Boxoffice Pro n°447 – 28 juin 2023
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©Cécile Vargoz<br />
Kaouther Ben Hania et Nadim Cheikhrouha, à Montpellier le 20 <strong>juin</strong><br />
Le film ménage un vrai suspense : vous indiquez<br />
juste au début que les deux aînées ont<br />
été « dévorées par le loup » ?<br />
La symbolique du Petit Chaperon rouge ressemble à leur<br />
histoire : grandir, c’est rencontrer le danger, le désir et la<br />
sexualité, et c’est la façon dont je voulais raconter cette<br />
histoire. L’adolescence me fascine, c’est l’âge de la métamorphose.<br />
Et les questions de transmission et d’éducation<br />
résonnent au-delà de la Tunisie. En France aussi, nous<br />
avons des réactions dans les débats qui montrent que<br />
beaucoup de femmes, élevées dans la tradition catholique,<br />
se reconnaissent dans le film.<br />
Le film est à la fois poignant mais jamais plombant<br />
<strong>–</strong> il a d’ailleurs reçu le Prix du cinéma positif<br />
à Cannes. Était-ce votre volonté de garder de<br />
l’humour et de transmettre de l’optimisme ?<br />
C’est surtout grâce aux deux jeunes filles qui rient tout<br />
le temps. Le contraste entre leur humour et la tragédie<br />
que l’on raconte était passionnant. Ces filles ont une<br />
lucidité, une capacité d’autodérision et une force de<br />
résilience extraordinaires. Elles n’ont eu aucune éducation<br />
féministe, mais ont une façon organique de se défendre.<br />
Sans elles, s’il y avait eu seulement la mère, je n’aurais<br />
jamais fait le film.<br />
<strong>Pro</strong>pos recueillis par Cécile Vargoz<br />
3 QUESTIONS À NADIM CHEIKHROUHA,<br />
PRODUCTEUR (TANIT FILMS)<br />
Chaque film tunisien qui marche<br />
ouvre la porte aux autres<br />
Le film est une coproduction entre la Tunisie (à<br />
20 %), la France, l’Allemagne et l’Arabie saoudite.<br />
Est-ce que le ministère de la Culture tunisien<br />
finance autant les films qu’avant ?<br />
L’enveloppe n’a pas diminué, mais il y a de plus en plus<br />
de projets et c’est donc de plus en plus difficile. Il y a<br />
quelques années, la commission examinait 10 projets et<br />
en retenait 4 ; aujourd’hui, il y a 25 projets de longs<br />
métrages chaque fois. Cela montre le dynamisme de<br />
notre production <strong>–</strong> on voit plusieurs films tunisiens dans<br />
chaque grand festival, dans des genres vraiment différents,<br />
par de nouveaux réalisateurs. Mais aucun de ces films ne<br />
se finance à 100 % en Tunisie. Sur notre budget de<br />
900 000 €, le ministère en a donné 180 000. Il y a aussi<br />
des apports privés [comme celui de Cinétéléfilms, structure<br />
de production tunisienne créée il y a 40 ans, ou,<br />
pour la France, celui de Jour2Fête ndlr].<br />
Comment se passe la distribution en Tunisie et<br />
comment le film sortira-t-il ?<br />
Il y a trois distributeurs en Tunisie : Hakka Distribution,<br />
qui sortira Les Filles d’Olfa après avoir accompagné les<br />
précédents films de Kaouther [et qui exploite aussi des<br />
salles art et essai dans le pays, ndlr.], Goubantini Films<br />
et maintenant Pathé BC Afrique. Et contrairement à<br />
beaucoup d’autres pays, ce sont les films tunisiens qui<br />
marchent le mieux en salle. Le vrai souci en Tunisie reste<br />
le piratage, particulièrement pour les films américains.<br />
Le parc de salles reste petit, avec une quinzaine de cinémas<br />
en tout, dont les multiplexes Pathé qui eux aussi font<br />
leurs meilleurs chiffres avec les films nationaux. Le film<br />
sortira entre octobre et décembre, beaucoup de salles<br />
fermant en été. Je suis sûr que Les Filles d’Olfa va devenir<br />
un fait de société en Tunisie, où Kaouther est connue.<br />
Ses films précédents ont été d’autant plus vus qu’ils ont<br />
rayonné à l’international.<br />
Peut-on parler d’une Nouvelle vague de cinéastes<br />
tunisiens ?<br />
On ne peut pas parler de Nouvelle vague sur le plan<br />
esthétique, mais d’une vague d’émulation, pour des<br />
cinéastes qui n’ont pas peur d’essayer et ont de l’ambition.<br />
Quand on voit des films tunisiens aller aux Oscars ou<br />
en compétition à Cannes, puis sortir à l’étranger <strong>–</strong> ce<br />
qui, pendant longtemps, n’était plus le cas <strong>–</strong>, c’est un<br />
encouragement fort, et les autorités suivent. Chaque film<br />
tunisien qui marche ouvre la porte aux autres.<br />
C.V.<br />
N°447 / <strong>28</strong> <strong>juin</strong> <strong>2023</strong><br />
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