Présence_2022-9

6 PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE 2022 DOSSIER DOSSIER PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE 2022 7
UNE QUESTION DE MÉMOIRE !
UNE QUESTION DE MÉMOIRE !
grâce à tous nos efforts consentis,
mais aussi grâce à notre édification
résultant du témoignage de vie de
celles et ceux qui nous ont précédé
et que notre mémoire n’a pas trahi.
Oui, rappelons-nous à travers
tous ces noms et ces visages tout
le bien que nous avons vécu, que
nous avons reçu même. Cela me
parait être très important, car mon
expérience de prêtre et d’humain
me fait constater que l’oubli jette
au loin la mémoire des défunts.
Notre société ne nous incite pas à
la mémoire, à part les victimes de
crimes contre l’humanité. Le devoir
de mémoire se trouve relégué pour
des personnes que nous n’avons
pas connues. Les héros de la nation
et les victimes des guerres. Mais
pour nos morts, c’est notre affaire.
Dans cette période moderne dans
laquelle nous vivons, la mort est
surtout affaire de professionnels.
Le mot « mort » nous répugnons
à l’employer. Pour lisser sa trace
nous dirions plutôt « il ou elle
s’est endormi(e) » pour parler à
des adultes comme on parle à des
enfants. Il ne faut pas choquer et il
ne faut pas trop y mettre le nez. Il
faut que la mort soit lisse et douce.
Vite évacuée de notre train-train.
Pourtant c’est un devoir d’humanité
de garder conscience de la brutalité
de cette réalité. Celles et ceux que
nous avons connu ne reviendront
pas. Le rite catholique-chrétien au
moment de l’absoute ou de la prière
au cimetière éveille, réveille et sollicite
l’attention dans l’assemblée à
propos de la communion des Saints,
concrète avec nos défunts. La foi
chrétienne fait percevoir le lien, une
chaine d’union, entre nous et celles
et ceux qui nous précèdent ou nous
ont depuis longtemps précédé.
Ce sujet mérite qu’on s’y arrête un
peu. Nos prières lors de l’office des
funérailles expriment que nous
restons unis avec eux. C’est dans
le Christ que nous sommes tous
un seul corps dont nous sommes
les membres. Nous le remercions
pour cette communion qui ne
finira pas. Nous le remercions pour
les biens qu’il a répandu dans la
vie de chaque personne disparue
et notamment pour les bienfaits
que nous même et tant d’autres
ont reçu de celui ou celle qui est
parti. Nous lui demandons la purification
et l’accomplissement dans
sa gloire. Nous l’invoquons pour
nous-même et tous les vivants particulièrement
pour celui ou celle
d’entre-nous qui le premier se présentera,
à la suite, devant sa face.
Nous lui demandons de nous
maintenir sur le chemin de la Foi,
de nous éveiller et aussi d’affermir
notre volonté de servir notre prochain
et encore de faire l’expérience
de la sécurité dans la vie comme
dans la mort. Tout ce rite nous
introduit dans la communion des
Saints par la porte de nos défunts.
Il y a souvent plus de bien dans
la vie d’une personne qu’on peut
le croire. Il y a toujours une face
cachée qui couvre les faiblesses.
J’aime à ce titre l’épitre de Pierre
dans laquelle il écrit: «Avant tout,
ayez entre vous une charité intense,
car la charité couvre une multitude
de péchés». (1P4,8)
Ne nous faisons pas d’illusions, cette
communion des Saints commence
déjà dès ici-bas. Nous disons y croire
dans le Credo de la messe mais la
pratiquons nous seulement?
Je comprends bien que pour
beaucoup, croire aux Saints et à la
communion des Saints c’est très
abstrait. Pourtant, pourquoi ce qui
a commencé ici finirait ici?
Oui, tout peut finir ici pour qui
l’entend ainsi. Mais n’y a-t-il pas
une ressource cachée que seul un
peu d’effort peu nous faire découvrir
ou redécouvrir?
Penser ou repenser à celles et
ceux qui nous ont précédé et que
l’on a bien connu nous replonge
dans quelque chose de purement
humain et aussi d’extraordinaire.
Je dis extraordinaire parce qu’il y
a dans chaque vie quelque chose
d’extraordinaire. Il n’y a pas que les
héros et héroïnes à qui sont réservés
l’ordinaire et l’extraordinaire.
Nous avons tous fait l’expérience
d’une rencontre inattendue qui
nous a marqué à un moment de
notre vie. Est-ce que cela ne mérite
pas d’y repenser de temps en
temps? Derrière l’ordinaire et l’extraordinaire,
il y a des personnes
ordinaires et extraordinaires. Il y a
des humains comme nous qui, eux
aussi, avaient à faire avec la vie.
Eux comme nous, ont appris
quelques fois à leur dépens et ont
fait du mieux qu’ils ont pu. En cela
ils sont pour nous des modèles.
Certains d’entre eux ont cultivé une
vertu plus qu’une autre. Je pourrais
citer bien des vertus évoquées lors
de la préparation des funérailles;
C’est là surtout qu’on s’en souvient
pour le jour de la célébration. Mais
que deviennent ensuite tous ces
beaux témoignages? Ecrits sur un
papier, lu en public, ils finissent
au mieux au fond d’un tiroir. Qui
ira les ressusciter sinon chacun de
nous dans sa mémoire en faisant
mémoire?
Se souvenir, raviver la mémoire,
revoir en image la personne dans
notre tête fait que chaque vie
a compté. Chaque charisme a
compté pour bâtir ce monde qui
nous sert bien. Nous avons, plus
qu’à d’autres époques, la chance
de garder des photos. Cela est
vraiment une chance comparée
à l’approximatif d’une statue de
héros, ou à la toile d’une figure
illustre.
Chacun a, depuis sa création et son
développement papier, sa photo.
Avec le numérique c’est encore
mieux. On photographie à ne plus
compter. Mais là encore guette
l’oubli des photos enregistrées
dans les téléphones portables ou
les disques durs hors-service.
Réactiver la mémoire, c’est mettre
une légende à une photo, un titre
pourquoi pas. Pour que l’oubli ne
prenne pas place dans cet instant
mis en lumière. Qui est qui et qui a
fait quoi? Voilà une belle occupation
de mise en relief de l’identité
et des qualités des personnes.
Je suis toujours très marqué par la
mémoire juive qui a tenu à ce que
chaque photographie de personne
déportée et exécutée ait le nom
de la personne et que soit mis en
valeur les quelques renseignements
glanés à son sujet.
Mémorial de la Shoah – Paris
Faire mémoire concerne tout le
monde car viendra le temps de
l’oubli et ce sera la pire des choses
humainement supportable.
Comment oublier, comment
laisser effacer la mémoire de personnes
qui ont vécu. Je sais et vous
me direz tout passe et tout s’efface.
Oui, mais pourquoi ne pas prendre
les moyens de ralentir la force de
frappe de l’oubli?
Être oublié cela est déjà pénible de
son vivant alors être oublié pour
de bon et définitivement cela est
insupportable.
Heureusement il y a les madeleines
me direz-vous pour rappeler à
Proust son thé et surtout sa tante
disparue.
Une photo, une pensée, un objet
suffit à se remémorer et à redonner
vie à une personne chère et qualitativement
exemplaire, du moins
pour nous.
Célébrer la fête des morts et la
Toussaint c’est d’abord l’occasion
chaque année de s’y tenir. Même
si beaucoup diront: «nous n’avons
pas besoin de ça », je suis à peu
près certain que la majorité néglige
la pensée des trépassés.
Personne ne le fait exprès, car
évidemment c’est toujours l’oubli
qui nous guette tous, donc le
manque de mémoire et surtout
la négligence. Les trois ensemble
sont à l’œuvre, pour faire perdre
de vue nos aïeux et nos amis.
Mettre à son agenda immanquablement
cette fête, venir à l’église
mettre une bougie et faire une
prière communautaire à leur
mémoire est une tradition qui
ne doit pas se perdre, mais plutôt
se retrouver quand elle avait été
perdue. Perdue la fête, perdu soimême!
Je le redis, la mémoire nous édifie,
elle garde notre structure interne
et notre identité. Je dis qu’il faut en
profiter pour la raviver avant qu’elle
«fiche le camp». Je crois que celles
et ceux qui nous ont précédés nous
sont du plus grand secours à ce propos.
Ils méritent qu’on se souvienne
d’eux et qu’on ravive leur mémoire.
Nous méritons que grâce à eux
soient ravivés nos meilleurs instants
et par là nos qualités acquises
grâce à leur exemple et à leur
contact.
Un peu régulièrement, et une fois
à la fête annuelle arrivée, ravivons
la mémoire des Saints que nous
avons connus et fréquentés. Ne
croyez-vous pas?
Jean Lanoy, Curé
Publications
de Francis Kaufmann
Portrait de quinze Montagnons
originaux,
Changement d’ère
Arrêt sur image
Histoire vécue de la race
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Le Miston
La fourche et la plume,
mémoires d’un Montagnon
Édouard Jeanmaire,
le seigneur de La Joux-Perret
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