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Bateson et l'épistémologie - SFTF

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<strong>Bateson</strong> <strong>et</strong> l’épistémologie – Jacques Miermont<br />

Lorenz avec les animaux lui procure un avantage presque injuste sur les autres<br />

zoologistes : il peut voir beaucoup de choses (…) en comparant (consciemment <strong>et</strong><br />

inconsciemment) ce qu’il observe chez l’animal <strong>et</strong> ce qu’il ressent en adaptant son<br />

comportement (…) » (<strong>Bateson</strong>, 1979, p. 148).<br />

La question qui pourrait être posée serait de se demander si le constructiviste radical<br />

n’en vient pas à ne considérer que l’envers du miroir… En eff<strong>et</strong>, pour von Glasersfeld,<br />

« en dépit des affirmations souvent trompeuses des éthologistes, la structure<br />

d’organismes vivants ne peut jamais servir de base pour des conclusions concernant un<br />

monde Ŗobjectifŗ, c’est-à-dire un monde qui pourrait exister avant l’expérience. » (von<br />

Glasersfeld, 1981, p. 25). Une telle assertion tendrait à laisser penser que les espèces<br />

animales (l’homme y-compris) n’auraient aucune disposition constitutionnelle à repérer<br />

certaines régularités du monde qui leur préexiste, ni aucune propension à les objectiver.<br />

4.4. Les processus stochastiques de l’évolution biologique <strong>et</strong> des<br />

processus mentaux<br />

Ernst von Glasersfeld est ici sur la même ligne de pensée que Jean Piag<strong>et</strong>. Lors du<br />

fameux débat sur les théories du langage <strong>et</strong> de l’apprentissage qui s’est déroulé à<br />

l’Abbaye de Royaumont du 10 au 13 octobre 1975 autour des œuvres de Jean Piag<strong>et</strong> <strong>et</strong><br />

de Noam Chomsky, Jean Piag<strong>et</strong> exprime d’entrée de jeu que pour lui, il n’existe pas chez<br />

l’homme de structures cognitives a priori ou innées. Il considère que seul le<br />

fonctionnement de l’intelligence serait héréditaire <strong>et</strong> n’engendrerait des opérations <strong>et</strong> des<br />

structures cognitives que par une organisation successive d’actions exercées sur des<br />

obj<strong>et</strong>s.<br />

Pour autant, il réfute tout autant l’empirisme que le préformisme. Sa critique de<br />

l’empirisme porte sur le fait que la connaissance ne saurait se réduire à des perceptions<br />

<strong>et</strong> à des associations. La cognition est une action d’un suj<strong>et</strong> qui assimile des obj<strong>et</strong>s à des<br />

schèmes qu’il construit. Récursivement, le suj<strong>et</strong> réalise une accommodation aux<br />

particularités de l’obj<strong>et</strong> par l’expérience qu’il effectue sur les données extérieures.<br />

Quelle pourrait être la position de <strong>Bateson</strong> vis-à-vis du constructivisme de Piag<strong>et</strong> ? Il<br />

est symptomatique qu’il n’y fait jamais référence dans son œuvre écrite, <strong>et</strong> non moins<br />

symptomatique que lors de ce débat auquel il a participé à Royaumont, il croise le fer<br />

exclusivement avec Chomsky <strong>et</strong> Premack. Il interpelle Chomsky sur sa métaphore du<br />

langage considéré comme un organe. Celui-ci rectifie en soulignant qu’on ne saurait de<br />

délimiter physiquement. <strong>Bateson</strong> insiste sur la grande prudence que lui inspire c<strong>et</strong>te<br />

métaphore, <strong>et</strong> argumente sur l’intérêt à considérer l’apprentissage du langage davantage<br />

comme un phénomène de morphogenèse qu’à un processus phylogénétique<br />

apparaissant au cours de l’évolution. <strong>Bateson</strong> commente sa proposition : « Après tout, la<br />

morphogenèse est déterminée par les gènes, la phylogenèse ne l’est pas » (In Massimo<br />

Piatelli-Palmarini, 1979, p. 126). La discussion très technique qui s’ensuit entre <strong>Bateson</strong><br />

<strong>et</strong> Chomsky semble montrer que le premier se rapprocherait davantage des<br />

perspectives ouvertes par René Thom (ibidem, pp. 503-511) <strong>et</strong> développées par Jean<br />

P<strong>et</strong>itot (ibidem, pp. 516-224) que du constructivisme piagétien (sur le plan de la filiation<br />

des idées, <strong>Bateson</strong> partage avec Thom son intérêt pour les œuvres de Lamarck, D’Arcy<br />

Thomson <strong>et</strong> Waddington).<br />

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