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Dossier : <strong>le</strong> hors-champ<br />
21 Le kinétoscope, appareil forain conçu puis<br />
commercialisé par Thomas A. Edison à partir de<br />
1893, permet <strong>le</strong> visionnage individuel de films<br />
tournés avec <strong>le</strong> kinétographe. Variation sur <strong>le</strong><br />
modè<strong>le</strong> de la machine à sous, <strong>le</strong> kinétoscope<br />
fait défi<strong>le</strong>r continûment derrière un oculaire une<br />
bouc<strong>le</strong> d’environ vingt mètres de film.<br />
22 Mitch Tuchman, « Frampton at the Gates »,<br />
op. cit., p. 58.<br />
peut manquer de hiérarchiser la va<strong>le</strong>ur des vues, en accordant un intérêt<br />
tout particulier aux plans métacinématographiques qui mettent en jeu<br />
des mécanismes liés au visionnage ou qui mettent en scène des paradoxes<br />
perceptifs. Différents cadres dans <strong>le</strong> plan visent à désautomatiser<br />
la perception et renvoient à des mécanismes précinématographiques. La<br />
vue 18, cadrant une rue à travers un orifice creusé dans un tronc d’arbre,<br />
évoque <strong>le</strong> dispositif du kinétoscope 21, reproduisant la situation voyeuriste<br />
du peep-show. Le panopticon 34, présentant à travers une extrême<br />
contre-plongée <strong>le</strong> ciel et <strong>le</strong> haut d’un puits de forage, s’apparente à une<br />
photographie (seul <strong>le</strong> déplacement des nuages signifie <strong>le</strong> mouvement).<br />
Frampton joue par ail<strong>le</strong>urs sur <strong>le</strong>s ref<strong>le</strong>ts et l’intermittence de la lumière.<br />
L’exemp<strong>le</strong> qu’il commente, en se référant à H20 (1929) de Ralph Steiner,<br />
présente un bosquet d’arbres qui se reflète dans l’eau (vue 23) : comme<br />
il <strong>le</strong> fait remarquer, l’attention peut tour à tour se porter sur l’image<br />
reflétée, la surface d’eau el<strong>le</strong>-même et la tension entre ces deux modes de<br />
perception marquée par un léger tremb<strong>le</strong>ment de l’image 22. Les mêmes<br />
dérèg<strong>le</strong>ments de l’attention peuvent être observés à travers <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t d’une<br />
villa dans une piscine (vue 45) ou à travers une enseigne lumineuse clignotante<br />
(vue 15). Outre <strong>le</strong>s différents contextes attachés à ces motifs,<br />
c’est-à-dire un espace naturel, une propriété privée et <strong>le</strong> domaine de la<br />
publ<strong>ici</strong>té, <strong>le</strong>s effets induits par ces vues divergent : <strong>le</strong> spectateur doit tantôt<br />
faire un effort d’attention, tantôt se laisser porter par un mouvement<br />
d’absorption, tantôt se prêter au jeu de la distraction.<br />
Le constat pourrait être celui d’un échec en demi-teinte. Frampton<br />
avait probab<strong>le</strong>ment l’intention de proposer une re<strong>le</strong>cture de la culture<br />
cinématographique en tissant des liens entre <strong>le</strong>s éléments historiques et<br />
génériques <strong>le</strong>s plus distants, en éclairant à travers des raccourcis transhistoriques<br />
<strong>le</strong>s axes constants d’une perception cinématographique. Mais<br />
l’incomplétude des matériaux tournés empêche <strong>le</strong> bon fonctionnement<br />
de cette logique associative. Tout au plus peut-on remarquer qu’il fait <strong>le</strong><br />
tour des différents états de la matière (liquide, solide et gazeux) et qu’il<br />
établit un certain nombre de liens entre ses panopticons.<br />
Mais un indice permet de relativiser cette <strong>le</strong>cture et d’indiquer<br />
une autre voie à travers une référence indirecte à la dernière œuvre de<br />
Duchamp, Etant donnés (1946 - 68). La vue 12, cadrant <strong>le</strong> foyer d’une<br />
cuisinière à gaz, peut renvoyer au deuxième énoncé « donné » par<br />
Duchamp, « <strong>le</strong> gaz d’éclairage ». On connaît l’intérêt de Frampton pour<br />
cette dernière œuvre, réalisée de façon posthume selon <strong>le</strong>s indications<br />
de Duchamp. Différents systèmes de cadrage (une porte de bois à<br />
doub<strong>le</strong> battant, puis un mur de briques) et de visée (deux judas à hauteur<br />
d’œil, puis un trou perçé dans <strong>le</strong> mur) permettent de capter et diffracter<br />
l’objet de la représentation. Celui-ci est étagé en différentes profondeurs