucoup de productions culturelles intéressantes<br />

en français viennent du continent. Avec son prix<br />

Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr a renversé cette idée que<br />

la littérature française serait la chasse gardée de l’Hexagone.<br />

Par faits d’histoire, les peuples africains se sont approprié cette<br />

langue, devenue un bien commun. Elle n’est plus le bien de<br />

la France. Nous devons l’utiliser, l’enrichir sans complexe, en<br />

dehors de toute relation néocoloniale, d’assujettissement. On<br />

gagne tous à dialoguer à travers un instrument linguistique,<br />

Nous devons utiliser<br />

la langue française, l’enrichir<br />

sans complexe, en dehors<br />

de toute relation néocoloniale.<br />

un espace vaste où échanger des productions culturelles, à<br />

égalité, sans préséance d’un centre posé à Paris.<br />

En 2016, vous avez fondé à Dakar, avec Achille<br />

Mbembe, les Ateliers de la pensée, laboratoire<br />

d’intelligence collective réunissant chercheurs,<br />

artistes du continent et de la diaspora autour des<br />

défis actuels. Quel sera le thème de la prochaine<br />

édition, qui se déroulera du 23 au 26 mars ?<br />

Ce sera « Cosmologie du lien et formes de vie ». Nous aborderons<br />

la question des liens, à partir d’une cosmologie fondée<br />

sur l’unité du vivant, qui ne sépare pas nature et culture,<br />

122 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


DR<br />

animalité et humanité. Cette idée que l’on<br />

forme une communauté entière, les humains<br />

et les non-humains, dans un rapport de négociations,<br />

d’affinités, de discussions et non pas<br />

d’exploitation existe dans les cultures africaines,<br />

amérindiennes. Nous réfléchirons de<br />

quelle manière ces ressources imaginaires,<br />

intellectuelles, peuvent produire des formes<br />

de vie politique, sociale, culturelle, économique<br />

différentes, afin de répondre aux<br />

défis écologiques, aux besoins du vivant, des<br />

liens sociaux.<br />

Le Sénégal est-il une exception<br />

culturelle en matière de politiques<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

SÉLECTIVE<br />

◗ Les Lieux qu’habitent<br />

mes rêves, Gallimard,<br />

2022.<br />

◗ La Saveur des<br />

derniers mètres,<br />

Philippe Rey, 2021.<br />

◗ Restituer le<br />

patrimoine africain,<br />

Philippe Rey/Seuil,<br />

2018.<br />

◗ Afrotopia, Philippe<br />

Rey, 2016.<br />

menées dans ce domaine ?<br />

La créativité de la scène artistique<br />

sénégalaise pallie le déficit de vraies<br />

grandes politiques culturelles. Même si<br />

certaines sont conduites ces dernières<br />

années, avec notamment le Musée des<br />

civilisations noires, la biennale de Dakar,<br />

ou encore certaines infrastructures…<br />

Mais la vitalité vient d’abord de la<br />

scène culturelle. Elle est héritière de<br />

politiques importantes installées dans<br />

les années 1960-1970. Il y a eu un<br />

foisonnement depuis les indépendances,<br />

Léopold Sédar Senghor a inscrit le pays<br />

dans une trajectoire de valorisation de la culture<br />

au sens large. En 1966, le Festival mondial<br />

des arts nègres, organisé à Dakar, a également été<br />

un moment essentiel.<br />

Qu’entendez-vous à travers les productions<br />

des jeunes talents sénégalais ?<br />

Sur le continent, de manière plus globale, on<br />

observe depuis quelques années une richesse dans<br />

la créativité : musique, littérature, arts visuels,<br />

cinéma… Le continent est le lieu d’un bouillonnement artistique<br />

et culturel. Le geste artistique dit notamment le désir<br />

de se réinventer, tout comme le métissage. Ce n’est plus le<br />

temps où les artistes évaluent la profondeur du manque et<br />

de la perte, se guérissent d’un traumatisme. On peut lire le<br />

continent se racontant à lui-même et au monde, à travers ce<br />

geste. Maintenant, les jeunes sont préoccupés par leur avenir<br />

– études, emploi, travail –, par leur place, qui ils sont et<br />

quels rapports articuler avec le monde. Ce sont des inquiétudes<br />

normales de la jeunesse, avec un fort désir de se réaliser,<br />

trouver les opportunités possibles pour se déployer, dans<br />

les lieux où ils vivent. C’est ce que j’entends dans plusieurs<br />

formes d’expression.<br />

Avec Bénédicte Savoy,<br />

vous êtes coauteur de<br />

Restituer le patrimoine<br />

africain. Pourquoi<br />

est-ce essentiel que<br />

ces objets détenus par<br />

la France reviennent<br />

au continent ?<br />

Dans le geste de réinvention<br />

de soi, du présent<br />

et du futur, on a besoin de<br />

reconstruire sa mémoire<br />

et son histoire. Et il nous<br />

a manqué des objets, des œuvres spirituelles,<br />

matérielles, qui disent notre<br />

histoire, notre génie, nos spiritualités,<br />

nos sens artistiques, nos visions<br />

du monde, nos philosophies. Les<br />

groupes humains ont besoin de renégocier<br />

constamment avec leur capital<br />

culturel, de transmettre leur vécu,<br />

leur patrimoine. Pour qu’ainsi, les<br />

nouvelles générations s’en inspirent<br />

et construisent à partir de ça. Si l’on<br />

récupère ces traces, si l’on remet ces<br />

objets dans la forge de la transmission, cela nous<br />

aidera à reconstruire dans le présent et, dans le<br />

futur, à répondre aux défis actuels.<br />

« L’Afrique n’a personne à rattraper »,<br />

écriviez-vous dans votre essai Afrotopia.<br />

Il faut sortir de cette idée que l’on serait en<br />

retard, que l’on devrait rattraper. On n’est en compétition<br />

avec personne. La première bataille à<br />

gagner est de déterminer quelle société nous voulons,<br />

qu’est-ce qu’une bonne vie. Toutes les sociétés<br />

aspirent au bien-être, fait de paix sociale, de rapport<br />

à la culture, à l’écologie, de spiritualité chez<br />

certains… Les sociétés africaines sont les plus anciennes de l’humanité,<br />

elles sont en mesure de définir elles-mêmes leur futur.<br />

Il faut assigner une place juste à l’économie, laquelle est un<br />

moyen et pas une fin, qui doit être en symbiose avec les autres<br />

ordres, sans les diminuer ni les détruire. On peut éventuellement<br />

s’inspirer des autres aventures sociétales, mais également<br />

éviter leurs erreurs, ne pas reproduire ces modèles d’industrialisation<br />

destructeurs pour la planète. Notre problématique n’est<br />

pas fondamentalement économique, mais d’abord culturelle,<br />

civilisationnelle, psychologique. Il faut évidemment répondre<br />

aux besoins économiques, mais nous vivons pour nous remplir<br />

dans des espaces de sens, de significations, qui sont à remettre<br />

au centre. La culture est le début et la fin de ces processus. ■<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 123


enouveau<br />

SÉNÉGAL<br />

DESIGN<br />

Stylisme, conception<br />

de meubles, céramique,<br />

maroquinerie…<br />

Des créateurs, soucieux<br />

de l’environnement,<br />

bousculent les codes.<br />

par Luisa Nannipieri<br />

Selly Raby Kane<br />

Cheffe de file de la scène alternative, cette<br />

touche-à-tout vient de réaliser un court-métrage.<br />

Styliste, designeuse et vidéaste, Selly Raby Kane<br />

(ci-contre, au centre) est, à 35 ans, une artiste bouillonnante<br />

d’énergie et de créativité. Dans son atelier,<br />

installé à l’étage de son showroom et espace cocréatif<br />

de la capitale, elle prépare une nouvelle collection<br />

qui devrait sortir avant le printemps. Depuis son premier défilé,<br />

en 2008, et après avoir lancé son label en 2012, elle a séduit le<br />

gotha de la mode internationale avec une douzaine de garderobes<br />

avant-gardistes et iconiques. Certaines de ses pièces, qui<br />

mélangent hommages à la mythologie sénégalaise, clins d’œil au<br />

quotidien dakarois et inspirations afrofuturistes, sont déjà des<br />

classiques. Comme les bombers, les kimonos ou les robes Carapide,<br />

régulièrement réédités dans des versions intemporelles<br />

ou inédites. Considérée par la presse internationale comme la<br />

124 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


STEPHAN GLADIEU/FIGAROPHOTO.COM<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 125


RENOUVEAU<br />

cheffe de file de la scène alternative dakaroise, Selly Raby Kane<br />

n’hésite pas pour autant à collaborer avec de grandes marques.<br />

Elle a, par exemple, conçu un panier inspiré par le rituel social<br />

du tressage des cheveux pour la collection « Överallt » d’Ikea.<br />

Une édition limitée, dessinée par un collectif de designers africains<br />

en 2019. La mode nourrit toujours son quotidien, mais<br />

elle trouve également dans le cinéma une forme d’expression<br />

adaptée à sa quête artistique et spirituelle. Après un premier<br />

film tourné en réalité virtuelle en 2017, elle vient de réaliser<br />

avec une partie de sa famille créative le court-métrage Tang<br />

Jër, dont elle a assuré la direction et les costumes. Une comédie<br />

fantastique et embuée de réalisme magique, tournée pendant la<br />

pandémie, qui confirme son talent de réalisatrice.<br />

Ousmane Mbaye<br />

Cet autodidacte et expérimentateur<br />

du métal veut démocratiser ses œuvres.<br />

Du fer, de la couleur, un profil raffiné et matique. Les mobiliers signés Ousmane Mbaye<br />

emblése<br />

reconnaissent de loin et se vendent dans le<br />

monde entier. Ancien frigoriste, il assemble ses<br />

premières créations en 2005 à partir de pièces<br />

de récupération, convaincu que « toute matière peut être noble,<br />

ça dépend de ce que l’on en fait ». L’une de ses premières tables<br />

– dont le nom, « Réunir les hommes autour d’objets du quotidien<br />

», est tout un programme – lui vaut un prix en Italie, alors<br />

que Dak’Art, la biennale de Dakar, dévoile en 2008 ses<br />

œuvres au grand public. Son tabouret Patrimoine, un<br />

hommage aux fessiers sénégalais, est la vedette de<br />

l’exposition « Design en Afrique » du musée Dapper, per, à<br />

Paris, en 2012. Deux ans plus tard, toujours à Paris,<br />

une rétrospective au Centquatre célèbre son travail.<br />

À force de soudures, il devient un maître du<br />

métal incontesté. Il arrive même à sortir de la case<br />

« ethno-chic » dans laquelle on essaye de l’ enfermer, ermer,<br />

Son tabouret<br />

Patrimoine<br />

est l’une de ses<br />

créations phares.<br />

Ousmane Mbaye a ouvert un concept store<br />

à Dakar, le Shop Bi, dans lequel il propose<br />

une sélection d’objets d’autres designers.<br />

grâce à sa passion pour l’expérimen-<br />

tation. Il travaille sur les pigments<br />

et les couleurs Pantone, joue avec<br />

la lumière et réfléchit à comment<br />

démocratiser ses œuvres. Dans son<br />

tout nouveau showroom pari-<br />

sien, à deux pas de la place<br />

des Vosges, il montre le<br />

prototype d’une nouvelle<br />

petite table qu’il pense<br />

produire de façon industrielle.<br />

Par rapport à ses<br />

œuvres uniques, plus<br />

graphiques, plus soignées<br />

dans les détails<br />

car<br />

créées à la main<br />

par<br />

une quinzaine d’artisans<br />

dans son atelier<br />

de Soumbédioune, cette<br />

table coûterait moins<br />

cher. À la portée d’une<br />

classe moyenne sénégalaise<br />

de plus en plus<br />

avide d’un design made<br />

in Africa accessible.<br />

#HAI20# - DR - HAIDAR CH<strong>AM</strong>S<br />

126<br />

HORS-SÉRIE SÉR<br />

AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


STEPHANETOURNE.COM - JEAN-CLAUDE THORET - DR (2)<br />

Faty Ly<br />

La céramiste met son savoir-faire<br />

au service de l’apprentissage des jeunes.<br />

Fatimata Ly, ou Faty, est née à Dakar dans les<br />

années 1970 et a passé sa vie entre la France, l’Angleterre,<br />

les États-Unis et le Sénégal, où elle ouvre<br />

une galerie d’art en 2001. En côtoyant artistes et<br />

artisans, elle découvre la poterie burkinabée et<br />

devient l’assistante d’une céramiste qui lui apprend le métier.<br />

Sa première collection, « Nguka », arrive sur le marché en 2015<br />

après avoir fait sensation lors du « off » de la biennale de Dakar.<br />

Sur un service à thé en porcelaine fine, elle peint des silhouettes<br />

de coiffures traditionnelles et des visages de Sénégalaises, inspirées<br />

de portraits des années 1950. Aujourd’hui, sa réflexion<br />

sur la transmission du patrimoine culturel et du savoir-faire<br />

artisanal prend une nouvelle dimension, avec la création d’une<br />

école de céramique qui devrait ouvrir cette année. Dans son atelier<br />

dakarois, elle accueille déjà des stagiaires, mais son projet<br />

vise à créer un pôle d’attraction pour toute l’Afrique de l’Ouest.<br />

« L’art de la céramique tend à disparaître, et la poterie n’a pas su<br />

se réinventer », constate-t-elle. La solution ne peut que passer par<br />

le développement de l’artisanat<br />

local et l’apprentissage des jeunes.<br />

Une tâche à laquelle elle souhaite<br />

se consacrer, avec la résilience, la<br />

motivation et la patience qui lui<br />

ont toujours servi dans son travail.<br />

Son célèbre service à thé<br />

en porcelaine, sur lequel sont<br />

peints des visages de femmes.<br />

Cécile<br />

et<br />

Mbor<br />

Ndiaye<br />

Avec Studio Wudé,<br />

le duo propose<br />

une maroquinerie<br />

adepte du zéro<br />

déchet.<br />

Ce couple de designers franco-sénégalais – Cécile,<br />

ex-professeure d’arts plastiques, et Mbor, artisan<br />

autodidacte du cuir – s’est fait connaître en 2004<br />

avec l’ouverture du Studio Wudé. Le nom wolof de<br />

cette maison de maroquinerie renvoie à la rigide<br />

caste des artisans sénégalais, mais dans l’atelier, on se fait un<br />

devoir de partager et de protéger les techniques de travail du<br />

cuir portées par les différentes populations d’Afrique de l’Ouest.<br />

Convaincu que le design ne s’arrête pas à l’objet et qu’il est un<br />

écosystème où tout est lié, le duo donne autant de valeur à la<br />

création artistique qu’au rapport avec les ressources, les pratiques<br />

et le territoire. Leurs pièces sont produites en petites<br />

séries et réparties en gammes qui mettent en avant un savoirfaire<br />

particulier, au service d’un design contemporain et du zéro<br />

déchet. Minutieusement coupées et assemblées, elles sont aussi<br />

chargées d’une symbolique forte. Les sacs Vibration et Prisme,<br />

par exemple, sont créés à partir d’un mélange de wax lacéré<br />

et d’excédents dexcédents de cuir de qualité, rachetés par les communau-<br />

tés sénégalaises en Italie. Une nouvelle matière qui déconstruit<br />

le wax, ce tissu fabriqué aux Pays-Bas devenu<br />

panafricain et<br />

emblématique du rapport complexe<br />

à la souveraineté<br />

dans le conti-<br />

nent. Et que l’on retrouve<br />

aussi dans<br />

certaines créa-<br />

tions, entre mode et art,<br />

de Cécile Ndiaye :<br />

les bijoux de corps<br />

de la série « Waxolo-<br />

gie » libèrent le wax de son<br />

contexte colonial et symbo-<br />

lisent la réinvention d’une<br />

identité africaine.<br />

Une veste en cuir<br />

sculpté, de la<br />

collection<br />

« En attendant<br />

les bêtes sauvages ».<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 20222<br />

127


RENOUVEAU<br />

Bibi Seck<br />

Le travail d’équipe et le recyclage sont<br />

deux des moteurs principaux du designer.<br />

Dans le milieu, on l’appelle « le grand frère ». Sans<br />

doute car Bibi Seck fait partie des aînés (il est né<br />

à Paris le 14 août 1965), mais aussi parce que ce<br />

désigner polyvalent, charismatique et visionnaire<br />

est généreux avec ses collègues, qu’il met volontiers<br />

en avant. Dans le concept store de son Studio Quatorzerohuit<br />

(également galerie d’art contemporain), ouvert à Dakar<br />

fin 2020, il invite à exposer des artistes, designers et artisans,<br />

notamment sénégalais. Un choix qui s’inscrit dans sa volonté<br />

de participer au développement du pays par le design, en donnant<br />

à ceux qui ont du talent les moyens de produire. Le travail<br />

d’équipe et la collaboration sont fondamentaux pour Bibi Seck,<br />

qui partage sa vie et son cabinet avec sa femme, Ayse Birsel,<br />

depuis 2002. Designer industriel, il a toujours dessiné des plans<br />

pour ses clients, comme Renault ou Herman Miller, ou travaillé<br />

avec des artisans pour donner vie à ses créations. C’était le cas<br />

aussi pour la chaise à bascule pensée pour « Överallt », la collection<br />

d’inspiration africaine d’Ikea. Un projet collectif « excitant »,<br />

comme l’a été la création de la chaise Ibiscus de la collection<br />

« M’Afrique », pour Moroso, en 2009. Si cette série de la maison<br />

italienne a été fabriquée au Sénégal, avec la technique traditionnelle<br />

du tissage de fils en plastique, c’est d’ailleurs en partie<br />

grâce à lui. Le plastique, cette fois-ci recyclé, compose un autre<br />

projet particulièrement cher au designer : les mobiliers Taboo<br />

sont faits « à partir de nos poubelles ». Encore une façon d’utiliser<br />

le design pour rendre un service au Sénégal. ■<br />

Ci-dessus, plusieurs de ses créations pour la maison italienne Moroso.<br />

Ci-dessous, dans son Studio Quatorzerohuit, à la fois galerie<br />

d’art contemporain et concept store, à Dakar.<br />

DR - ANTOINE TEMPÉ


PORTFOLIO<br />

L’art du portrait<br />

présenté par Alexandra Fisch<br />

La photographie et le Sénégal ont<br />

une histoire intime qui remonte loin,<br />

au début des échanges avec l’Occident.<br />

Le premier appareil photo fut envoyé<br />

en 1863 à Saint-Louis, berceau africain<br />

du 8 e art. Très vite, des Sénégalais<br />

vont s’approprier cet instrument optique, comme<br />

Meïssa Gaye dans les années 1940, Mama Casset<br />

un peu plus tard, jusqu’à Oumar Ly, décédé en 2016.<br />

Ils ouvrent des studios professionnels, ajustent les<br />

postures comme la gestuelle des modèles. Les décors<br />

– parfois insolites – sont soigneusement composés.<br />

Leur sens du cadrage tient lieu de signature, chacun<br />

la sienne. Ces précurseurs sont les grands-pères<br />

d’une nouvelle génération d’artistes sans complexes,<br />

vivant souvent entre les continents, à cheval entre<br />

leur pays et le monde. Des artistes qui puisent<br />

leur créativité dans leurs racines, tout en s’emparant<br />

de sujets très contemporains : le féminisme, le<br />

changement climatique, la technologie ou encore<br />

la foi. Elles et ils offrent d’autres « points de vue »<br />

percutants, avec une grande maîtrise technique.<br />

Sélection non exhaustive de ces talents. ■<br />

130 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


DELPHINE DIALLO - DR<br />

DELPHINE DIALLO<br />

Le divin féminin<br />

Après une école d’arts<br />

et une expérience<br />

dans l’industrie<br />

musicale, où elle a<br />

multiplié les casquettes,<br />

Delphine Diallo est<br />

partie à New York.<br />

Sa collaboration avec<br />

le célèbre Peter Beard<br />

pour le calendrier<br />

Pirelli au Botswana lui<br />

donne envie de revenir<br />

sur les pas de son<br />

père, originaire de<br />

Saint-Louis. Puissants,<br />

ses portraits revisitent<br />

« les archétypes féminins<br />

noirs » et rendent aux<br />

femmes leur part de<br />

divin. Ci-contre, God<br />

Is A Woman - Yohana,<br />

Yoruba Crown, 2020.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 131


PORTFOLIO<br />

OMAR VICTOR DIOP<br />

Identité et temporalité<br />

En dix ans, Omar Victor<br />

Diop est devenu l’enfant<br />

chéri du portrait en<br />

studio, s’inscrivant dans<br />

les pas de Mama Casset<br />

ou de Seydou Keïta.<br />

À chaque série, le succès<br />

augmente, de « Futur<br />

du beau », sélectionnée<br />

aux Rencontres africaines<br />

de la photographie<br />

de Bamako en 2011,<br />

à « Studio des vanités »,<br />

en passant par<br />

« Diaspora » et « Liberty »,<br />

qui lui apportent<br />

une reconnaissance<br />

internationale. La dernière<br />

en date, « Allegoria »,<br />

a été l’événement de<br />

l’édition 2021 de Paris<br />

Photo. Avec ses œuvres<br />

léchées, il interpelle sur des<br />

sujets bien contemporains,<br />

comme cette fois-ci<br />

sur « la responsabilité<br />

de l’homme devant<br />

la nature ». Ci-contre,<br />

Allegoria 2, 2021.<br />

OMAR VICTOR DIOP/COURTESY GALERIE MAGNIN-A, PARIS - OMAR VICTOR DIOP<br />

132 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ALUN BE<br />

Photographier le présent<br />

Architecte de formation, Alun Be<br />

est un autodidacte. Sa première<br />

série, « L’Empowerment des<br />

femmes en action », en 2015,<br />

est montrée à l’Exposition<br />

universelle de Milan. Ses<br />

portraits, cadrés serrés, donnent<br />

à voir avec hyperréalisme<br />

un autre visage, féminin<br />

comme africain. Ses sujets de<br />

prédilection : l’autonomisation<br />

des femmes, l’intergénérationnel<br />

et la technologie. Homme du<br />

monde, il le révèle sous un angle<br />

inattendu. Ci-dessous, Evol, 2019.<br />

DR - ALUN BE<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 133


PORTFOLIO<br />

DJIBRIL DR<strong>AM</strong>E<br />

L’œil spirituel<br />

Artiste visuel, cinéaste et<br />

universitaire, Djibril Drame<br />

interroge sur la spiritualité,<br />

en donnant à voir l’Afrique<br />

dans sa réalité ordinaire.<br />

Avec sa série « Ndewendeul »<br />

– du nom de cette petite<br />

somme d’argent donnée<br />

aux enfants à l’occasion<br />

de l’Aïd –, il questionne les<br />

fêtes religieuses islamiques<br />

vécues au Sénégal. De quoi<br />

sont-elles l’expression ?<br />

Un « esprit » que l’on retrouve<br />

dans sa plus récente série,<br />

« Jésus était noir ». Ci-contre,<br />

Fallou le mystérieux, 2020.<br />

DJIBRIL DR<strong>AM</strong>E - MALICK WELLI<br />

134 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


MABEYE DEME - ALBERTO C<strong>AM</strong>PI/WE REPORT<br />

MABEYE DEME<br />

Intime quotidien<br />

Ses études de cinéma<br />

à la Sorbonne Nouvelle,<br />

à Paris, l’ont amené<br />

à être photographe de<br />

plateau. Mabeye Deme<br />

intègre le collectif Black<br />

Containers et trouve<br />

sa voie à Dakar. Il y<br />

photographie des scènes<br />

de la vie quotidienne<br />

en les magnifiant<br />

derrière des voiles<br />

(« Wallbeuti - L’envers<br />

du décor »). Avec « Gudi<br />

Dakar / Dakar la nuit »,<br />

il saisit, en clair-obscur,<br />

l’intimité d’échoppes<br />

éclairées. Ci-contre,<br />

Sans titre, 2014.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 135


Le projet “BRT”,<br />

Bus Rapid Transit,<br />

à Dakar Une réalisation structurante<br />

pour une mobilité urbaine<br />

Le BRT est une infrastructure<br />

de 18,3 km qui permettra<br />

de relier le centre-ville de<br />

Dakar à Guédiawaye, en réduisant<br />

de moitié les temps de parcours (1 h 30 à<br />

45 min). Son tracé concerne deux départements,<br />

14 communes et deux mairies de ville situées<br />

dans l’agglomération dakaroise. Grâce à la politique<br />

globale de développement du réseau de<br />

transport collectif et sa restructuration, les lignes<br />

de rabattement favoriseront une connexion optimale<br />

au Train Express Régional, inauguré le<br />

27 décembre dernier par le Président Macky<br />

Sall. Le BRT assurera le déplacement quotidien<br />

de 300 000 voyageurs, en desservant les zones<br />

les plus densément peuplées de la capitale qui<br />

compte aujourd’hui 4 millions d’habitants,<br />

grâce à l’exploitation moderne d’une technologie<br />

de bus propre. Évoluant sur 23 stations<br />

et 3 pôles d’échange, il offrira 4 services, grâce<br />

à 141 bus articulés : express, semi-express<br />

inclusive et vertueuse.<br />

Avec le BRT,<br />

un partage<br />

équilibré<br />

de la voirie.<br />

et omnibus. Le BRT devrait contribuer utilement<br />

à réduire les effets négatifs de la densité du<br />

trafic routier dans Dakar, comme la congestion<br />

automobile, la pollution de l’air ou encore l’insécurité<br />

routière. Par ailleurs, l’accès aux aménités<br />

urbaines ainsi que le cadre de vie des habitants<br />

résidant le long du corridor seront globalement<br />

améliorés pour favoriser le développement économique<br />

d’une région capitale verte, inclusive<br />

et résiliente au changement climatique. Enfin,<br />

parmi les bénéfices socio-économiques générés<br />

par le projet, on peut citer la création d’emplois<br />

allant de postes d’ouvriers non qualifiés aux<br />

cadres. Le budget global du projet Bus Rapid<br />

Transit s’élève à 300 milliards de francs CFA. La<br />

livraison des travaux est attendue dans le premier<br />

trimestre 2023. ■<br />

Les points clés<br />

des infrastructures<br />

Aménagement d’une voie<br />

en béton dédiée aux bus<br />

de la ligne BRT<br />

Aménagement de voies<br />

latérales en chaussées souples<br />

pour le trafic normal<br />

Ouvrages d’art<br />

et d’assainissement<br />

Trottoirs pavés et en béton<br />

Pistes cyclables<br />

23 stations<br />

dont 3 pôles d’échanges<br />

Aménagement d’un<br />

dépôt d’autobus de 6 hectares<br />

Aménagement de carrefours<br />

giratoires et à feux<br />

Mise en place de l’éclairage,<br />

des équipements<br />

de signalisation routière<br />

et de sécurité<br />

Aménagement paysager<br />

PUBLI-REPORTAGE


LE TRAVELER<br />

GUIDE<br />

Le Monument de la<br />

Renaissance africaine, haut<br />

de 52 mètres, à Dakar.<br />

LE VOYAGE,<br />

LES SPOTS,<br />

LES GENS !<br />

SHUTTERSTOCK<br />

RÉALISÉ PAR LES VOYAGEURS DE LA RÉDACTION


LE TRAVELER GUIDE<br />

Visa et test PCR D’une manière générale, renseignez-vous auprès<br />

de l’ambassade sénégalaise de votre pays pour les formalités d’entrée.<br />

Les ressortissants de l’Union européenne (UE) ne sont pas soumis au<br />

visa, tout comme ceux des zones CEDEAO et UEMOA. Pour connaître<br />

les modalités liées à la pandémie de Covid-19 (test PCR, déclarations),<br />

il vaut mieux consulter les sites aeroport-dakar.com, flyairsenegal.com<br />

ou traveldoc.aero, qui tiennent compte des derniers arrêtés.<br />

CAUSERIE<br />

Si le français est la langue<br />

officielle, il faut aussi<br />

compter sur les six autres<br />

langues nationales :<br />

le wolof (la plus parlée),<br />

le sérère, le poular, le<br />

mandingue, le soninké<br />

et le diola. Le pays est<br />

un carrefour de migration<br />

et de culture. Tous se<br />

retrouvant autour de la<br />

« teranga » (hospitalité),<br />

principe de base, qui<br />

réunit familles, amis ou<br />

voyageurs de passage.<br />

Mais à Dakar, comme dans<br />

n’importe quelle grande<br />

ville, la vigilance est de<br />

mise à certaines heures<br />

et dans certains quartiers.<br />

COMME<br />

UN « ROAD TRIP »<br />

Tout est possible,<br />

mais soyez prudent.<br />

Vous aurez le choix<br />

entre les pittoresques<br />

bus colorés, souvent<br />

très remplis, et les bus<br />

jaune pâle Dakar Dem<br />

Dikk, plus classiques, et<br />

leur réseau de 31 lignes.<br />

Pour un transport en solo,<br />

vous pouvez prendre<br />

l’un des nombreux taxis jaune<br />

et noir, ils ont un compteur<br />

et les tarifs sont réglementés.<br />

L’idéal restant la location<br />

d’un véhicule avec chauffeur<br />

en passant par les hôtels. Vous<br />

pourrez ainsi facilement et très<br />

confortablement vous balader<br />

en dehors de la capitale.<br />

PRÉCAUTIONS<br />

SANTÉ<br />

Soyez vigilants sur l’essentiel,<br />

en particulier sur les vaccins<br />

conseillés à l’entrée (fi èvre<br />

jaune, hépatite A et B) et les<br />

traitements antipaludéens<br />

pour les personnes à risque.<br />

Pour le reste… du bon<br />

sens et de la prudence.<br />

Pour information,<br />

le numéro de SOS Médecins :<br />

+221 33 889 15 15, ainsi<br />

que celui du Samu : 15 15.<br />

À quelle saison partir ?<br />

C’est la douceur de vivre : un microclimat de type<br />

côtier règne à Dakar, où les températures sont<br />

agréables toute l’année. La meilleure saison reste<br />

d’octobre à juin, la saison sèche. Pas ou peu de<br />

pluie, mais dans le nord, l’harmattan peut souffler<br />

entre décembre et février. L’hivernage, de juillet<br />

à septembre, voit arriver de puissants orages<br />

ou pluies bien fournies. Si elles sont désagréables,<br />

elles ont l’avantage de couvrir de vert le paysage.<br />

SHUTTERSTOCK (3)<br />

138 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


❛LES BASIQUES<br />

« Niata la ?»<br />

(« Combien ça coûte ?»)<br />

La monnaie offi cielle<br />

est le franc CFA<br />

(1 euro = 656 francs CFA).<br />

Les euros et les dollars<br />

sont couramment<br />

acceptés. Le réseau<br />

des distributeurs de<br />

rue et les terminaux<br />

de paiement sont<br />

en constante amélioration<br />

(surtout dans les hôtels<br />

et les restaurants). Mais ayez<br />

toujours un peu de cash sur<br />

vous pour les petites dépenses.<br />

SHUTTERSTOCK (3)<br />

Un agréable voyage<br />

SÉCURITÉ, FIABILITÉ et teranga…<br />

La compagnie Air Sénégal s’est<br />

relancée avec succès en 2018, avec<br />

l’ambition de devenir le leader du<br />

transport aérien dans la sous-région<br />

et l’Amérique du Nord. Elle assure<br />

des liaisons avec plusieurs pays<br />

du continent : Bénin, Côte d’Ivoire,<br />

Mali, Gambie, Guinée, Mauritanie,<br />

Cap-Vert, Sierra Leone, Cameroun,<br />

Gabon et Maroc. Et présente<br />

l’avantage de bien desservir les<br />

stations balnéaires populaires<br />

grâce à ses lignes intérieures<br />

pour Cap Skirring et Zinguichor.<br />

Elle n’est pas la seule compagnie :<br />

parmi les principales, on peut citer<br />

Air France (et ses prix élevés),<br />

Iberia, Royal Air Maroc ou TAP Air<br />

Portugal. Comme toujours, mieux<br />

vaut réserver assez tôt pour avoir des<br />

tarifs intéressants. À l’arrivée, vous<br />

pourrez apprécier le récent aéroport<br />

international Blaise Diagne (inauguré<br />

en 2017), situé à 47 kilomètres<br />

de la capitale.<br />

Les sites Internet des deux<br />

compagnies recommandées pour<br />

les businessmen : flyairsenegal.com<br />

et airfrance.com.<br />

APPART PARTICULIER<br />

Dakar n’échappe pas aux<br />

nouveaux modes de voyage.<br />

Allez jeter un coup d’œil sur<br />

les sites d’Airbnb et de ses<br />

concurrents, à la recherche<br />

d’une location chez l’habitant,<br />

au standing variable et<br />

à des prix souvent avantageux.<br />

Coup de cœur pour le Rooftop<br />

Retreat, loft en plein<br />

centre-ville de la capitale.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 139


LE TRAVELER GUIDE<br />

UNE (OU PLUSIEURS) NUIT(S) À DAKAR<br />

❛OVERNIGHT<br />

❶ Terrou-Bi<br />

C’est une institution et<br />

probablement l’adresse la<br />

plus agréable de Dakar.<br />

Chambres confortables avec<br />

de jolis balcons, service<br />

impeccable, restaurants<br />

variés, plage privée, piscine,<br />

casino, spa, salle de sport…<br />

Le Terrou-Bi, construit autour<br />

du restaurant gastronomique<br />

du même nom, qui fut<br />

élu meilleure table de<br />

Dakar dès 1986, attire une<br />

clientèle chic, locale autant<br />

qu’étrangère, depuis 2009,<br />

pour le loisir comme pour<br />

le business. La jet-set y<br />

donne volontiers rendez-vous<br />

pour des apéros business<br />

face à l’océan. Idéalement<br />

placé sur la petite corniche,<br />

l’hôtel est à 5 minutes du<br />

centre-ville (et à 10 minutes<br />

aux heures de pointe).<br />

Corniche Ouest, boulevard<br />

Martin Luther King,<br />

tél. : +221 33 839 90 39.<br />

terroubi.com<br />

❷ Radisson Blu Hôtel<br />

Toujours sur la Petite-Côte,<br />

le Radisson, avec sa piscine<br />

à débordements qui fait<br />

face à l’océan, jouxte<br />

le centre commercial du<br />

Sea Plazza. L’enseigne<br />

internationale et ses murs<br />

chics de pierre sombre<br />

ainsi que ses restaurants<br />

branchés attirent surtout<br />

une clientèle étrangère<br />

venue faire des affaires. Les<br />

chambres sont confortables<br />

et épurées. Mention spéciale<br />

au buffet du petit-déjeuner,<br />

particulièrement raffiné.<br />

Route de la Corniche ouest,<br />

tél. : +221 33 869 33 33.<br />

radissonhotels.com<br />

❸ Pullman Teranga<br />

C’est le seul 5 étoiles<br />

qui se trouve au cœur de<br />

Dakar, au Plateau. Prisé<br />

par une clientèle d’affaires,<br />

il offre à la fois l’avantage<br />

d’être près des rendez-vous<br />

business, des commerces<br />

et restaurants, et le petit<br />

inconvénient d’être plongé au<br />

cœur de l’agitation non-stop<br />

du centre-ville et de la place<br />

de l’Indépendance. Il possède<br />

aussi une piscine, une plage<br />

privée et un hammam<br />

marocain. Plusieurs fois<br />

restauré, il respecte le niveau<br />

de l’enseigne haut de gamme<br />

du groupe Accor.<br />

Rue Colbert,<br />

tél. : +221 33 889 22 00.<br />

accorhotels.com<br />

❹ Seku Bi<br />

Si vous n’êtes pas trop chaîne<br />

hôtelière, rendez-vous sur<br />

la petite Corniche, dans ce<br />

boutique-hôtel intimiste.<br />

Deux villas coloniales<br />

abritent sept chambres à la<br />

déco soignée et au confort<br />

❷<br />

❸<br />

❹<br />

DR (3)<br />

140 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


❶<br />

ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 141


LE TRAVELER GUIDE<br />

❺<br />

❻<br />

total. Les avantages ? Leur<br />

restaurant est considéré<br />

comme le meilleur italien<br />

de la ville, leur jardin est un<br />

havre de paix, leur (petite)<br />

piscine rafraîchissante. Et,<br />

bien sûr, la vue sur l’océan.<br />

33 rue Bérenger Féraud,<br />

tél. : +221 33 842 22 02.<br />

sekubi.com<br />

❺ Djoloff<br />

Autre boutique-hôtel,<br />

joliment conçu, en terre,<br />

avec des balcons en bois.<br />

L’accueil est top, rien à<br />

redire sur le confort des<br />

chambres. Le restaurant sur<br />

le rooftop est délicieux et<br />

sa cave de jazz ambiance.<br />

Le tout en plein centre,<br />

entre le Plateau et Mermoz,<br />

que demander de plus ?<br />

7 rue Nani, Fann Hock,<br />

tél. : +221 33 889 36 30.<br />

❻ Boma<br />

Ce petit nouveau<br />

(restauration et nouveau<br />

propriétaire) des hôtels<br />

dakarois est une oasis<br />

au cœur de la ville<br />

tumultueuse. Il propose des<br />

bungalows dans un grand<br />

jardin, avec une grande<br />

piscine (ou une piscine<br />

privée si vous prenez la<br />

suite). La table est festive,<br />

surtout le week-end grâce<br />

au club et à ses concerts.<br />

Route de Ngor, Almadies,<br />

tél. : +221 33 859 02 50.<br />

hotelbomadakar.com<br />

Et aussi…<br />

❼ Novotel<br />

C’est une valeur sûre pour<br />

les hommes d’affaires,<br />

classique et efficace.<br />

2073 avenue<br />

Abdoulaye Fadiga,<br />

tél. : +221 33 849 49 94.<br />

accorhotels.com<br />

❽ Yaas<br />

Bien situé, l’hôtel est parfait<br />

pour les businessmen ou<br />

les voyageurs solos. Les<br />

chambres, bien agencées, ont<br />

une déco design très tonique.<br />

Route des Almadies,<br />

tél. : +221 33 859 07 00.<br />

yaashotels.com<br />

❾ Onomo<br />

Proche de l’aéroport<br />

et au confort moderne,<br />

pour les voyageurs<br />

d’Afrique et du monde.<br />

Route de l’aéroport,<br />

tél. : +221 33 869 06 10.<br />

onomohotels.com<br />

❿ Radisson Diamniadio<br />

Seconde enseigne du groupe<br />

qui vient d’ouvrir dans la<br />

nouvelle ville de Diamniadio,<br />

à deux pas du nouvel aéroport<br />

AIBD. 152 chambres et<br />

suites, décor contemporain<br />

et clientèle business.<br />

Prolongement de<br />

l’autoroute à péage,<br />

à côté du Centre de<br />

conférence international<br />

Abou Diouf, Diamniadio,<br />

tél. : +221 32 824 48 48.<br />

radissonhotels.com<br />

❼<br />

❽<br />

❾<br />

❿<br />

AL<strong>AM</strong>Y - DR (3) - CLEMENT TARDIF - DR<br />

142 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ET EN SORTANT DE DAKAR…<br />

❛OVERNIGHT<br />

Ci-dessus,<br />

Patrick’s<br />

Lodge.<br />

Ci-contre,<br />

les Manguiers<br />

de Guéréo.<br />

SHUTTERSTOCK - DR (2)<br />

Pour un mini-safari<br />

Cette étonnante petite réserve<br />

naturelle privée de 3 500 hectares est<br />

située à 65 kilomètres de Dakar, ou<br />

à 15 kilomètres de la célèbre station<br />

balnéaire de Saly Portudal. On peut<br />

s’y rendre pour un safari-photo en<br />

voiture privée ou louée sur place.<br />

Entre les baobabs géants millénaires<br />

et les épineux, vous croiserez en toute<br />

liberté rhinocéros blancs, zèbres,<br />

gazelles, cobs, singes, crocodiles ou<br />

autruches. La réserve propose des<br />

forfaits différents, y compris une visite<br />

combinée avec celle du lac Rose.<br />

Réserve et parc animalier Sindia, tél. : +221 33 959 15 40.<br />

Réserve et parc animalier Sindia, tél. : +221 33 959 15 40.<br />

reservedebandia.com<br />

Patrick’s Lodge<br />

C’est un refuge pour<br />

les tribus, espace et<br />

convivialité garantis.<br />

Autour de la maison<br />

d’accueil rayonnent<br />

une salle à manger<br />

extérieure, une<br />

immense piscine,<br />

un spa, des maisons<br />

privatisables, une<br />

maison des enfants<br />

(dortoirs), un potager<br />

et un verger labyrinthe.<br />

Le tout donnant<br />

sur une plage de<br />

sable blanc…<br />

Palmarin Facao, route<br />

de Joal-Djiffer, Fatick,<br />

tél. : +221 78 196 70 01.<br />

patrickslodge.com<br />

Au fil du fleuve<br />

Escale obligée dans<br />

cette maison d’hôte<br />

qui invite au voyage<br />

et nous fait ressentir<br />

le cœur historique<br />

de Saint-Louis.<br />

Déco soignée au<br />

mobilier design.<br />

15 rue Ribet, Saint-Louis,<br />

tél. : +221 77 379 95 34.<br />

fildufleuve.com<br />

Les Manguiers<br />

de Guéréo<br />

En bord de lagune,<br />

cet écolodge compte<br />

12 chambres et 8 suites,<br />

sur un domaine de<br />

9 hectares. Ici, tout est<br />

simple et tranquille.<br />

Les propriétaires ont<br />

aménagé un parcours<br />

pour observer les oiseaux,<br />

nombreux. Rien de plus<br />

naturel, car juste à côté<br />

se trouve la réserve<br />

nationale de la Somone.<br />

À noter que, pour les<br />

gourmands, la pension<br />

complète est généreuse.<br />

Piste de Guéréo, Guéréo,<br />

tél. : +221 33 959 04 01.<br />

lesmanguiersdeguereo.sn<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 143


LE TRAVELER GUIDE<br />

❛TABLES<br />

ET GOURMANDISES<br />

Le Beluga<br />

L’une des tables élégantes et incontournables<br />

de la capitale initie à la cuisine péruvienne.<br />

Au menu, une déclinaison de ceviche<br />

(poisson cru mariné), du tiradito (sorte de<br />

sashimi) ou des cassolettes de riz aux fruits<br />

de mer, très copieuses. Côté viandes,<br />

on y trouve les plus belles pièces de bœuf<br />

made in Argentine.<br />

162 rue Mousse Diop, tél. : +221 33 823 40 40. Du lundi au<br />

samedi, de 12 h 30 à 15 h 30, puis de 19 h à 23 h, et jusqu’à<br />

minuit les vendredi et samedi. groupelaparrilla.com/beluga<br />

LE BIDEEW<br />

DANS LE JARDIN de l’Institut français de Dakar,<br />

vous pourrez déguster une cuisine franco-sénégalaise<br />

à l’ombre de l’immense fromager. Le chef Ndir Tamsir<br />

travaille surtout des produits locaux frais, un plat du jour<br />

est à découvrir du lundi au samedi. Pour les amateurs,<br />

le vendredi, c’est buffet africain, et le dimanche, il y a<br />

un brunch, avec chaque semaine un nouveau thème.<br />

89 rue Joseph Gomis, jardin de l’Institut français,<br />

tél. : +221 33 823 19 09. Du lundi au samedi, de 9 h à minuit.<br />

CHEZ FARID<br />

➀ Le meilleur restaurant<br />

libanais de Dakar, qui existe<br />

depuis trois générations.<br />

La salle à manger climatisée<br />

est confortable pour<br />

apprécier les généreux<br />

mezze composés de taboulé,<br />

de houmous, de feuilles<br />

de vigne farcies ou de<br />

makanek, que vous aurez<br />

commandé. Parfait pour<br />

s’y retrouver entre amis.<br />

Rue Vincens,<br />

tél. : +221 33 823 89 89.<br />

Tous les jours, de 12 h à 23 h.<br />

restaurantfarid.com<br />

IL PAPPAGALLO<br />

➁ Dans le centre-ville,<br />

à l’hôtel Seku Bi, se trouve<br />

une excellente adresse de<br />

cuisine italienne. Le cadre<br />

est apaisant grâce au<br />

jardin luxuriant, à la<br />

déco un peu bistrot<br />

chic, avec des tables<br />

en marbre et vue sur<br />

l’océan. Pour l’apéro,<br />

c’est assiette d’arancinis<br />

moelleux ou carpaccio<br />

de poulpe léger et bien<br />

assaisonné. Pour le dîner,<br />

les assiettes sont plus<br />

travaillées : gnocchis<br />

maison au beurre de<br />

sauge ou tomates cerises<br />

marinées et mousse de<br />

burrata. Le week-end, le<br />

club, avec ses DJ ou ses<br />

concerts, anime le repas.<br />

33 rue Bérenger Féraud,<br />

tél. : +221 77 146 79 79.<br />

Tous les jours, de 12 h<br />

à 15 h, puis de 19 h à 23 h.<br />

il-pappagallo.com<br />

❶<br />

❷<br />

DR (4)<br />

144 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


ET EN SORTANT<br />

DE DAKAR…<br />

SUNU MAKANE CHEZ SECK<br />

Envie d’une escapade<br />

(pas si) loin du tumulte<br />

de la ville ? Prenez la pirogue<br />

du restaurant Chez Seck,<br />

et partez pour l’île de<br />

N’Gor. Ambiance simple<br />

et conviviale. L’adresse est<br />

parfaite pour manger des<br />

langoustes ou un thiof grillé.<br />

Les transats sur la plage,<br />

à quelques pas, prolongent<br />

le plaisir d’être ici.<br />

Île de N’Gor (1 re plage),<br />

tél. : +221 77 647 81 66.<br />

Tous les jours, de 9 h à minuit.<br />

sunumakane-chezseck.com<br />

AL<strong>AM</strong>Y - DR<br />

L’appel du large<br />

VÉRITABLE INSTITUTION dakaroise,<br />

le Lagon 1 (le Lagon 2 est l’hôtel), c’est<br />

d’abord un lieu original. Franchissez<br />

la passerelle qui y mène et vous aurez<br />

l’impression de vous embarquer sur<br />

un paquebot. Le restaurant est en effet<br />

sur pilotis, sur un wharf, construit<br />

en 1956 par Michel Calendini,<br />

qui s’avance au-dessus de l’océan.<br />

La décoration reprend les codes<br />

maritimes : sol façon teck de bateau,<br />

fenêtres façon hublot, cannes à pêche<br />

ici ou là, longs requins suspendus<br />

en salle. Du côté de l’assiette, le chef<br />

français Alexandre Marinier (un nom<br />

prédestiné) allie les produits de la<br />

mer ultrafrais aux épices : poisson<br />

du Lagon au poivre vert, salade de<br />

rougets et kassanes panés au cumin,<br />

curry de poissons, ou les classiques<br />

crustacés grillés, servis au poids.<br />

Pour les amateurs de viande,<br />

pas d’inquiétudes, il n’y a aucun<br />

sectarisme dans cette ambiance chic<br />

et décontractée. Entrecôtes et filet de<br />

bœuf du Brésil sont au rendez-vous.<br />

Alors installez-vous sur la vaste<br />

terrasse face à l’île de Gorée,<br />

laissez-vous bercer par le roulis<br />

des vagues, et savourez.<br />

Route de la Petite Corniche est,<br />

tél. : +221 33 821 53 22.<br />

Tous les jours, de 10 h à 22 h 30.<br />

lelagondakar.com<br />

NDAR NDAR MUSIC & CAFÉ<br />

L’un des endroits les<br />

plus cool de Saint-Louis.<br />

Ce magasin de musique<br />

(disques à écouter ou à<br />

acheter) est un lieu idéal<br />

pour prendre un café<br />

d’Éthiopie moulu sur place,<br />

en grignotant des douceurs.<br />

À l’occasion se tiennent<br />

des expositions. Ambiance<br />

chaleureuse garantie grâce<br />

à Oumar, le propriétaire.<br />

Rue Potin x Rue Abdoulaye<br />

Seck, Marie Parsine, Saint-<br />

Louis, tél. : +221 77 352 15 54.<br />

Tous les jours sauf dimanche,<br />

de 10 h à 20 h.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 145


LE TRAVELER GUIDE<br />

❶<br />

❷<br />

❸<br />

➍<br />

RESTOS DE PLAGE ET SPOTS IN<br />

Sélection forcément subjective. Dakar bouge<br />

en permanence. Restez branché !<br />

➀ Le Ngor pieds dans l’eau<br />

Face à l’océan, sur la terrasse, on y savoure entre amis<br />

un thiof grillé, l’incontournable poisson national.<br />

Corniche des Almadies, tél. : +221 77 504 30 06.<br />

Du mercredi au lundi, de 10 h à 1 h.<br />

➁ La Marée<br />

De l’assiette jusqu’au sol en coquillages, tout tourne autour<br />

des produits de la mer : oursins, huîtres de la Somone, crevettes<br />

ou langoustes. À vous de choisir. L’ambiance y est tranquille,<br />

le service parfois un peu long.<br />

Pointe des Almadies, tél. : +221 33 820 06 80. Tous les jours, de 9 h 30 à 2 h.<br />

➂ Cop 21<br />

Le nom est original pour un bar à viande-rôtisserie, mais les grillades<br />

y sont parfaites ! Dans ce lieu simple et convivial, on retrouve aussi<br />

les plats nationaux que sont le thiéboudiène, le yassa et le mafé.<br />

Corniche des Almadies, tél. : +221 33 865 97 78. Tous les jours,<br />

de 9 h à 23 h, et jusqu’à 1 h 30-2 h du vendredi au dimanche.<br />

➃ La Cabane du pêcheur<br />

C’est le resto où l’on peut manger les pieds dans le sable des<br />

poissons à la plancha ou des crustacés frais, en sirotant un cocktail.<br />

Ndeureuhnou, plage de Ngor, tél. : +221 33 820 76 75.<br />

Du mardi au dimanche, de 8 h à 23 h.<br />

➄ Le Phare des mamelles<br />

Un bel endroit, avec une vaste terrasse offrant une vue sur l’océan ou<br />

la ville. La carte est internationale, avec des tonalités locales : burrata<br />

à la crème de balsamique, zébu à la braise ou filet de capitaine<br />

en croûte d’épices. À essayer : le brunch généreux du dimanche.<br />

Route de l’aéroport, tél. : +221 77 343 72 72. Les mardi<br />

et mercredi, de 11 h 30 à minuit, le jeudi, de 11 h 30 à 2 h 30,<br />

le vendredi, de 11 h 30 à 3 h 30, le samedi, de 9 h 30 à 3 h 30<br />

et le dimanche, de 9 h 30 à minuit. pharedesmamelles.sn<br />

➎<br />

DR (5)<br />

146 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


❛<br />

TABLES<br />

ET GOURMANDISES<br />

L’Oceanium :<br />

nouvelle génération<br />

Pour un thiéb 100 % Sénégal !<br />

C’EST UN LIEU un peu mythique,<br />

à l’avant-garde de la préservation<br />

de l’environnement, créé il y<br />

a une dizaine d’années par<br />

l’activiste écologique Haïdar<br />

El Ali. On y venait pour<br />

prendre des cours de plongée<br />

sous-marine « responsable ».<br />

Le club continue à dispenser<br />

baptêmes ou remise à niveau,<br />

mais depuis que ses enfants<br />

ont repris l’affaire, l’activité<br />

s’est diversifiée et le cadre a<br />

été rénové. On peut y dormir<br />

dans des chambres sobres sans<br />

chichis ou profiter de la terrasse<br />

avec piscine à débordement,<br />

parfaite pour prendre l’apéro au<br />

coucher du soleil. Pour prolonger<br />

la soirée, le restaurant propose<br />

une carte internationale.<br />

Route de la Corniche Estate,<br />

tél. : +221 78 379 67 37.<br />

Ouvert tous les jours, de 8 h à 18 h,<br />

et le samedi jusqu’à minuit.<br />

oceaniumdc.com<br />

SHUTTERSTOCK - DR<br />

C’EST L’ALIMENT DE BASE, notamment<br />

pour le plat national sénégalais, légendaire<br />

en Afrique de l’Ouest et bien au-delà :<br />

le thiéboudiène. Inscrit au patrimoine<br />

immatériel de l’Unesco le 15 décembre<br />

dernier, ce ragoût de poisson, originaire<br />

de Saint-Louis, composé de riz cassé<br />

en une ou deux brisures, de thiof, d’une<br />

variété de légumes (de yet et de guedj<br />

aussi) se retrouve à la table des familles<br />

et des restaurants. Les connaisseurs<br />

chauvins apprécient particulièrement le<br />

« petit riz du fleuve ». Mais les Sénégalais<br />

en consomment autour de 100 kg par<br />

an et par personne. Et la production<br />

venue de Sédhiou, de Thiès, de Fatick,<br />

de Kaolack, de Kolda ou de la vallée du<br />

fleuve ne suffit pas à satisfaire la demande.<br />

Sur les quatre dernières années, le pays<br />

a importé environ 1 million de tonnes<br />

de la précieuse céréale, dont 98 % sous<br />

forme de riz brisé. Le gouvernement<br />

a donc lancé, le 16 décembre, le Projet<br />

de développement de la chaîne de valeur<br />

du riz (PDCVR), de 45 millions de dollars,<br />

financé par l’État et la Banque islamique<br />

de développement, visant à réduire les<br />

importations et à renforcer la sécurité<br />

alimentaire. Objectif : doper la production<br />

locale, soutenir la transformation et la<br />

commercialisation et créer, à terme,<br />

20 000 emplois dans la filière.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 147


LE TRAVELER GUIDE<br />

❶ Musée<br />

des civilisations<br />

noires (MCN)<br />

Inauguré en 2018,<br />

le MCN aura mis du temps<br />

à naître. Imaginé par<br />

Léopold Sédar Senghor<br />

après le succès du Festival<br />

mondial des arts nègres<br />

en 1966, il est finalement<br />

construit grâce à une<br />

coopération avec la Chine.<br />

Le bâtiment évoque<br />

les cases à impluvium de<br />

Casamance, mais d’une<br />

autre dimension : il fait<br />

quatre étages et près<br />

de 14 000 m 2 . En son<br />

cœur, une monumentale<br />

sculpture d’un baobab<br />

signée par l’artiste haïtien<br />

Édouard Duval-Carrié.<br />

Dans les différents espaces,<br />

destinés essentiellement à<br />

accueillir des expositions<br />

temporaires, prend<br />

aussi place la collection<br />

permanente comptant des<br />

vestiges archéologiques,<br />

des costumes traditionnels<br />

ou des photographies<br />

contemporaines. L’objet<br />

phare restant le sabre<br />

d’El Hadj Oumar Tall,<br />

fondateur de l’Empire<br />

toucouleur et figure<br />

de la résistance contre<br />

la colonisation, restitué<br />

en 2019 par la France.<br />

Place de la Gare, Plateau,<br />

tél. : +221 33 959 19 21.<br />

Du mardi au dimanche,<br />

de 10 h à 19 h. mcn.sn<br />

❷ Maison Ousmane Sow<br />

Visiter le Sphinx (surnom<br />

donné à la maison) et<br />

s’imprégner du talent créatif<br />

du plus illustre sculpteur<br />

sénégalais… Dans cette<br />

maison-atelier, le visiteur<br />

peut admirer la trentaine<br />

d’œuvres originales tout en<br />

foulant le sol recouvert de<br />

carreaux créés par Sow luimême<br />

et en appréciant les<br />

murs aux couleurs chaudes<br />

faits avec « sa matière ».<br />

Lot 10, rue 65, tél. :<br />

+221 77 557 14 96. Du mardi<br />

au dimanche, de 9 h à 12 h 30,<br />

puis de 15 h à 18 h, et le<br />

dimanche, à partir de 10 h.<br />

maisonousmanesow.com<br />

❸ Musée Théodore<br />

Monod d’art africain<br />

Édifié en 1931 dans le style<br />

néo-soudanais, le musée<br />

fait partie de l’Institut<br />

fondamental d’Afrique<br />

noire (IFAN). Il possède<br />

une collection diversifiée<br />

d’environ 9000 objets<br />

d’Afrique de l’Ouest. La<br />

collection permanente<br />

occupe le rez-de-chaussée<br />

avec des tabourets<br />

burkinabés, des masques<br />

diolas de Casamance, des<br />

statuettes bambaras… L’étage<br />

est dédié aux expositions<br />

temporaires. C’est l’un des<br />

lieux officiels de Dak’Art.<br />

1 place de Soweto,<br />

tél. : +221 33 823 92 68.<br />

Du mardi au dimanche,<br />

de 9 h à 17 h. ifan.ucad.sn<br />

❛ART<br />

ET GALERIES<br />

❶<br />

❷<br />

❸<br />

DR (3)<br />

148 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


❹<br />

❺<br />

ISS<strong>AM</strong> ZEJLY - KHALIFA HUSSEIN - ANTOINE TEMPÉ - KHALIFA HUSSEIN - DR<br />

❹ Galerie Cécile<br />

Fakhoury<br />

On retrouve ici, au gré<br />

des accrochages, des artistes<br />

du continent, tels Serigne<br />

Ibrahima Dieye, Carl-Édouard<br />

Keïta ou Roméo Mivekannin,<br />

dont le talent n’a pas<br />

échappé à Cécile Fakhoury,<br />

« multigaleriste », basée<br />

à Abidjan et aussi à Paris.<br />

Rue Carnot x Rue<br />

Bérenger Féraud,<br />

tél. : +221 33 842 90 91.<br />

Du mardi au samedi,<br />

de 10 h à 19 h.<br />

cecilefakhoury.com<br />

❺ Raw Material<br />

Company<br />

Très vivant, le lieu se<br />

définit comme « un centre<br />

pour l’art, le savoir et<br />

la société », grâce à un<br />

programme à la croisée<br />

des arts. S’y déroulent<br />

expositions d’œuvres,<br />

projections de films,<br />

conférences publiques…<br />

Sans oublier Ker Issa, le<br />

programme de résidence<br />

qui a déjà accueilli une<br />

quarantaine de participants.<br />

La dernière exposition,<br />

« L’École des mutants »,<br />

est une installation de<br />

Hamedine Kane et Stéphane<br />

Verlet-Bottéro.<br />

Villa 2a Zone B,<br />

tél. : +221 33 864 02 48.<br />

Du lundi au vendredi,<br />

de 11 h à 18 h.<br />

rawmaterialcompany.org<br />

❻ Le Manège<br />

Cet espace d’exposition<br />

du centre culturel français<br />

est l’une des galeries<br />

incontournables de la<br />

capitale. Grâce à sa<br />

programmation très pointue,<br />

il permet de découvrir<br />

des plasticiens sénégalais,<br />

africains ou français.<br />

3-5 rue Parchappe,<br />

tél. : +221 33 865 34 54.<br />

Tous les jours, de 10 h à 18 h.<br />

ifs.sn/lemanege<br />

❼ Selebe Yoon<br />

L’une des dernières galeries<br />

nées, Selebe Yoon, fait<br />

figure de friche avec<br />

sa sélection de jeunes<br />

plasticiens, dans un écrin<br />

❻<br />

❼<br />

architectural incroyable :<br />

1000 m 2 d’exposition dans<br />

l’ancien Printania, premier<br />

grand magasin de Dakar des<br />

années 1950. Entre deux<br />

salles, prière d’admirer le<br />

magnifique escalier art déco.<br />

Rue Parchappe x Rue Salva,<br />

tél. : + 221 78 151 68 64.<br />

Du mardi au samedi,<br />

de 11 h à 19 h, en période<br />

d’exposition.<br />

selebe-yoon.com<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 149


LE TRAVELER GUIDE<br />

CONCEPT STORES<br />

Bijoux,<br />

doudous & co<br />

LE PETIT DERNIER des concept<br />

stores du Plateau, Le Sandaga, est<br />

un modèle de chic décontracté.<br />

On y trouve les superbes créations<br />

de L’Artisane (Khadija Aisha<br />

Ba), des bijoux XXL, des sacs<br />

originaux, des objets déco chinés<br />

à Dakar. La décoration intérieure Le Sandaga.<br />

a été confiée à l’architecte et influenceuse Mamy Tall, qui<br />

a choisi de lui donner un air vintage. Nous voici redevenues<br />

petites filles fouinant dans les malles de nos grands-mères…<br />

Dans le même quartier, à côté de la petite boutique Minibap<br />

(la maison mère se trouve aux Almadies), où l’on déniche<br />

toujours quelque chose à offrir (créations en wax pour les<br />

enfants, plateaux en souwère contemporains, verres soufflés<br />

marocains…), une pause café-essayages s’impose chez<br />

F Koncept, ouvert par le charismatique Faïez Ftouni, libanais<br />

de Dakar et ancien de chez Colette à Paris, qui choisit les<br />

meilleures pièces des marques sénégalaises et internationales.<br />

Dans ce bel espace aux allures de loft, on trouve aussi des<br />

céramiques contemporaines et les bougies parfumées made<br />

in Sénégal, Touareg Candle.<br />

Un nouveau lieu,<br />

chic et décontracté :<br />

Le Sandaga.<br />

Juste à côté, Les Petits Parisiens<br />

est le premier concept store<br />

exclusivement dédié aux enfants,<br />

proposant les marques les plus<br />

pointues en vêtements<br />

mais aussi des jeux design<br />

et créatifs. Enfin, lorsque<br />

deux créatrices de mode<br />

talentueuses, So’ Fatoo et<br />

Sisters of Afrika, mettent<br />

leurs pièces en commun, cela<br />

donne Arka Concept Store.<br />

Une boutique aux couleurs<br />

pastel qui invite régulièrement<br />

d’autres créateurs et qui<br />

permet de siroter un bissap<br />

sur sa micro terrasse.<br />

❛SHOPPING<br />

ET BOUTIQUES<br />

En dehors du Plateau<br />

APRÈS UN ARRÊT au Shop Bi du designer Ousmane<br />

Mbaye, qui présente ses coups de cœur déco, à quelques<br />

pas de son beau showroom de la corniche Médina,<br />

Lulu Home Interior & Café, en face de la piscine<br />

olympique, est un lieu de rendez-vous couru. En plus<br />

du très bon restaurant à la cuisine fusion tenu par le<br />

chef Clément Colpé, qui a ramené de Belgique quelques<br />

bières pour accompagner son afro-burger, l’espace<br />

accueille une marque de meubles venue de Belgique<br />

et tout ce qui compte de créations locales pour la déco<br />

et les cosmétiques. Incontournable.<br />

Sinon, pour dénicher les meilleures marques du<br />

continent, rendez-vous dans le très chic In Africa. Pour se<br />

passer la bague au doigt, c’est chez Imaara Concept Store,<br />

et sa superbe marque de bijoux, que ça se passe. Et pour<br />

se la jouer Grande Royale, pour shopper les plus beaux<br />

boubous, direction La Co’op.<br />

Ci-contre<br />

et ci-dessous,<br />

Les Petits<br />

Parisiens est<br />

le premier<br />

concept store<br />

exclusivement<br />

dédié aux<br />

enfants.<br />

Il propose<br />

des vêtements,<br />

des jouets,<br />

mais également<br />

des jeux design<br />

et créatifs.<br />

DR (5)<br />

150 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


LE SANDAGA<br />

5 bis rue Victor Hugo.<br />

Du lundi au samedi, de 9 h 30<br />

à 13 h, puis de 14 h 30 à 18 h.<br />

lesandaga.com<br />

F KONCEPT<br />

27 rue Jules Ferry, Plateau.<br />

Le lundi, de 15 h à 19 h, et du<br />

mardi au samedi, de 9 h à 19 h.<br />

f-koncept.business.site<br />

MINIBAP<br />

Ikory Gallery, RDC, 26 bis<br />

rue Jules Ferry. Du lundi<br />

au samedi, de 10 h à 18 h.<br />

LES PETITS PARISIENS<br />

Ikory Gallery, 1 er étage, 26 bis<br />

rue Jules Ferry. Du lundi au<br />

samedi, de 9 h 30 à 18 h 30.<br />

lespetitsparisiens.com<br />

ARKA CONCEPT STORE<br />

43 rue Félix Faure, Plateau.<br />

Du lundi au samedi,<br />

de 10 h à 19 h.<br />

SHOP BI<br />

881 Corniche x Rue Lamine<br />

Barry. Du lundi au samedi, de<br />

10 h à 14 h, puis de 15 h à 19 h.<br />

LULU HOME INTERIOR & CAFÉ<br />

Corniche Ouest, Fann<br />

Residence, rue 8 (face à<br />

l’Olympique Club). Du lundi<br />

au samedi, de 8 h à 19 h (café)<br />

et de 10 h à 19 h (magasin).<br />

lulu.sn<br />

IN AFRICA<br />

Boulevard Canal 4,<br />

immeuble 4E. Du lundi<br />

au samedi, de 10 h à 19 h.<br />

FROMHAII<br />

DR<br />

Le Shop Bi<br />

présente<br />

ses coups de<br />

cœur déco et<br />

accessoires.<br />

IMAARA CONCEPT STORE<br />

Rue P × Boulevard du Sud,<br />

Point E. Le lundi, de 12 h<br />

à 19 h, et du mardi au samedi<br />

de 10 h à 19 h.<br />

imaarajewelry.com<br />

LA CO’OP<br />

Rue 6, Point E. Du mardi au jeudi<br />

de 10 h 30 à 19 h, le vendredi, de<br />

10 h 30 à 13 h, puis de 15 h à 19 h,<br />

et le samedi de 10 h 30 à 19 h 30.<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 151


LE TRAVELER GUIDE<br />

Une cave de jazz, comme<br />

on en rencontre à Paris<br />

ou à New York… C’est à l’hôtel<br />

Djoloff, ambiance garantie.<br />

❛NIGHTLIFE<br />

EN 2017 S’EST OUVERT ce club de jazz. Les voûtes en<br />

terre ont-elles influencé la destination du lieu ? Ou est-ce<br />

simplement la volonté de renouer avec le passé musical<br />

d’hôtel-bar-dancing du Djoloff des années 1990 ? En tout<br />

cas, chaque week-end, les meilleurs sons envahissent<br />

les lieux. La programmation fait la part belle à de<br />

talentueux musiciens. Parmi eux se sont récemment<br />

produits Doudou Konaré, Yéyé Faye, Symsam & Family<br />

ou encore Jamm Jazz. La clientèle, assez cosmopolite,<br />

se compose d’aficionados locaux, de touristes de passage<br />

ou d’expatriés curieux. Comme la cave est petite, pensez<br />

à réserver assez tôt si vous voulez une table.<br />

JAZZ CLUB-LA CAVE DU DJOLOFF<br />

7 rue Nani, Fann Hock. Les vendredi et samedi,<br />

de 21 h à 23 h 45.<br />

ET APRÈS…<br />

The Boma Club<br />

Au programme : cocktails<br />

en happy hour de 17 h<br />

à 19 h, concerts en live<br />

tous les mardis ou DJ sets<br />

tous les jeudis. De quoi<br />

ambiancer vos soirées<br />

et vos nuits. Ce club à la<br />

déco design est l’endroit<br />

où aller danser tout<br />

en sirotant un mojito<br />

ou un red basil.<br />

Route de Ngor, Almadies,<br />

tél. : +221 33 859 02 50.<br />

hotelbomadakar.com<br />

Danser et profiter de la carte<br />

des cocktails du Boma Club.<br />

Kraken Pub<br />

Oubliez le côté lounge,<br />

vous êtes arrivé dans<br />

le pub « le plus à l’ouest<br />

du continent ». La boisson<br />

de rigueur est donc<br />

la bière, à la pression<br />

de préférence. L’endroit<br />

est en plein air, avec<br />

vue sur l’océan. Le jeudi,<br />

c’est soirée karaoké,<br />

et le week-end,<br />

des concerts sont<br />

programmés.<br />

Pointe des Almadies,<br />

tél. : +221 77 778 06 57.<br />

De mercredi à dimanche,<br />

de 17 h à minuit.<br />

La Cave<br />

L’endroit est original :<br />

à la fois épicerie fi ne<br />

(sardines millésimées,<br />

julienne de betteraves<br />

ou truffes noires) et cave,<br />

où déguster les meilleurs<br />

vins. On y vient à l’apéro<br />

pour y prendre un verre,<br />

perché sur un tabouret<br />

ou accoudé à la grande<br />

table commune. La<br />

sélection des vignobles<br />

est large, du traditionnel<br />

bordeaux français<br />

à certains cépages<br />

espagnols. À essayer<br />

impérativement : le Clos<br />

des baobabs, premier vin<br />

100 % sénégalais, ou la<br />

Kalao, bière artisanale<br />

brassée près de Dakar.<br />

Rue Béranger Ferraud x Rue<br />

Aristide Le Dantec,<br />

tél. : +221 33 842 62 22.<br />

Du lundi au samedi,<br />

de 10 h à minuit.<br />

Chez Fatou<br />

Avec sa grande terrasse,<br />

Chez Fatou est un bon spot<br />

de plage pour prendre<br />

l’apéro, avant que le soleil<br />

ne se couche, face à<br />

l’océan et aux surfeurs qui<br />

glissent inlassablement<br />

sur les vagues…<br />

Les Almadies,<br />

tél. : +221 33 820 92 38.<br />

Tous les jours,<br />

de 8 h 30 à minuit.<br />

DR (4)<br />

152 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


COUP DE CŒUR<br />

Luxe et nature<br />

Diffi cile de choisir à quel coin de paradis se<br />

vouer… En effet, depuis quelques années,<br />

plusieurs lodges très chics ont ouvert dans<br />

le pays, rendant ses lettres de noblesse à la<br />

destination Sénégal et jetant aux oubliettes<br />

l’époque all inclusive. Le Yokan Lodge, situé<br />

à Palmarin, un village au sud de Dakar,<br />

rassemble tous les indispensables d’un<br />

séjour inoubliable : une douce ambiance,<br />

des suites à la décoration raffi née qui<br />

donne envie de tout emporter chez soi,<br />

un accueil chaleureux, une longue plage<br />

de sable blanc… Sans oublier le restaurant<br />

qui sublime les produits locaux. On y vient<br />

en amoureux (destination parfaite pour un<br />

voyage de noces) ou en famille (matériel<br />

de puériculture disponible, kids club avec<br />

ateliers pour les petits et activités sportives<br />

pour défouler les ados). Pour les adultes,<br />

c’est au choix : la magnifi que piscine,<br />

la plage interminable, un massage au spa<br />

ou une séance de yoga face à l’océan.<br />

Côté excursions, il est possible d’aller<br />

en kayak apprécier les forêts de mangrove<br />

(le Sine Saloum est juste à côté), de faire<br />

une balade à cheval dans la réserve<br />

naturelle de Palmarin pour y croiser<br />

des pélicans gris et des flamants roses, ou de<br />

s’offrir un tour en ULM au-dessus du Saloum<br />

et des puits de sel pour les plus aventuriers.<br />

Le luxe s’allie ici à la nature, l’hôtel adoptant<br />

une démarche écoresponsable.<br />

YOKAN LODGE<br />

Route de Djifer, Palmarin, tél. : +221 78 196 70 01.<br />

yokanlodge.com<br />

MIREILLE ROOBAERT<br />

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022 153


pour conclure<br />

PAR EMMANUELLE PONTIÉ<br />

NANGADEF !<br />

*<br />

Bon, il n’y a pas photo : Dakar a fait un bond<br />

en avant majeur ces dernières années. Un aéroport<br />

international flambant neuf, une autoroute à péage,<br />

une nouvelle ville, des infrastructures routières et sportives,<br />

des hôpitaux, un TER, une compagnie aérienne<br />

nationale qui s’envole outre-Atlantique. L’électricité<br />

abonde en continu en ville et les délestages d’hier sont<br />

oubliés. Les programmes et projets en matière d’emploi,<br />

de tourisme, d’agriculture, d’électrification rurale,<br />

de manufacturing noircissent les pages du Plan Sénégal<br />

Emergent et se lancent les uns après les autres.<br />

Le Sénégal prend ce mois-ci la présidence<br />

tournante de l’Union africaine et retrouve sa place<br />

dans le concert des nations. Pour le pays de la<br />

Teranga, c’est une longue page qui se tourne, l’ambition<br />

qui revient concernant le tourisme, le business, la<br />

modernisation et l’ouverture sur le monde. Les jeunes<br />

(rappelons que plus de la moitié de la population<br />

a moins de 19 ans) lancent des entreprises dans<br />

le digital, les services, le commerce, la culture. Ils<br />

innovent, créent des emplois, concrétisent peu à peu<br />

leurs rêves. La créativité explose. En art contemporain,<br />

en design, en stylisme. D’innombrables talents s’exposent<br />

dans les nouveaux concept stores, les galeries,<br />

les centres d’art. Le made in Sénégal s’exporte,<br />

séduit les goûts d’ailleurs, s’attaque à des marchés<br />

lointains, lucratifs.<br />

Pourtant, et c’est peut-être ici que se trouve<br />

la clé de l’équilibre local si précieux, le Sénégal<br />

n’a pas vraiment changé. Les étudiantes que l’on<br />

croise devant l’Université Cheikh Anta Diop portent<br />

des jeans stretch supermoulants, à la taille très basse<br />

laissant souvent dépasser un bout de « dentelle », tout<br />

en arborant un foulard coloré sur la tête qui entoure le<br />

visage. Les mêmes jeunes filles, à la pointe de la mode<br />

et de la branchitude internationale dans le choix de<br />

leurs vêtements, de leurs boissons, de leur musique ou<br />

de leur langage mâtiné d’anglicismes, se retrouvent<br />

en famille les week-ends dans la cour de leurs parents,<br />

assises autour d’un plat commun de thiéb traditionnel<br />

où elles plantent leur cuillère, avant d’aller danser un<br />

mbalax endiablé avec leurs tantes les jours de fête.<br />

Autre exemple d’attachement viscéral à la<br />

fois à la modernité et à la tradition, l’élite native de<br />

Saint-Louis, qui évolue dans le business international<br />

ou dans les hautes sphères du pays, n’a de cesse<br />

d’investir dans l’habitat local, restaurant les somptueuses<br />

maisons aux murs ocre et aux boiseries fines<br />

de leurs ancêtres.<br />

Et si l’on peut parler de tradition lorsqu’on<br />

évoque les légendaires taxis hors d’âge de Dakar,<br />

aux compteurs qui ne marchent jamais, conduits<br />

par des chauffeurs faisant semblant de ne pas parler<br />

français pour mieux balader les visiteurs qui ne<br />

connaissent pas la ville… Eh bien, eux aussi se lancent<br />

sans complexe sur l’autoroute qui mène, entre autres,<br />

à la nouvelle ville de Diamniadio. Et se réjouissent du<br />

progrès, de cet avenir meilleur qui se dessine pour<br />

tous, sans pour autant imaginer changer de voiture.<br />

Ils tiennent bon. Et cohabitent avec les berlines chics<br />

que les hommes d’affaires de passage louent dans<br />

les hôtels pour leurs déplacements.<br />

Quelque part, Dakar s’est radicalement<br />

transformé, tout en restant résolument Dakar. Et<br />

le Sénégal avance vers l’émergence, entre dans la<br />

mondialisation. Mais à sa manière. Ce qui est certainement<br />

une réussite. La vraie. ■<br />

* Salutation traditionnelle wolof.<br />

154 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022


DES MILLIERS<br />

DE POINTS DE<br />

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