«UNE RUMEUR QUI VISE À EMPÊ CHER L ... - Horizons
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HISTOIRE<br />
HORIZONS • Jeud 7 Juin 2012<br />
Suite de la page centrale<br />
• Le 26 mai 1962, 40 établissements scolaires où la langue de<br />
Voltaire était enseignée sont ciblés à Alger.<br />
• Le 28 mai 1962, l’OAS tire ses dernières cartouches, 10<br />
écoles sont incendiées.<br />
• Le 7 juin 1962, c’est un collège de jeunes filles qui est attaqué<br />
à Oran.<br />
• Le même jour, et par une journée printanière, un certain jeudi<br />
7 juin 1962, les feux de la haine se déchaînent. La politique de la<br />
terre brûlée a atteint son paroxysme. La culture, le savoir, ennemis<br />
par excellence du colonialisme et du fascisme, allaient, à l’aube de<br />
l’indépendance, être victimes d’un attentat perpétré par les ultras de<br />
l’Algérie française. L’incendie criminel de la bibliothèque universitaire<br />
d’Alger par l’OAS. A midi, au milieu de la journée, l’« Unique »<br />
bibliothèque universitaire d’Algérie, située en plein centre d’Alger, à<br />
la rue Didouche Mourad (ex-Rue Michelet) est incendiée. Un commando<br />
Delta dépose trois bombes à l’intérieur de l’édifice.<br />
Trois fortes explosions secouent la Bibliothèque universitaire,<br />
suivies d’un champignon de fumée qui se dégage du bâtiment.<br />
Et dans le grondement des flammes, le fracas des explosions,<br />
les sciences de Melwil Dewey, de Paul Otlet et de Henri<br />
Lafontaine… sont asphyxiées et la langue de Voltaire et de<br />
Montesquieu est incendiée. Lors de ce crime barbare contre la<br />
langue de Victor Hugo, plus de 300.000 volumes ont été dévorés<br />
par le feu et réduits en cendres. Les flammes n’avaient pas<br />
épargné, lors de leur passage, la salle de lecture du premier étage,<br />
les magasins, et la salle des professeurs, les laboratoires, les<br />
amphis de Chimie et de Sciences. Les ouvrages d’ensemble classés<br />
dans les magasins de stockage sont phagocytés par le feu. Les<br />
ouvrages particuliers tombaient des rayonnages calcinés. Les<br />
documents à caractère périodique pourrirent dans l’eau répandue<br />
pour éteindre le feu. C’est ainsi que furent noyées des collections<br />
conservées dans les aires situées en dessous de la salle de travail,<br />
d’autres ouvrages qui avaient pris un « bain » pour la première fois<br />
étaient récupérés endommagés, à moitié calcinés. Des milliers<br />
d’ouvrages et de périodiques ont été détruits par les flammes ou<br />
l’eau. C’est en effet dans les magasins, lieux de stockage, où il y<br />
avait les documents les plus importants que furent déposées les<br />
bombes à relais au phosphore. Ce qui implique une complicité évidente<br />
des fonctionnaires de la bibliothèque, et même celle des<br />
pompiers dont les lances étaient dirigées plus pour noyer les livres<br />
que les protéger des flammes. Cet incendie a affecté le bâtiment<br />
de la salle de lecture du premier étage et les magasins de conservation<br />
des ouvrages des deuxième et troisième étages.<br />
Les statistiques retiennent ces chiffres : en 1959, la bibliothèque<br />
universitaire comptait environ 500 000 ouvrages et<br />
1 275 titres de périodiques.<br />
Combien d’ouvrages perdus ? On ne le sait pas avec exactitude.<br />
Les chiffres varient entre 300 000 et 400 000 ouvrages.<br />
Car les registres d’entrée d’inventaire (R.E.I) ont été brûlés<br />
auparavant, au mois de mai 1962 par cette même organisation<br />
terroriste. Et, là on se demande pourquoi avoir brûlé les<br />
R.E.I ? (7)<br />
La réponse est facile à trouver. Faire perdre toutes traces<br />
du Fonds documentaire que recèle cette prestigieuse institution<br />
en ouvrages particuliers, en ouvrages d’ensemble et en<br />
documents à caractère périodique.<br />
A ce sujet, un numéro du quotidien français « Le Monde » de<br />
1888 :<br />
OUVERTURE<br />
DE LA BIBLIOTHÈQUE<br />
UNIVERSITAIRE<br />
La bibliothèque universitaire fut ouverte aux étudiants en<br />
janvier 1888. Elle occupe toujours le bâtiment central de<br />
l’Université d’Alger, dont les travaux de construction, commencés<br />
en décembre 1884, s’achevèrent à la fin<br />
de décembre 1887.<br />
Et, dans un article publié par la Revue africaine en 1905, le<br />
bibliothécaire des Ecoles supérieures d’Alger – Facultés à<br />
partir de 1909 – fit la description suivante : « La bibliothèque<br />
occupe la partie centrale du bâtiment qui fait face à<br />
la rue Michelet. Elle est encadrée par l’Ecole de Médecine,<br />
l’Ecole des Sciences et la cour d’honneur. On accède à la<br />
bibliothèque par des escaliers qui aboutissent à deux<br />
paliers vastes et également décorés par huit colonnes. La<br />
bibliothèque se compose d’une grande salle et de salles<br />
annexes superposées à la grande salle. Celle-ci mesure 43<br />
mètres de longueur sur 9 mètres de largeur, et une hauteur<br />
de 8 mètres.<br />
De forme rectangulaire et sans supports apparents, elle<br />
offre un coup d’œil d’ensemble agréable.<br />
La salle de la bibliothèque est fort bien éclairée par 18<br />
fenêtres de dimensions très grandes, placées à trois<br />
mètres du rez-de-chaussée. Les 9 fenêtres en façade de la<br />
rue Michelet mesurent 3,25 m de hauteur sur 3 de largeur.<br />
Les 9 autres donnent sur la cour d’honneur et mesurent 3<br />
m de hauteur sur 3 m de largeur. La salle est coupée sans<br />
interruption par une galerie posée à 2,20 m du rez-dechaussée.<br />
Les rayons qui comptent aujourd’hui un développement<br />
de près de 2 000 mètres peuvent accepter près<br />
de 60 000 volumes.<br />
La bibliothèque compte aujourd’hui (1905) dans la grande<br />
salle 50 000 volumes et 99 000 thèses ou publications académiques<br />
provenant des Universités nationales et des 38<br />
Universités étrangères qui font des échanges avec les<br />
Universités de la Métropole.<br />
L’auteur de cette description était loin de s’imaginer que,<br />
soixante quatorze ans après son ouverture aux étudiants,<br />
la BU, avec ses 500 000 volumes et 1 275 titres de périodiques<br />
accumulés depuis, allait être livrée à la proie des<br />
flammes. Plus du tiers de son fonds sera brûlé par des<br />
jeunes éduqués dans la haine raciale, la haine qu’avait distillée<br />
les conquérants de l’Algérie tel Montagnac.<br />
cette période là, faisait état d’un transfert de livres de la B.U.A à la<br />
bibliothèque d’Aix : Les containers cachaient-ils les documents ou<br />
manuscrits que l’on n’a pas retrouvés après l’incendie ? Ce transfert<br />
en métropole, quelques jours avant l’incendie, ne constitue-t-il<br />
pas un témoignage accablant de préméditation ? Ces questions<br />
n’ont pas, à ce jour, trouvé de réponse. Mais en fait, quelles que<br />
soient les estimations données de part et d’autre, elles ne pourraient<br />
être à la mesure du désastre. Car un édifice brûlé se reconstruit,<br />
mais un livre qui ne laisse pas une fiche catalographique<br />
emporte avec lui à jamais une partie de la mémoire universelle.<br />
Cette institution est considérée comme étant le plus beau fleuron de<br />
la « mission civilisatrice française ». C’est toute la mémoire d’un<br />
peuple – d’une nation – qui partait en fumée sous les regards<br />
approbateurs des tenants de l’Algérie française. Ce gigantesque<br />
autodafé du savoir universel porte une sinistre signature,<br />
Organisation de l’Armée Secrète, O.A.S, qui a voulu priver le<br />
Il y a 50 ans, l’Autodafé de la<br />
Bibliothèque Universitaire d’Alger<br />
peuple algérien d’un instrument fort précieux de connaissances et<br />
de savoir, une manière de les empêcher de profiter pleinement de<br />
l’indépendance toute proche. Avec cet autodafé, les hitlériens ont<br />
trouvé leurs émules.<br />
Des cris d’indignation s’élèveront pour condamner cet acte barbare,<br />
déclenchant même un mouvement de solidarité nationale et<br />
internationale pour la reconstruction de cette institution du savoir.<br />
Ce comité international pour la reconstruction de la B.U.A, le<br />
« C.I.R.BUA » vit le jour le 19.12.1962, et avait pour objectif de<br />
recueillir, partout dans le monde et en Algérie, des dons en matériaux<br />
de construction, en argent, et en livres. Six années plus tard,<br />
le 12 avril 1968, la BUA est enfin restaurée et renaît de ses cendres<br />
pour être au service de la science et du savoir, et être au-devant de<br />
ses utilisateurs, étudiants, professeurs, chercheurs…<br />
Après l’incendie de la Bibliothèque Universitaire, et plus exactement<br />
onze jours plus tard, le 18 juin 1962 – l’organisation terroriste<br />
OAS tire son baroud d’honneur. Onze institutions culturelles sont<br />
visées à Oran, 10 écoles et la bibliothèque municipale – encore<br />
une fois, livres et périodiques sont perdus à jamais par les<br />
actes démentiels des suppôts du mal. L’incendie de la BUA<br />
est considéré comme l’un des plus grands autodafés de l’histoire<br />
universelle.<br />
En conclusion, la mission civilisatrice française se résume<br />
à travers ces deux actes tristement symboliques. En 1830, ils<br />
ont brûlé des manuscrits et des livres en arrivant chez nous.<br />
En 1962, ils ont encore brûlé des livres en s’en allant !<br />
Après toutes ces monstruosités, le colonialisme ne nous laisse<br />
même pas la possibilité de pardonner, ce qui est en fait, impardonnable.<br />
L’un des artisans de la torture et de la souffrance pratiquées<br />
en Algérie durant la guerre de Libération nationale, un certain Pierre<br />
Sergent, chef du service « action métropole », qui en 1978 « commet<br />
» chez Fayard la publication d’un ouvrage intitulé « Je ne<br />
regrette rien ». Et nous, nous n’oublions rien.<br />
SOURCES<br />
n A. M.<br />
et (2) - In : El Watan des 8 et 9 janvier 1998.<br />
In : Le Monde : dossiers et documents juillet-août 1987.<br />
– In : La Tribune du 21 mars 2002.<br />
– Direction des archives nationales d’Alger du 29 août 1995.<br />
– Documents primaires :<br />
Les documents primaires se divisent à leur tour en :<br />
Ouvrages d’ensembles<br />
Ouvrages particuliers<br />
Ouvrages d’ensembles : dictionnaires, glossaires, encyclopédies,<br />
manuels, traités, lexiques, vocabulaire, terminologie.<br />
Ouvrages particuliers : monographies, rapports, thèses, essais, collection,<br />
recueils, anthologies, tables, index chronologique, géographique,<br />
matières, auteurs, etc.<br />
Documents à caractère périodique : bulletins, annales, journaux,<br />
annuaires, almanachs, mémoires, revues, revues de culture générale,<br />
de vulgarisation et spécialisée.<br />
– Le registre d’entrée inventaire (R.E.I) permet au bibliothécaire de<br />
trouver rapidement les renseignements utiles sur l’identité de l’ouvrage,<br />
fournit un inventaire complet des collections que possède<br />
l’institution, d’évaluer le développement et de servir à l’établissement<br />
des statistiques.