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Catalogue des personnages de l'œuvre filmique de Jean Renoir ...

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<strong>Jean</strong> DUBOIS d’OMBELLES<br />

Interprète : Georges POMIES<br />

Age : 25 ans environ<br />

Descriptif<br />

<strong>Jean</strong> Dubois d’Ombelles est le neveu <strong>de</strong> Madame Blandin. C’est un<br />

poète, un peu dans la lune, qui passe aux yeux <strong>de</strong> tous pour un être<br />

simplet. Il est fiancé à Solange, la fille <strong>de</strong> Madame Blandin, sa<br />

cousine qui ne manifeste aucun intérêt pour sa poésie et s’ennuie en<br />

sa compagnie, ce qui la poussera à le quitter pour un jeune et<br />

fringuant officier. L’action se déroule au moment crucial du départ<br />

au service militaire. Le ressort <strong>de</strong> la comédie est simple : comment<br />

un être lunatique peut-il supporter les contraintes <strong>de</strong> l‘Ordre et la<br />

Règle ? Ce qui dans la vie courante constituait un passage<br />

initiatique déterminant dans la constitution d’i<strong>de</strong>ntité (passage du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’affect à celui <strong>de</strong><br />

la soumission aveugle, à la Loi), <strong>de</strong>vient dans le vau<strong>de</strong>ville militaire l’argument d’une<br />

dénonciation par l’absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette caricature apollinienne <strong>de</strong> l’univers qu’est l’Armée.<br />

Encore faut-il préciser qu’en rendant ridicules les officiers supérieurs et les ganaches<br />

subalternes, ce comique troupier ne fait qu’égratigner et ne remet jamais en cause la nécessité<br />

d’un ordre militaire. Il est sans doute dans la nature <strong>de</strong> chaque spectateur mâle à la fois<br />

d’entretenir une nostalgie <strong>de</strong> l’école, <strong>de</strong> la pension, du lycée ou <strong>de</strong> la caserne et <strong>de</strong> sembler ne<br />

pas s’en montrer dupe en transformant toutes les absurdités <strong>de</strong> ces existences successives en<br />

« faits d’arme » comiques.<br />

Avec <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>personnages</strong> aussi schématiques, <strong>Renoir</strong> ne pouvait qu’à la fois respecter la règle du<br />

jeu que lui imposait le genre et la dépasser en rendant ses <strong>personnages</strong> plus proches <strong>de</strong> la<br />

réalité. Ici encore le « miracle » se produit grâce à la rencontre d’un comédien exceptionnel,<br />

danseur <strong>de</strong> son état, Georges Pomiès. Le personnage <strong>de</strong> Dubois d’Ombelles déteste tout ce qui<br />

touche à l’art militaire. Lorsqu’un défilé passe dans la rue, et que <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes hystériques<br />

battent la mesure, il manifeste son agacement pour ce « bruit » qui nuit à sa concentration<br />

poétique (situation reprise par <strong>Renoir</strong> dans la première séquence d’Eléna et les hommes). Sa<br />

sensibilité, son raffinement sont tout à l’opposé <strong>de</strong> la soldatesque virile et grossière : « Et dire<br />

qu’on a invité un colonel à nous regar<strong>de</strong>r manger, ça me coupe l’appétit. »<br />

Limité à cela, le personnage ne serait ainsi que l’incarnation fidèle et servile <strong>de</strong> la création <strong>de</strong><br />

Mouezy-Eon [on tirera beaucoup d’enseignements à comparer le traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>personnages</strong><br />

<strong>de</strong> Tire-au-flanc chez <strong>Renoir</strong> à ceux <strong><strong>de</strong>s</strong> trois remakes <strong>de</strong> Henri Wulschleger (1933), <strong>de</strong><br />

Fernand Rivers (1950) et <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> <strong>de</strong> Givray (1960)].<br />

<strong>Renoir</strong> approfondit son personnage. <strong>Jean</strong> Dubois d’Ombelles présente <strong><strong>de</strong>s</strong> aspects beaucoup<br />

moins sympathiques : il est sûr <strong>de</strong> lui, il dénigre les autres et ne respecte pas le travail <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

subordonnés et encore moins celui <strong>de</strong> Joseph et Georgette, les domestiques, dont la seule<br />

qualité est <strong>de</strong> lui obéir, <strong>de</strong> le servir.<br />

Son comportement l’inscrit dans le mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> bourgeois et introduit nettement <strong><strong>de</strong>s</strong> notions <strong>de</strong><br />

classes. Mais ce côté antipathique du personnage s’explique moins par une conscience <strong>de</strong><br />

classe que par une inadaptation au mon<strong>de</strong> qui l’entoure. « Complètement idiot, ce garçon » conclura<br />

le Colonel. « Il a <strong><strong>de</strong>s</strong> excuses, c’est un poète. »<br />

Dans les séquences purement militaires, <strong>Renoir</strong> prend soin <strong>de</strong> montrer, en mettant en<br />

parallèle le <strong><strong>de</strong>s</strong>tin <strong>de</strong> Joseph, le serviteur et <strong>de</strong> Dubois d’Ombelles, le maître, qu’un « <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

mérites » <strong>de</strong> la caserne est d’abolir les différences <strong>de</strong> classes.<br />

Alors que les autres bleus sont accueillis à grand renfort <strong>de</strong> tapes dans le dos et <strong>de</strong> fous rires<br />

amicaux, <strong>Jean</strong> arrive après tout le mon<strong>de</strong>, en voiture, vêtu en bourgeois.<br />

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