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18 février > 10 mars 2013<br />
SSIMPLE LOVE STORY<br />
Denis Maillefer, mai 2012<br />
IN LOVE WITH FEDERER<br />
C’est un projet simple, un projet de la famille des projets autofictionnels, sans texte<br />
préalable. Un projet que j’ai envie de faire depuis longtemps. Un projet qui se raconte vite, en<br />
quelques phrases, qui a beaucoup d’inconnues et plein de promesses.<br />
Deux types, à moitié supporters passionnés, à moitié rêveurs et à 10% sociologues du sport,<br />
viennent dire, raconter, mimer, expliquer, pourquoi ils aiment tant Federer. Pourquoi ils se<br />
lèvent à pas d’heure pour regarder un 8ème de finale contre le 78ème joueur mondial,<br />
pourquoi ils s’envoient des sms multiples pendant les mat<strong>ch</strong>s pour commenter de concert<br />
ce qu’ils voient ensemble et à distance. Pourquoi ils aiment ce revers si élégant, pourquoi ils<br />
sont stupidement à genoux en train de prier pour que ce joueur qui est en train de gagner un<br />
million en quelques heures réussisse à débreaker Djokovic. Pourquoi ils ont envie de lui<br />
envoyer des lettres de consolation lors des rares défaites, pourquoi l’un de ces deux<br />
individus a réussi un jour à regarder un mat<strong>ch</strong> de Federer sur une télé qui n’avait que le son<br />
[…]<br />
Dans ce projet, deux hommes : Bastien Semenzato et Denis Maillefer. Ce n’est pas vraiment<br />
une distribution. C’est un projet qui est né de leurs discussions enflammées, parfois<br />
dévastées (après des défaites). Puis l’évidence de monter ce projet ensemble […].<br />
La proposition de base est de travailler sur la confession, vraie et/ou fausse. Une manière de<br />
faire que je pratique depuis quelques années déjà, et qui ici prendrait une forme<br />
particulière : je parle de moi mais en parlant essentiellement d’un autre, que <strong>ch</strong>acun connaît<br />
[…]<br />
Les deux acteurs racontent, rejouent leur propre rôle, citent des articles élogieux. Peut-être<br />
que l’un d’eux se déguise furtivement en Roger Federer. Et surtout, ils s’interrogent sur<br />
l’idée même de la beauté, parce qu’au fond, c’est de cela qu’il est question, et rien d’autre,<br />
c’est pour cela que je regarde, profondément, pour apercevoir le geste pur. Et nous<br />
emprunterons à ce propos les réflexions brillantes de Scala (Les Silences de Federer) qui<br />
parle magnifiquement bien du présent, du geste, de la possible impossibilité du récit<br />
contemporain lié au sport. Il parle de la beauté, de l’amour, et il le fait avec son regard de<br />
philosophe, avec des mots simples et une profondeur splendides […].<br />
On peut gloser, et nous le ferons, sur le tennis, sur son lien avec la psy<strong>ch</strong>ologie, avec<br />
l’antiquité, avec la définition que l’on a de ses propres capacités. Pourtant, ce n’est pas le<br />
principal. Ce que nous <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ons à dire, maladroitement, comiquement (j’espère), c’est :<br />
pourquoi cet amour ? Et, également : que fait-on de l’amour ? Comment est-on transformé<br />
par cet amour, et par l’amour en général ?<br />
Et enfin : que fait-on de cette joie, aussi absurde et violente, procurée par le jeu (et, ne le<br />
ca<strong>ch</strong>ons pas, la victoire) de Roger Federer ? J’aime regarder le tennis parce que c’est une<br />
activité qui se pratique au présent. Et absolument au présent. Si Roger Federer se met à<br />
penser au point d’après, il est perdu […]. Le joueur de tennis, et Roger Federer plus que tous<br />
les autres, n’a pas d’autre projet que l’instant, que le millième de seconde de ce revers, si<br />
semblable au millions de revers joués dans sa vie et pourtant unique, totalement nouveau et<br />
réinventé.<br />
Ce sera un spectacle sur l’amour, le moment présent, la beauté du geste, et l’absurdité de<br />
se projeter sur un inconnu célébrissime qui tient une raquette dans la main.