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application/pdf : 241 Ko - Abeille Musique

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Chanson pour Francesca MUSIQUE EN ITALIE, 1330–1430<br />

E<br />

N ITALIE, le XIV e siècle fut marqué par une culture<br />

musicale florissante et singulière. Pourtant, au début des<br />

années 1400, les auditeurs italiens étaient devenus férus<br />

des compositeurs français et nord-européens. Cet enregistrement<br />

explore le contraste entre ces deux répertoires : l’italien<br />

autochtone et le français d’emprunt.<br />

Les pistes 1 à 9 révèlent la vigueur et l’indépendance<br />

de la tradition italienne au siècle de Pétrarque et de Boccace.<br />

Notre titre vient de la ballata monophonique Amor mi fa cantar<br />

a la Francesca 6, ce qui signifie à la fois « L’amour me<br />

fait chanter à Francesca » et « L’amour me fait chanter à la<br />

française ». Cette pièce charmante pourrait incarner le genre<br />

de musique que la jeunesse bien née du Décaméron de<br />

Boccace chantait et jouait dans les villas toscanes pendant la<br />

peste de 1348. Elle est conservée dans le manuscrit Rossi 215<br />

du Vatican, qui provient du cercle musical constitué autour<br />

d’Alberto della Scala, à Padoue (dans les années 1330 et<br />

1340) et à Vérone (après 1337). Ce manuscrit, qui se trouve<br />

être le plus ancien recueil de polyphonie profane italienne,<br />

recèle notamment Quando i oselli canta 3, une œuvre qui<br />

montre, dans leur état premier, d’importants aspects du style<br />

polyphonique du trecento. Il s’agit d’un madrígal, une forme<br />

typiquement italienne (à ne pas confondre avec son équivalent<br />

de la Renaissance) qui compte généralement deux ou trois<br />

stances de trois vers chacune (terzetti), suivies d’un ritornello.<br />

Dans la pratique conventionnelle, tous les terzetti avaient la<br />

même musique, le ritornello ayant la sienne propre. Toutes ces<br />

caractéristiques formelles figurent dans Quando i oselli canta<br />

qui, comme la plupart des madrigaux et ballate du trecento<br />

(mais en contraste absolu avec l’essentiel du répertoire<br />

français du XIV e siècle), est une composition à deux parties. La<br />

voix supérieure présente un caractère fleuri et quelque peu<br />

virtuose ; l’inférieure, elle, se meut en valeurs de notes plus<br />

longues, affichant une simplicité rythmique délibérée et une<br />

prédilection pour le mouvement par degrés conjoints. Parfois,<br />

le contraste entre ces deux parties est très marqué, et l’on<br />

comprend un peu mieux pourqoui le théoricien padouan<br />

Antonio da Tempo (Trattato delle rime volgari, 1332)<br />

considérait les sections rustiques (partes rusticales) comme<br />

un trait caractéristique du madrígal ; il y a un indéniable<br />

quelque chose de la cornemuse dans l’effet de pédale, là où le<br />

compositeur met en musique « La pasturele », dans le premier<br />

terzetto de Quando i oselli canta. Car il est fort possible que<br />

le style à deux parties du trecento ait d’abord pris la forme<br />

d’un chant homophonique improvisé, dont les origines<br />

pourraient bien être et populaires et vocales / instrumentales.<br />

Le ritornello de Quando i oselli canta, par exemple, n’est guère<br />

plus qu’une série de quintes parallèles avec, ça et là, quelques<br />

notes de passage et de sporadiques octaves pour marquer les<br />

points structurels clé de la musique.<br />

Ce style à deux parties, présent dans tant de pièces<br />

italiennes du trecento, a souvent été décrit comme un style<br />

dans lequel la voix inférieure « accompagne » la supérieure<br />

mais, dans les faits, la relation artistique des deux parties est<br />

plus complexe. Là encore, Quando i oselli canta est une œuvre<br />

parlante, car sa partie inférieure affecte la forme mélodique<br />

ABA (en ne comptant pas le ritornello). Cette forme n’est<br />

cependant pas celle de la partie supérieure, qui pourrait donc<br />

être perçue comme une décoration de la « mélodie » à la voix<br />

inférieure. Avec tout le répertoire du trecento, nous courons le<br />

risque de nous polariser sur la mauvaise partie. Même une<br />

pièce ornée comme Quando la stella 5, un madrígal de<br />

Giovanni da Cascia (Johannes de Florentia), requerrait peutêtre<br />

que nous nous focalisions sur le texte, distinctement et<br />

fermement déclamé par la mélodie à la partie inférieure.<br />

Notre illustration des dernières phases de la polyphonie<br />

de l’Italie du Nord repose sur la musique instrumentale du<br />

répertoire franco-italien contenu dans le codex de Faenza 4 et<br />

7, ainsi que sur les ballate de deux compositeurs florentins :<br />

le célèbre Francisco Landini 8 et 9, et son remarquable,<br />

mais méconnu, collègue Andreas de Florentia 1 et 2.<br />

(Johannes Ciconia, dont la musique trouverait volontiers sa<br />

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