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3 > 23 décembre 2012 COCHONS D’INDE<br />
ENTRE THÉÂTRE DE BOULEVARD ET THÉÂTRE DE L’ABSURDE.<br />
Entretien avec Sébastien Thiéry réalisé par Anna Kubista sur Radio Prague, novembre<br />
2011<br />
Vous êtes-vous inspiré d’un événement particulier de l’actualité ?<br />
Oui, il y a quelques années, la société d’acier français Arcelor a été ra<strong>ch</strong>etée par Mittal, une<br />
grande société indienne. Donc une grosse société indienne ra<strong>ch</strong>etait une société française<br />
déjà très importante. Soudain, on se rendait compte que les Indiens, qui étaient les pauvres il<br />
y a quelques années, deviennent les ri<strong>ch</strong>es et ra<strong>ch</strong>ètent les sociétés françaises. Il y a aussi un<br />
rapport entre le client de la banque et le gui<strong>ch</strong>etier, qui est un petit monsieur et qui a soudain<br />
le pouvoir sur le bourgeois, tout comme les Indiens ont le pouvoir sur les Occidentaux.<br />
C’est un peu le principe du carnaval, de l’inversion des rôles ?<br />
Je ne sais pas, je ne suis pas familier des carnavals. Mais j’aime bien l’idée qu’un bourgeois<br />
qui a de l’argent doive rendre des comptes à quelqu’un qui a peu de pouvoir, tout comme un<br />
Français doit rendre compte à des Indiens, alors qu’on les méprisait il y a une certaine<br />
époque. D’ailleurs on les méprise sans doute encore aujourd’hui, alors que ce sont eux qui<br />
ont l’argent et le pouvoir.<br />
Le personnage paye pour l’arrogance de l’Occidental…<br />
Chacun son arrogance, au final personne ne fait de cadeau à personne. J’aime bien l’idée que<br />
les ri<strong>ch</strong>es doivent rendre compte aux pauvres et que d’un coup les <strong>ch</strong>oses basculent…<br />
C’est un huis-clos, ça se passe dans une banque pendant environ 24h. Quand<br />
on lit des critiques sur cette pièce, le terme qui revient le plus fréquemment,<br />
c’est « kafkaïen »… […]<br />
[…] Je ne connais pas bien Kafka, mais je me suis renseigné puisqu’on m’a comparé à lui,<br />
même si je n’ai pas son talent. Il y a cette <strong>ch</strong>ose en commun qui est de ne pas comprendre<br />
pourquoi, comme dans Le Procès, on demande des comptes à cet homme. C’est totalement<br />
injustifié, on ne lui expliquera jamais pourquoi. Un peu comme <strong>ch</strong>ez Kafka, il y a la volonté de<br />
faire rire avant tout. C’est moins connu, mais Kafka pensait que ses œuvres étaient<br />
comiques… En tout cas, la mienne l’est résolument. Il y a cela de commun entre nos deux<br />
univers.<br />
Cet humour et cette ironie, c’est quelque <strong>ch</strong>ose que vous re<strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ez dans<br />
l’écriture de vos pièces ou bien est-ce spécifique à cette pièce-ci ?<br />
J’ai commencé par écrire des sket<strong>ch</strong>es totalement absurdes et puis j’ai voulu pouvoir faire<br />
tenir l’absurde pendant une heure et demi. C’est un défi bien sûr. Mes pièces empruntent aux<br />
règles du théâtre de l’absurde et du théâtre de boulevard. J’essaye de marier deux théâtres<br />
et d’en faire un qui est le mien désormais. J’ai écrit quatre, cinq pièces depuis Co<strong>ch</strong>ons<br />
d’Inde et elles obéissent toutes aux même règles : il y a toujours une situation de départ<br />
complètement absurde, avec souvent un bourgeois – je dois avoir un compte à régler avec<br />
eux ! – qui se retrouve empêtré dans une situation, essaye de s’en sortir sans comprendre ce<br />
qui lui arrive.<br />
L’absurde est-il, selon vous, le reflet de notre époque ?<br />
L’absurde est le reflet de beaucoup d’époques. Je pense que l’absurde est né après la<br />
première guerre mondiale et surtout après la seconde parce qu’on avait atteint un tel niveau<br />
dans l’horreur. L’absurde vient de là, je crois. De l’absurdité de la vie. L’absurde reflète<br />
l’époque actuelle mais bien d’autres aussi. Je pense que cela fait un bout de temps que le<br />
monde mar<strong>ch</strong>e sur la tête. En tout cas, les gens y sont sensibles.<br />
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