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De l'Inde a l'Europe
Les castes, melange explosif
Les brahmanes
L'Inde aryanisee est sous la coupe des
brahmanes racistes, suffisants, imbus
de leur superiorite sur tous les autres
humains, voire sur toute la creation. IIs
sont un pur produit de l'Inde vedique.
Quand les Aryens etaient encore des
pasteurs nomades, aux eta pes, Ie soir,
ils se reunissaient autour du feu de
camp et, pour s' attirer la protection
des dieux, ils leur offraient des sacrifices,
ce qui explique Ie role central du
feu dans Ie culte vedique. Avec Ie
temps, ces rites se sont compliques,
d'ou une « specialisation », d'ou les
brahmanes, les pretres.
Manou decrete : « Pour la conservation
de la creation entiere, l'Etre souverainement
glorieux assigna des occupations
differentes a ceux qu'il avait
produits de sa bouche, de son bras, de
sa cuisse et de son pied.
» II donna en partage aux brahmanes
l' etude et l' enseignement des Vedas,
l' accomplissement du sacrifice, la
direction des sacrifices offerts par
d' autres, Ie droit de donner et celui de
recevoir.
» Le brahmane, en venant au monde,
est place au premier rang sur cette
terre; sou vera in seigneur de tous les
etres, il doit veiller a la conservation
du tresor des lois civiles et religieuses.
» Tout ce que ce monde renferme est
en quelque sorte la propriete du brahmane
; par sa primogeniture et par sa
naissance eminente, il a droit a tout ce
qui existe. »
Nous voila informes ! Et les brahmanes
prennent cela tres au serieux,
voire a la lettre.
Manou, en basant ainsi son systeme
sur la naissance, figeait non seulement
racialement mais aussi hierarchiquement
la societe aryenne, en prohibant
les mariages exogamiques, avec pour
consequence un strict cloisonnement
du systeme.
En pla<;ant les brahmanes a la tete,
Manou - brahmane lui-meme ? -
voulait eviter que les princes et les
guerriers ne s'emparent du pouvoir.
Afin que Ie brahmane puisse se consacrer
entierement a,sa mission, Manou
l'a libere de tout travail autre que
l' etude et Ie culte, en assurant son
autonomie economique, d' ou l'horreur
des brahmanes pour tout travail
manuel qu'ils considerent comme
deshonorant. A vait-il prevu tous les
abus qui en decouleraient ?
En pratique, Ie brahmane vit au crochet
de la societe, mais faut-il l' envier
pour autant ?
Meme pas car, en contrepartie,
chaque instant de sa vie est soumis a
d'innombrables tabous et a de strides
prescriptions dont certaines sont plutot
folkloriques. Jugez-en : Manou
(IV.37 et suiv.) lui defend de regarder
Ie soleil, d' enjamber une corde a laqueUe
un veau est attache, de courir
quand i1 pleut, de regarder son image
dans l' eau, d' approcher sa femme pendant
ses regles, de la regarder quand
elle mange, eternue, baille, ou est assise
nonchalamment !
Manou a tout prevu, tout regIe: quand
Ie brahmane est autorise a voyager ou
non, ce qu'il doit manger ou non (la
viande lui est permise s'ill'a benite). II
lui est interdit de danser, de chanter,
de jouer d'un instrument de musique,
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sauf quand c' est prescrit par les
Ecritures, de grincer des dents, de faire
du vacarme quand il est tache. II ne
doit pas jouer aux des, ne porte pas ses
souliers a la main, ne mange pas couche
sur un lit, etc.
Manou a ritualise un tas de superstitions
qui no us font sourire mais qui
sont prises tres au serieux. Ainsi, si
vous voulez une recette de longevite
selon Manou, la voici : « Que celui qui
veut vivre vieux ne marche pas sur des
cheveux, de la cendre, des os ou des
tessons, ni sur des graines de coton, ni
sur des fetus de paille ». (IV. 78)
Manou est aussi obsede par les
besoins naturels du brahmane!
Tant pis si je me repete : je n' en veux
a aucun brahmane personneUement
mais, par contre, Ie racisme outrancier
du brahmanisme me scandalise. Pour
defendre leur systeme, ils ont beau
dire « <;a marche depuis des millenaires,
done c'est bon », ce « donc » est
de trop. L'invasion aryenne a ete un
desastre pour l'lnde comme d' ailleurs
pour tous les peuples alpinomediterraneens
envahis par les nomades venus
des steppes. Imaginons que les Huns
nous aient va incus, detruit notre civilisation
et que nous soyons aujourd'hui
encore leurs esclaves, ainsi que nos
descendants, pendant les millenaires a
venir, et nous comprendrons Ie drame
de la civilisation harappeenne vaincue.
Un des elements du drame, Ie systeme
des castes aboutit d'ailleurs a un
paradoxe. En effet, si Ie sort des soudras
et, pire encore, celui des horscaste,
est lamentable, celui des brahmanes
n'est pas vraiment enviable non
plus. A coup d'interdits et de tabous,
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ils se sont eux-memes rendus quasiment
intouchables ! lIs seraient
presque les victimes de leur propre
systeme, obsedes qu'ils sont de« purete
», qui n' est d' ailleurs pas synonyme
de notre proprete ou hygiene. 0' abord
basee sur la couleur de la peau (souvenez-vous,
en sanscrit varna, couleur,
designe aussi les classes), 1'« impurete »
raciale des autres est devenue impurete
physique tout court et, pour la preserver
ils se sont emberlificotes dans
un imbroglio de rites qui entravent
toute leur vie quotidienne.
En Inde, par ignorance, I'Occidental
non prevenu peut commettre bien des
impairs. Ainsi, toucher de la main
gauche, meme par megarde, un quelconque
objet appartenant a un brahmane
est cense lui porter malheur. Un
brahmane orthodoxe ne vous invitera
jamais a sa table : votre ombre souillerait
son repas, qu'il devrait jeter. Au
sujet du savoir-vivre a table, si d'aventure
un hindou non-brahmane vous
invitait a manger, complimenter la
maitresse de maison a propos du repas
serait lui faire affront ! Par contre, la
politesse requiert de roter ostensiblement
et bruyamment, signe qu'on est
repu. Alors, dans Ie doute, Ie mieux
c' est de parler et de bouger Ie moins
possible!
En fait, nous sommes plutot chanceux
de n' etre ni castes, ni castres, et
de n'avoir pas « merite » de naitre
brahmane.
A propos, il est certain que denoncer
les mefaits du patriarcat aryen en Inde
et l'iniquite des castes me fera honnir
des brahmanes et des tenants du systl>me,
mais Cl' n' est pas une raison dl' Sl'