MALERIER
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D ANS un paysage baigné de lumiére, dans lequel<br />
les étres se modélent comme des grisailles colorées,<br />
ou l'académique ne voit que la lumiére blanche,<br />
å l'état épandu, l'impressioniste la voit baignant<br />
tout non de morte blancheur, mais de mille combats<br />
vibrants, de riches décompositions prismatiques. Ou<br />
l'académique ne voit que le dessin extérieur enfermant<br />
le modelé, il voit les réelles lignes vivantes sans<br />
forme géométrique mais båties de mille touches<br />
irréguliéres qui, de loin, établissent la vie. Ou l'académique<br />
voit les choses se plagant å leurs plans respectifs,<br />
réguliers selon une carcasse, réductible å un<br />
pur dessin théorique, il voit la perspective établie par<br />
les mille riens de tons et de touches, par les variétés<br />
d'états d'air suivant leur plan non immobile mais<br />
remuant.<br />
En somme l'æil impressioniste est dans l'évolution<br />
humaine l'æil le plus avancé, celui qui jusqu'ici<br />
a saisi et a rendu les combinaisons de nuances les<br />
plus compliquées connues.<br />
L'impressioniste voit et rend la nature telle quelle<br />
est, c'est-å-dire uniquement en vibrations colorées.<br />
Ni dessin, ni lumiére, ni modelé, ni perspective, ni<br />
clair-obscur, ces classifications enfantines: tout cela<br />
se résout en réalité en vibrations colorées et doit étre<br />
obtenu sur la toile uniquement par vibrations colorées.<br />
Jules Laforgue: Mélanges posthumes.