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Le <strong>sucre</strong> médicamenteux de jadis<br />
Selon Dioscoride, médecin grec du 1er siècle, dans la Rome de<br />
Néron, les praticiens donnaient du « sel indien » <strong>à</strong> leurs patients, tout<br />
comme l'avaient fait avant eux les Égyptiens et les Arabes. A la même<br />
époque, le saccharum était mentionné dans 1' Histoire naturelle de Pline<br />
l'Ancien : « LArabie produit un <strong>sucre</strong>, mais celui de l'Inde est plus estimé.<br />
C'est un miel recueilli sur des roseaux. Il est blanc comme la<br />
gomme, cassant sous la dent ; les plus gros morceaux sont comme une<br />
aveline (sorte de grosse noisette donnée par l'avelinier), on ne s'en sert<br />
qu'en médecine. »Le rôle curatif du <strong>sucre</strong> fut donc très tôt prédominant.<br />
Ce fut même la principale finalité que l'Antiquité lui reconnut.<br />
Il fallut attendre les croisades pour que ces vertus thérapeutiques<br />
soient remises en évidence par l'Occident. Les croisés purent les<br />
éprouver sur le terrain. Ils auraient surmonté les étapes du siège de<br />
Saint-jean-d'Acre (1104) et les difficultés d'alimentation qui s'ensuivirent<br />
en suçant des pousses de canne et en se nourrissant d 'une<br />
bouillie faite de farine et de <strong>sucre</strong>.<br />
Canne <strong>à</strong> <strong>sucre</strong><br />
(Saccharum officinarum)<br />
Compte tenu de ces vertus médicinales,<br />
l'apothicaire allait longtemps<br />
détenir le monopole du négoce de <strong>sucre</strong>,<br />
alors denrée rare et onéreuse- d'où l'expression<br />
qui nous est restée, « apothicaire<br />
sans <strong>sucre</strong> », pour désigner « un<br />
homme qui manque des objets nécessaires<br />
<strong>à</strong> sa profession » (Littré). Sans<br />
doute lui fallait-il casser <strong>à</strong> la hachette les<br />
pains de <strong>sucre</strong>, en morceaux. Sans doute<br />
aussi pilait-il ces morceaux dans un<br />
mortier pour obtenir du <strong>sucre</strong> en<br />
poudre. Certes, il n'était pas rare qu'il<br />
prescrive <strong>à</strong> ses clients du <strong>sucre</strong> pur, mais<br />
il l'utilisait surtout pour améliorer le<br />
goût de certaines potions. Par ailleurs, il<br />
vendait du candi, qui avait alors un rôle<br />
plus médicamenteux que gourmand.<br />
Et il commercialisait des <strong>fr</strong>iandises thérapeutiques - cordiales et laxatives,<br />
surtout - , tels le <strong>sucre</strong> d'orge, conseillé pour le rhume ou les fluxions de<br />
poitrine, le <strong>sucre</strong> <strong>à</strong> la violette, excellent contre les douleurs d'estomac, ou<br />
encore le <strong>sucre</strong> rosat, fait de <strong>sucre</strong> blanc cuit avec de l'eau de rose et moulé<br />
en tablettes. Tous remèdes dont il laissait parfois le soin de la fabrication<br />
au confiseur.<br />
Stomachique, balsamique ou pectoral, tout autant qu'efficace contre la<br />
goutte, la gravelle, les rhumatismes, l'hydropisie, la dysenterie ou le scorbut,<br />
le <strong>sucre</strong> était considéré comme la panacée. A telle enseigne que, en<br />
1353, un édit royal ordonna que les apothicaires soient toujours approvisionnés<br />
en miel et en <strong>sucre</strong> de qualité, et qu'ils ne substituent pas du miel<br />
au <strong>sucre</strong> lorsque ce de.mier était prescrit. «Tout se passe, explique Claude<br />
Fischler, comme si le miel constituait [ . .. ] une forme primaire, un état<br />
brut de <strong>sucre</strong>, le pôle primitif d 'un continuum s'étendant depuis la nature<br />
indomptée et les formes les plus grossières de la douceur jusqu'aux<br />
plus pures, aux plus "civilisées". » Le <strong>sucre</strong> blanc, bien raffiné, était<br />
« Gigi, je te joue dix kilos<br />
de <strong>sucre</strong>.<br />
- C'est guère appétissant, votre<br />
<strong>sucre</strong>. j'aime mieux des bonbons.<br />
- C'est fa même chose. Et fe <strong>sucre</strong><br />
est plus sain que tes bonbons.<br />
- Vous fe dites parce que c'est vous<br />
qui fe fabriquez.<br />
- Gilberte, tu perds fe respect ! "<br />
Les yeux désolés de Gaston Lachaiffe<br />
sourirent:<br />
tt Laissez -fa dire, Mamita ... >><br />
Colette, Gigi, 1943<br />
LA THÉRAPEUTIQUE<br />
o' AUJOURD'HUI<br />
le <strong>sucre</strong> reste toujours utilisé<br />
en pharmacie pour fa préparation<br />
des sirops et {'enrobage des pastilles,<br />
dans fe but de faciliter {'absorption<br />
des médicaments, pour ceux<br />
destinés aux jeunes enfants<br />
en particulier. tf entre également<br />
dans fa fabrication des antibiotiques,<br />
pénicilline notamment,<br />
et dans cette des acides<br />
aminés et organiques.<br />
En Europe, mais plus encore<br />
en Amérique du Sud,<br />
fe <strong>sucre</strong> est employé<br />
en milieu hospitalier,<br />
car, de par sa propriété<br />
<strong>à</strong> se fier aux molécules d'eau<br />
et <strong>à</strong> tes immobiliser<br />
pour bloquer fa croissance<br />
des micro-organismes,<br />
if permet, en application directe<br />
sur les plaies et les ulcères cutanés,<br />
de tes assécher et de favoriser<br />
feur cicatrisation. De nombreux<br />
centres de gériatrie mettent<br />
<strong>à</strong> profit cette faculté pour<br />
soigner efficacement tes escarres.