Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
— Waouh ! m’écriai-je en avisant une paire de bottes en cuir verni noir et un pull tout aussi noir en<br />
grosses mailles. J’ai vu cette boutique sur Internet !<br />
J’étais au paradis gothique et c’était magnifique ! Des tee-shirts « Wicked Wiccas », des comics<br />
« Hello Batty », des tatouages temporaires.<br />
Une vendeuse piercée de partout, aux cheveux fuchsia, vêtue d’un short noir qu’elle portait sur des<br />
leggings noirs, de sandales avec des semelles compensées de huit centimètres et d’une chemise de<br />
mécanicien sur laquelle était écrit « Bob » vint à notre rencontre. À Dullsville, les gens ne connaissaient<br />
ce style que grâce à la télévision par câble. D’habitude, dans les magasins, soit on faisait semblant de ne<br />
pas me voir, soit on me considérait comme une voleuse potentielle ; ici, j’étais accueillie comme une star<br />
de cinéma dans une boutique de Beverly Hills.<br />
— Puis-je vous aider ? Nous avons des tonnes de produits en solde.<br />
Je la suivis aux quatre coins du magasin. Bientôt, l’abondance d’articles gothiques me donna le<br />
tournis.<br />
— N’hésitez pas à m’appeler si vous avez des questions, ajouta-t-elle.<br />
J’avais les bras chargés de collants résille, de hautes bottes noires et d’un sac à main « Olivia<br />
Outcast ».<br />
Libby essaya un tee-shirt noir sur lequel on pouvait lire : « 100 pour sang <strong>vampire</strong> ».<br />
Je reçus un coup de poignard dans le cœur, et une boule se forma dans ma gorge.<br />
— Je te l’<strong>of</strong>fre, insista-t-elle en se retournant vers la caisse.<br />
Dans d’autres circonstances, je n’aurais pas cherché à dissimuler ma joie, mais ce vêtement me<br />
rappelait trop l’absence d’Alexander.<br />
— <strong>Ce</strong> n’est pas la peine.<br />
— Mais si. Je suis ta tante quand même. Nous prenons ceci, dit-elle à la vendeuse en lui tendant le<br />
tee-shirt et sa carte de crédit.<br />
Je considérai mes bras chargés. Tout me faisait penser à lui…<br />
— Je vais reposer ça, lançai-je.<br />
Alors je m’imaginai retrouvant Alexander, vêtue de ces bottes et de ces collants si sexy.<br />
— Nous prendrons aussi ceci, ajouta ma tante, qui avait lu en moi, en prenant les articles que<br />
j’avais choisis et en les posant sur le comptoir.<br />
Tante Libby habitait dans une rue bordée d’arbres et flanquée d’étroites maisons mitoyennes datant<br />
des années quarante, soit un décor très différent des maisons de banlieue contemporaines de mon quartier<br />
et du reste de Dullsville. Douillet et bohème, son appartement ne comportait qu’une chambre à coucher.<br />
Tapis fleuris, coussins, chaises en rotin, pots-pourris de lavande meublaient le salon. Les murs étaient<br />
décorés de masques italiens et des lanternes chinoises pendaient au plafond.<br />
— Tu peux t’installer là, me dit-elle en désignant un futon aux motifs paisley.<br />
— Merci ! lançai-je, tout excitée par mes nouvelles acquisitions. Je suis contente que tu aies<br />
accepté de m’héberger.<br />
— C’est moi qui suis très heureuse que tu sois venue !<br />
Je posai ma valise à côté du futon et jetai un coup d’œil à l’horloge « Pink Floyd » accrochée audessus<br />
d’une cheminée qui ne servait plus et dans laquelle étaient disposées des bougies. Plus que<br />
quelques heures avant le coucher du soleil.<br />
Libby me servit du jus de carotte pendant que je déballais mes affaires.<br />
— Tu dois être affamée, me dit-elle depuis sa minuscule cuisine Art déco. Tu veux un wrap à<br />
l’avocat ?