CHARENTON - Histoire de la psychiatrie en France

FIN DU XIX E SIÈCLE
À côté de ces querelles de pouvoir s’élèvent aussi des critiques concernant
l’absence de formation et la médiocrité d’un personnel peu ou pas payé qui travaille
conjointement à un personnel religieux. D’après STRAUSS, en 1900 il y
avait ainsi à Charenton 22 sœurs hospitalières de la congrégation des dames Augustines
de Belgique, « dont la Supérieure remplit les fonctions de surveillante en
chef, (et qui) sont préposées au service intérieur des divisions des dames et à la direction
secondaire des services économiques, à la cuisine, à l’office, à la lingerie,
aux vestiaires et aux ouvroirs. » 36 Mais à propos du personnel laïque, CONSTANS,
LUNIER et DUMESNIL remarquent 37 :
« Sans méconnaître les estimables exceptions que nous avons pu rencontrer
dans ce personnel laïque, nous pouvons dire qu’il se recrute trop souvent
dans le rebut de la domesticité. »
Puis :
« Qaund on rencontre un bon sujet, il est assez rare qu’il reste dans l’asile
plus que le temps nécessaire pour trouver un meilleur et moins pénible emploi
[. . .] Les mauvais, ou plutôt les très mauvais serviteurs sont promptement
renvoyés ; il en résulte des changements perpétuels, aussi regrettables
pour la régularité du service que pour les aliénés eux-mêmes. »
Ils proposent donc :
« qu’une réforme sur ce point serait un des meilleurs et des plus indispensables
compléments de l’organisation des asiles, et que, pour avoir de bons
serviteurs, capables de seconder les efforts des médecins, il faudrait former
un corps spécial de surveillants d’asiles tout comme on a formé un corps de
gardiens pour les prisons, les bien payer et leur accorder une retraite : alors
seulement on pourra choisir et conserver les bons. »
Voilà qui ouvre la voie à nos modernes revendications syndicales. . .
Enfin, il faut ajouter à la présence dans l’établissement de ces personnels
laïques et religieux, celle de « domestiques particuliers » attachés au service des
malades fortunés, dont le nombre, recensé par STRAUSS en 1900 s’élevait à 43
pour 65 infirmiers chez les hommes, et à 53 bonnes particulières pour 84 infirmières
chez les femmes 38 , ce qui constitue une proportion non négligeable.
STRAUSS est un témoin fort partial de la vie asilaire de la Maison de Charenton
autour de 1900, puisque de sa place de directeur de l’établissement, il en
fait une description à la fois lyrique et idyllique, moyennant quoi la lecture de
36 STRAUSS, op. cit., p. 245. Les sœurs Augustines travaillèrent à Charenton de 1851 jusqu’à
1905, lors de la séparation de l’Église et de l’État : elles y avaient été précédées par les sœurs
de la charité de Saint-Vincent-de-Paul de 1845 à 1851 ; l’administration ayant donné congé à leur
chapelain.
37 CONSTANS, LUNIER et DUMESNIL, op. cit., p. 490-491.
38 STRAUSS, op. cit. p. 54.
29 copyleft Adeline FRIDE