Quand le terroir est dans le fromage… - La chèvre

enforcer. On trouve ainsi en Drôme un fascicule "Un tour à la ferme", financé par les communautés
de communes du Val de Drôme et du Pays de Dieulefit, qui recense toutes les exploitations qui sont
inscrites dans les réseaux "Gîtes de France", "Accueil Paysan", "Bienvenue à la Ferme" et "Agriculture
Biologique". Le Pays de Haute Provence, aidé de la Région PACA, a financé quand à lui la constitution
et la promotion des "Itinéraires Paysans", qui sont des visites à la ferme. Ces initiatives s’inscrivent
dans cette démarche de construction et de valorisation des territoires, où les chevriers, acteurs de
l’entretien et de l’animation des territoires, sont désormais attendus. Opportunité ou transmission
d’une passion, dévoiement ou impossibilité d’en bénéficier, avant de se centrer sur le regard et
l’expérience des éleveurs sur cette situation, il nous paraissait utile d’en éclairer la dynamique.
C. La filière caprine et ses territoires
Une filière récente et bicéphale
Longtemps restée activité domestique, l’élevage caprin n’est devenu une activité marchande qu’à
partir des années 1960. Avant, la production fromagère était vivrière, et n’a jamais représenté un
débouché économique tel qu’en Savoie ou dans le Pays Basque. Cette profession se caractérise donc
tout d’abord par sa jeunesse. L’existence officielle du métier de chevrier devra attendre le premier
décret "d’installation en élevage spécialisé caprin", paru en 1984 et appliqué en 1986. Un chevrier
installé en 1976 dit ainsi avoir exercé pendant dix ans « un métier clandestin », soulignant combien
cette reconnaissance était nécessaire pour que vive ce métier : les Chambres d’Agriculture n’ont pris
en compte cette activité qu’à partir de cette date dans leur rôle de défense de la filière et de conseil
technique. Il en a été de même du Crédit Agricole, qui s’appuie sur les institutions professionnelles
pour définir ses critères d’accès aux prêts. Cette institutionnalisation est allée de pair avec la
croissance des normes sanitaires, qui a considérablement joué dans la rationalisation et la
technicisation de l’élevage. Le premier texte portant sur les obligations sanitaires concernant les
fromages date de 1973, et se durcit considérablement en 1979. En 1992, c’est un texte européen qui
légifère sur le lait cru. Enfin, l’institutionnalisation du métier a été hâtée par la professionnalisation
imposée aux agriculteurs en général : l’installation a été conditionnée à une surface ou un cheptel
minimal, et les aides conditionnées à l’obtention d’un diplôme agricole.
L’histoire récente de ce métier reflète le double mouvement qui a marqué les territoires ruraux
durant ces 40 dernières années. D’une part, en tant que filière d’élevage, elle a suivi le même
mouvement qui a caractérisé l’ensemble de l’agriculture en France depuis le sortir de la guerre : celui
de l’intensification de l’élevage. D’autre part, elle a été portée par des hommes précurseurs,
notamment les néos-ruraux (« les néos" »), qui ont refusé précisément cette tendance en s’installant
comme chevriers fermiers. Cette double tendance se retrouve dans la structure de la filière caprine
qui se dédouble pour donner corps au métier de "laitier" et à celui de "fromager". Ce dernier
transforme lui-même le lait que ses chèvres ont produit, puis vend ses fromages, le plus souvent à la
ferme ou sur des marchés locaux, mais aussi à des restaurants ou des petits intermédiaires, comme
les épiceries. Parmi eux, on compte les chevriers livrant aux affineurs*. Le "laitier", quant à lui,
produit et vend uniquement le lait, un transformateur vient ensuite le collecter pour le revendre une
fois transformé en fromage, le plus souvent à la grande distribution. Ce mode de commercialisation
est donc moins direct puisqu’il passe par au moins deux intermédiaires : le transformateur qu’est
l’industrie agro-alimentaire, puis le distributeur qui est en général la centrale d’achat des grandes
enseignes. En France, la filière laitière fournit la majeure partie de la production (industrielle), qui
fabrique et distribue à elle seule 90 % 11 de tous les fromages de chèvres vendus en France en 2006 12.
Ainsi, au niveau national, s’est constituée une imposante "filière industrielle" et une petite "filière
fromagère".
Chacune de ces deux filières est présente dans le sud-est (qui regroupe les régions PACA et
Rhône-Alpes), et plus précisément dans nos deux territoires d’étude. Si l’élevage caprin dans le Sud-
11 Les chiffres proposées dans ce chapitre, sauf mention contraire, sont issus de l’Institut de l’Elevage : L’année économique
caprine 2006 & Chiffres clefs 2007.
12 Hypermarché (42%), supermarché (31%), Hard discount (17%)
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