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Bateson et l'épistémologie - SFTF

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<strong>Bateson</strong> <strong>et</strong> l’épistémologie – Jacques Miermont<br />

directeur de recherche ? » (Lips<strong>et</strong>, 1980, p. 238). Comme le mentionne encore David<br />

Lips<strong>et</strong>, biographe de Gregory <strong>Bateson</strong>, après dix années de recherches communes,<br />

Joseph B. Weelwright, Donald D. Jackson, Jay Haley, John Weakland, William F. Fry <strong>et</strong><br />

Gregory <strong>Bateson</strong> ont été envahis, non par la colère, mais par l’ennui. « Je pense que<br />

nous en avions assez les uns des autres en 1962 » : telle était l’opinion de Haley.<br />

Particulièrement éloquent est le constat fait par Ronald D. Laing, qui assista à l’une de<br />

leurs dernières rencontres : « La première fois que j’ai rencontré le groupe, c’était un<br />

matin… à Palo Alto. J’ai d’abord vu <strong>Bateson</strong>. Il déambulait lentement en suffoquant… Je<br />

pense qu’il était le seul à l’heure pour le rendez-vous. Puis les autres commencèrent à<br />

arriver. Pratiquement personne ne se parlait ni même ne regardait les autres. Haley prit<br />

une chaise <strong>et</strong> tourna le dos pendant toute la réunion, avec les pieds sur la fenêtre.<br />

Jackson se colla quelque part. <strong>Bateson</strong> prit une position discrète quoique centrale en<br />

s’installant au milieu. Un peu plus tard, Jackson arriva. Personne ne lui donna le moindre<br />

salut. Les choses continuèrent tout juste ainsi. » (ibidem, p. 238) Je suggère la p<strong>et</strong>ite<br />

hypothèse suivante ; sans doute à leur insu, ils se sont trouvés envahis collectivement<br />

par les eff<strong>et</strong>s des troubles qu’ils avaient tant contribué à tenter de comprendre.<br />

Par la suite, chacun repartit de son côté. <strong>Bateson</strong> ira observer les dauphins <strong>et</strong> leurs<br />

communications, Don Jackson fondera le Mental Research Institute, avec Weakland,<br />

Virginia Satir, Paul Watzlawick <strong>et</strong> quelques autres, Haley développera l’école de thérapie<br />

stratégique. Don Jackson mourra prématurément en 1968.<br />

Il faut dire que les objectifs des uns <strong>et</strong> des autres étaient devenus fortement divergents.<br />

Lorsque <strong>Bateson</strong> abandonna le champ de la psychiatrie, il fit la réflexion suivante : « Il<br />

me semblait que la vision du monde, l’épistémologie de la double contrainte, avait besoin<br />

d’un étayage abductif. La nouvelle épistémologie devait être étoffée par une extension à<br />

de nombreux autres domaines.<br />

Je dois également avouer que j’étais fatigué <strong>et</strong> dégoûté par la boue augéenne de la<br />

pensée psychiatrique classique, par l’obsession de mes collègues par le pouvoir, par la<br />

stupide cruauté des familles qui (comme nous le disions alors) « comportent » un<br />

membre schizophréne ; de plus, j’étais attiré par la richesse des données disponibles.<br />

ŖDevons-nous tout regarder ?ŗ » (<strong>Bateson</strong>, 1976, p. 259 ).<br />

Après avoir lu l’article de Jay Haley : « Les idées qui handicapent les thérapeutes »,<br />

<strong>Bateson</strong> lui dit : « Je ne suis pas très heureux de me sentir le père de la formulation<br />

implicite selon laquelle Ŗle double bind est une théorie de la thérapieŗ. Je ne pense pas<br />

que c’était le cas, ou que ça soit le cas » (Lips<strong>et</strong>, 1980, p. 295). <strong>Bateson</strong> a par ailleurs<br />

reproché à Haley de concevoir les systèmes familiaux <strong>et</strong> leur thérapie en termes de<br />

conflits de pouvoir. <strong>Bateson</strong> répétera à l’envie : « l’idée de pouvoir corrompt » _ .<br />

Lorsqu’en 1966 Paul Watzlawick adresse le manuscrit compl<strong>et</strong> de Pragmatics of<br />

Communication, pour solliciter une préface, <strong>Bateson</strong> réagit assez violemment en<br />

revenant sur le jugement favorable qu’il avait apporté précédemment à la lecture de<br />

l’ébauche du texte. <strong>Bateson</strong> a dû avoir le sentiment que Watzlawick s’était emparé de ses<br />

propres recherches en les infléchissant dans une perspective purement pragmatique. Et<br />

il a perçu avec circonspection le travail de clarification, de simplification, de vulgarisation<br />

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