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LA PREUVE EN DROIT FISCAL - Profiscal.com

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Malheureusement, la législation tunisienne, contrairement au droit français, ne consacre pas une<br />

distinction claire entre la procédure de redressement contradictoire et celle de la taxation d’office en<br />

réservant à chacune des caractères propres et des conséquences différentes au niveau de la charge<br />

de la preuve 1 . En droit tunisien, on peut parler d’une « consécration amputée » 2 de la procédure<br />

contradictoire.<br />

La deuxième observation concerne le motif du recours à la taxation d’office. Selon l’article 47 §1 du<br />

C.D.P.F., la taxation d’office est établie « en cas de désaccord » entre le contribuable et<br />

l’administration sur les résultats de la vérification fiscale. Le terme « en cas de désaccord » est très<br />

général, « c’est en fait un fourre-tout, on peut tout y mettre » 3 . Est-il nécessaire de rappeler que les<br />

dispositions trop générales et imprécises doivent être évitées du moment où elles ne font que conférer<br />

à l’administration un pouvoir discrétionnaire trop large 4 . En effet, il serait facile à l’administration<br />

fiscale de provoquer la taxation d’office et le renversement de la charge de la preuve au nom d’un<br />

désaccord sur les résultats de la vérification. Or, <strong>com</strong>me l’a précisé un auteur français, depuis 1962,<br />

« la taxation d’office, fondée sur une évaluation indirecte de la matière imposable, ne saurait être<br />

appliquée de façon générale : son rôle est tout naturellement celui d’une sanction contre les<br />

contribuables défaillants » 5 . « La taxation d’office est une procédure d’exception 6 à l’intérieur du droit<br />

fiscal qui lui-même un droit d’exception, un ‘droit odieux’ » 7 .<br />

La troisième observation concerne le rôle de la taxation d’office en droit fiscal tunisien. Celle-ci ne joue<br />

pas son rôle naturel, celui d’une sanction contre un contribuable défaillant. Mais elle pèse <strong>com</strong>me une<br />

« menace » contre un contribuable qui n’aurait pas abouti à un accord avec l’administration au terme<br />

de la procédure contradictoire. A cet égard, elle peut conduire à sanctionner un contribuable<br />

« honnête », en situation régulière vis à vis de ses obligations déclaratives et <strong>com</strong>ptables, mais qui a<br />

eu « le tort » de ne pas accepter les résultats de la vérification fiscale préliminaire 8 ou approfondie.<br />

Il est regrettable que le législateur tunisien ait conféré à l’administration fiscale « l’arme » de la<br />

taxation d’office, « sans se préoccuper de savoir si, à l’image d’une arme chimique ou d’une bombe<br />

atomique, l’arme ne détruit pas des innocents en même temps que les coupables. La fin justifie-t-elle<br />

les moyens ? La lutte contre la fraude fiscale doit-elle détruire, en même temps, le bon grain et l’ivraie<br />

» 9 ?<br />

Il regrettable aussi que le législateur -à travers l’article 65 du C.D.P.F.- consacre une solution<br />

générale selon laquelle le contribuable taxé d’office supporte la charge de la preuve en cas de<br />

contestation. Le législateur tunisien, et aussi étonnant que cela puisse paraître, n’a pas réservé un<br />

traitement différentiel selon que le contribuable a ou non respecté ses obligations déclaratives. Il<br />

1<br />

Voir le tableau précité résumant les règles d’attribution de la charge de la preuve en droit fiscal français,<br />

annexe n°4 de ce mémoire.<br />

2<br />

Rym BEJAOUI, « Les apports du code des droits et des procédures fiscaux en matière des procédures de<br />

contrôle et d’imposition », mémoire D.E.A. en droit des affaires, Faculté des Sciences Juridiques, politiques et<br />

sociales Tunis II, 2000-2001, p.112 et s.<br />

3<br />

Mahmoud MTIR, « La taxation d’office en droit fiscal tunisien : <strong>com</strong>paraison des dispositions du code de<br />

l’IRPP et du CDPF », R.C.F., n°57, 2002, p. 71.<br />

4<br />

Fayçal DERBEL, « Comptabilité et vérification fiscale », R.C.F., n°49, 2000, p.40.<br />

5<br />

F-P DERUEL, « Quelques aspects du problème de la preuve en matière fiscale », D.F., 1962, n°37, p.48.<br />

6<br />

En droit français, l’article 65 du L.P.F., crée pour introduire la section V réservée aux procédures d’imposition<br />

d’office, présente l’intérêt de rappeler que ces procédures, dérogatoires au droit <strong>com</strong>mun, sont limitativement<br />

énumérées par la loi.<br />

La charte du contribuable française, p.15 prévoit que « dans le cas général, il s’agit de la procédure de<br />

redressement contradictoire….<br />

Dans des cas très limités, des procédures d’office ou exceptionnelles peuvent être utilisées.».<br />

7<br />

Paul AMSELEK, rapport général introductif, in « La taxation d’office à l’impôt sur le revenu », op. cit.,<br />

p.19.<br />

8<br />

Il convient de préciser que la taxation d’office suite à une vérification préliminaire, qui est une nouveauté<br />

apportée par le C.D.P.F., constitue un élargissement dangereux des cas d’ouverture de la taxation d’office.<br />

9<br />

Patrick SERLOOT<strong>EN</strong>, « Etude critique du statut fiscal du conjoint salarié du <strong>com</strong>merçant », in mélanges<br />

offerts à André COLOMER, p.443, 444.<br />

http://www.profiscal.<strong>com</strong>/<br />

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