Kunstbulletin April 2022

partir de données issues de plus de 300 œuvres du célèbre peintre hollandais ainsi
que sa touche picturale, scannées et analysées puis converties par un algorithme de
deep learning …
Plusieurs installations m’ont paru particulièrement intéressantes, celles qui
traitent d’objets, de lieux, d’architectures qui ont disparu, été détruits ou simplement
interdits de visite. Les ‹Clouds of the ancient world›, 2021, par l’entreprise Iconem,
explorent huit sites antiques modélisés à partir de photogrammétrie aérienne
(dont Alep et Palmyre en Syrie, Leptis Magna en Lybie ou la Vallée de Bamiyan en
Afghanistan). L’installation interactive nous permet de circuler dans le site, s’arrêter
sur une partie et découvrir quelques architectures grâce à ces reconstructions
en nuages de points. Il s’agit bien de copie, avec la réplique de ‹Paysage des quatre
saisons avec Soleil et Lune›, un double paravent considéré comme trésor national du
Japon et conservé dans un temple bouddhique à Osaka fermé au public. Facsimilé,
imprimé en 2.5 sur papier japonais, il est accompagné de son double numérique en
très haute résolution affiché sur un écran tactile qui permet d’approcher visuellement
tous les détails de textures, de patine et de dessin de ce paysage historique.
Last but not least, ‹Double Truth›, 2021 de Sarah Kenderdine est une installation singulièrement
captivante. Le titre prend appui sur la thèse de la double vérité qui, dans
le bouddhisme est celle du commun et celle de l’absolu. L’installation est une plateforme
circulaire que le spectateur peut faire tourner dans un sens pour observer les
quinze sculptures bouddhiques vénérées. La rotation dans l’autre sens permet de
découvrir leurs matérialités, des détails de gravure dans une sorte d’enchaînement
d’images qui se fondent, se fragmentent, se transforment. ‹Double Truth› fait partie
d’un projet de recherche et d’expositions (‹The Atlas of Maritime Buddhism›) mené
par le Laboratory for Experimental Museology, EPFL (eM+) et qui est la plus grande
archive au monde d’images 3D de sites et d’objets répartis dans plusieurs pays
d’Asie du Sud-Est.
Double vérité
Comment les musées, dans leurs réflexions sur leurs projets de développement
en concomitance avec les changements du monde, vont-ils ou peuvent-ils intégrer
des technologies spécifiquement avancées dans les recherches sur l’image ? Certaines
des installations de ‹Deep Fakes : Art and Its Double› paraissent en adéquation
immédiate avec des expositions traitant notamment de l’antiquité ou de l’archéologie.
Mais l’apport majeur de cette présentation est la thèse centrale de ces recherches
et son application qui ne peut qu’enrichir le travail scientifique des musées
dans leur mission d’outil de connaissances et de transmission.
Françoise Ninghetto, historienne de l’art, conservatrice honoraire MAMCO Genève. f.ninghetto@bluewin.ch
→ ‹Deep Fakes – Art and Its Double›, EPFL Pavilions, Lausanne, jusqu’au 1.5. ; l’exposition est accompagnée
d’une plaquette et d’une feuille de code-barres avec des explications additionnelles.
Le site web offre des videos des conversations avec différents experts. ↗ www.epfl-pavilions.ch
FOKUS // L’ÉMANCIPATION DU DOUBLE
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