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Tchatal-Hiiyiik, premiere ville tantrique ?
Tchatal-Hiiyiik,
premiere ville tantrique ?
Prononcez « HUyUk» comme vous voulez,
de toutes fa<;ons on ne saura jamais
comment s'appelait, a I'epoque, la premiere
ville du monde, alpino-mediterraneenne
et tantrique.
Car c' est une vraie ville de 10 000
habitants, vieille de 9 000 ans, qu' en
1958 I' archeologue anglais James
Mellaart exhumait en Anatolie. Deux
ans plus tot, sa decouverte de Ha<;ilar,
dans la region de Burdur, avait fait
sensation, mais Tchatal-Hiiyiik, c'etait
une bombe : on croyait, avant cela, que
I' Anatolie, riche d'histoire, etait vide de
prehistoire. Ce qui eta it sensationnel
- et l'est toujours -, c'est que TchataI
Hiiyiik etait presque intacte, comme si
on I'avait abandonnee hier. Fantastique :
pour la premiere fois on voyait comment
vivait, en I'an de grace - 7 500
avant notre ere, Ie citoyen prehistorique,
on visitait ses maisons avec leurs
fresques, leurs sculptures, on retrouvait
ses armes, ses outils, ses squelettes,
ses vetements.
Alors, avec un peu d'imagination,
nous pouvons entrer dans la peau du
citadin de Tchatal-Hiiyiik, reconstituer
son mode de vie et meme sa spiritualite,
grace aux des que fournit Ie tantra.
Suivons-le, rentrant chez lui. Ses
ancetres avaient bien choisi Ie site:
descendus de la montagne, ils avaient
rep ere cette plaine fertile, irriguee par
la riviere Carsamba, comme on l'appel
Ie aujourd'hui. Mieux qu' en altitude,
ils pouvaient y cultiver les cereales deja
domestiquees. C' est Ie printemps ;
notre homme marche d'un bon pas
entre les champs d' orge et de ble dont
on cultivait 3 especes. Son regard satisfait
caresse Ie tapis de jeunes pousses
vert tendre, prometteuses d'une bonne
moisson. II se dirige vers la ville, sa
belle ville, avec ses maisons en briques
crues et a toit plat, qui s'etagent sur la
colline et se confondent presque avec Ie
paysage. Sans doute les premiers vergers
d ' amandiers, de pommiers, de
pistachiers fleurissaient-ils deja : on en
a retrouve les fruits.
Le void aux portes de la ville. « Portes
» et « ville », c' est fa<;on de parler. II
faudrait plutot dire « au pied de la
ruche horizontale » , car les maisons
sont autant d'alveoles rectangulaires
accolees Ies unes aux autres, sans
portes, ni fenetres : I' unique orifice
h2
dans la terra sse y sert d' entree, de
fenetre et de cheminee et I' on descend
chez soi par une echelle. Pas de rues :
on y circule de terra sse en terra sse et
c' est encore a I' aide d' echelles qu' on
passe d'un niveau de la ville a I'autre !
Ceinturee d'un rempart de maisons
aveugles qui la rendent imprenable,
c'est toujours par une echelle qu'on
« monte » dans Ia ville.
Imprenable, car si Ies eventueis
agresseurs avaient un acces aise aux
toits-terrasses, il suffisait aux agresses
de retirer les echelles pour empecher
l'acces aux maisons. Malheur a l'attaquant
imprudent qui aurait saute dans
Ia maison par I'orifice, ce qui ne pouvait
se faire qu'un a Ia fois. Tombant
2m50 a 3 m plus bas, avant de pouvoir
se remettre debout, il serait deja transperce
par les lances ou les poignards
des defenseurs, intrepides chasseurs
que n' effrayaient ni I' ours, ni Ie lion, ni
Ie Ioup, ni Ie sanglier, ni Ie leopard! Et,
pour prendre la ville, il aurait fallu
conquerir une a une chaque alveole de
Ia ruche-Iabyrinthe. Aussi TchataI
Hiiyiik, n'a, sembIe-t-il, jamais ete
prise.
Les maisons etaient, en outre, antisismiques
: construites en briques
crues, sans etage, Ie toit-terrasse avait
une legere charpente en bois et Ie plafond
etait en roseaux pris dans une
gangue d'argile. Et c'etait bien necessaire
: sur un mur, on retrouve une
frt'sque montrant Ia ville avec, a l'hori'
ZOI1, la silhouette du volcan Hasan-Dag
('11 eruption. Mais Ie site de Tchata)
Illiyiik avait ete bien choisi : l'absence
tit' cl'ndres volcaniques prouve que la
ville n'., pas etl' detruite par une eruption,
meme s'illui est arrive plus d'une
fois d' etre bien secouee !
Examinons maintenant l'illustration,
reproduite d'apres Ies dessins et photos
de James Mellaart, qui nous permet
d'imaginer Ia vie de tous les jours de
notre citadin. La piece principale, Ie
« sejour » , fait 4 x 6 m, ce qui est fort
convenable. Avec une hauteur de pres
de 3 m, cela fait un beau volume. Le
long des murs, des banquettes servent
de sieges et de lits pour l'homme et les
enfants. Le lit reserve a la femme,
beaucoup plus grand, reI eve a son
extremite, occupe la place d'honneur
au pied de l' echelle et pres du foyer.
On sait que Ie grand lit etait reserve A
la maitresse de maison grace a la coutume
de 1'« inhumation differee » : les
trepasses etaient conduits dans la montagne
et abandonnes aux vautours.
Decharnes, on ramenait les squelettes
dans leur maison et, revetus de leurs
vetements (les femmes portaient des
robes en laine avec des franges 1), ils
etaient ensevelis ... sous leur lit, avec les
objets leur appartenant. Ces squelettes
nous apprennent aussi que plusieurs
types raciaux coexistaient a Tchatal
Hiiyiik : des Mediterraneens primitifs,
des Mediterraneens modernes et des
Alpins anatoliens, identiques a ceux
d' aujourd'hui. Ce qui justifie Ie titre de
« Tchatal-Hiiyiik, ville alpino-mediterraneenne
». Il reste a justifier I' ad jectif
« tantrique » !
Le sol, en terre battue, etait recouvert
de nattes et de tapis, mais, en plus, tout
com me les murs, chaque annee il etait
badigeonne au platre colore. Les murs
etaient sou vent decores de fresques,
dont celIe du taureau rouge, mesurl'