Agone n° 29/30 - pdf - Atheles

FRANCK POUPEAU & SANDRINE GARCIA 29
L’école de la remédiation
De l’internationalisation des systèmes d’enseignement
à la gestion institutionnelle des flux scolaires
LE PRINTEMPS 2003 a remis l’école au premier plan des préoccupations
politiques françaises. En avril, le ministre Luc Ferry adresse
aux 800 000 enseignants un livre intitulé Lettre à tous ceux qui
aiment l’école, où sont énoncées dix priorités : lutte contre l’illettrisme,
échec en premier cycle universitaire, incivilité et violence, revalorisation
de la voie professionnelle, amélioration de la prise en charge du handicap,
soutien à l’engagement des jeunes, amélioration de la formation des
enseignants et de la mobilité des étudiants, harmonisation des diplômes
dans le supérieur, revalorisation de la place de la science, mesures en
faveur de la décentralisation et de l’autonomie des établissements – ce
dernier point constituant selon le ministre « la clé de toutes les autres
réformes » [Libération, 20.03.03]. La démarche de Luc Ferry entend échapper
aux oppositions entre « modernistes » et « traditionalistes », entre
« pédagogues » et « instructeurs », qui structurent le « débat public »
depuis quelques décennies. Cette rhétorique cache pourtant mal des partis
pris bien déterminés. Aux « racines du mal », l’idéologie spontanéiste
de Mai 68, qui a eu selon le ministre un effet désastreux sur l’école en
valorisant l’« expression de soi » en lieu et place de la « transmission de
savoirs traditionnels ». Lorsque Luc Ferry met en cause la «démagogie »
de la loi d’orientation de 1989, qui place « l’élève au centre du sys-
AGONE, 2003, 29/30 : 29-56