RENCONTRE 4 [ RENCONTRE ] Par Mireille Sartore La procédure n’a pas changé d’un iota depuis soixante-quinze ans : sur l’un des quatre coins du cube de bois rudimentaire faisant office de siège – position inconfortable mais parfaite pour le maintien dit-on –, le sujet s’installe stoïquement et attend le fameux « clic » qui le conduira lui aussi au panthéon des stars immortalisées par le célèbre studio... Nous sommes bien chez Harcourt, au numéro 10 de la rue Jean-Goujon, tout près des Champs-Elysées, dans un très bel hôtel particulier situé en retrait de l’agitation citadine – qui nous plonge hors du temps, à l’instar de ces photographies ayant façonné la légende « Harcourt »... Harcourt, la naissance d’une légende Une longue histoire faite de rebondissements, et des secrets pleins les tiroirs… Inutile de s’étendre sur les multiples déboires de cette maison créée au début des années trente par les frères Jacques et Jean Lacroix, désireux de ne pas poursuivre l’activité de leurs parents, artisans en accessoires pour modistes…* Devenus en moins d’une décennie des patrons de presse établis et reconnus, ils s’associent à Germaine Hirschefeld, alias Cosette Harcourt (1900-1976), personnalité exceptionnelle de l’époque – moderne, féministe, fantasque, entre autres « extravagances » – pour fonder ce qui deviendra très vite le plus grand studio photo de tous les temps. Installé en 1939 dans un palais de l’avenue d’Iena du très chic XVIe arrondissement, l’établissement de plus de 1 000 m2 accueille la première année près de 37 000 « clients » ! décembre 20<strong>09</strong>-janvier 2010 www.cotemagazine.com Harcourt L’ÉTERNEL GLAMOUR GLAMOUR ETERNAL Passage obligé des stars depuis 75 ans, le Studio Harcourt ouvre désormais ses portes à tous ceux qui veulent vivre une expérience inoubliable autour de la photographie. -/ A mandatory port of call for stars since 1934, the Harcourt Studio is now open to anyone who wants to turn their portrait photo shoot into an unforgettable experience. The procedure hasn’t changed in 75 years: the subject settles stoically on one corner of the wooden cube that serves as a seat and waits for the click that will take them, like so many before them, into the firmament of stars immortalised by the famous studio. For we’re in the renowned Harcourt Studio, in a grand town house near the Champs-Élysées, set back from the bustle of the street. We’re immersed in the timeless zone inhabited by those black and white portraits that have made Harcourt a legend. Birth of a legend It’s a long and eventful story, replete with secrets and convoluted episodes. But there’s no point going back over the trials and tribulations the firm has been through since it was set up by brothers Jacques and Jean Lacroix in the early thirties. After becoming well-established press magnates in less than ten years, they went into partnership with Germaine Hirschefeld to found what quickly became the greatest photo studio of all time. Hirschefeld, alias Cosette Harcourt (1900-1976), was a remarkable personality for her time – modern, feminist and capricious. In 1939 the studio moved into a palatial 1000-m2 mansion on the Avenue d’Iéna in the very chic 16th arrondissement, where in their first year they photographed nearly 37,000 customers. Idealised images « Plus qu’un portrait, c’est une véritable expérience que nous donnons à vivre chez Harcourt, explique Francis Dagnan, président du célèbre Studio. Chaque personne, célèbre ou pas, jouit du même traitement de faveur. » Harcourt, l’image sublimée Cosette Harcourt n’est pas l’aristocrate anglaise qu’elle prétend être. Née à Paris, d’origine juive allemande, la jeune femme apprend les rudiments de la photo chez un concurrent d’Harcourt avant d’y devenir la directrice. S’élabore ainsi « un style de portrait fondé sur l’idéalisation du modèle : image sublimée d’une beauté intemporelle en l’absence de repérages tels que la mode vestimentaire ou un décor envahissant ». Le plan de trois quarts est privilégié, parfois le profil, et l’objectif se concentre sur le buste, cerne le visage, valorise le regard qui s’élève, plane et se perd un peu dans l’espace. Un savant jeu de lumières, mettant en exergue la densité des ombres, apporte une dimension surréelle à une pose qui peut parfois manquer de naturel mais jamais de prestance. Des éclairages dignes de plateaux de cinéma sont utilisés ; Cosette admire beaucoup Henri Alekan, l’un des plus grands chefs opérateurs français. Dans un souci de perfection, les clichés passent ensuite par des ateliers de retouche et toutes les célébrités se pressent désormais dans cet atelier de photographie à nul autre pareil, en Europe… Harcourt, un statut d’icône « Dans la scénographie de Cosette, explique Françoise Denoyelle, le rituel du portrait oscille entre la cérémonie d’adoubement et la consécration des studios hollywoodiens. Il emprunte à la première le principe d’une cérémonie scrupuleuse- Cosette Harcourt developed a style of portraiture that idealised the model, creating a dreamlike image of timeless beauty with no reference points such as clothing style or background to bring it down to earth. Most of the shots are three-quarter profile, sometimes full profile, the lens taking in the bust, framing the face and accentuating the gaze. The subject looks upwards, dreamily, into space. The lighting is worthy of any film set, skilfully emphasising the density of the shadows and adding a surreal touch to the pose − a pose that is sometimes unnatural but never pretentious. For greater perfection, the photos were then sent to the retouching studio. And ever since, celebrities have flocked to a photo portrait studio like no other in Europe. Iconic status “With Cosette’s staging”, explains Françoise Denoyelle, “the ritual of the portrait veered between a royal dubbing ceremony and the consecration of a Hollywood studio. From the former it took the principle of a ceremony scrupulously ruled by codes; from the latter, the intoxicating glamour that it cultivated to the extreme.” With 350,000 faces fixed for all eternity, including 1500 celebrities of all kinds, the Harcourt brand is here to stay and its portraits have attained iconic status. Journalist Ariel Wizman (and who could be more in sync with the times than he?) said recently on French TV, “Harcourt is definitely hip”. décembre 20<strong>09</strong>-janvier 2010 www.cotemagazine.com