QUI EST L'AUTRE - Eric Vincent

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LE LUTIN BLOND
« Les K ! Ces mutants sont du bon côté ! Malheureusement, ils vivent loin ! Je n’ai pas le
choix. Ce sont les seuls aptes à me comprendre et à me protéger ! »
Elle reprit sa course infernale, sautant les marches quatre à quatre. Au dernier niveau, elle
stoppa brusquement. L’éclairage venait de sauter, plongeant la cage d’escalier dans une
relative obscurité, à peine rompue par les veilleuses de secours. Il lui fallut une bonne dizaine
de secondes pour que ses yeux s’habituent à la pénombre. Tétanisée par la peur, elle sentit
l’ombre s’animer. Une brume noire émergea du sol et s’éleva peu à peu, prenant forme
humaine.
Malika recula et trébucha. De Tristan, elle vit d’abord le dos, puis le visage, lorsqu’il consentit
à lui faire face.
- Qui êtes-vous ? Lâcha-t-elle, la voix mal assurée.
- Si seulement je le savais ! Par contre, ce que je n’ignore pas, ce sont tes intentions ! Tu veux
colporter ta découverte, parler de moi pour te protéger. Quel dommage ! J’espérais te
conquérir, te choyer, faire de toi mon alliée. Tu me fuis comme si je n’étais qu’un monstre !
Je ne suis pas que cela… J’ai un cœur, aussi ! Je peux aimer ! Mais personne ne s’en soucie…
Personne… Tu as fait le mauvais choix, Malika ! Acheva-t-il en élevant sa voix avec force et
rage.
Il déchaîna l’enfer sur elle, l’engloutissant dans la nuit noire, la prenant sans pitié, avalant
l’escalier, les murs au passage, incapable de stopper sa furie. Ce ne fut que lorsqu’il reçut des
gravats à ses pieds qu’il prit conscience de l’ampleur des dégâts engendrés. La lumière du jour
pénétrait dans l’anfractuosité creusée par le jet de lumière noire. Il avait percé la tour de part
en part, avalé tous les matériaux, anéanti tout ce qui se trouvait dans le rayon de ses paumes.
Il disparut dans l’ombre projeté par les pans de mur intacts, secoué par un ricanement
démoniaque.
* *
*
Le commissariat de police de Poitiers prenait des allures de foire aux bestiaux. Les flics en
tenue, comme les inspecteurs en civil, s’agglutinaient en masse autour du bureau de Désiré
Prosper, le sympathique commissaire d’origine martiniquaise. Le patron des lieux avait eu
beau baisser les stores du bocal vitré, ses collègues plaquaient leurs yeux contre le verre,
cherchant à découvrir les occupants à travers les maigres interstices des lames d’aluminium.
Pourquoi ? Le boss recevait deux hôtes de marque : Martin Lemur, alias Minus, des K,
accompagné de Gwendoline, dite Gitane, sa comparse aux dons de voyance si étonnants.
Bien que Martin fût le brillant génie et le chef spirituel des K, les oiseaux de la basse-cour
n’avaient d’yeux que pour la belle égérie des supers héros. Gwendoline arborait une jupe ultra
moulante, rouge pompier, courte comme le programme politique du front national, et un
bustier d’un blanc virginal entièrement occupé par sa généreuse poitrine, ne cachant rien de
son ventre parfait et rond. Juchée sur des talons aiguilles noirs, elle ne cessait de déambuler
dans le bureau, s’éventant avec une feuille de papier pliée en accordéon. De temps en temps,