Quand le terroir est dans le fromage… - La chèvre

B. Les chevriers d’aujourd’hui : le métier comme projet
de vie demeure
Les hommes s’y mettent de père en fils
Marthe a rejoint la ferme familiale de son mari en 1951. Ses murs épais et ses 250 m 2 de toiture
semblent lui fournir un point d’attache solide et précieux pour observer le monde qui change : « Ici, il
s’est bien construit des maisons, mais des paysans, il n’y en a plus guère. » Dans le salon, chaque mur a sa
décoration : une peinture représentant des glaneuses courbées au champ, un immense arbre
généalogique fait par un cousin sur l’autre ; et enfin une photo de famille au grand complet sur un
troisième. Dans les toilettes, il y a un puzzle de 24 pièces, figurant le bonheur à la ferme : les enfants
souriants assis sur un tracteur rouge étincelant, un beau jour d’été, les animaux et le chien à la queue
frétillante. L’intérieur de la ferme semble comme décoré d’un monde qui n’est plus. Pour autant,
Marthe est loin de rester à regarder le temps qui passe, elle se réveille à 4 heures du matin et chaque
jour actualise son calendrier, qui marque une époque qu’elle perçoit mais comprend mal. Elle imagine
souvent l’étonnement des vieux d’antan s’ils voyaient l’époque actuelle : les machines qui remplacent
l’homme mais ne ramassent pas tout et le rapport au travail des jeunes générations qui s’est
transformé : « La première presse, on l’a eue dans les années '60. Alors, le moderne, des fois, ce n’est pas
plus mal, mais nous, on faisait, et on rigolait. Maintenant, les jeunes, ils ne savent pas où ils sont bien, si tu
leur demandes un coup de main, ils répondent : c’est combien d’argent ? »
Alain, l’un de ses fils a repris la ferme et il est temps désormais pour son petit-fils, Stéphane, de
s’interroger sur les choix d’orientation à faire pour atteindre son objectif : reprendre la ferme
familiale. Il explique, tout en feuilletant un magazine sur les engins agricoles, qu’il a choisi de faire un
BEP* de production animale. Non qu’il aime les chèvres, mais avec son père ils s’accordent à penser
c’est la solution la plus pragmatique. Il va donc profiter de ce BEP pour aller découvrir les façons
dont se pratique le métier dans d’autres fermes ; puis choisir comme stage de longue durée la ferme
familiale. Le diplôme pour « reprendre en chèvres » est la condition à remplir pour pouvoir faire ce qui
l’attire davantage : une formation sur les travaux publics qui lui donnera l’occasion d’apprendre à
manier une débrousailleuse, une épareuse ou une broyeuse forestière, d’en acheter une et pouvoir
ensuite se faire embaucher à la journée. Marthe et Alain soutiennent ce projet et estiment en
chœur : « À la journée, avec du matériel, ça c’est bien payé. » Alain, ajoute : « Dans l’environnement, dans
la sécurité, il y a de l’avenir. Les arbres ils crèvent tous, des vieux chênes qui crèvent, des peupliers à côté de
la rivière qui crèvent, c’est pas normal ça. Regarde l’orme, c’était un ver sous l’écorce qui les tuait. Avant, il n'y
avait pas des maladies comme ça. Il faut traiter, traiter… Les chemins, ils se referment, tout ça c’est des
travaux qui vont donner du boulot, de plus en plus. »
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