magazine Lignes d'avenir n° 8 - RFF
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Entretien croisé<br />
Facteur 4 et transport ferroviaire<br />
Comment les différents acteurs du transport peuvent-ils contribuer à l’objectif du Facteur 4?<br />
Interview croisée entre Véronique Wallon, directrice générale adjointe, responsable du pôle<br />
gouvernance et stratégie chez <strong>RFF</strong>, et Yves Crozet, professeur à l’université de Lyon, membre<br />
du LET et président de l’Observatoire énergie environnement des transports.<br />
Que pensez-vous de l’état<br />
de prospective en France<br />
sur le sujet du Facteur 4?<br />
Yves Crozet : L’objectif du Facteur 4 a eu<br />
pour effet de présenter l’horizon 2050<br />
comme une référence pour divers travaux.<br />
Il y a d’abord eu en 2005 le travail du<br />
Conseil général des ponts et chaussées<br />
(CGPC). Les scénarios proposés, assez<br />
contrastés, n’avaient bien sûr pas tout<br />
prévu, mais ils résistent assez bien aux<br />
changements actuels liés à la crise. Par la<br />
suite, le LET et Enerdata ont produit pour<br />
le Predit des scénarios qui montrent que<br />
la technologie ne permettra, au mieux,<br />
que d’atteindre le Facteur 2. Ce qui est<br />
conforme aux résultats d’autres travaux,<br />
conduits par des spécialistes de l’économie<br />
de l’énergie (Cired à Paris, LEPII à<br />
Grenoble…) qui insistent sur la nécessité<br />
de la taxe carbone ou des permis négociables<br />
pour infléchir les comportements.<br />
Pourquoi <strong>RFF</strong> s’est intéressé<br />
à la question du Facteur 4?<br />
Véronique Wallon: Par nature, le transport<br />
ferroviaire contribue à la limitation des émissions<br />
de GES. Mais le transport ferroviaire<br />
n’est économe que s’il est utilisé de façon<br />
massive. C’est à cette condition uniquement<br />
qu’il peut remplir sa mission de contribution<br />
au Facteur 4. Désormais, quand on construit<br />
une nouvelle ligne, un bilan complet de<br />
l’émission des GES est nécessaire. Il nous<br />
faut en effet développer des projets pertinents<br />
qui présentent un équilibre entre<br />
les aspects économiques et écologiques.<br />
Le Bilan Carbone TM de la ligne Rhin-Rhône<br />
est le premier que nous ayons réalisé en<br />
partenariat avec l’Ademe et la SNCF depuis<br />
la conception de la ligne jusqu’à son exploitation<br />
commerciale au cours des 30 premières<br />
années après sa mise en service.<br />
« Le transport ferroviaire n’est<br />
économe que s’il est utilisé<br />
de façon massive. » Véronique Wallon<br />
Quels rôles doit jouer chacun<br />
des acteurs dans cette démarche<br />
qui vise le Facteur 4?<br />
Y. C. : Les experts spécialistes du climat<br />
ont sonné l’alarme, puis ont laissé la<br />
parole aux experts sectoriels spécialistes<br />
de l’agriculture, du transport ou de l’énergie.<br />
Ces derniers doivent montrer quelles<br />
sont les inflexions et les ruptures à envisager,<br />
afin que les pouvoirs publics prennent<br />
les bonnes orientations (taxe carbone,<br />
permis négociables, réglementation,<br />
tarification…).<br />
Et comment <strong>RFF</strong> s’inscrit dans<br />
cette démarche?<br />
V. W. : En tant qu’entreprise citoyenne, nous<br />
contribuons à cette démarche en améliorant<br />
nos performances dans nos différentes activités.<br />
Nous nous efforçons de concevoir des<br />
projets dont le Bilan Carbone TM est positif et<br />
qui répondent aux exigences du Facteur 4.<br />
Notre rôle est également d’offrir des conditions<br />
de transport sûres, efficaces et<br />
commodes, tant pour les voyageurs que<br />
pour les marchandises, afin de favoriser<br />
le développement du transport modal.<br />
« La tarification raisonnée des<br />
infrastructures est un moyen<br />
de maîtriser la mobilité. » Yves Crozet<br />
Y. C. : Le gestionnaire doit mettre au service<br />
de la collectivité ses infrastructures<br />
pour encourager les modes de transport<br />
les moins émetteurs de GES. Mais cela ne<br />
signifie pas la gratuité. Au contraire, la tarification<br />
raisonnée des infrastructures est<br />
un moyen de maîtriser la mobilité. De plus,<br />
cette tarification doit être mise au service<br />
du financement du réseau. Car rien n’est<br />
moins durable que la gratuité!<br />
Quels enseignements tirez-vous<br />
de l’étude LET-Enerdata?<br />
V. W. : Deux messages très forts ressortent<br />
de cette étude. On voit d’abord que la<br />
notion du budget/temps de transport fixe<br />
une limite au déplacement des personnes.<br />
L’hypermobilité ne doit pas être encouragée.<br />
Quant à la recherche de la plus<br />
grande vitesse, elle doit respecter l’efficacité<br />
énergétique du transport ferroviaire.<br />
Le second enseignement à tirer de l’étude<br />
du LET est que la technologie ne résoudra<br />
pas tout. Le mode de transport individuel,<br />
quelle que soit sa performance, ne<br />
permettra pas d’atteindre les exigences<br />
du Facteur 4. <br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 19