Grégoire le Grand : 40 homélies sur les évangiles - Kerit
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affirme cependant : «Votre Père cé<strong>le</strong>ste sait de quoi vous avez besoin avant que vous ne <strong>le</strong> lui<br />
demandiez.» (Mt 6, 8). S’il interroge, c’est pour qu’on lui demande; s’il interroge, c’est pour exciter<br />
notre cœur à la prière. Aussi l’aveug<strong>le</strong> ajoute-t-il aussitôt : «Seigneur, que je voie!» Ce que<br />
demande l’aveug<strong>le</strong> au Seigneur, ce n’est pas l’or, mais la lumière. Il ne se soucie pas de demander<br />
autre chose que la lumière, car même s’il est possib<strong>le</strong> à un aveug<strong>le</strong> de posséder quelque chose, il<br />
ne peut, sans lumière, voir ce qu’il possède. Imitons donc, frères très chers, cet homme dont nous<br />
venons d’entendre la guérison du corps et de l’âme. Ne demandons au Seigneur ni des richesses<br />
trompeuses, ni des présents terrestres, ni des honneurs passagers, mais la lumière; non la lumière<br />
circonscrite par l’espace, limitée par <strong>le</strong> temps, interrompue par la nuit, et dont nous partageons la<br />
vue avec <strong>le</strong>s animaux; mais demandons cette lumière que seuls <strong>le</strong>s anges voient avec nous, qui ne<br />
débute par aucun commencement et n’est bornée par aucune fin. Or <strong>le</strong> chemin pour arriver à<br />
cette lumière, c’est la foi. C’est donc avec raison que <strong>le</strong> Seigneur répond aussitôt à l’aveug<strong>le</strong> à qui il<br />
va rendre la lumière : «Vois! Ta foi t’a sauvé.»<br />
Mais à cela la pensée charnel<strong>le</strong> 5 objecte : «Comment puis-je chercher la lumière spirituel<strong>le</strong>,<br />
puisque je ne peux la voir? Comment vais-je être certain qu’el<strong>le</strong> existe, alors qu’el<strong>le</strong> n’éclaire pas<br />
<strong>le</strong>s yeux de mon corps?» On peut répondre en quelques mots à cette difficulté : <strong>le</strong>s objections<br />
mêmes qui nous viennent à l’esprit, nous ne <strong>le</strong>s pensons pas avec notre corps, mais avec notre<br />
âme. Or nul ne voit son âme, et pourtant nul ne doute d’avoir une âme, alors qu’il ne la voit pas.<br />
C’est en effet cette âme invisib<strong>le</strong> qui régit <strong>le</strong> corps visib<strong>le</strong>. Retirez ce qui est invisib<strong>le</strong>, et tout ce<br />
visib<strong>le</strong> qui semblait se soutenir par lui-même s’écrou<strong>le</strong> aussitôt. C’est donc par une réalité invisib<strong>le</strong><br />
que nous vivons de cette vie visib<strong>le</strong>; et nous douterions qu’il y ait une vie invisib<strong>le</strong>?<br />
8. Ecoutons ce qui arriva à cet aveug<strong>le</strong> suppliant, et ce qu’il fit. Le texte poursuit : «A<br />
l’instant il vit, et il <strong>le</strong> suivait.» Voir et suivre, c’est faire ce qu’on a compris être bien. Voir, mais ne<br />
pas suivre, c’est comprendre ce qui est bien, mais négliger de <strong>le</strong> faire. Par conséquent, frères très<br />
chers, si nous reconnaissons que nous sommes des pè<strong>le</strong>rins aveug<strong>le</strong>s, si par la foi au mystère de<br />
notre Rédempteur nous sommes assis au bord du chemin, si nous prions chaque jour notre<br />
Créateur pour en obtenir la lumière, si enfin la vue de cette lumière vient sortir notre intelligence<br />
de son aveug<strong>le</strong>ment, alors, ce Jésus que nous voyons par l’esprit, suivons-<strong>le</strong> par nos œuvres.<br />
Regardons bien par où il passe, et mettons nos pas dans <strong>le</strong>s siens en l’imitant. Car suivre Jésus,<br />
c’est l’imiter. C’est pourquoi il dit : «Suis-moi, et laisse <strong>le</strong>s morts enterrer <strong>le</strong>urs morts.» (Mt 8, 22).<br />
Suivre, en effet, veut dire imiter. Aussi <strong>le</strong> Seigneur recommande-t-il ail<strong>le</strong>urs: «Si quelqu’un veut<br />
être mon serviteur, qu’il me suive.»<br />
(Jn 12, 26)<br />
Observons donc par où il passe, pour pouvoir <strong>le</strong> suivre. Voyez : alors qu’il est <strong>le</strong> Seigneur et<br />
<strong>le</strong> Créateur des anges, il est venu dans <strong>le</strong> sein d’une Vierge pour assumer notre nature, qu’il a luimême<br />
créée. Il n’a pas voulu naître en ce monde de parents riches, mais en a choisi de pauvres.<br />
C’est pourquoi, faute d’agneau à offrir pour lui, sa mère acquit de jeunes colombes et un coup<strong>le</strong><br />
de tourterel<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong> sacrifice (cf. Lc 2, 24). Il n’a pas cherché <strong>le</strong> succès en ce monde; il a<br />
supporté <strong>le</strong>s opprobres et <strong>le</strong>s dérisions, il a enduré <strong>le</strong>s crachats, <strong>le</strong> fouet, <strong>le</strong>s souff<strong>le</strong>ts, la couronne<br />
d’épines et la croix. Et puisque c’est l’attirance des biens matériels qui nous a fait perdre la joie<br />
intérieure, il nous a montré par quel<strong>le</strong>s amertumes il faut y revenir. Quel<strong>le</strong>s souffrances l’homme<br />
ne doit-il donc pas accepter de subir pour lui-même, si Dieu en a tant enduré pour <strong>le</strong>s hommes!<br />
5 Il ne s’agit pas ici, comme au paragraphe 4, de la pensée qui porte au péché, mais de la pensée incapab<strong>le</strong> de s’é<strong>le</strong>ver<br />
à ce qui dépasse l’ordre sensib<strong>le</strong> et corporel.<br />
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