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Pratiques juridiques et écrit électronique : le cas des huissiers de ...

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Chapitre 1<br />

ils sont tenus d’adopter une « mise en scène » appropriée 10 . De tels qualificatifs ne sont pas<br />

pour autant péjoratifs à <strong>le</strong>urs yeux, la base <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur métier étant avant toute chose <strong>de</strong> porter un<br />

acte à la connaissance <strong>de</strong> la partie intéressée.<br />

Lors <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> contact avec l’intéressé (<strong>cas</strong> où <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc arrive à « toucher » la<br />

personne concernée), <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc s’efforce d’être neutre, factuel <strong>et</strong> précis, ce qui n’exclue pas <strong>le</strong>s<br />

civilités d’usage (saluer la personne, lui témoigner un certain respect…). Le c<strong>le</strong>rc s’exprime<br />

en général <strong>le</strong>ntement <strong>et</strong> très distinctement (sa voix est en général monocor<strong>de</strong>) pour bien se<br />

faire comprendre <strong>de</strong> son interlocuteur. Dans <strong>le</strong>s contacts avec <strong>le</strong>s justifiab<strong>le</strong>s, pour gagner du<br />

temps <strong>et</strong> contourner <strong>le</strong>s situations problématiques, <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc m<strong>et</strong> très souvent en avant <strong>le</strong> fait<br />

qu’il n’est qu’un simp<strong>le</strong> intermédiaire <strong>et</strong> qu’il ne connaît pas <strong>le</strong> contenu <strong>de</strong> l’acte. C’est un<br />

« procédé préventif » qui lui perm<strong>et</strong> d’éviter d’éventuels problèmes (Goffman, 1973). Il s’agit<br />

donc d’une tactique fondée sur l’évitement qui a pour fonction <strong>de</strong> désamorcer une situation<br />

potentiel<strong>le</strong>ment conflictuel<strong>le</strong>. Cela perm<strong>et</strong> au c<strong>le</strong>rc <strong>de</strong> ne pas entamer une discussion qui<br />

porterait sur <strong>le</strong> fond <strong>de</strong> l’affaire <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas polémiquer. Cela lui perm<strong>et</strong> éga<strong>le</strong>ment d’écourter<br />

la conversation <strong>et</strong> d’éviter <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre mal à l’aise son interlocuteur. Le c<strong>le</strong>rc minimise donc<br />

son investissement dans la relation (la rémunération du c<strong>le</strong>rc dépend en gran<strong>de</strong> partie du<br />

nombre d’actes qu’il délivre, ce qui l’incite à signifier dans <strong>le</strong>s plus brefs délais). Dans<br />

l’exemp<strong>le</strong> qui suit, on peut voir que <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc cherche à recadrer la situation pour signifier au<br />

plus vite. Il ne commente donc jamais l’acte <strong>et</strong> ne donne au justiciab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s informations<br />

qui sont nécessaires pour que celui-ci comprenne la situation 11 .<br />

Un c<strong>le</strong>rc (<strong>le</strong> dialogue est déjà entamé <strong>et</strong> <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc s’apprête à donner l’acte, il <strong>le</strong> tend à la personne<br />

concernée) : « Alors je vous <strong>le</strong> donne… ».<br />

Madame Duran (d’un ton accusateur) : « Mais c’est quoi ? ».<br />

Le c<strong>le</strong>rc : « Cela émane <strong>de</strong> l’AMVP ».<br />

Madame Duran (visib<strong>le</strong>ment agacée) : « Oui je m’en doute mais je <strong>le</strong>ur avais <strong>écrit</strong> que… ».<br />

Le c<strong>le</strong>rc (d’un ton assez sec, il interrompt Madame Duran car il voit que cel<strong>le</strong>-ci s’apprête à se lancer<br />

dans une longue explication) : « Nous on <strong>le</strong>s apporte, c’est tout ! » (dans ce genre <strong>de</strong> situations, <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs<br />

sont directifs, « froids » <strong>et</strong> laconiques)<br />

La dame (détendue) : « C’est déjà pas mal. Je vous remercie » (<strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc n’a fina<strong>le</strong>ment pas donné prise à<br />

la polémique).<br />

Tact, courtoisie <strong>et</strong> discrétion<br />

Nous avons souligné plus haut que <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc cherchait à apparaître, aux yeux du justiciab<strong>le</strong>,<br />

comme un simp<strong>le</strong> intermédiaire. Pour se faire, il doit faire preuve <strong>de</strong> tact, <strong>de</strong> discrétion <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

courtoisie 12 . En eff<strong>et</strong>, <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc est amené à déranger <strong>le</strong>s gens <strong>et</strong> à entrer dans <strong>le</strong>ur « intimité ».<br />

10 « Par une « représentation » on entend la totalité <strong>de</strong> l’activité d’une personne donnée, dans une oc<strong>cas</strong>ion<br />

donnée, pour influencer d’une certaine façon un <strong><strong>de</strong>s</strong> autres participants » (Goffman, 1973).<br />

11 C’est aussi une manière pour <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rc <strong>de</strong> ne pas vio<strong>le</strong>r la vie privée <strong>de</strong> la personne. Il faut noter que <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs<br />

ne cherchent jamais à pénétrer dans <strong>le</strong> domici<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> gens. Ainsi, pour signifier, ils restent sur <strong>le</strong> pas <strong>de</strong> la porte.<br />

12 Pour Simmel, la sociabilité requiert du tact. Le tact est en eff<strong>et</strong> <strong>le</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la sociabilité <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

canaliser <strong>le</strong>s impulsions individuel<strong>le</strong>s. La discrétion est un autre régulateur <strong>de</strong> la rencontre purement sociab<strong>le</strong>, <strong>de</strong><br />

même que la courtoisie. La sociabilité est aussi, pour Simmel, un processus <strong>de</strong> communication fondée sur une<br />

reconnaissance mutuel<strong>le</strong>, une reconnaissance réciproque, d’où l’importance du tact, <strong>de</strong> la discrétion <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

courtoisie (Simmel, 1981).<br />

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