22.06.2013 Views

Bateson et l'épistémologie - SFTF

Bateson et l'épistémologie - SFTF

Bateson et l'épistémologie - SFTF

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Bateson</strong> <strong>et</strong> l’épistémologie – Jacques Miermont<br />

éviter d’autres. Une deuxième hypothèse est proposée : en produisant des régularités<br />

dans sa construction cognitive, l’organisme est amené à faire des comparaisons entre<br />

expériences qui ne coïncident pas nécessairement ; de c<strong>et</strong>te mise en relation qui indique<br />

une similitude ou une différence, il s’ensuit l’émergence de deux concepts radicalement<br />

distinct : l’équivalence ou l’identité individuelle. Suivant Jean Piag<strong>et</strong>, von Glaserfeld<br />

soutient que les concepts d’équivalence <strong>et</strong> d’identité individuelle ne sont pas innés,<br />

donnés a priori, mais doivent être construits, ce que tout enfant normal fait lors des deux<br />

premières années de sa vie. Il r<strong>et</strong>ient également les concepts piagétiens<br />

d’accommodation <strong>et</strong> d’assimilation, <strong>et</strong> souligne son parfait accord avec le fameux énoncé<br />

de Piag<strong>et</strong> : « L’intelligence (…) organise le monde en s’organisant elle-même » (J.<br />

Piag<strong>et</strong>, 1937, p. 311).<br />

Le constructivisme radical abandonne délibérément le réalisme métaphysique : la<br />

connaissance ne reflète pas une réalité ontologique, mais concerne exclusivement la<br />

mise en ordre <strong>et</strong> l’organisation d’un monde organisé par notre expérience. Alors que pour<br />

le réalisme métaphysique, il existe une correspondance (match) <strong>et</strong> une isomorphie entre<br />

connaissance <strong>et</strong> réalité, le constructivisme radical repose sur la notion évolutionniste de<br />

convenance ou d’adaptation (fit) : la connaissance opère comme une clef qui cherche<br />

moins à trouver la serrure à laquelle elle convienne, qu’à ouvrir le chemin qui mène au but<br />

précis que nous cherchons à atteindre (von Gasersfeld, 1981, p. 35).<br />

4.3. Critiques <strong>et</strong> éloges à propos de Konrad Lorenz<br />

Von Glasersfeld souligne que les réalistes métaphysiques se gardent bien d’envisager<br />

toute considération d’ordre biologique ou physiologique. Il critique à c<strong>et</strong> égard Konrad<br />

Lorenz, confronté à une contradiction logique lorsqu’il considère les concepts humains<br />

d’espace <strong>et</strong> de temps comme un processus adaptatif, tout en étant l’expression d’une<br />

réalité ontologique. Von Glasersfeld fait ici référence à un article de Lorenz datant de<br />

1941. En fait, celui-ci parlera ultérieurement d’un réalisme « hypothétique » ou<br />

« critique », <strong>et</strong> montrera à quel point l’intelligence des espèces est corrélée à la<br />

complexité plus ou moins grande de l’environnement dans lequel évoluent proies <strong>et</strong><br />

prédateurs. Pour Lorenz, le réalisme hypothétique énonce que « toute connaissance<br />

repose sur l’interaction entre le suj<strong>et</strong> connaissant <strong>et</strong> l’obj<strong>et</strong> de sa connaissance, tous deux<br />

également réels. » (Lorenz, 1973, p. 22). Il précise encore que « le réaliste ne fait que<br />

regarder le monde extérieur sans avoir conscience d’en être le miroir, tandis que<br />

l’idéaliste ne fait que regarder dans le miroir <strong>et</strong> tourne le dos au monde extérieur.<br />

L’orientation de leur regard les empêche tous deux de réaliser que le miroir a un envers<br />

qui ne reflète rien, un envers qui le m<strong>et</strong> au même niveau que tous les obj<strong>et</strong>s qu’il reflète :<br />

l’appareil physiologique dont la fonction consiste à découvrir le monde réel n’est pas<br />

moins réel que ce monde. » (ibidem, p. 29).<br />

Éloquent est l’hommage que <strong>Bateson</strong> rend à Konrad Lorenz, à la suite de conférences<br />

auxquelles il a assisté à Hawai. Il le traite de totémiste pratiquant :<br />

« Les attitudes de Lorenz, ses expressions, ses gestes, changent à tout moment selon<br />

la nature de l’animal dont il parle. Maintenant il est une oie ; un instant plus tard, il devient<br />

un poisson. Il va au tableau, croque l’animal Ŕ un chien, par exemple, un chien vivant qui<br />

hésite entre l’attaque <strong>et</strong> la r<strong>et</strong>raite. Après un coup de chiffon <strong>et</strong> un trait de craie, nuque <strong>et</strong><br />

queue changent de position : le chien est maintenant prêt à attaquer. (…) L’empathie de<br />

22

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!