QUI EST L'AUTRE - Eric Vincent

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LE LUTIN BLOND
suffisant. Il faut de la tactique, de l'entraînement. Il faut se consacrer à notre domaine, pas à
celui des flics. Comment lui dire ?"
Il perçut une ondulation derrière lui. Quelqu'un s'approchait. Sans se retourner, il sut que
c'était Gwendoline. Son eau de toilettes légère se mêlait à son envoûtant parfum personnel.
Cette fille sentait le sable chaud, une odeur venant de sa peau dorée. Il n'osa pas se retourner,
par peur de croiser son regard noir et magnétique, par peur de perdre la tête.
A son tour, elle apposa sa tête contre la vitre et demeura silencieuse. Ses yeux allaient et
venaient entre le pied de l'immeuble et le visage émacié de Sébastien. Ses traits durs
contrastaient tant avec sa personnalité effacée, timide, voire timorée. Ils s'approchaient
davantage de son côté fermé, replié sur lui-même, autiste. Gwendoline, étant donné ses
attraits particulièrement affriolants, attirait tous les hommes et n'éprouvait aucun mal à ce
qu'ils engagent la conversation. En règle générale, elle devait même élever de nombreuses
barrières afin qu'ils ne se montrent pas trop entreprenants.
Avec Sébastien, elle était aussi paralysée qu'un gamin faisant face au Père Noël pour la
première fois de sa vie. Son comparse des K incarnait un labyrinthe dont elle ne possédait
pas le plan. Comme le décoder ? Pourquoi son pouvoir demeurait-il quasiment inefficace
avec lui ? Certes, elle était capable de l'apaiser en lui prodiguant des mots. Elle voyait
également l'avenir du jeune homme mais uniquement la partie émergée de l'iceberg, la vie du
héros dans l'action. Les pensées sombres de Sébastien lui échappaient sans cesse, à son grand
dam. Il était essentiel qu'elle connaisse son état d'esprit.
- C'est étrange, la vie d'une ville, la nuit… débuta-t-elle sans savoir où la conversation la
mènerait.
Sébastien demeura silencieux. Ses yeux tournaient, trahissant un comportement d'inquiétude,
d'anxiété, ce qui n'avait rien d'étonnant pour ce garçon. Il perdait ses maigres moyens face à
cette déesse vivante.
- Tu es malade ? Demanda-t-elle en notant qu'il persistait dans le mutisme.
- Non, murmura-t-il en croisant son regard, la tension abaissée d'un cran. Pourquoi ?
- Tu as l'air inquiet, comme rongé par un problème dévorant.
- Non… Non… bredouilla-t-il, visiblement troublé d'être à l'écart avec Gwendoline.
Il s'apprêtait à battre en retraite en rejoignant les autres lorsqu'elle se mit en travers de son
chemin. Ils se retrouvèrent quasiment nez à nez.
- Hum… Euh… Excuse-moi… Je… Ah… C'est… idiot de faire… un même geste… au
même moment ! Lâcha-t-il, traversé par la gêne et l'émotion.
- Pas toujours… corrigea Gwendoline, le privant de toute fuite.
- Ah ?
- Oui ! Quand deux personnes désirent s'embrasser en même temps, c'est plutôt bien, non ?
Avoua-t-elle en guise d'éclaircissement.