MIROIR ET CONNAISSANCE DANS LA POÉSIE DES TANG ... - AFEC

40 F. HU-STERK
La poésie chinoise, comme en témoigne la légende de
l'argus mâle 38 , met l'accent sur la nécessité de l'harmonie
et la recherche du complémentaire :
Le roi Yan Bing avait acheté un argus mâle. D voulut le faire
chanter, mais en vain... Pendant trois ans, l'argus ne chanta
pas. Sa femme lui dit : «J'ai entendu dire qu'il chanterait s'il
voyait son semblable. Pourquoi ne pas accrocher un miroir pour
qu'il y voie sa propre image?» Le roi suivit ce conseil. En
voyant sa propre image, l'argus cria de tristesse et, dans un
déploiement d'ailes, il disparut [mourut?] 39 .
L'argus mâle symbolise la solitude extrême de
l'homme, sans sa moitié complémentaire (la femelle). Se
voyant dans le miroir, l'argus prend conscience de sa
propre solitude. De cette histoire est peut-être née la
coutume de dessiner ou de graver des argus au dos des
miroirs.
Sous les Tang, ce thème repris conjointement avec celui
du miroir revient sans cesse pour évoquer la solitude
de la séparation :
Sous le support du miroir, l'argus ^ -|:i ^tQlt$ié&
sans fin médite sa solitude... 40 '^'^
A côté de l'étang, solitaire, danse '/^it^lN^lf'
l'argus... 41
Je suspends le miroir sur son support,
cherchant à imiter la % £ ffiMM^Ifâ:
danse de l'argus solitaire... 42
La séduction du miroir, si elle existe en Chine, n'a
pas été développée au point d'atteindre l'excès de Narcisse
et n'a jamais entraîné une contemplation destructrice
et vouée à la stérilité.