Catalogue des personnages de l'œuvre filmique de Jean Renoir ...

Joseph TURLOT
Interprète : Michel SIMON
Age : 20 ans environ
Descriptif
Joseph est domestique chez les Blandin. Il travaille en
compagnie de Georgette sa fiancée et « la tendresse de Georgette
et Joseph se trouvait décuplée par le prochain départ de ce dernier pour
le régiment. »
Il doit, en effet, comme le neveu de la maison, Jean Dubois
d’Ombelles, servir la patrie dans les fantassins.
Joseph est un enfant qui a oublié de grandir. Tous les
amusements sont bons pour se divertir : il fera des
galipettes, des pirouettes dans les couloirs du cachot car il
s’y ennuie, à la différence de son maître Jean.
Dans une certaine mesure Joseph est le double de son
maître. Un peu comme le sera, toute proportion gardée, le
braconnier Marceau vis à vis du Marquis de la Chesnaye
dans La Règle du jeu. Il n’est pas totalement à l’aise dans une
maison bourgeoise. Il n’en saisit pas toutes les règles. Il est mal à l’aise et de surcroît d’une
maladresse ahurissante, pour la plus grande joie du spectateur.
Les conséquences de sa maladresse sont désastreuses et la décision de Madame Blandin sera
irrévocable et sans appel : « Quand à vous, je vous donne huit jours. Vous partirez demain. »
Cette contraction temporelle absurde et paradoxale entre les « huit jours » et le départ
immédiat est d’autant plus absurde que le personnage doit partir effectuer son service
militaire. C’est plus qu’une simple réplique comique, c’est de la part de Renoir la
reconnaissance que l’univers bourgeois s’articule autour de la valeur du temps, de sa
rentabilisation. Le temps c’est de l’argent. Et le vocabulaire temporel utilise en permanence
cette double notion. Les huit jours s’apparentent aux congés, tout comme la journée signifie le
travail ou le salaire d’un jour de travail, voire dans son acception d’espace-temps la mesure du
chemin parcouru en une journée. Le temps est mythologiquement régi par Phoebus, autre
nom d’Apollon, qui dirige le char du soleil dans sa course diurne. Joseph et Jean qui semblent
avoir le temps pour eux, appartiennent l’un et l’autre à l’univers dionysiaque.
Joseph diffère de son maître par son bon sens et sa parenté langagière avec les autres conscrits.
A la différence de Dubois d’Ombelles, Joseph n’aura que des amis. On partage avec lui les
fous rires, la vie intime, les photos de famille mais aussi le langage, les coutumes, la façon de
vivre des classes populaires : « V’là mon ancien patron. C’est un poseur qui se croit sorti de la “cuisine de
Jupiter ” comme on dit. »
Cela ne lui interdit pas de demeurer un bon garçon et loin d’être rancunier envers son ancien
maître, d’être le seul à lui porter secours. Il se permet même de le conseiller et de lui expliquer
qu’ « au fond tous vos camarades sont gentils. Il faut savoir les prendre. Même Muflot si vous avez la
manière. »
Lorsque les conventions sont abolies dans l’espace de liberté que procure la fête du régiment,
Joseph se travestit en danseuse. La transgression des sexes est une des caractéristiques de
l’univers dionysiaque. Renoir ne l’utilisera que très rarement et toujours dans une acception
comique (La Grande illusion). Il prend soin toutefois de suggérer que dans un univers
exclusivement masculin (armée, camp de prisonniers) le travesti appartient non seulement au
domaine ludique, mais aussi à une représentation certes caricaturale mais nécessaire de la
femme absente.
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