124 Dossier : <strong>le</strong> hors-champ 9Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, 50 ans de cinéma américain, Nathan, Paris, 1991, p. 445. 10 Georges Duby, Saint Bernard, l’art cistercien, Flammarion (Champs, n o 77), Paris, 1988, p. 103. qu’il apprend que <strong>le</strong> son, et à plus forte raison la musique, n’ont pas de hors-champ. Le bruit, la voix ou la mélodie ont des sources et ils y sont liés. Ils passent par <strong>le</strong>s corps, <strong>le</strong>s objets ou <strong>le</strong>s instruments. On ne s’y baigne pas, on n’y plane pas comme voudrait <strong>le</strong> faire croire l’imbécillité contemporaine, on <strong>le</strong>s écoute. Le reste, c’est du commerce et la voix du Père éternel qui résonne sur l’univers. Dieu est un représentant en sound system. Il faudrait voir et revoir un film de John Farrow (c’était, selon Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, son préféré) qui vient de repasser à la télévision, sur « Ciné-Classic », Alias Nick Beal, de 1949, dont <strong>le</strong> titre a été traduit par Un pacte avec <strong>le</strong> diab<strong>le</strong>, très maladroitement parce que <strong>le</strong> nom du Malin n’est jamais prononcé et qu’il y a juste une allusion à son pseudonyme Old Nick. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier écrivent : « La mise en scène de Farrow […] utilise une multitude de variations sur <strong>le</strong>s entrées et <strong>le</strong>s sorties (toujours insolites mais jamais délibérément « surnaturel<strong>le</strong>s ») de Ray Milland. » 9 Le tentateur, en fait, surgit de nul<strong>le</strong> part ; c’est un être infernal, il sort directement de l’enfer sans s’être faufilé dans un repli de la Tunique. Il n’entre même pas dans <strong>le</strong> champ ; c’est <strong>le</strong> champ qui vient à lui et qui achoppe sur sa présence, il n’est pas là, dans <strong>le</strong>s limbes, à attendre qu’on l’appel<strong>le</strong>. L’I<strong>le</strong> des âmes perdues, où il entraîne ses victimes, ne figure sur aucune carte. El<strong>le</strong> est là ; quelque part, dans la profondeur de l’écran ou dans l’abîme de son pourtour, au-delà du brouillard qui a envahi la toi<strong>le</strong>. Parabo<strong>le</strong> de la situation des comédiens : ils sont là, debout, <strong>le</strong>s damnés de la terre, et ils payent cher ce droit d’être là. Ils n’ont pas d’espace légitime, ils ne sont pas des héritiers, et se pose alors, contre <strong>le</strong>s hypothèses apaisantes du hors-champ où ils vivraient des jours tranquil<strong>le</strong>s en attendant qu’on mette fin à <strong>le</strong>ur intermittence, la question de <strong>le</strong>ur droit au logement. Dans <strong>le</strong> même esprit, on peut donc par<strong>le</strong>r de la « fenêtre chez Jean Renoir » chère à Jean Douchet ou des portes chez Ernst Lubitsch. El<strong>le</strong>s s’ouvrent dans et sur la demeure de l’écran dont el<strong>le</strong>s aménagent et redoub<strong>le</strong>nt l’accès, mais el<strong>le</strong>s ne peuvent rien contre la menace qui pèse sur <strong>le</strong> plan, cerné par la forêt épaisse où il s’est ouvert une clairière. Il y a dans <strong>le</strong> cinéma une trace de l’épopée cistercienne : « Puisque… », écrit Georges Duby, « la mora<strong>le</strong> de Saint Bernard s’enracine dans une méditation sur l’incarnation, de même <strong>le</strong> bâtiment cistercien commence à l’écran de sauvagerie que <strong>le</strong> monastère autour de lui protège. Il a pris corps au sein de cette enveloppe broussail<strong>le</strong>use 10 ». Le corps du Christ contre la Tunique ? « Ecce homo » ? Le mythe du Fils humilié et torturé contre <strong>le</strong> mythe du Père tout-puissant et triomphant ? Et qui donnerait
une autre image, « humaine » cel<strong>le</strong>-là, écartelée, rapiécée, couverte de b<strong>le</strong>ssures, de cicatrices, de « sutures » qui seraient <strong>le</strong> prix de l’appropriation, la monnaie dont se paye, par <strong>le</strong> Rachat, <strong>le</strong> lieu que l’homme doit habiter de p<strong>le</strong>in droit, poétiquement ? Cet habitat, cette colonisation si l’on veut, ouvre d’autres questions, multip<strong>le</strong>s. Jean-Pierre Oudart en a déjà posées 11 certaines. Mais rien n’interdit d’y revenir. Vendredi 1 er août 2003 Etudes 125 11 Jean-Pierre Oudart, « La suture », in Cahiers du cinéma, n o 211 et 212, 1969.
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