Chapter 2 - Charleston School District
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Répétons qu’il n’y a pas UNE langue des jeunes, mais<br />
DES langues des jeunes. C’est la langue des cités (les<br />
grands ensembles des zones urbaines) qui est la plus<br />
dynamique. Cette langue invente, emprunte, modifie des<br />
mots et leur donne un sens qui n’est pas nécessairement<br />
le même que le mot original. Mais cette langue varie selon<br />
les endroits: à Marseille un «mia» (beau garçon en parler<br />
local) est un «gossbo» (beau gosse à l’envers) dans la<br />
région parisienne.<br />
Quelques indications pour<br />
comprendre les jeunes<br />
Toutes les tendances d’une langue changent très vite.<br />
Néanmoins certains procédés semblent rester en usage.<br />
Le «djeun’s» utilise beaucoup de préfixes:<br />
hyper comme dans «hyper rare»<br />
super comme dans «super-potes»<br />
ultra comme dans «ultra mode»<br />
archi comme dans «archi-nul»<br />
méga comme dans «méga fan»<br />
Il coupe les mots au début ou à la fin. Il coupe même<br />
les expressions:<br />
ado pour «adolescent»<br />
bio pour «biologique»<br />
compo pour «composition»<br />
Ricains pour «Américains»<br />
comme d’hab’ pour «comme d’habitude»<br />
À tout’ pour «À tout à l’heure»<br />
Il incorpore le verlan. Le verlan est un langage codé<br />
qui existe depuis le seizième siècle! Le verlan a été<br />
réactivé dans les cités au début des années 80 et<br />
incarnait une certaine position de révolte. Il consiste à<br />
inverser les syllabes (à l’envers = verlan). On met<br />
littéralement les mots à l’envers, tout comme la<br />
casquette sur la tête. Le verlan n’est plus utilisé<br />
systématiquement, mais certains mots sont restés,<br />
surtout en région parisienne. Par exemple, tous les<br />
membres de la famille sont présents.<br />
1 tsiganes Gypsy<br />
Leçon 3<br />
Journalisme Journalisme<br />
famille mille + fa (le lle tombe) la mifa<br />
les parents rents + pa (le a tombe) les renps<br />
le père re + pè (le è tombe) le reup<br />
la mère re + mè (le è tombe) la reum<br />
les frères res + frè (le rè tombe) les reufs<br />
les sœurs res + sœu (le œu tombe) les reus<br />
On peut aussi «verlaniser» des expressions: «comme<br />
ça» devient «askeum». Il y a même un verlan du verlan (le<br />
veul). Ainsi une femme devient une «meuf» en verlan et<br />
une «feum» ou «feumeu» en veul.<br />
Le français des jeunes emprunte des mots, surtout<br />
aux langues des communautés immigrées. Les sources<br />
majeures sont tout d’abord l’arabe auquel on emprunte<br />
du vocabulaire depuis longtemps mais plus récemment<br />
avec «ahchouma» (honte), «casbah» (maison) et «kiffer»<br />
(aimer, s’amuser). Certains mots comme «raclo», «racli»<br />
(garçon, fille) viennent de langues tsiganes 1 . Diverses<br />
langues africaines ont aussi leur influence: «gore»<br />
(garçon, avec son féminin francisé «gorette» pour fille),<br />
«faya» (fatigué).<br />
Et bien sûr, il y a l’anglais avec «hypercool», «flashy»,<br />
«flipper» («to flip» + er), etc.<br />
Et puis il y a les créations de mots amusantes et<br />
pleines d’inventions. Le mot «kisdé» (policier) vient d’une<br />
définition ironique du policier: «celui qui se déguise»<br />
devient «qui se dé», donc «kisdé». Le mot «tchatcher»<br />
(parler) vient de «cha-cha» qui veut dire «le chant de la<br />
cigale» en provençal. Une cigarette s’appelle une<br />
«nuigrave» de l’inscription «nuit gravement à la santé»<br />
qui figure sur les paquets de cigarettes. Quant au mot<br />
«grave», il veut dire beaucoup de choses, mais jamais<br />
«alarmant» ou «sérieux», qui sont ses sens initiaux.<br />
«Grave» peut signifier «oui» pour accepter ou «ouais!»<br />
pour renforcer ce qu’on vient de dire. Il peut signifier<br />
«très»: «Il est grave beau.» Il peut vouloir dire «imbécile»:<br />
«Il est grave!» Mais attention! «Mortel» ou «criminel» a<br />
un sens positif. Si vous entendez dire d’une fille qu’elle est<br />
«criminelle», ne vous trompez pas, on parle de sa beauté<br />
et il s’agit bien d’un compliment!<br />
LES VACANCES JEUNES quatre-vingt-quinze trente-sept 95