22.06.2013 Views

Bateson et l'épistémologie - SFTF

Bateson et l'épistémologie - SFTF

Bateson et l'épistémologie - SFTF

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Bateson</strong> <strong>et</strong> l’épistémologie – Jacques Miermont<br />

<strong>Bateson</strong>, quant à lui, cherche à se décentrer de lui-même quand il fait référence à<br />

« l’organisme comme un tout dans son environnement » <strong>et</strong> à la distinction « carte -<br />

territoire », selon les expressions de Alfred Korzybski. La question que <strong>Bateson</strong> se pose<br />

est de savoir ce qui passe du territoire à la carte. Sa réponse est : « Ce sont les nouvelles<br />

d’une différence, <strong>et</strong> rien d’autre » (<strong>Bateson</strong>, 1976, p. 261). Et ces nouvelles d’une<br />

différence qui peuvent passer du territoire à la carte reposent « sur la relation entre la<br />

réalité, là, dehors, <strong>et</strong> la perception ici à l’intérieur. (…) L’esprit est immanent à la matière,<br />

il est en partie à l’intérieur du corps, mais également à l’extérieur » (ibidem, p. 262).<br />

Il deviendrait dès lors difficile (dans la perspective de <strong>Bateson</strong>) de concevoir un pattern<br />

de connexion entre le corps, l’esprit <strong>et</strong> le monde.<br />

D’une part, l’esprit apparaît comme une propriété immanente de l’activité des corps<br />

vivants, dont le fonctionnement réalise des nouvelles de différences à partir des<br />

différences détectées dans le monde extérieur.<br />

D’autre part, l’esprit, pour <strong>Bateson</strong>, n’est pas seulement « mon-esprit ». Il est une<br />

propriété fondamentale de l’évolution biologique, ce qui rend dès lors problématique de<br />

distinguer l’esprit du monde, puisque la partie vivante de celui-ci relèverait de processus<br />

mentaux. Par exemple (toujours selon <strong>Bateson</strong>), l’ADN est une suite de prescriptions<br />

descriptives, d’injonctions, sur la manière de faire un homme ou un oiseau. Ces<br />

injonctions contiennent elles-mêmes de l’épistémologie, dans la mesure où elles<br />

contiennent une théorie implicite de la nature de la description (<strong>Bateson</strong>, 1975, p. 247).<br />

Ce qu’il faut relier, ce sont les différentes parties des circuits compl<strong>et</strong>s de l’esprit : la<br />

production de différences qui génèrent d’autres différences de corps à corps. En opérant<br />

comme on l’a vu une distinction entre l’organisme « comme un tout » <strong>et</strong> son<br />

environnement, ou entre la Creatura <strong>et</strong> le Pleroma (le monde vivant <strong>et</strong> le monde physique<br />

d’après C. G. Jung), <strong>Bateson</strong> en vient à postuler que l’esprit est la manifestation formelle<br />

<strong>et</strong> hiérarchisée de plusieurs corps en interaction : une partie du circuit se trouve dans un<br />

corps vivant susceptible de faire quelques différences à partir d’une infinité d’autres<br />

différences situées dans l’environnement ; une autre partie du circuit se trouve ainsi dans<br />

l’environnement, <strong>et</strong> une autre encore à l’interface.<br />

« L’esprit opère toujours à une certaine distance de la matière, toujours au niveau<br />

d’une dérivée (dx/dt) du monde Ŗextérieurŗ. Les données premières de l’expérience sont<br />

des différences. À partir de ces données, nous élaborons nos idées hypothétiques<br />

(toujours hypothétiques) <strong>et</strong> nos images de ce monde Ŗextérieurŗ.<br />

L’idée la plus élémentaire, l’atome insécable de la pensée, c’est la nouvelle d’une<br />

différence. Les différences dont, pour une raison ou pour une autre, on ne sait rien ne<br />

sont pas des idées. L’évêque Berkeley eût été ravi. » (<strong>Bateson</strong>, 1976, pp. 261-262).<br />

Par ailleurs, la structure qui relie, « the pattern which connects », concerne ce qui<br />

apparente « toutes les créatures vivantes par des similitudes formelles de croissance <strong>et</strong><br />

d’adaptation, le dauphin tout comme le crabe ou la fleur, <strong>et</strong> en vertu de laquelle ces<br />

créatures se trouvent réunies dans l’ultime interdépendance de la biosphère » (In M. C.<br />

<strong>Bateson</strong>, 1984, p. 117). Il ajouterait à la biosphère l’écosphère, à savoir le Pleroma. Pour<br />

déceler de telles structures, il est nécessaire de faire abstraction d’un nombre<br />

considérable de particularités superficielles. La réalité que visait <strong>Bateson</strong> était un forme<br />

abstraite mathématique : ce qui relie les mœurs des Balinais <strong>et</strong> des Iatmul, la<br />

12

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!