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Pratiques juridiques et écrit électronique : le cas des huissiers de ...

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Chapitre 3<br />

Signer : une séquence d’actions enchevêtrées<br />

Mais, <strong>le</strong> décor étant posé, il faut bien reconnaître, que pour l’huissier <strong>de</strong> Justice, la<br />

signature <strong><strong>de</strong>s</strong> actes est une véritab<strong>le</strong> séquence d’action <strong>et</strong> ne se réduit pas au tracé d’un signe.<br />

Les séquences <strong>de</strong> signatures, dont certaines rappelons-<strong>le</strong> durent jusqu’à trois heures, sont <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

moments <strong>de</strong> récapitulation. Le travail d’une journée est alors évalué par l’huissier <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

action d’évaluation n’est pas simp<strong>le</strong>ment une vérification d’actes. C’est aussi une appréciation<br />

<strong>de</strong> la quantité <strong>de</strong> travail fournit qui est un indicateur quotidien <strong>de</strong> la bonne marche <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

affaires.<br />

L’enchevêtrement <strong>de</strong> toutes ces actions fait apparaître un aspect caché <strong>de</strong> la signature<br />

comme pratique professionnel<strong>le</strong>. On comprend, à la <strong>le</strong>cture <strong><strong>de</strong>s</strong> entr<strong>et</strong>iens, que l’importance<br />

<strong>de</strong> ce moment ne tient pas au fait qu’en signant l’huissier accomplit un acte « performatif ».<br />

Ce n’est pas <strong>le</strong> caractère rituel <strong>de</strong> l’acte qui en fait l’importance. C’est en tant que métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

travail, en tant que moment routinier que l’action <strong>de</strong> signer est centra<strong>le</strong> dans la vie <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong>.<br />

C’est <strong>le</strong> fait que chaque jour, un tel moment se reproduise avec son lot d’actions enchevêtrées,<br />

que ces actions articu<strong>le</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> activités aussi différentes que compter, lire, téléphoner, rêver,<br />

vérifier, corriger <strong>et</strong>c, c’est cela qui fait <strong>le</strong> caractère irremplaçab<strong>le</strong> <strong>de</strong> la signature comme<br />

moment.<br />

C<strong>et</strong>te séquence <strong>de</strong> travail semb<strong>le</strong> con<strong>de</strong>nser, sous la forme d’une opération bana<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

automatique, trois composants qui ne sont, eux, ni banals ni automatisés :<br />

• <strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-faire experts qui sont surtout <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirs <strong>de</strong> <strong>le</strong>cteur,<br />

• une forme d’engagement unique en son genre, qui articu<strong>le</strong> l’engagement éprouvé par<br />

tout signataire <strong>et</strong> l’engagement <strong>de</strong> l’Officier public qui habite l’huissier, qui est sa<br />

charge,<br />

• <strong>et</strong> enfin, troisième élément <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te con<strong>de</strong>nsation, l’usage <strong>et</strong> <strong>le</strong> nourrissement d’une<br />

mémoire, en particulier un recours à l’anamnèse propre au gestionnaire qu’est<br />

l’Huissier, mémoire qui lui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> gouverner son étu<strong>de</strong>.<br />

Ces trois composants sont <strong><strong>de</strong>s</strong> appuis sur <strong>le</strong>squels l’huissier va compter pour signer. Il<br />

s’agit d’éléments <strong>de</strong> natures diverses mais qui sont tous diffici<strong>le</strong>ment observab<strong>le</strong>s : lire,<br />

s’engager, se souvenir <strong>et</strong> mémoriser.<br />

Signer c’est lire<br />

« Par définition on ne signera jamais un acte sans <strong>le</strong> lire. ». Derrière c<strong>et</strong>te affirmation, il<br />

faut comprendre qu’un lien essentiel existe entre signer <strong>et</strong> lire dans <strong>le</strong>s métiers <strong>de</strong> l’<strong>écrit</strong>.<br />

Signer, pour <strong>le</strong>s <strong>huissiers</strong>, veut dire : lire <strong><strong>de</strong>s</strong> actes, <strong>le</strong>s vérifier, <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>r, trois activités<br />

traditionnel<strong>le</strong>s qui apparaissent explicitement dans <strong>le</strong>s premières chancel<strong>le</strong>ries françaises <strong>et</strong><br />

qui définissent la responsabilité du scribe 2 .<br />

« En fin <strong>de</strong> journée, on a <strong>le</strong>s actes qui seront signifiés <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main ; ça nécessite un contrô<strong>le</strong> manuel.<br />

C’est ce qu’on appel<strong>le</strong> chez nous la signature ».<br />

2 On trouve par exemp<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s chartes mérovingiennes <strong>et</strong> carolingiennes <strong><strong>de</strong>s</strong> mentions indiquant que <strong>le</strong><br />

chancelier <strong>le</strong>s a « re<strong>le</strong>git » <strong>et</strong> « recognivit », plus tard <strong>le</strong> terme « visa » sera utilisé. Cf. Guyotjeannin <strong>et</strong> al (1993).<br />

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