Catalogue des personnages de l'œuvre filmique de Jean Renoir ...

Catherine Hessling, avec ses yeux si clairs cernés de charbon qu’on dirait deux ouvertures terrifiantes sur le néant, son
corps désarticulé, son jeu saccadé de marionnette, et son festival permanent de minauderies, est aussi insupportable que
fascinante.
Isabelle POTEL, Libération, 27-09-2002, article : Nana, p. 46.
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Comte MUFFAT
Interprète : Werner KRAUSS
Age : 35/40 ans
Le personnage original :
« Quant à Muffat, fils tardif d’un général créé comte par
Napoléon 1 er , il s’était naturellement trouvé en faveur après le 2
décembre. Lui aussi manquait de gaieté ; mais il passait pour
un très honnête homme, d’un esprit droit. Avec ça, des opinions
de l’autre monde, et une si haute idée de sa charge à la cour, de
ses dignités et de ses vertus, qu’il portait la tête comme un
Saint-Sacrement. C’était la maman Muffat qui lui avait donné
cette belle éducation : tous les jours à confesse, pas d’escapades, pas de jeunesse d’aucune sorte. Il pratiquait, il
avait des crises de foi d’une violence sanguine, pareilles à des accès de fièvre chaude. » 6
Descriptif
Le chambellan de l’impératrice est un homme riche et puissant qui fait la rencontre de Nana
lors de la représentation au théâtre de La Vénus blonde. C’est dans une certaine mesure sa
propre femme qui le jette dans ses bras en attirant son attention sur « cette fille vulgaire. »
Et c’est tout penaud qu’il se retrouve dans la loge de « l’artiste » « troublé de se voir pour la première
fois de sa vie dans une loge d’artiste. »
Les proches de Muffat le mettent en garde. Vandeuvres l’avertit : « Au nom de notre vieille amitié,
méfiez-vous de cette femme. C’est la mouche d’or qui empoisonne tout ce qu’elle approche. »
Et c’est d’un air anéanti, honteux, impuissant qu’il répond : « Je le sais mon ami. »
Lorsqu’il se résout à la quitter et qu’elle agonise : « Mufe, sale Mufe. Dire que j’ai failli aimer ça ! »
on pense que le personnage s’est définitivement libéré de la comédienne ; il n’en ai rien.
Muffat l’a aimée et l’aime encore et c’est anéanti par le chagrin qu’il lui rend visite malgré les
mises en garde : « Ne montez pas, Monsieur le Comte, la contagion. »
La mort de Nana ne doit pas être comprise comme un happy-end moral où elle retrouverait
une authenticité et une rédemption dans la douleur et l’agonie. C’est simplement sa dernière
représentation, la plus authentique, la plus sincère. Peut-être son plus beau rôle dont Muffat
aura été l’unique spectateur.
Muffat, quelles que soient ses faiblesses, est un personnage noble. Attachant, moins par le
tragique de la situation que par ce mélange de comportement autoritaire et antipathique et de
faiblesse amoureuse qui au contraire le rendent sympathique. Tout cela avec une classe inouïe
qui en fait le précurseur du Baron des Bas-fonds, de Louis XVI (La Marseillaise), de Boeldieu et
de Rauffenstein (La Grande illusion) ou, plus proche de nous, du Général Rollan dans Eléna et les
hommes.
6 in Nana, op. cit., p.66.
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