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Bateson et l'épistémologie - SFTF

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<strong>Bateson</strong> <strong>et</strong> l’épistémologie – Jacques Miermont<br />

schizophrénie, l’apprentissage des dauphins. Sur ce plan, il était proche de la pensée<br />

morphogénétique de René Thom.<br />

Lorsqu’il observe les rituels de salutation des Iatmul, qu’il photographie les échanges<br />

des Balinais dans leur vie quotidienne, qu’il entre en contact avec des schizophrènes,<br />

leur famille <strong>et</strong> leurs soignants, qu’il cherche à comprendre les modes de communication<br />

des dauphins, <strong>et</strong>c., <strong>Bateson</strong> procède par empathie, en s’identifiant à la personne <strong>et</strong> / ou<br />

l’obj<strong>et</strong> de son enquête, dans une démarche commune aux éthologues <strong>et</strong> aux psychiatres.<br />

Une telle démarche nécessite une connaissance suffisamment approfondie de soi-même<br />

pour arriver à identifier en quoi l’esprit d’autrui est différent du sien : nous sommes ici<br />

dans une cybernétique des systèmes observants - observés…<br />

« Lorsque je regarde un obj<strong>et</strong>, je crée, à partir d’une volée d’impulsions sur le nerf<br />

optique, une image de ce qui est perçu <strong>et</strong> qui m’apparaît en trois dimensions.<br />

C<strong>et</strong>te épistémologie est moniste. « Appliquant le rasoir d’Occam, je n’accorde aucune<br />

attention aux conceptions Ŕ que d’autres prétendent étayées de manière subjective Ŕ qui<br />

laissent entendre que l’esprit, ou l’âme, serait, d’une certaine manière, séparable du<br />

corps <strong>et</strong> de la matière. D’un autre côté, il est indispensable que mon épistémologie tienne<br />

compte de ce trait d’histoire naturelle car de nombreux êtres humains, de cultures très<br />

différentes, croient fermement que l’esprit est réellement séparable du corps. Leur<br />

épistémologie est soit dualiste, soit pluraliste. En d’autres termes, c<strong>et</strong>te histoire naturelle<br />

normative qu’on appelle épistémologie doit comporter une étude des erreurs, <strong>et</strong> il est<br />

prévisible que certaines de celles-ci seront communes ».<br />

Or <strong>Bateson</strong> reconnaît que dans l’ensemble de ses travaux, depuis l’étude de la<br />

structure des plumes de perdrix, la schismogenèse en Nouvelle-Guinée, le « raccord<br />

final » (end linkage) dans le caractère national, le double bind <strong>et</strong> les recherches sur les<br />

dauphins, le langage de ses comptes rendus était dualiste. (<strong>Bateson</strong>, 1977b, p. 299).<br />

Comme on vient de l’exposer, <strong>Bateson</strong> oscille incessamment (comme Valéry) entre une<br />

conception de l’esprit inséparable du corps <strong>et</strong> de la matière, <strong>et</strong> une conception où l’esprit<br />

ne saurait être identifié à un corps matériel, localisable dans l’espace-temps… Si pour<br />

<strong>Bateson</strong> la différence entre une pomme <strong>et</strong> un œuf ne se trouve ni dans la pomme, ni dans<br />

l’œuf, ni dans l’espace qui les sépare (ibidem, p. 300), la nouvelle de c<strong>et</strong>te différence<br />

dans son esprit (<strong>et</strong> dans le mien voire dans le vôtre, lecteur) ne surgit (ne serait-ce que<br />

par l’activation de traces mnésiques) que dans l’instant <strong>et</strong> le lieu précis où son esprit (<strong>et</strong> le<br />

mien ou le vôtre, par la même occasion) évoque c<strong>et</strong>te nouvelle… <strong>et</strong> il va de soi que ce<br />

domaine d’espace-temps où c<strong>et</strong>te activation se produit n’est pas le même pour <strong>Bateson</strong>,<br />

le mien <strong>et</strong> le vôtre…<br />

Pour tenter de faire un bilan provisoire de là où nous en sommes, il existe ainsi des<br />

confluences <strong>et</strong> des divergences entre les perspectives dessinées par Valéry <strong>et</strong> <strong>Bateson</strong>.<br />

Les confluences naissent du fait que d’une part ces perpectives échappent pour une<br />

large part aux exigences de l’empirisme <strong>et</strong> du pragmatisme, que la connaissance est<br />

conçue comme un acte, <strong>et</strong> que d’autre part l’esprit n’est réductible ni à la matière, ni à des<br />

idées dégagées de toute contingence matérielle.<br />

Là où leurs proj<strong>et</strong>s diffèrent manifestement, c’est dans la manière dont leurs<br />

hypothèses ont pu être validées ou infirmées sur le terrain de l’expérience. Je me<br />

propose d’évoquer dans ce qui suit quelques aspects des pérégrinations de <strong>Bateson</strong><br />

comme chercheur, là où son engagement approfondi dans des domaines précis s’est<br />

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