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L e g a l & Fi n a n c e Vous gardez des Suez en portefeuille? Electrabel: place aux Français! Michel Visart “Gérard Mestrallet, premier ministre”, c’était en octobre dernier le titre d’un journal francophone qui résumait ainsi l’accord conclu entre le gouvernement fédéral et le groupe français Suez à propos d’Electrabel. Aujourd’hui, l’offre publique d’achat est terminée et l’on peut dire sans exagération que c’est bien à Paris que seront prises à l’avenir les décisions stratégiques de notre pays en matière énergétique. Guy Verhofstadt a bien sûr obtenu toute une série de garanties. Elles vont de la cotation de Suez sur Euronext Bruxelles au renforcement du centre de coordina- tion du groupe en Belgique en passant par une réduction du poids de Suez dans l’actionnariat d’Elia, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité à hau- te tension. Mais en contrepartie, Suez a décroché l’essentiel de ce que souhaitai- ent ses dirigeants. Il est dorénavant maî- tre à 100% de sept centrales nucléaires amorties dont très rentables, il dispose d’une capacité de crédit d’environ 3 mil- liards d’euros, soit 75% de la réserve du fond de démantèlement constitué au fil des ans par les consommateurs et il garde la majorité dans Fluxys, le gestion- naire du réseau de gaz dont le potentiel de croissance est très important. Gérard Mestrallet et Jean-Pierre Hansen, les n° 1 et 2 de Suez ont donc toutes les raisons d’être satisfaits. La question qu’il faut se poser est la suivante: cette situation est-elle vrai- ment problématique et pour qui? Nous allons essayer d’y répondre en partant du plus petit, le consommateur final, au plus grand, c’est-à-dire l’Etat. Vive l’Europe Pour le consommateur final, cela ne change pas grand-chose. Que Suez soit maître à 50% ou à 100% d’Electrabel, c’est presque du pareil au même. Quand Electrabel était encore 100% belge et détenait un monopole intégral sur la production, le transport et la vente, même via les intercom- munales, le consom- mateur n’était certai- nement pas gagnant, ni en termes de qualité des services, ni pour le prix. Le vrai changement n’a rien à voir avec la nati- onalité de l’actionnariat du principal électricien de Belgique mais avec l’ouverture du marché imposé par l’Union eu- ropéenne. Les entrepri- ses de tout le pays et les consommateurs indivi- duels flamands le savent bien, eux qui profitent de la concurrence de plus en plus vive entre les fournisseurs. Pour les investisseurs petits et grands, la disparition boursière d’Electrabel mo- difie quelque peu le paysage boursier d’Euronext Bruxelles. Depuis des décen- nies, l’électricien constituait un pilier rassurant de notre petit marché local, typiquement le placement “bon père de famille”. Avec Suez, il n’en va pas tout à fait de même car la part de risque s’est considérablement agrandie. Les éparg- nants qui souhaitent dormir sur leurs deux oreilles ne doivent pas garder des Suez en portefeuille. Le risque est certes limité, mais il est bien présent tant au niveau de l’activité que de l’actionnariat où le groupe Albert Frère est dominant. Cette notion de risque n’est pas néga- tive, au contraire même les possibilités de croissance ne sont pas négligeables, mais c’est moins confortable pour le pe- tit investisseur soucieux de tranquillité. Manque à gagner Pour les communes, qui ont pendant des années tiré de jolis dividendes de leur participation de près de 5% en Electra- bel, il y aura un petit manque à gagner mais en contrepartie des possibilités nouvelles d’investissements au profit des citoyens. Et n’oublions pas qu’elles sont toujours présentes dans la distribu- Suez est dorénavant maître à 100% de sept centrales nucléaires amorties dont très rentables, il dispose d’une capacité de crédit d’environ 3 milliards d’euros, tion de l’électricité et du gaz ce qui reste stratégiquement important. A propos du gaz, et c’est le principal regret qu’elles peuvent avoir, une montée en Fluxys au- rait pu être très lucrative dans le futur. Voilà pourquoi le gouvernement peut se mordre les doigts d’avoir presque tout accepté de Suez. Pour l’Etat, le pacte conclu avec les Français, que l’on appelle déjà la “pax electrica”, ne constitue pas un abandon en rase campagne. On peut regretter que la Belgique ait perdu toute réelle maî- trise de sa politique énergétique, mais les jeux étaient fait depuis la prise de majorité de Suez dans Electrabel il y a des années. Les dernières péripéties ne constituent que la suite logique de dé- cisions antérieures et elles s’inscrivent dans l’évolution générale des marchés de l’énergie en Europe. Pour que le pou- voir électrique reste au pays, il aurait fallu que se développe chez nous un gé- ant européen de l’énergie ce dont nous n’avons pas été capables. Finalement Suez n’est pas une si mauvaise solution car les Belges pèsent lourd dans son ac- tionnariat et puis les regrets sont inuti- les. October/November 2005 <strong>CxO</strong> Magazine 41 cxo-34-octnov.indd 41 21/11/2005 12:34:05