agenda - 491
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© Alice Dison<br />
Le mot qui résumerait le mieux l’état d’esprit de l’album ?<br />
Un peu l’idée d’aller dans une sorte de géographie, comme<br />
un paysage un peu mythique qui serait imaginaire tout<br />
en faisant référence à un paysage précis. Le mot-clé…<br />
Peut-être au-delà des frontières. Comme une idée de<br />
wilderness. Une sorte de désert ou lieu désertique. J’ai<br />
la sensation qu’il y a, à l’intérieur de moi, cette forme<br />
de désert, cet espace sans repères. Dans lequel je me<br />
trouve lorsque j’écris, dans lequel je me balade, dans<br />
lequel je note, je vois, je ressens des choses. Ensuite je<br />
reviens avec ce cahier, je repasse la frontière, il y a des<br />
murs et là… je me mets à écrire. Dans cet au-delà il y<br />
a quelque chose de familier et sûr. Il y a aussi l’idée<br />
d’être perdu pour se retrouver ensuite.<br />
D’où la pochette, peut-être (un autoportrait en forme<br />
de collages) ?<br />
Je vois un peu chaque chanson comme un paysage différent.<br />
J’ai aussi joué sur l’idée qu’on est tous un assemblage<br />
de géographies différentes. D’où cet autoportrait sur la<br />
pochette. Qui est fait de bouts du monde. Les cheveux<br />
sont des chemins de randonnée des Cévennes, la peau<br />
est le Sahara, la chemise est striée par les routes du<br />
Texas et du Mississippi…<br />
Quelles recettes de travail pour faire aboutir une<br />
chanson ?<br />
Ça dépend des titres, en fait. No Reply, par exemple, est<br />
au départ un poème. J’ai ensuite trouvé une tournerie<br />
à la guitare qui rappelait les tarentelles italiennes. Et je<br />
me suis dit que ce poème était fait pour être porté par<br />
une chanson. Il y a d’autres morceaux où je fais d’abord<br />
la musique pour ensuite coller le texte dessus. The Branches<br />
Grow fait un peu exception, puisque j’ai démarré la<br />
mélodie au piano. Alors que je suis plutôt guitariste !<br />
C’est souvent presque par accident que je trouve des sons<br />
que j’aime bien. Une fois que j’ai trouvé un truc qui<br />
sonne bien, il y a une mélodie qui se pose dessus.<br />
Ensuite, généralement, il y a une phrase qui va tomber<br />
parfaitement dans la musique. Et cette phrase constitue<br />
une forme de noyau. Autour de ce noyau je vais<br />
construire les autres paroles et le reste de la chanson.<br />
Peut-on parler de fil rouge dans votre travail ?<br />
Je crois qu’il y a une sorte de combinaison de couleurs<br />
propre à chaque auteur-compositeur ou songwriter. Et<br />
une fois qu’on se rend compte de cette palette particulière,<br />
musique<br />
Interview par Anne Huguet<br />
L’homme est cérébral. Il est aussi un<br />
génial touche-à-tout : tout à la fois<br />
peintre, guitariste et simplement<br />
musicien, mais encore chanteur,<br />
compositeur et auteur. Poète certainement<br />
aussi à sa manière. Parce<br />
que chez lui tout est images. “Même<br />
en musique, j’ai l’impression de voir<br />
des images. Mes chansons sont<br />
autant de paysages différents dans<br />
lesquels je vois des rochers, du sable,<br />
de l’eau, des forêts, un chemin, une<br />
petite route. Comme si, à force d’avoir<br />
été dans le visuel, tout se mélangeait”,<br />
explique-t-il. Piers Faccini a sorti il<br />
y a peu son 4 e album (My Wilderness),<br />
étrange voyage onirique qui s’affranchit<br />
d’étiquettes et marie sublimement blues<br />
du Mississippi, sonorités africaines,<br />
folk terrestre, cadences de tarentelles<br />
italiennes, mélodies orientalo-slaves,<br />
voire même mélopée médiévale.<br />
On y entend la trompette magique<br />
d’Ibrahim Maalouf, le violoncelle ami<br />
de Vincent Ségal, le n’goni du copain malien Tounkara, qui viennent enlacer la voix<br />
douce et ample de ce vagabond dans l’âme. Le résultat est intrigant avec toutes ces<br />
sonorités, ces modulations et ces envolées qui tissent, par touches, la trame d’une<br />
musique sans frontières à la fois mélancolique et radieuse. Voyage en 3D au pays de<br />
My Wilderness.<br />
PIERS FACCINI<br />
le travail consiste à creuser et à aller toujours plus loin,<br />
mais sans chercher à changer radicalement. Pour moi,<br />
le rôle de l’artiste, surtout lorsqu’il écrit, c’est de comprendre<br />
déjà les chansons qu’il a en lui, que j’ai donc<br />
en moi. Écrire des chansons, ce n’est pas écrire de zéro,<br />
mais plutôt aller chercher quelque chose qui est presque<br />
enfoui en soi. Ce qui m’intéresse quand j’écoute d’autres<br />
artistes, c’est justement de m’immerger profondément<br />
dans toutes ces couleurs et palettes… pour souvent me<br />
rendre compte qu’ils évoquent la même chose que moi.<br />
Comme une sorte d’universalité, mais en passant par<br />
leur cœur, leur système nerveux, leurs muscles, leurs<br />
pensées… Le fil rouge, c’est avant tout de rester fidèle<br />
à moi-même. Mais c’est aussi, paradoxalement, d’être<br />
toujours en mouvement. Ainsi, même si j’ai l’impression<br />
de regarder la même chose, ce n’est en fait jamais<br />
pareil, avec toujours la sensation d’être dans un<br />
endroit ou dans un point de regard différent. Ainsi on<br />
peut aborder chaque thème (chanson d’amour, sujet<br />
politique, histoire…) d’un angle différent, et, parce<br />
qu’on est en mouvement, ça n’a finalement rien à voir<br />
avec ce qu’on a fait avant.<br />
En quoi vos influences vous inspirent-elles ?<br />
On ne choisit pas ses influences, on les subit. […]<br />
J’aime à penser qu’on vous montre le chemin, après on<br />
le prend et on va plus loin, il est infini. Je me rends<br />
compte qu’il y a dans mes influences primaires ce<br />
mélange entre l’Afrique (Boubacar Traoré, Ali Farka Touré,<br />
des artistes qui m’ont bouleversé), les États-Unis (Skip James<br />
et le blues du Mississippi) et le folk britannique (John<br />
Martyn et les auteurs-compositeurs anglais des 70s). Mais<br />
je suis aussi allé chercher dans mes racines italiennes,<br />
cette fois-ci, avec des couleurs plus méditerranéennes.<br />
La scène, autre moment fort pour faire vivre votre<br />
musique ?<br />
Un bon concert, c’est l’acceptation de tout ce que l’on<br />
ressent. Et se dire que tout ce que l’on ressent à ce<br />
moment-là on le met au service de la musique. Mais un<br />
concert, c’est aussi un partage. Parce qu’on n’est rien<br />
sans public. C’est le public qui rend chaque concert<br />
unique. Enfin, si l’on accepte de recevoir et partager. Si<br />
on se laisse porter par l’émotion des gens, il se passe<br />
un truc… et c’est ça qui m’intéresse.<br />
Le 9 mars au Train-Théâtre et le 15 mars à l’Épicerie moderne<br />
MARS 2012<br />
N° 179<br />
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