06.07.2013 Views

Les outils agricoles dans la Chine du xive siècle d'après le ... - AFEC

Les outils agricoles dans la Chine du xive siècle d'après le ... - AFEC

Les outils agricoles dans la Chine du xive siècle d'après le ... - AFEC

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong><br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiv e <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

<strong>d'après</strong> <strong>le</strong> Nongshu de Wang Zhen<br />

Olivier Guyonvarch 1<br />

Mon père a <strong>le</strong> dos courbé comme une harpe,<br />

<strong>la</strong> tête comme <strong>le</strong> bec d'un pou<strong>le</strong>t,<br />

Ses musc<strong>le</strong>s endoloris, ses os moulus,<br />

il pousse des gémissements de dou<strong>le</strong>ur.<br />

Moi, je caraco<strong>le</strong> sur mon cheval en bois d'orme,<br />

que je peux sou<strong>le</strong>ver d'une seu<strong>le</strong> main,<br />

La tête et <strong>le</strong>s reins fièrement redressés,<br />

<strong>le</strong> ventre et <strong>le</strong>s côtes vers <strong>le</strong> bas.<br />

Su Dongpo (1036-1101)<br />

Le Nongshu (Traité agrico<strong>le</strong>) de Wang Zhen est <strong>le</strong> premier traité en <strong>Chine</strong><br />

à donner une description précise et éten<strong>du</strong>e des <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong>. L'auteur,<br />

originaire <strong>du</strong> Shandong, fut nommé à son premier poste officiel <strong>dans</strong><br />

l'Anhui en 1295, puis <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Jiangxi en 1303. Ayant ainsi pris connaissance<br />

des techniques de pro<strong>du</strong>ction agrico<strong>le</strong> et artisana<strong>le</strong> de ces régions,<br />

il voulut en informer <strong>le</strong>s fonctionnaires locaux afin qu'ils pussent à <strong>le</strong>ur<br />

tour en faire profiter <strong>le</strong>urs administrés. Son traité, dont <strong>la</strong> première édition<br />

est de 1304 2 , apparaît donc comme un ouvrage destiné à <strong>la</strong> diffusion de<br />

ces techniques. Rappelons que Wang Zhen écrit après l'invasion mongo<strong>le</strong><br />

de 1272, ses guerres et ses dévastations. Il dépeint <strong>dans</strong> son Nongshu une<br />

1 Cet artic<strong>le</strong> se fonde sur un mémoire de maîtrise entrepris à l'Université de<br />

Paris 7, sous <strong>la</strong> direction de Georges Métailié, auquel l'auteur exprime toute sa<br />

gratitude.<br />

2 Nous utilisons l'édition complète <strong>du</strong> texte de Wang Zhen, commentée par Wang<br />

Yuhu et publiée en 1981 (ci-après : WZNS).<br />

Études chinoises, vol. XII, n° 2, automne 1993


Olivier Guyonvarch<br />

situation idéa<strong>le</strong>, avec l'espoir que <strong>le</strong>s paysans pourront <strong>la</strong> connaître sous<br />

<strong>la</strong> direction de fonctionnaires éc<strong>la</strong>irés 3 . À plusieurs reprises <strong>dans</strong> son<br />

texte, il <strong>la</strong>isse en effet paraître son désir de modernisation et d'optimisation<br />

des techniques, ce qui donne à penser que beaucoup restait à faire<br />

<strong>dans</strong> ce domaine : « Aujourd'hui, <strong>le</strong>s paysans considèrent qu'un <strong>la</strong>bour<br />

profond suffit et ne savent plus achever <strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> sol en affinant<br />

<strong>la</strong> terre avec <strong>la</strong> herse. » Dans « La chanson <strong>du</strong> cheval à repiquer », que<br />

Wang Zhen reprend de Su Dongpo, <strong>la</strong> peine <strong>du</strong> père, qui travail<strong>le</strong> sans<br />

équipement spécial, contraste avec <strong>la</strong> facilité <strong>du</strong> fils, qui utilise l'outil<br />

nouveau. Dans l'artic<strong>le</strong> sur <strong>la</strong> houe à col de cygne, Wang Zhen explique<br />

que <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s régions où el<strong>le</strong> est utilisée, <strong>le</strong>s rendements sont supérieurs<br />

et qu'il souhaite qu'el<strong>le</strong> remp<strong>la</strong>ce partout l'ancienne houe qu'il juge peu<br />

efficace. Il peut ainsi y avoir intro<strong>du</strong>ction à un moment donné d'une technique<br />

nouvel<strong>le</strong>, mais sa diffusion sera plus ou moins <strong>la</strong>rge selon <strong>le</strong>s<br />

régions.<br />

Le Nongshu de Wang Zhen comprend notamment cinq juan traitant<br />

des <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> («Nongqi tupu»). Notre propos est d'en présenter ici<br />

une tra<strong>du</strong>ction commentée afin de dresser, à partir de l'outil<strong>la</strong>ge utilisé,<br />

un inventaire aussi fidè<strong>le</strong> que possib<strong>le</strong> des pratiques cultura<strong>le</strong>s à l'époque<br />

des Yuan 4 . Nous analyserons cel<strong>le</strong>s-ci sous un ang<strong>le</strong> résolument technique,<br />

et nous jugerons de <strong>le</strong>ur pertinence agronomique à <strong>la</strong> lumière des<br />

connaissances et conceptions actuel<strong>le</strong>s. En ayant l'espoir d'intéresser <strong>le</strong><br />

sinologue non technicien comme <strong>le</strong> technicien non sinologue, nous voudrions<br />

<strong>dans</strong> cet artic<strong>le</strong> mettre en lumière <strong>la</strong> manière dont <strong>le</strong>s hommes ont<br />

travaillé <strong>la</strong> terre chinoise pour nourrir des popu<strong>la</strong>tions à fortes densités.<br />

Mais tout d'abord, pourquoi s'intéresser aux techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong>,<br />

sujet trivial s'il en est ? Combien de citadins ont de l'agriculteur <strong>du</strong> XTV<br />

<strong>sièc<strong>le</strong></strong> (quand ce n'est pas de <strong>le</strong>urs contemporains) l'image d'un pauvre<br />

hère, l'échiné douloureusement courbée sous <strong>le</strong> <strong>la</strong>beur et l'entendement<br />

3 Cf. Liang Jiamian (1989), p. 459.<br />

4 Nous nous sommes limité aux <strong>outils</strong> dont <strong>la</strong> présentation offre <strong>le</strong> plus d'intérêt<br />

pour <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur non spécialiste. Ils apparaissent <strong>dans</strong> l'ordre normal de <strong>le</strong>ur<br />

utilisation aux champs, et non <strong>dans</strong> l'ordre où ils sont c<strong>la</strong>ssés <strong>dans</strong> <strong>le</strong> traité de<br />

Wang Zhen.<br />

10


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

engourdi par <strong>la</strong> famine endémique ? Le paysan semb<strong>le</strong> uniquement<br />

capab<strong>le</strong> de répéter <strong>le</strong>s gestes appris de ses ancêtres pour tirer de <strong>la</strong> glèbe<br />

sa maigre subsistance. Cette image est radica<strong>le</strong>ment erronée, comme nous<br />

<strong>le</strong> verrons, et c'est ail<strong>le</strong>urs qu'il faut chercher <strong>la</strong> raison <strong>du</strong> manque<br />

d'intérêt <strong>du</strong> public. Comme <strong>le</strong> fait observer François Sigaut, <strong>la</strong> comp<strong>le</strong>xité<br />

des techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> peut expliquer <strong>le</strong>ur désaffection par <strong>le</strong>s<br />

historiens. En effet, « <strong>le</strong>s systèmes de culture sont si cohérents, on <strong>le</strong> sait,<br />

et <strong>le</strong>s techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> si liées entre el<strong>le</strong>s, qu'il est diffici<strong>le</strong> de par<strong>le</strong>r<br />

de l'une sans par<strong>le</strong>r de beaucoup d'autres. En agriculture, plus peut-être<br />

qu'ail<strong>le</strong>urs, un fait isolé n'a pas de sens. Pour <strong>le</strong> comprendre, il faut <strong>le</strong><br />

situer <strong>dans</strong> <strong>le</strong> ou plutôt <strong>le</strong>s ensemb<strong>le</strong>s auxquels il appartient, dont il<br />

devient, en quelque sorte, l'intersection. L'étude des techniques traditionnel<strong>le</strong>s<br />

de l'agriculture est négligée, car <strong>la</strong> comp<strong>le</strong>xité intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> des<br />

modè<strong>le</strong>s qu'el<strong>le</strong> a mis en p<strong>la</strong>ce est sous-estimée. » 5<br />

Nous nous proposons ici de réaliser une « coupe vertica<strong>le</strong> » <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

patrimoine technique de l'époque des Yuan. Lorsque Wang Zhen écrit<br />

son traité, <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> <strong>le</strong>s plus importants, comme <strong>la</strong> charrue, <strong>le</strong> semoir, <strong>le</strong>s<br />

rou<strong>le</strong>aux, <strong>le</strong>s herses, sont déjà au point depuis l'époque des Han ; <strong>le</strong>s Song<br />

ont vu l'apogée de techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> comme <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour ou <strong>le</strong> semis, qui<br />

n'ont pratiquement pas évolué jusqu'aux années 1950 6 . Ainsi tout <strong>le</strong><br />

développement économique, démographique, culturel et politique de <strong>la</strong><br />

<strong>Chine</strong> jusqu'à une période récente sera sous-ten<strong>du</strong> par <strong>le</strong>s techniques<br />

<strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> traditionnel<strong>le</strong>s 7 . Et même <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> d'aujourd'hui, en bien<br />

des endroits, ces dernières sont toujours en usage : si, pour paraphraser<br />

Mariel J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare, <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> que nous présentons ici sont un<br />

témoignage <strong>du</strong> passé, ils restent, pour l'essentiel, d'actualité pour <strong>le</strong>s<br />

paysans chinois d'aujourd'hui 8 .<br />

5 Cf. Sigaut (1975), p. 6.<br />

6 Cf. Liang Jiamian (1989), p. 383.<br />

7 Sur <strong>le</strong>s rapports techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong>/popu<strong>la</strong>tion, voir Cartier (1985), p. 43-62.<br />

8 Cf. J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1985), p. 6.<br />

11


Olivier Guyonvarch<br />

Cohérence et diversité des techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong><br />

Il est important de souligner que chaque outil, tel qu'il est décrit, s'inscrit<br />

<strong>dans</strong> un ensemb<strong>le</strong> de pratiques complémentaires et indissociab<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s unes<br />

des autres. Il faut distinguer <strong>le</strong>s pratiques cultura<strong>le</strong>s <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Yangzi,<br />

zone de culture sèche, de cel<strong>le</strong>s <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> Yangzi, où prédomine <strong>la</strong> rizière<br />

irriguée. <strong>Les</strong> exigences agronomiques des cultures <strong>dans</strong> ces deux régions<br />

sont radica<strong>le</strong>ment différentes et <strong>le</strong>s techniques employées doivent s'y<br />

conformer. Dans son texte, Wang Zhen ne manque jamais de distinguer<br />

cel<strong>le</strong>s-ci selon <strong>le</strong>ur utilisation en culture sèche ou irriguée.<br />

Sur un p<strong>la</strong>n strictement technique, <strong>le</strong>s travaux <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> peuvent être<br />

répartis entre trois grandes phases qui consistent à assurer à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte <strong>le</strong>s<br />

conditions optima<strong>le</strong>s de son développement. En premier lieu, il s'agit de<br />

préparer <strong>le</strong> sol à recevoir <strong>le</strong>s semences. Puis, lorsque <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte a germé,<br />

de l'accompagner tout au long de sa croissance, en désherbant et en<br />

fertilisant <strong>le</strong>s champs. Enfin, après maturation, il reste à l'agriculteur à<br />

récolter <strong>le</strong>s fruits (au sens propre comme au sens figuré) de son travail.<br />

<strong>Les</strong> trois étapes de ce cyc<strong>le</strong> sont d'une éga<strong>le</strong> importance, chacune à son<br />

niveau, et <strong>le</strong> fait d'en négliger une entraîne une diminution de l'efficacité<br />

des autres. L'agriculteur n'a donc pas droit à l'erreur : de sa dextérité et<br />

de sa capacité à prendre <strong>le</strong>s bonnes décisions au bon moment dépend sa<br />

survie. Nous allons étudier, au cours de ces trois étapes, <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> décrits<br />

par Wang Zhen, répartis en cinq grands types : <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> pour <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour<br />

(charrue/houes), <strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> lit de semences (herses/rou<strong>le</strong>aux), <strong>le</strong><br />

semis (semoir), <strong>le</strong> désherbage (houes/herses manuel<strong>le</strong>s) et <strong>la</strong> récolte<br />

(faucil<strong>le</strong>s/faux).<br />

De <strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> sol au repiquage<br />

Dans <strong>le</strong> Nord, en zone de culture sèche, l'agriculteur doit se plier à deux<br />

grandes exigences, commandées par <strong>la</strong> nécessité de réaliser <strong>le</strong> semis <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures conditions possib<strong>le</strong>s. Ce sont l'affinage de <strong>la</strong> terre et <strong>la</strong><br />

conservation de son humidité. Pour comprendre l'enchaînement des<br />

pratiques cultura<strong>le</strong>s, il nous faut exposer brièvement <strong>la</strong> physiologie de <strong>la</strong><br />

12


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

germination. La graine a besoin d'eau pour germer. Cette eau ramollit son<br />

enveloppe extérieure et génère <strong>le</strong>s phénomènes hormonaux déc<strong>le</strong>ncheurs<br />

de <strong>la</strong> croissance. Il faut donc que <strong>la</strong> terre soit suffisamment humide et <strong>le</strong>s<br />

mottes suffisamment fines, ce qui augmente d'autant <strong>la</strong> surface d'échange<br />

de l'eau avec <strong>la</strong> graine. Compte tenu de ces exigences, pour préparer <strong>le</strong><br />

semis, il faut d'abord ameublir grossièrement <strong>le</strong> sol au moyen d'une houe<br />

ou d'une charrue, puis ré<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>s mottes de terre à <strong>la</strong> tail<strong>le</strong> voulue par<br />

des passages successifs d'<strong>outils</strong> comme <strong>le</strong>s herses ou <strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>aux.<br />

1 — La charrue<br />

Pour une meil<strong>le</strong>ure compréhension <strong>du</strong> texte de Wang Zhen, rappelons que<br />

<strong>la</strong> charrue est un outil asymétrique qui retourne <strong>la</strong> terre sur un côté au<br />

moyen d'un soc et d'un versoir (Fig. I) 9 . Quant à son fonctionnement, il<br />

nous suffit de nous reporter au texte. Wang Zhen a ici repris à son compte<br />

<strong>le</strong> C<strong>la</strong>ssique de <strong>la</strong> charrue (Leisi jing), compilé par Lu Guimeng en 879.<br />

<strong>Les</strong> passages entre crochets ont été omis par lui, mais il nous a<br />

semblé uti<strong>le</strong> à l'intelligence <strong>du</strong> texte de restituer <strong>la</strong> version origina<strong>le</strong> de<br />

Lu Guimeng 10 .<br />

m<br />

-t<br />

U<br />

Outil utilisé pour défricher. La charrue tranche, découpe et soulève <strong>la</strong><br />

terre, puis sectionne <strong>le</strong>s racines des mauvaises herbes. [...] [D'après <strong>le</strong>]<br />

Leisi jing, [cet outil] est appelé <strong>le</strong>isi <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s livres, mais <strong>le</strong>s paysans ont<br />

coutume de l'appe<strong>le</strong>r IL Le soc et <strong>le</strong> versoir sont en fer moulé. Le sep,<br />

<strong>le</strong> presse-soc, <strong>le</strong> support de versoir, l'étançon, <strong>le</strong> timon, <strong>le</strong> mancheron, <strong>le</strong><br />

régu<strong>la</strong>teur de profondeur, <strong>la</strong> chevil<strong>le</strong> de régu<strong>la</strong>teur et <strong>le</strong> palonnier sont en<br />

bois. La charrue est constituée au total de onze pièces de bois ou de fer<br />

assemblées. La bande de terrain <strong>la</strong>bourée est appelée <strong>le</strong> sillon, et el<strong>le</strong><br />

présente l'aspect de mottes de terre. < <strong>Les</strong> mauvaises herbes continueront<br />

à pousser sur <strong>le</strong>s sillons si <strong>le</strong>s racines et <strong>le</strong>s tiges ne sont pas retournées. ><br />

9 Cf. Haudricourt et J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1986), p. 26-27.<br />

10 Nous conseillons au <strong>le</strong>cteur de se référer aux illustrations pour <strong>le</strong>s termes<br />

techniques, que nous avons toujours tra<strong>du</strong>its <strong>dans</strong> <strong>le</strong>ur équiva<strong>le</strong>nt exact en<br />

français. Pour <strong>la</strong> version intégra<strong>le</strong> <strong>du</strong> texte de Lu Guimeng, voir Zhou Xin<br />

(1990), p. 16-17.<br />

13


Olivier Guyonvarch<br />

C'est pourquoi <strong>le</strong> soc, p<strong>la</strong>cé sous <strong>le</strong> versoir, soulève <strong>la</strong> terre ; <strong>le</strong> versoir,<br />

p<strong>la</strong>cé obliquement au-dessus <strong>du</strong> soc, <strong>la</strong> retourne. < L'avant <strong>du</strong> soc est<br />

pointu, et <strong>le</strong> versoir est arrondi en sa partie inférieure. Le soc est emboîté<br />

sur <strong>le</strong> sep. <strong>Les</strong> artisans appel<strong>le</strong>nt « chair de tortue » <strong>la</strong> partie avant <strong>du</strong> sep<br />

qui pénètre <strong>dans</strong> <strong>le</strong> soc. Le presse-soc est ajusté sur <strong>le</strong> dessus <strong>du</strong> sep. À<br />

l'arrière <strong>du</strong> versoir, deux trous permettent de <strong>le</strong> fixer de chaque côté <strong>du</strong><br />

presse-soc. > Le support de versoir est fixé au-dessus <strong>du</strong> soc < et repousse<br />

<strong>le</strong> versoir >. Le versoir, son support et <strong>le</strong> soc sont assemblés <strong>le</strong>s uns aux<br />

autres. L'étançon traverse <strong>le</strong> support de versoir et se prolonge jusqu'au<br />

sep 11 . Le timon, pièce de bois courbée vers <strong>le</strong> bas, est disposé à l'avant<br />

de <strong>la</strong> charrue. Le mancheron est une longue pièce de bois située à l'arrière<br />

de <strong>la</strong> charrue et permettant de <strong>la</strong> diriger. Le timon est percé d'un trou<br />

traversé par l'étançon qui peut ainsi être réglé en hauteur. La partie de<br />

l'étançon située au-dessus <strong>du</strong> timon est mortaisée et reçoit un ajusteur.<br />

L'ajusteur, qui peut être avancé ou reculé, a <strong>la</strong> forme d'un coin dont <strong>la</strong><br />

partie <strong>la</strong> plus épaisse est tournée vers l'avant et <strong>la</strong> plus mince vers l'arrière.<br />

Lorsqu'on <strong>le</strong> pousse vers l'avant, l'étançon s'allonge vers <strong>le</strong> bas et<br />

augmente <strong>la</strong> profondeur de <strong>la</strong>bour. Lorsqu'on <strong>le</strong> recu<strong>le</strong>, l'étançon est<br />

raccourci et diminue <strong>la</strong> profondeur de <strong>la</strong>bour. < L'étançon est appelé<br />

« flèche », car il peut être allongé ou raccourci. L'ajusteur est appelé [de<br />

<strong>la</strong> sorte], car il permet de modifier <strong>la</strong> profondeur de <strong>la</strong>bour. > Une chevil<strong>le</strong><br />

courbée traverse perpendicu<strong>la</strong>irement l'ajusteur pour <strong>le</strong> solidariser avec <strong>le</strong><br />

timon. Sans cette chevil<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s deux pièces se déboîteraient et l'étançon ne<br />

pourrait être maintenu en p<strong>la</strong>ce. Le palonnier est fixé au bout <strong>du</strong> timon,<br />

perpendicu<strong>la</strong>irement, et de sorte à pouvoir pivoter. <strong>Les</strong> traits sont fixés<br />

aux deux extrémités et <strong>le</strong> relient au jouguet. Le mancheron, par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong><br />

<strong>la</strong>boureur tient <strong>la</strong> charrue, est à l'arrière <strong>du</strong> timon 12 . Le timon est comme<br />

<strong>la</strong> « poitrine » d'une charrette, <strong>le</strong> mancheron comme <strong>le</strong> gouvernail d'un<br />

navire.<br />

[WZNS, p. 200]<br />

Il est important de s'arrêter quelque peu sur cette charrue. El<strong>le</strong> est en effet<br />

assez différente de son homologue occidental à <strong>la</strong> même époque. El<strong>le</strong> s'en<br />

11 M.P. Hommel donne, <strong>dans</strong> son célèbre ouvrage China at Work, une bonne<br />

description, ainsi qu'une illustration, des positions respectives <strong>du</strong> presse-soc et<br />

<strong>du</strong> support de versoir. Voir Hommel (1937), p. 42-43.<br />

12 Le timon et <strong>le</strong> mancheron sont en fait deux pièces différentes, car <strong>la</strong> charrue<br />

chinoise décrite ici est dite « carrée ».<br />

14


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Figure 1 : La charrue li<br />

1. lishao, mancheron ; 2. lijian, étançon ; 3. lijian, chevil<strong>le</strong> de régu<strong>la</strong>teur de<br />

profondeur ; 4. liping, régu<strong>la</strong>teur de profondeur ; 5. liyuan, timon ; 6. libi,<br />

versoir ; 7. lichan, soc ; 8. yachan, presse-soc ; 9. ce'e, support de versoir ;<br />

10. lidi, sep ; 11. guirou, «chair de tortue » (partie avant <strong>du</strong> sep <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quel<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong> soc est emboîté).<br />

Dessin de l'auteur fait à partir de <strong>la</strong> photographie publiée <strong>dans</strong> Hommel (1937),<br />

p. 41.<br />

15


Olivier Guyonvarch<br />

distingue par <strong>la</strong> forme <strong>du</strong> soc et cel<strong>le</strong> <strong>du</strong> versoir, par l'absence de coutre 13<br />

et d'avant-train, par un timon courbe et par <strong>le</strong> fait qu'el<strong>le</strong> n'est tirée que<br />

par un seul animal.<br />

La différence essentiel<strong>le</strong> réside <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forme et <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> versoir,<br />

qui conditionne, à notre sens, <strong>le</strong>s autres. Le versoir chinois est métallique<br />

et régulièrement incurvé. P<strong>la</strong>cé <strong>dans</strong> <strong>le</strong> prolongement direct <strong>du</strong> soc (il<br />

s'agit parfois d'une seu<strong>le</strong> et unique pièce), il présente ainsi <strong>le</strong> minimum<br />

de résistance à l'avancement. Le bord <strong>le</strong> plus avancé <strong>du</strong> versoir joue <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> <strong>du</strong> coutre. Le versoir occidental à l'époque médiéva<strong>le</strong> est souvent une<br />

p<strong>la</strong>nche de bois p<strong>la</strong>te ou légèrement courbe, montée en discontinuité par<br />

rapport au soc. Cet agencement nécessite un effort de traction bien plus<br />

considérab<strong>le</strong> et requiert l'utilisation d'un coutre pour découper <strong>la</strong> terre<br />

vertica<strong>le</strong>ment 14 . La bande de terre découpée est ensuite retournée par <strong>la</strong><br />

force que lui applique <strong>le</strong> versoir, alors que <strong>dans</strong> <strong>le</strong> cas <strong>du</strong> versoir courbe<br />

chinois, el<strong>le</strong> est en partie retournée sous l'effet de son propre poids. La<br />

charrue occidenta<strong>le</strong> est de facture plus lourde et doit être attelée <strong>le</strong> plus<br />

souvent à deux animaux, alors que <strong>la</strong> charrue chinoise ne nécessite qu'un<br />

seul animal. La charrue occidenta<strong>le</strong> requiert aussi une plus grande dépense<br />

d'énergie de <strong>la</strong> part <strong>du</strong> <strong>la</strong>boureur. Ces remarques techniques sur <strong>le</strong>s<br />

différences entre <strong>le</strong>s charrues occidenta<strong>le</strong> et chinoise sont très importantes<br />

: el<strong>le</strong>s expliquent en partie <strong>le</strong>s différences entre deux systèmes agraires.<br />

Une fois que <strong>le</strong> sol a été retourné par <strong>la</strong> charrue, il reste à l'affiner<br />

pour <strong>le</strong> préparer à recevoir <strong>le</strong>s semences. C'est <strong>la</strong> fonction des deux types<br />

d'<strong>outils</strong> qui suivent, <strong>le</strong>s herses et <strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>aux.<br />

13 Le coutre découpe <strong>la</strong> terre vertica<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> soc horizonta<strong>le</strong>ment.<br />

14 Cf. Haudricourt (1987), p. 268. A noter que cet ouvrage, par ail<strong>le</strong>urs fondamental,<br />

analyse l'araire et <strong>la</strong> charrue <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s milieux européens et méditerranéens<br />

principa<strong>le</strong>ment. <strong>Les</strong> chapitres traitant de ces <strong>outils</strong> en Asie orienta<strong>le</strong> sont propres<br />

à stimu<strong>le</strong>r <strong>la</strong> recherche, car ils posent plus de questions qu'ils n'apportent de<br />

réponses.<br />

16


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

2 — <strong>Les</strong> herses<br />

<strong>Les</strong> herses remplissent deux rô<strong>le</strong>s principaux : el<strong>le</strong>s servent à l'affinage<br />

de <strong>la</strong> terre et à <strong>la</strong> conservation de l'humidité <strong>du</strong> sol, qui pose un problème<br />

capital <strong>dans</strong> <strong>le</strong> nord de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, dont <strong>le</strong> climat est aride en hiver et au<br />

printemps. Wang Zhen décrit deux types de herses : <strong>la</strong> herse à dents, pour<br />

un premier affinage, et <strong>la</strong> herse-buisson, pour <strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> lit de<br />

— La herse à dents (ou herse horizonta<strong>le</strong>)<br />

Dans son artic<strong>le</strong>, Wang Zhen décrit très précisément <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de cet outil,<br />

ainsi que sa fabrication.<br />

$£J ba<br />

Il convient de herser après chaque <strong>la</strong>bour pour émietter <strong>le</strong>s mottes de terre<br />

et éliminer <strong>le</strong>s mauvaises herbes. Un vieux dicton paysan dit : « Il faut<br />

six [passages de] herse après un [passage] de charrue. » Aujourd'hui, <strong>le</strong>s<br />

paysans considèrent qu'un <strong>la</strong>bour profond suffit et ne savent plus achever<br />

<strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> sol en affinant <strong>la</strong> terre avec <strong>la</strong> herse. Si l'on ne herse<br />

pas correctement, <strong>la</strong> [texture] de <strong>la</strong> terre sera grossière et creuse 16 . Plus<br />

tard, même si <strong>la</strong> culture germe, <strong>le</strong>s racines ne seront pas en contact étroit<br />

avec <strong>la</strong> terre. <strong>Les</strong> p<strong>la</strong>ntes ne résisteront alors pas à <strong>la</strong> sécheresse, el<strong>le</strong>s<br />

seront échaudées, subiront <strong>le</strong>s morsures des bestio<strong>le</strong>s 17 et mourront<br />

desséchées. Si <strong>le</strong> sol a été correctement hersé, <strong>la</strong> texture sera fine et<br />

rassise 18 . Après un passage de rou<strong>le</strong>au, <strong>le</strong>s racines seront en contact intime<br />

avec <strong>la</strong> terre. El<strong>le</strong>s résisteront naturel<strong>le</strong>ment à <strong>la</strong> sécheresse et ne subiront<br />

pas <strong>le</strong>s problèmes que j'ai décrits plus haut. Il faut herser toute <strong>la</strong> surface<br />

<strong>du</strong> champ, et ce n'est qu'après plusieurs passages que <strong>la</strong> texture idéa<strong>le</strong><br />

15 On appel<strong>le</strong> lit de semences <strong>la</strong> couche superficiel<strong>le</strong> <strong>du</strong> sol <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s graines<br />

sont semées. Le lit de semences idéal est constitué de mottes de terre très fines<br />

et légèrement tassées.<br />

16 Ce terme utilisé <strong>dans</strong> <strong>le</strong> vocabu<strong>la</strong>ire agronomique moderne nous paraît <strong>le</strong><br />

meil<strong>le</strong>ur équiva<strong>le</strong>nt. Un sol est dit « creux » lorsque <strong>le</strong>s mottes, trop grosses,<br />

<strong>la</strong>issent entre el<strong>le</strong>s des cavités.<br />

17 Tra<strong>du</strong>ction proposée par G. Métairie pour <strong>le</strong> caractère chong.<br />

18 Nous tra<strong>du</strong>isons <strong>le</strong> terme shi par « rassis », qui signifie que <strong>le</strong> sol est tassé, mais<br />

sans excès, pour permettre l'aération et un bon contact terre/racines. Cf. Chi<br />

Renli et Zuo Shuzhen (1988), p. 86-102.<br />

17


Olivier Guyonvarch<br />

sera obtenue, c'est-à-dire lorsque <strong>la</strong> parcel<strong>le</strong> sera couverte d'une boue<br />

[suffisamment fine] pour qu'un œuf puisse y être englouti 19 . <strong>Les</strong><br />

traverses 20 [de <strong>la</strong> herse] sont longues de cinq pieds, <strong>la</strong>rges d'environ<br />

quatre pouces et espacées entre el<strong>le</strong>s d'environ cinq pouces. El<strong>le</strong>s sont<br />

percées de trous carrés alternés <strong>le</strong>s uns par rapport aux autres, <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong>squels sont emboîtées des dents de bois, longues d'environ six pouces.<br />

L'extrémité des traverses est fixée sur deux longerons d'environ trois<br />

pieds de long. La partie avant des longerons, légèrement re<strong>le</strong>vée, est<br />

pénétrée de part en part par deux chevil<strong>le</strong>s de bois auxquel<strong>le</strong>s sont<br />

attachés <strong>le</strong>s traits reliés au jouguet de l'animal qui lui permet de tirer <strong>la</strong><br />

herse. Il existe aussi une herse en forme de « V » 21 dont <strong>le</strong>s dents sont<br />

en fer. [...] Lorsqu'il herse son champ, <strong>le</strong> paysan se tient debout sur <strong>la</strong><br />

herse afin que <strong>le</strong>s dents pénètrent profondément <strong>dans</strong> <strong>la</strong> terre. Il doit<br />

fréquemment libérer avec son pied <strong>le</strong>s tiges et <strong>le</strong>s racines des mauvaises<br />

herbes qui s'emmê<strong>le</strong>nt entre <strong>le</strong>s dents. La herse horizonta<strong>le</strong> est un outil<br />

indispensab<strong>le</strong> en culture irriguée comme en culture sèche.<br />

[WZNS, p. 104-105]<br />

— La herse-buisson (Fig. 2)<br />

Le rô<strong>le</strong> de <strong>la</strong> herse à dents pour un premier affinage est c<strong>la</strong>ir. Examinons<br />

maintenant celui de <strong>la</strong> herse-buisson pour <strong>la</strong> conservation de l'humidité 22 .<br />

<strong>la</strong>o<br />

Cette herse n'a pas de dents. Ce sont des branches tressées entre <strong>le</strong>s<br />

traverses qui assurent l'affinage de <strong>la</strong> terre. Le paysan passe <strong>la</strong> hersebuisson<br />

après <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour et doit [à cette occasion] veil<strong>le</strong>r à l'humidité de<br />

<strong>la</strong> terre. Le passage de <strong>la</strong> herse-buisson permet d'ap<strong>la</strong>nir <strong>le</strong> sol et de <strong>le</strong><br />

rendre ferti<strong>le</strong>. L'effet de <strong>la</strong> herse horizonta<strong>le</strong> [à dents] est très différent de<br />

celui de <strong>la</strong> herse-buisson : <strong>la</strong> première ratisse <strong>le</strong> sol, alors que <strong>la</strong> seconde<br />

19 Cette phrase fait allusion à <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong> boue des rizières, avant <strong>le</strong><br />

repiquage.<br />

20 Sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s sont fichées <strong>le</strong>s dents.<br />

21 <strong>Les</strong> Chinois disent : « renziba » (herse en forme de caractère ren).<br />

22 M.P. Hommel, <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s années 1930, décrit et photographie une herse tout à fait<br />

semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong>, à ceci près que <strong>le</strong>s dents sont métalliques, en forme de <strong>la</strong>mes, et que<br />

<strong>le</strong>s longerons sont munis sur <strong>le</strong> dessous de <strong>la</strong>mes de guidage. La photographie<br />

qu'il pro<strong>du</strong>it présente <strong>la</strong> herse en position de transport, c'est-à-dire que <strong>le</strong>s<br />

traverses ont été emboîtées de sorte que <strong>le</strong>s dents soient parallè<strong>le</strong>s au sol, et non<br />

perpendicu<strong>la</strong>ires comme en position de travail. Voir Hommel (1937), p. 56-59.<br />

18


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Figure 2 : La herse-buisson <strong>la</strong>o<br />

D'après l'édition <strong>du</strong> Pa<strong>la</strong>is de 1783 <strong>du</strong> Nongshu de Wang Zhen.<br />

19


Olivier Guyonvarch<br />

<strong>le</strong> tasse et l'affine. Après <strong>le</strong>s <strong>la</strong>bours de printemps, il faut passer <strong>la</strong> hersebuisson<br />

sans attendre. Après <strong>le</strong>s <strong>la</strong>bours d'automne, il convient d'attendre<br />

que <strong>la</strong> surface <strong>du</strong> sol b<strong>la</strong>nchisse 23 avant de herser. [En effet], il y a beaucoup<br />

de vent au printemps, et si l'on ne passe pas <strong>la</strong> herse-buisson<br />

immédiatement après <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour, <strong>le</strong> sol se dessèche et des crevasses se<br />

forment 24 . A l'automne, <strong>le</strong> sol est gorgé d'eau, et il est à craindre qu'il<br />

<strong>du</strong>rcisse si l'on passe trop tôt <strong>la</strong> herse-buisson. Si <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour est grossier,<br />

il faut effectuer plusieurs passages. Après un <strong>la</strong>bour suivi d'un hersage<br />

avec une herse à dents, il est nécessaire de passer <strong>la</strong> herse-buisson avant<br />

de semer.<br />

[WZNS, p. 206-207]<br />

Le problème de <strong>la</strong> conservation de l'humidité <strong>du</strong> sol est récurrent <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong> Nongshu de Wang Zhen. En effet, <strong>du</strong>rant l'hiver et <strong>le</strong> printemps <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong> nord de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, l'air très sec et <strong>le</strong> vent sont responsab<strong>le</strong>s d'une évaporation<br />

très forte au niveau <strong>du</strong> sol. Or, <strong>le</strong> <strong>la</strong>bour, aux mottes angu<strong>le</strong>uses,<br />

expose une surface de terre importante à l'action <strong>du</strong> vent et de <strong>la</strong> sécheresse.<br />

Le hersage permet de créer un effet de mulch, puisqu'il consiste à<br />

affiner <strong>la</strong> terre en surface, entraînant un dessèchement rapide <strong>du</strong> sol sur<br />

une profondeur de quelques centimètres. Ainsi <strong>la</strong> continuité des fi<strong>le</strong>ts<br />

capil<strong>la</strong>ires, vecteurs de l'évaporation, est interrompue en surface et l'évaporation<br />

de l'eau stoppée. Cette méthode, en <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> Nord, revêt une<br />

importance capita<strong>le</strong>, car il en va de <strong>la</strong> survie même des hommes 25 : <strong>le</strong>s<br />

graines ont besoin, en automne ou au printemps, d'humidité pour germer.<br />

Si <strong>le</strong> sol est trop sec, <strong>la</strong> germination se fera mal, affectant l'ensemb<strong>le</strong> <strong>du</strong><br />

cyc<strong>le</strong> de végétation de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte, et par là même l'abondance de <strong>la</strong> récolte.<br />

23 À l'automne, <strong>le</strong> sol doit être suffisamment sec, sinon <strong>la</strong> herse aura pour effet de<br />

« g<strong>la</strong>cer » <strong>la</strong> surface sous l'action de <strong>la</strong> pluie et de former une croûte, empêchant<br />

<strong>la</strong> pénétration de l'eau et asphyxiant <strong>le</strong>s racines des p<strong>la</strong>ntes.<br />

24 Le vent a effectivement un effet désastreux sur <strong>le</strong>s terres légères de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong><br />

Nord, particulièrement en zone de lœss. Le vent accélère l'évaporation, et <strong>le</strong> sol<br />

ainsi desséché subit une érosion éolienne importante.<br />

25 Cf. Liang Jiamian (1989), p. 248.<br />

20


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

— La herse vertica<strong>le</strong> (Fig. 3)<br />

Avec <strong>la</strong> herse vertica<strong>le</strong> nous quittons <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> Nord pour nous tourner<br />

vers <strong>le</strong> Sud, pays de rizières. C'est en effet un outil spécifique de <strong>la</strong><br />

culture inondée 26 . Lisons d'abord Wang Zhen.<br />

¥<br />

chao<br />

Cet outil est utilisé pour draguer <strong>la</strong> boue des rizières. La herse vertica<strong>le</strong><br />

est haute d'environ trois pieds et <strong>la</strong>rge de quatre. La partie supérieure est<br />

constituée <strong>du</strong> manche horizontal, <strong>la</strong> partie inférieure d'une rangée de<br />

dents. Ces dents sont deux fois plus longues et sont éga<strong>le</strong>ment plus serrées<br />

que cel<strong>le</strong>s de <strong>la</strong> heise horizonta<strong>le</strong>. La herse est tirée par un bœuf et l'agriculteur<br />

<strong>la</strong> tient à deux mains. Il faut pour une herse vertica<strong>le</strong> un homme<br />

et un bœuf. <strong>Les</strong> « herses assemblées », avec deux hommes et deux bœufs,<br />

permettent d'effectuer rapidement <strong>le</strong> travail, particulièrement <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s<br />

champs éten<strong>du</strong>s 27 . La boue sera correctement préparée après un <strong>la</strong>bour, un<br />

hersage à <strong>la</strong> herse horizonta<strong>le</strong>, puis un hersage à <strong>la</strong> herse vertica<strong>le</strong>.<br />

[WZNS, p. 206]<br />

La herse vertica<strong>le</strong> est donc une sorte de grand peigne dont <strong>le</strong>s dents fines<br />

et allongées ratissent en profondeur <strong>la</strong> boue des rizières. El<strong>le</strong> est d'un<br />

emploi assez délicat, car l'agriculteur doit <strong>la</strong> maintenir droite, alors que<br />

<strong>la</strong> force de traction de l'animal a tendance à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>quer sur <strong>le</strong> sol. C'est<br />

<strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s traits sont fixés à l'extrémité de deux courts<br />

brancards, afin d'équilibrer l'outil, compte tenu de <strong>la</strong> traction et de <strong>la</strong><br />

résistance de celui-ci 28 .<br />

3 — <strong>Les</strong> rou<strong>le</strong>aux<br />

Dans <strong>la</strong> suite des opérations de préparation <strong>du</strong> lit de semences, <strong>le</strong>s<br />

rou<strong>le</strong>aux lisses, en bois ou en pierre, sont utilisés après <strong>le</strong>s herses, et ce<br />

pour deux raisons : il s'agit, une dernière fois, d'affiner <strong>le</strong>s mottes de<br />

terre, mais aussi de tasser <strong>le</strong> sol avant <strong>le</strong> semis. On se rappel<strong>le</strong> en effet<br />

26 Cf. Hopfen (1970), p. 76.<br />

27 II s'agissait donc de mobiliser deux atte<strong>la</strong>ges sur une même parcel<strong>le</strong>, non pas<br />

parce que <strong>le</strong> travail était particulièrement <strong>du</strong>r, mais pour en hâter l'exécution.<br />

28 Cf. J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1985), p. 58.<br />

21


Olivier Guyonvarch<br />

Figure 3 : La herse vertica<strong>le</strong> chao<br />

Outil servant à <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong> boue des rizières. L'illustration montre c<strong>la</strong>irement<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>rge poignée. <strong>Les</strong> deux barres auxquel<strong>le</strong>s sont attachés <strong>le</strong>s traits sont nécessaires<br />

à l'équilibrage de <strong>la</strong> herse.<br />

D'après l'édition <strong>du</strong> Pa<strong>la</strong>is de 1783 <strong>du</strong> Nongshu de Wang Zhen.<br />

22


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> XIV e <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

que <strong>le</strong> passage de <strong>la</strong> herse a permis d'éviter l'évaporation de l'eau stockée<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong>s couches moyennes <strong>du</strong> sol. Le rou<strong>le</strong>au, lui, en tassant <strong>le</strong> sol,<br />

reconstitue <strong>la</strong> continuité des fi<strong>le</strong>ts capil<strong>la</strong>ires, autorisant à nouveau <strong>la</strong><br />

remontée de l'eau, <strong>la</strong> mettant à <strong>la</strong> disposition de <strong>la</strong> graine. Le rou<strong>le</strong>au est<br />

éga<strong>le</strong>ment passé après <strong>le</strong> semis, afin d'assurer un contact intime entre <strong>la</strong><br />

terre et <strong>la</strong> graine. Nous allons d'abord examiner <strong>la</strong> description des rou<strong>le</strong>aux<br />

lisses, en pierre ou en bois.<br />

— Le rou<strong>le</strong>au lisse<br />

fâ$~ In<strong>du</strong> (liuzhou)<br />

Le rou<strong>le</strong>au lisse est utilisé après <strong>le</strong> passage de <strong>la</strong> herse horizonta<strong>le</strong>. La<br />

herse p<strong>la</strong>te et <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au à dents sont munis de dents, alors que <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au<br />

lisse présente des arêtes. [Le rou<strong>le</strong>au lisse] est en bois, <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur étant<br />

un bois <strong>du</strong>r et lourd. D'après moi, si <strong>le</strong> nom de ce rou<strong>le</strong>au s'écrit avec<br />

l'élément sémantique « pierre », c'est qu'il était à l'origine en pierre.<br />

Aujourd'hui, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nord, <strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>aux sont en pierre, alors que <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

Sud, ils sont tous en bois. C'est que l'on n'utilise pas <strong>le</strong> même rou<strong>le</strong>au<br />

pour <strong>le</strong>s rizières et <strong>le</strong>s cultures sèches ; chaque [type] est adapté [à un sol<br />

particulier] 29 . Le rou<strong>le</strong>au mesure environ trois pieds de <strong>la</strong>rge et son diamètre<br />

importe peu. Il peut être en bois ou en pierre. Il est entouré d'un<br />

bâti de bois, et un axe médian lui permet de rou<strong>le</strong>r. Le rou<strong>le</strong>au est tiré<br />

par un bœuf que dirige <strong>le</strong> paysan. Il écrase <strong>le</strong>s mottes de terre qu'il ré<strong>du</strong>it<br />

aisément. Le rou<strong>le</strong>au peut aussi être utilisé pour décortiquer <strong>le</strong> grain sur<br />

l'aire de battage 30 . Le rou<strong>le</strong>au est d'un emploi courant en culture irriguée<br />

comme en culture sèche.<br />

[WZNS, p. 217]<br />

Le rou<strong>le</strong>au lisse en bois a disparu de <strong>la</strong> riziculture <strong>dans</strong> <strong>la</strong> première moitié<br />

<strong>du</strong> xvnr= <strong>sièc<strong>le</strong></strong> ; il a été remp<strong>la</strong>cé par <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au à dents 31 . <strong>Les</strong> rou<strong>le</strong>aux<br />

29 En effet, <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au de pierre, trop lourd, est inutilisab<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> sol humide et mou<br />

d'une rizière.<br />

30 Pour décortiquer <strong>le</strong> grain, on utilise un rou<strong>le</strong>au de forme tronconique, qui décrit<br />

ainsi un cerc<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> sol. Ce genre de rou<strong>le</strong>au, en pierre, est d'usage courant en<br />

<strong>Chine</strong> contemporaine. Cf. Haudricourt et J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1987), p. 202.<br />

31 Cf. Bray (1984), p. 234.<br />

23


Olivier Guyonvarch<br />

à dents ou à ai<strong>le</strong>ttes assurent un ma<strong>la</strong>xage énergique de <strong>la</strong> boue, <strong>la</strong> rendant<br />

suffisamment fine pour recevoir <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts repiqués.<br />

— Le rou<strong>le</strong>au à dents ou à ai<strong>le</strong>ttes<br />

~tfk- lize<br />

_ Il ressemb<strong>le</strong> au rou<strong>le</strong>au lisse, mais il est pourvu [de plusieurs] rangées de<br />

At^r dents. Il est utilisé uniquement <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s champs inondés, pour briser <strong>le</strong>s<br />

mottes de terre et <strong>le</strong>s ré<strong>du</strong>ire en boue.<br />

[WZNS, p. 210]<br />

Ce passage décrivant <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au à dents est re<strong>la</strong>tivement court en comparaison<br />

de l'importance de l'outil. Comme il était déjà d'un usage très<br />

répan<strong>du</strong>, il est possib<strong>le</strong> que Wang Zhen n'ait pas jugé uti<strong>le</strong> de s'étendre<br />

plus longuement sur son sujet.<br />

<strong>Les</strong> illustrations <strong>du</strong> Nongshu de Wang Zhen montrent des rou<strong>le</strong>aux de<br />

ce type équipés de dents ou de <strong>la</strong>mes. L'auteur donne plus loin une autre<br />

description d'un rou<strong>le</strong>au équipé de <strong>la</strong>mes, et il explique ses avantages. Il<br />

s'agit d'un outil utilisé <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Sud pour <strong>le</strong> désherbage des rizières.<br />

mi<br />

gunzhou<br />

Dans <strong>le</strong> Nord, <strong>le</strong> riz n'est pas repiqué, mais simp<strong>le</strong>ment semé à <strong>la</strong> volée.<br />

[Dans ces régions], <strong>le</strong>s champs peuvent être roulés avec un rou<strong>le</strong>au sur<br />

<strong>le</strong>quel sont montées de petites p<strong>la</strong>nches de bois appelées « ai<strong>le</strong>s d'oie ».<br />

L'outil ressemb<strong>le</strong> alors à un rou<strong>le</strong>au à dents, mais [d'un diamètre] plus<br />

faib<strong>le</strong>. Ce dispositif permet de ma<strong>la</strong>xer <strong>la</strong> terre et l'eau pour obtenir de<br />

<strong>la</strong> boue. [...] Au Jiangnan, il est faci<strong>le</strong> de préparer <strong>la</strong> boue [des rizières],<br />

c'est pourquoi on utilise un rou<strong>le</strong>au lisse. Mais <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nord, <strong>le</strong>s champs<br />

naturel<strong>le</strong>ment humides sont très rares. Aussi, après avoir mis <strong>le</strong> champ en<br />

eau, il faut employer ce rou<strong>le</strong>au à ai<strong>le</strong>ttes pour ma<strong>la</strong>xer <strong>la</strong> terre.<br />

[WZNS, p. 247]<br />

Ce rou<strong>le</strong>au à ai<strong>le</strong>ttes est très intéressant. Comme l'explique Wang Zhen<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> première partie de l'artic<strong>le</strong> (non repro<strong>du</strong>ite ici), il est caractérisé<br />

par un faib<strong>le</strong> diamètre. Muni d'ai<strong>le</strong>ttes, il peut tourner rapidement sur luimême,<br />

assurant alors un brassage énergique de <strong>la</strong> terre humide qu'il transforme<br />

en une boue fine. C'est pourquoi cet outil est utilisé pour <strong>la</strong> prépa-<br />

24


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xrf <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

ration des rizières <strong>dans</strong> <strong>le</strong> nord de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, où <strong>le</strong>s sols ne sont pas<br />

naturel<strong>le</strong>ment marécageux comme <strong>dans</strong> <strong>le</strong> sud. Il est aujourd'hui très<br />

courant en <strong>Chine</strong> comme au Japon.<br />

Lorsque <strong>la</strong> boue a été correctement ma<strong>la</strong>xée et qu'el<strong>le</strong> est suffisamment<br />

fine et liquide, il reste à nive<strong>le</strong>r <strong>le</strong> sol de <strong>la</strong> rizière, afin que <strong>la</strong><br />

surface soit parfaitement p<strong>la</strong>ne avant <strong>le</strong> semis et <strong>la</strong> mise en eau.<br />

4 — Le semis<br />

Le semis est l'opération <strong>la</strong> plus délicate de tout <strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> de pro<strong>du</strong>ction<br />

agrico<strong>le</strong>. De sa bonne réalisation dépend l'avenir de <strong>la</strong> culture, et donc<br />

l'importance de <strong>la</strong> récolte. Le semis nécessite une grande précision quant<br />

à <strong>la</strong> quantité de semences mises en terre. En <strong>Chine</strong> a été développée une<br />

technique origina<strong>le</strong> pour répondre à ce besoin de précision : <strong>le</strong> semis en<br />

ligne au moyen d'un semoir. JJ existe en fait trois méthodes pour mettre<br />

<strong>le</strong>s semences en terre : <strong>le</strong> semis en poquets, <strong>le</strong> semis à <strong>la</strong> volée et <strong>le</strong> semis<br />

en lignes. Nous ne traiterons pas ici <strong>du</strong> semis en poquets, mais nous nous<br />

attacherons aux différences existant entre <strong>le</strong> semis à <strong>la</strong> volée et <strong>le</strong> semis<br />

en lignes.<br />

Le premier a été pratiqué en Occident jusqu'au milieu <strong>du</strong> xx c <strong>sièc<strong>le</strong></strong>.<br />

C'est une technique moins « primitive » qu'el<strong>le</strong> ne peut paraître au<br />

premier regard. El<strong>le</strong> demande aux agriculteurs une grande expérience. À<br />

ce titre, el<strong>le</strong> est réservée aux mieux exercés d'entre eux. <strong>Les</strong> graines sont<br />

précieuses et <strong>la</strong> dose de semis doit être évaluée au plus juste, en fonction<br />

de <strong>la</strong> culture, de <strong>la</strong> fertilité <strong>du</strong> sol, <strong>du</strong> climat et de <strong>la</strong> saison. À ces paramètres<br />

dont il faut tenir compte s'ajoute <strong>la</strong> maîtrise parfaite <strong>du</strong> geste. Il<br />

convient de répartir régulièrement <strong>la</strong> quantité de semences nécessaire en<br />

fonction de <strong>la</strong> surface <strong>du</strong> champ et de mo<strong>du</strong><strong>le</strong>r l'amp<strong>le</strong>ur <strong>du</strong> geste selon<br />

<strong>la</strong> force et <strong>la</strong> direction <strong>du</strong> vent. Le principal inconvénient <strong>du</strong> semis à <strong>la</strong><br />

volée, c'est qu'il demande beaucoup de savoir-faire à celui qui <strong>le</strong> pratique,<br />

et surtout qu'il réc<strong>la</strong>me une grande quantité de semences 32 .<br />

32 Cf. J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1985), p. 66.<br />

25


Olivier Guyonvarch<br />

Le semis réalisé avec un semoir est à <strong>la</strong> portée de tout agriculteur, il<br />

ne nécessite qu'une moindre habi<strong>le</strong>té par rapport au semis à <strong>la</strong> volée.<br />

C'est une technique ancienne en <strong>Chine</strong>, puisque <strong>le</strong> semoir était utilisé dès<br />

l'époque des Han 33 . Il est important de s'arrêter sur <strong>le</strong>s avantages <strong>du</strong><br />

semis en ligne. Cette technique rend possib<strong>le</strong> l'optimisation des conditions<br />

de culture en permettant à l'agriculteur de circu<strong>le</strong>r entre <strong>le</strong>s rangs<br />

de p<strong>la</strong>ntes, ce qu'il ne peut faire lorsque <strong>la</strong> culture est semée à <strong>la</strong> volée.<br />

Cette optimisation se réalise à deux niveaux : <strong>le</strong> désherbage et <strong>la</strong> fumure.<br />

Ainsi, pendant toute <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> cyc<strong>le</strong> de végétation, <strong>le</strong> paysan peut<br />

éliminer à <strong>la</strong> main, avec un râteau ou une houe, <strong>le</strong>s mauvaises herbes qui<br />

sont considérab<strong>le</strong>ment gênantes pour <strong>la</strong> culture. Le désherbage pendant <strong>le</strong><br />

cyc<strong>le</strong> de végétation permet par ail<strong>le</strong>urs d'économiser l'humidité <strong>du</strong> sol<br />

(<strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ntes parasites des cultures sont souvent très exigeantes en eau), ce<br />

qui est très profitab<strong>le</strong> <strong>dans</strong> tout <strong>le</strong> nord <strong>du</strong> pays. De <strong>la</strong> même manière, <strong>le</strong><br />

semis en ligne autorise une fertilisation optima<strong>le</strong>, car l'engrais peut être<br />

apporté au pied de chaque p<strong>la</strong>nte, en fonction des besoins physiologiques<br />

qui varient au cours de <strong>la</strong> vie de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte.<br />

L'usage <strong>du</strong> semoir permet éga<strong>le</strong>ment d'économiser des semences. Au<br />

xn c <strong>sièc<strong>le</strong></strong>, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> bassin <strong>du</strong> Yangzi où <strong>le</strong> blé et l'orge sont pro<strong>du</strong>its en<br />

culture d'hiver, <strong>la</strong> dose de semis correspond à un dixième de <strong>la</strong> récolte 34 .<br />

En Europe, à <strong>la</strong> même époque, il faut semer au moins un tiers de <strong>la</strong> récolte<br />

précédente en année norma<strong>le</strong>.<br />

Le semis en ligne est, en liaison avec <strong>le</strong>s techniques de préparation<br />

<strong>du</strong> sol en amont, de désherbage et de fumure en aval, <strong>le</strong> point d'orgue<br />

de l'intensification agrico<strong>le</strong> en <strong>Chine</strong>, et ce depuis l'époque des Han.<br />

Nous tenons là un des facteurs déterminants ayant permis au sol chinois<br />

de nourrir des densités de popu<strong>la</strong>tion é<strong>le</strong>vées. Laissons maintenant Wang<br />

Zhen nous décrire <strong>le</strong> semoir utilisé en son temps (Fig. 4).<br />

33 Cf. Bray (1984), p. 262.<br />

34 Ibid., p. 287.<br />

26


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiv <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Figure 4 : Le semoir louche<br />

Sur l'image on distingue c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong> trémie remplie de graines et <strong>le</strong>s petits socs,<br />

situés à l'extrémité des tubes de descente (en noir). Ba<strong>la</strong>ncé de droite à gauche,<br />

<strong>le</strong> semoir dépose quelques graines à chaque fois. Par contre, <strong>le</strong> système de<br />

régu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> chute des graines n'est pas visib<strong>le</strong>.<br />

D'après l'édition de 1637 <strong>du</strong> Tiangong kaiwu (Pro<strong>du</strong>its de <strong>la</strong> nature et de l'in<strong>du</strong>strie).<br />

27


Olivier Guyonvarch<br />

— Le semoir<br />

tojh louche<br />

^?K" C'est un outil utilisé pour mettre <strong>le</strong>s graines en terre. Semer est l'action<br />

-4~ de recouvrir <strong>le</strong>s graines de terre. <strong>Les</strong> socs métalliques <strong>du</strong> semoir ressem-<br />

-**• b<strong>le</strong>nt au soc d'une charrue, mais en plus petit. Huangfu Long, préfet de<br />

Dunhuang, [constata que] <strong>le</strong>s paysans de <strong>la</strong> région ne savaient pas cultiver,<br />

et il <strong>le</strong>ur apprit à fabriquer des semoirs. <strong>Les</strong> récoltes furent ainsi multipliées<br />

par cinq, pour deux fois moins de travail. Zhao Guo, chargé par<br />

Han Wudi de l'approvisionnement en grains de <strong>la</strong> région métropolitaine,<br />

enseigna aux paysans une technique nouvel<strong>le</strong> dite des « trois socs tirés par<br />

un bœuf ». Un paysan guide [l'outil] et fait tomber <strong>le</strong>s graines en même<br />

temps. On peut ainsi semer un qing en une journée 35 . [...] Selon moi, <strong>la</strong><br />

phrase « trois socs tirés par un bœuf » décrit <strong>le</strong> semoir à trois rangs que<br />

nous connaissons aujourd'hui. Cependant, <strong>le</strong>s semoirs ne sont pas tous<br />

identiques. Il en existe à un, deux ou trois rangs. Le semoir à deux rangs<br />

est courant <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s provinces de Yan, de Zhao, de Qi et de Lu 36 , et l'on<br />

trouve des semoirs à quatre rangs à l'ouest des Passes 37 . Ils ne nécessitent<br />

qu'un animal supplémentaire, et <strong>le</strong> travail est plus rapide. Le semoir est<br />

aussi utilisé partout <strong>dans</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine Centra<strong>le</strong>. Si l'on n'a jamais vu de<br />

semoir <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s autres régions, c'est que c'est un outil diffici<strong>le</strong> à fabriquer.<br />

<strong>Les</strong> deux mancherons, hauts de trois pieds, sont recourbés <strong>dans</strong> <strong>le</strong>ur partie<br />

supérieure. <strong>Les</strong> pieds [ou tubes de descente] sont creux et espacés de <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>rgeur d'une raie. Quatre barres rondes sont disposées horizonta<strong>le</strong>ment<br />

[entre <strong>le</strong>s mancherons]. La trémie, installée au milieu <strong>du</strong> semoir, contient<br />

<strong>le</strong>s graines qui tombent une à une <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s tubes de descente. Deux<br />

brancards sont disposés de chaque côté <strong>du</strong> semoir, entre <strong>le</strong>squels on peut<br />

atte<strong>le</strong>r un bœuf. H faut un homme pour guider ranimai et un second pour<br />

manier <strong>le</strong> semoir. Celui-ci <strong>le</strong> secoue tout en avançant, afin que <strong>le</strong>s graines<br />

puissent tomber d'el<strong>le</strong>s-mêmes. L'illustration montre un semoir qui ne<br />

sème que des graines, [...] mais il existe aujourd'hui des semoirs munis<br />

d'un compartiment à l'arrière de <strong>la</strong> trémie permettant l'épandage d'engrais<br />

fin ou de déjections de vers à soie. Grâce à ce procédé ingénieux et<br />

pratique, l'engrais vient recouvrir <strong>le</strong>s semences au moment <strong>du</strong> semis 38 .<br />

[WZNS, p 211]<br />

35 Jusqu'à 100 mu (6,1 ha), <strong>d'après</strong> Bray (1984), p. 263. Selon <strong>la</strong> glose <strong>du</strong>Nongshu<br />

de Wang Zhen, 1 qing = 35 mu.<br />

36 C'est-à-dire en <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> Nord et <strong>du</strong> Nord-Est.<br />

37 Gansu et Asie Centra<strong>le</strong>.<br />

38 C'est une technique toujours utilisée chez nous, mais de moins en moins en<br />

28


-<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Dans cet artic<strong>le</strong>, Wang Zhen ne décrit pas <strong>le</strong> système très original de<br />

régu<strong>la</strong>risation et de descente des graines. Le fond de <strong>la</strong> trémie est muni<br />

d'une fente ouverte au-dessus de l'embouchure des tubes de descente et<br />

au travers de <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> passe une tige de bambou f<strong>le</strong>xib<strong>le</strong> dotée d'un<br />

contrepoids 39 . Le ba<strong>la</strong>ncement <strong>du</strong> semoir entraîne <strong>le</strong> va-et-vient de <strong>la</strong> tige,<br />

faisant tomber <strong>le</strong>s graines à droite et à gauche alternativement. L'ouverture<br />

rég<strong>la</strong>b<strong>le</strong> de <strong>la</strong> fente et <strong>la</strong> vitesse d'oscil<strong>la</strong>tion permettent de fixer <strong>la</strong><br />

quantité de graines semées 40 .<br />

5 — Le repiquage<br />

Le repiquage <strong>du</strong> riz est une des techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>le</strong>s plus spectacu<strong>la</strong>ires<br />

quant à sa pratique et ses effets sur <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ntes. Nous rappel<strong>le</strong>rons<br />

brièvement son principe.<br />

<strong>Les</strong> semences sont d'abord semées, à <strong>la</strong> volée, <strong>dans</strong> des pépinières. Au<br />

bout de six semaines en moyenne, <strong>le</strong>s jeunes p<strong>la</strong>ntes sont repiquées en<br />

p<strong>le</strong>in champ. Un hectare de pépinière permet ainsi de mettre vingt-cinq<br />

hectares de rizière en culture. Après l'arrachage des jeunes p<strong>la</strong>nts, <strong>le</strong>s<br />

racines sont débarrassées de <strong>la</strong> terre, <strong>la</strong>vées, et <strong>le</strong> quart supérieur des<br />

feuil<strong>le</strong>s est coupé. <strong>Les</strong> p<strong>la</strong>nts doivent être transp<strong>la</strong>ntés <strong>le</strong> jour même,<br />

rep<strong>la</strong>ntés bien droit et peu profondément.<br />

Le repiquage permet éga<strong>le</strong>ment un désherbage soigné de <strong>la</strong> parcel<strong>le</strong>.<br />

Toutes <strong>le</strong>s mauvaises herbes peuvent être éliminées avant l'imp<strong>la</strong>ntation<br />

de <strong>la</strong> culture en p<strong>le</strong>in champ, et de même <strong>le</strong>s pépinières pourront être<br />

nettoyées avant l'imp<strong>la</strong>ntation de nouvel<strong>le</strong>s semences. La fréquence des<br />

raison de <strong>la</strong> concentration é<strong>le</strong>vée des granulés d'engrais qui se révè<strong>le</strong>nt toxiques<br />

s'ils sont trop près de <strong>la</strong> graine. Par contre, de nombreux modè<strong>le</strong>s de semoirs<br />

construits aujourd'hui en <strong>Chine</strong> sont équipés d'un dispositif comparab<strong>le</strong> à celui<br />

décrit ci-dessus (observations personnel<strong>le</strong>s au Salon Agro-expo China de Pékin,<br />

1989).<br />

39 Cf. Hopfen (1970), p. 88-91.<br />

40 Cf. Hommel (1937), p. 4447.<br />

29


Olivier Guyonvarch<br />

repiquages au cours de l'année (deux ou trois <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s grandes régions<br />

rizico<strong>le</strong>s <strong>du</strong> Sud) rend <strong>le</strong> désherbage particulièrement efficace.<br />

Sur <strong>le</strong> p<strong>la</strong>n technique, <strong>le</strong> repiquage nécessite beaucoup d'énergie<br />

humaine et peu d'appareil<strong>la</strong>ge. Il existe cependant un outil particulier<br />

propre à alléger <strong>le</strong> <strong>la</strong>beur <strong>du</strong> paysan : <strong>le</strong> « cheval à repiquer » (Fig. 5).<br />

— Le cheval à repiquer<br />

.h<br />

yangma<br />

Su Wenzhong [Su Dongpo] écrit <strong>dans</strong> sa préface : « Je me rendis à Luling,<br />

pour rendre visite à Zeng Anzhi, alors retiré des affaires publiques. Il me<br />

montra son Traité des céréa<strong>le</strong>s. Le sty<strong>le</strong> en est aimab<strong>le</strong> et distingué, <strong>le</strong>s<br />

descriptions détaillées et complètes. Malheureusement, <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong><br />

n'y figurent pas, et c'est là son défaut. Autrefois, au cours d'un voyage<br />

<strong>dans</strong> <strong>la</strong> région de Wuchang [au Hubei], je vis que <strong>le</strong>s paysans chevauchaient<br />

tous des "chevaux à repiquer". Le ventre est en bois d'orme ou<br />

de jujubier 41 pour pouvoir glisser, et <strong>le</strong> dos en Catalpa bungei [qiuY 2 ou<br />

en Firmiana simp<strong>le</strong>x [wu] n en raison de <strong>le</strong>ur légèreté. Le ventre ressemb<strong>le</strong><br />

à un petit bateau dont <strong>le</strong>s deux extrémités sont re<strong>le</strong>vées. Le dos a <strong>la</strong> forme<br />

d'une tui<strong>le</strong> retournée pour [que <strong>le</strong> paysan puisse] bondir faci<strong>le</strong>ment <strong>dans</strong><br />

<strong>la</strong> boue, comme un moineau. À l'avant, une tige de p<strong>la</strong>nte soup<strong>le</strong> permet<br />

de maintenir une botte de p<strong>la</strong>nts [de riz]. On peut parcourir ainsi des<br />

milliers de sillons en une journée. Le cheval à repiquer allège <strong>la</strong> fatigue<br />

<strong>du</strong> paysan, alors que sans, il doit peiner, <strong>le</strong> dos courbé. »<br />

[WZNS, p. 215-216]<br />

41 L'orme est un bois é<strong>la</strong>stique, résistant bien à l'humidité. Il était utilisé pour <strong>le</strong>s<br />

poteaux de mine et <strong>la</strong> construction des carènes de navires. Le jujubier est un<br />

arbuste ou un arbre épineux, dont <strong>le</strong> grain très fin <strong>du</strong> bois permet un bon<br />

polissage.<br />

42 Cet arbre pousse <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ines humides <strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> f<strong>le</strong>uve Jaune et <strong>du</strong><br />

Yangzi. Son bois, résistant à <strong>la</strong> putréfaction et dont <strong>le</strong> grain est fin, est utilisé pour<br />

<strong>la</strong> construction des bateaux comme des maisons, et pour <strong>la</strong> fabrication des<br />

meub<strong>le</strong>s.<br />

43 Cet arbre pousse sur <strong>le</strong>s sols humides. Il est très léger, très résistant, et est<br />

particulièrement apprécié pour <strong>la</strong> fabrication d'instruments de musique.<br />

30


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

ffl^-^*^<br />

*—— — — » j. xn.~~ïit<br />

ijfi/flif<br />

ftjjfr /f*tfl \g&-<br />

Figure 5 : Le cheval à repiquer yangma<br />

Ici, <strong>le</strong> paysan est assis très haut par rapport au sol, ce qui rend son travail plus<br />

diffici<strong>le</strong>. Une autre illustration <strong>du</strong> Nongshu, datant des Ming, montre <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts<br />

de riz maintenus à l'avant par une ficel<strong>le</strong>.<br />

D'après l'édition <strong>du</strong> Pa<strong>la</strong>is de 1783 <strong>du</strong> Nongshu de Wang Zhen.<br />

31


Olivier Guyonvarch<br />

Nous ne résistons pas au p<strong>la</strong>isir de citer <strong>le</strong> poème particulièrement pittoresque<br />

et savoureux écrit par Su Dongpo, que Wang Zhen reprend intégra<strong>le</strong>ment<br />

:<br />

La chanson <strong>du</strong> cheval à repiquer<br />

Au printemps, <strong>le</strong>s nuages sont gonflés d'une pluie g<strong>la</strong>cée.<br />

Pour que <strong>le</strong>s pousses grandissent et verdissent,<br />

il faut <strong>le</strong>s tail<strong>le</strong>r régulièrement 44 .<br />

Avec mon père, nous arpentons <strong>la</strong> boue.<br />

Le matin, un sillon nous sépare, <strong>le</strong> soir venu mil<strong>le</strong>.<br />

Mon père a <strong>le</strong> dos courbé comme une harpe, <strong>la</strong> tête comme <strong>le</strong> bec d'un pou<strong>le</strong>t,<br />

Ses musc<strong>le</strong>s endoloris, ses os moulus, il pousse des gémissements de dou<strong>le</strong>ur.<br />

Moi, je caraco<strong>le</strong> sur mon cheval en bois d'orme,<br />

que je peux sou<strong>le</strong>ver d'une seu<strong>le</strong> main,<br />

La tête et <strong>le</strong>s reins fièrement redressés, <strong>le</strong> ventre et <strong>le</strong>s côtes vers <strong>le</strong> bas.<br />

Le dos de mon cheval est ventru ; il a <strong>la</strong> forme d'une tui<strong>le</strong> renversée.<br />

Ses quatre sabots sont mes deux pieds.<br />

Je bondis et glisse comme un canard.<br />

Ces p<strong>la</strong>nts [de riz] si fins, je peux <strong>le</strong>s mettre en botte.<br />

Que ferais-je d'une sous-ventrière et d'un licol<br />

Pour parcourir <strong>le</strong>s sillons d'est en ouest ?<br />

Au coucher <strong>du</strong> so<strong>le</strong>il, <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s de montagne<br />

ferment <strong>le</strong>urs portes au son des tambours.<br />

Je bondis par-dessus <strong>la</strong> rivière Tan 45 , pour rentrer plus tôt.<br />

De retour au logis, j'accroche [mon cheval] bien haut sur <strong>le</strong> mur.<br />

Point n'est besoin de fourrage, il ne crie pas famine.<br />

Enfants et vieil<strong>la</strong>rds peuvent <strong>le</strong> monter.<br />

Jamais il ne rue ni ne tombe en franchissant <strong>le</strong>s diguettes.<br />

Le prince, qui se rend en audience au pa<strong>la</strong>is, sur sa sel<strong>le</strong> de brocard,<br />

Se rit de moi, qui me traîne ma vie entière derrière <strong>la</strong> charrue,<br />

Mais il ignore que je possède [éga<strong>le</strong>ment] mon propre destrier — de bois !<br />

44 II s'agit, comme nous l'avons signalé plus haut, de couper <strong>le</strong> quart supérieur des<br />

feuil<strong>le</strong>s afin de hâter <strong>la</strong> reprise des p<strong>la</strong>nts après <strong>le</strong> repiquage.<br />

45 Nom ancien d'une rivière au Hubei. Liu Bei l'aurait franchie à cheval pour<br />

échapper au danger.<br />

32


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

D'après <strong>le</strong> texte de Wang Zhen, <strong>le</strong> cheval à repiquer est utilisé au moment<br />

de remettre <strong>le</strong>s jeunes pousses en terre, en p<strong>le</strong>in champ. Aujourd'hui, ce<br />

genre d'instrument a été considérab<strong>le</strong>ment simplifié 46 . Il s'agit d'une<br />

petite barque très basse à fond p<strong>la</strong>t, à l'arrière de <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>le</strong> paysan est<br />

assis, progressant à reculons en prenant appui sur un dossier et en<br />

poussant de ses jambes. Mais il existe éga<strong>le</strong>ment un outil utilisé au<br />

moment de l'arrachage des p<strong>la</strong>nts <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pépinière 47 . Il s'agit alors d'une<br />

sorte de tabouret dont <strong>le</strong>s pieds sont fixés à une p<strong>la</strong>nche afin de pouvoir<br />

glisser sur <strong>la</strong> boue. Après avoir arraché <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts, <strong>le</strong> paysan frappe <strong>le</strong>s<br />

racines sur <strong>le</strong>s pieds de son tabouret afin d'en décol<strong>le</strong>r <strong>la</strong> boue qui y<br />

adhère 48 . Il est probab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s deux utilisations ont coexisté à l'époque<br />

de Wang Zhen, sans que nous en ayons de preuves explicites 49 .<br />

Le désherbage<br />

Rappelons en quelques mots l'importance capita<strong>le</strong> <strong>du</strong> désherbage. <strong>Les</strong><br />

mauvaises herbes peuvent entraîner des baisses de rendement graves. Plus<br />

exigeantes que <strong>le</strong>s cultures, el<strong>le</strong> entrent en concurrence directe avec<br />

cel<strong>le</strong>s-ci pour l'eau, <strong>le</strong>s éléments nutritifs, <strong>la</strong> lumière et l'espace. Ces<br />

p<strong>la</strong>ntes sauvages sont éga<strong>le</strong>ment plus résistantes aux insectes et aux ma<strong>la</strong>dies<br />

que <strong>le</strong>s cultures, et en cas d'attaque, ce sont cel<strong>le</strong>s-ci qui seront <strong>le</strong>s<br />

plus touchées. Enfin, mêlées à <strong>la</strong> récolte des céréa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s graines de<br />

graminées en diminuent <strong>la</strong> qualité. L'importance accordée au désherbage<br />

est manifeste <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nongshu et Wang Zhen décrit une dizaine d'<strong>outils</strong>,<br />

dont plusieurs servent spécifiquement à cette opération.<br />

On peut distinguer deux grands types d'<strong>outils</strong> à désherber selon <strong>le</strong><br />

mode de culture : <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> à <strong>la</strong>me comme <strong>la</strong> houe sont utilisés en culture<br />

sèche, <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> à dents comme <strong>le</strong> râteau en culture irriguée.<br />

46 Cf. Chen Wenhua (1991), p. 383.<br />

47 Cf. Zhou Xiaolu (1985), p. 88-89.<br />

48 Cf. Liu Chongde (1983), p. 199-200.<br />

49 Cf. Liang Jiamian (1989), p. 386.<br />

33


Olivier Guyonvarch<br />

1 — En zone de culture sèche<br />

— La houe à col de cygne<br />

Dans <strong>le</strong> Nord, en zone de culture sèche, <strong>le</strong>s houes sont <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> <strong>le</strong>s plus<br />

utilisés. El<strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>nt en percussion posée, c'est-à-dire que <strong>la</strong> <strong>la</strong>me est<br />

raclée sur <strong>le</strong> sol sec et <strong>du</strong>r 50 . L'outil <strong>le</strong> plus courant et pour <strong>le</strong>quel Wang<br />

Zhen fait preuve <strong>du</strong> plus d'enthousiasme est <strong>la</strong> houe à col de cygne. Sa<br />

<strong>la</strong>me est amovib<strong>le</strong> pour s'adapter au type de culture, et <strong>le</strong> manche<br />

commence par une partie métallique courbe permettant de tourner<br />

commodément autour <strong>du</strong> pied des p<strong>la</strong>ntes cultivées.<br />

m<br />

youchu<br />

La <strong>la</strong>me de <strong>la</strong> houe à col de cygne est en forme de demi-lune et [doit être]<br />

légèrement plus étroite que <strong>le</strong>s interlignes. Le dessus de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me est muni<br />

d'une courte douil<strong>le</strong> recevant <strong>la</strong> partie métallique <strong>du</strong> manche, <strong>le</strong> « cou ».<br />

Celui-ci est courbe, comme <strong>le</strong> cou d'une oie, et il est doté en son extrémité<br />

inférieure d'une douil<strong>le</strong> profonde <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> s'emboîte <strong>le</strong> manche<br />

de bois. Le « cou » ainsi que <strong>le</strong> manche mesurent deux pieds et cinq<br />

pouces. Aux endroits où <strong>la</strong> culture est c<strong>la</strong>irsemée, il faut biner, puis<br />

rep<strong>la</strong>nter pour comb<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s vides [entre <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts de <strong>la</strong> culture] 51 . Seu<strong>le</strong><br />

une petite houe convient aux « cinq grains » 52 . Même s'il n'y a plus de<br />

mauvaises herbes, il ne faut jamais cesser de biner. Au printemps, l'usage<br />

de <strong>la</strong> houe permet de « sou<strong>le</strong>ver » <strong>la</strong> terre 53 , et, en été, d'éliminer <strong>le</strong>s<br />

mauvaises herbes. Ainsi, pour <strong>le</strong> binage de printemps, il n'est pas néces-<br />

50 Cf. Leroi-Gourhan (1971), p. 120-122.<br />

51 Wang Zhen apporte indirectement une illustration à cette phrase <strong>dans</strong> un autre<br />

artic<strong>le</strong>, celui concernant <strong>la</strong> binette : « <strong>Les</strong> p<strong>la</strong>ntes qui auront poussé <strong>le</strong>s premières<br />

donneront de beaux grains, alors que cel<strong>le</strong>s qui poussent <strong>le</strong>s dernières ne<br />

pro<strong>du</strong>iront que des grains vides. C'est pourquoi il faut éliminer avec une binette<br />

<strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ntes <strong>le</strong>s plus chétives et <strong>la</strong>isser pousser <strong>le</strong>s plus vigoureuses. Si l'on bine<br />

sans discernement, on éliminera <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures p<strong>la</strong>ntes et l'on protégera <strong>le</strong>s<br />

moins bonnes, ce qui con<strong>du</strong>ira à ne récolter que des grains vides au lieu de grains<br />

p<strong>le</strong>ins. Ce serait méconnaître <strong>le</strong>s principes d'utilisation de <strong>la</strong> binette. »<br />

52 <strong>Les</strong> cinq grains désignent <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s textes c<strong>la</strong>ssiques : <strong>le</strong>s mil<strong>le</strong>ts (setaria et<br />

panicum ), <strong>le</strong> riz, <strong>le</strong> blé, l'orge et <strong>le</strong>s légumes. Cf. Bray (1984), p. 432.<br />

53 Avec sa houe, <strong>le</strong> paysan brise <strong>le</strong>s mottes de terre et ameublit <strong>le</strong> sol. Cf. Miao Qiyu<br />

(1990), p. 326-330.<br />

34


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> x/V <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

saire de se préoccuper de l'humidité <strong>du</strong> sol 54 . Après <strong>le</strong> sixième mois, bien<br />

que <strong>la</strong> terre soit humide, il ne faut pas recu<strong>le</strong>r devant <strong>le</strong> binage 55 . Quatre<br />

principes doivent être respectés : il faut utiliser une houe aiguisée, travail<strong>le</strong>r<br />

toute <strong>la</strong> surface des interlignes, butter <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ntes et recommencer ce<br />

travail sans cesse. Un dicton paysan dit : « Il y a trois pouces de terre<br />

humide sous <strong>la</strong> <strong>la</strong>me de <strong>la</strong> houe 56 , et après son passage <strong>le</strong>s cultures sont<br />

abondantes. » [<strong>Les</strong> paysans] utilisent tous <strong>la</strong> houe à col de cygne <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

Nord [pour désherber] <strong>le</strong>s cultures sèches. Entre <strong>la</strong> Huai et <strong>le</strong> Yangzi, bien<br />

qu'il y ait des champs exploités en culture sèche, <strong>le</strong>s paysans sont habitués<br />

à cultiver <strong>le</strong>s rizières. Ils ne sont pas familiarisés avec <strong>la</strong> culture des légumineuses<br />

et des mil<strong>le</strong>ts et ils ne connaissent pas cette houe ni <strong>la</strong> manière<br />

de s'en servir. Au contraire, ils utilisent une houe dont l'emmanchement<br />

est droit et qui, bien qu'ayant une <strong>la</strong>me ressemb<strong>la</strong>nt à cel<strong>le</strong> d'une houe,<br />

est utilisée comme une pioche : el<strong>le</strong> est donc appelée houe-pioche. Voilà<br />

<strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s rendements des cultures sèches [entre <strong>la</strong> Huai<br />

et <strong>le</strong> Yangzi] sont très faib<strong>le</strong>s 57 . J'espère qu'après avoir décrit <strong>le</strong>s avantages<br />

de <strong>la</strong> houe à col de cygne el<strong>le</strong> sera utilisée partout, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nord<br />

comme <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Sud.<br />

[WZNS, p. 229-230]<br />

— La bêche à désherber<br />

La bêche à désherber, munie d'un long manche et poussée par l'agriculteur,<br />

est éga<strong>le</strong>ment un outil efficace, mais <strong>la</strong> manière de l'utiliser diffère<br />

de cel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> houe : ce n'est pas un outil tiré.<br />

. j. chan<br />

jfef$ Le manche est long de plusieurs pieds, <strong>la</strong> <strong>la</strong>me <strong>la</strong>rge de quatre pouces<br />

environ. Le paysan tient <strong>la</strong> bêche à deux mains et <strong>la</strong> pousse devant lui [par<br />

à-coups] rapides. Il tranche <strong>le</strong>s mauvaises herbes <strong>le</strong> long des sillons,<br />

54 Littéra<strong>le</strong>ment « tâter avec <strong>la</strong> main l'humidité <strong>du</strong> sol ».<br />

55 Pour montrer l'importance <strong>du</strong> binage, Wang Zhen fait entorse au principe<br />

général qui est de ne pas travail<strong>le</strong>r <strong>le</strong> sol lorsqu'il est trop humide pour éviter qu'il<br />

ne se compacte.<br />

56 Ce proverbe rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong> dicton paysan de chez nous : « Un binage vaut deux<br />

arrosages. »<br />

57 Cette remarque est intéressante. El<strong>le</strong> montre l'importance attachée à l'utilisation<br />

d'un outil adapté au travail auquel il est dévolu. Le choix de l'outil doit donc être<br />

pensé, et ne pas être <strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fruit <strong>du</strong> hasard.<br />

35


Olivier Guyonvarch<br />

®to<br />

recouvrant <strong>dans</strong> <strong>le</strong> même temps <strong>le</strong>s racines des p<strong>la</strong>ntes cultivées, ce qui<br />

demande rapidité et dextérité.<br />

[WZNS, p. 232]<br />

— La houe-étrier<br />

Wang Zhen décrit là un outil intéressant, puisqu'il s'agit d'une houe<br />

spécifiquement utilisée pour <strong>le</strong> désherbage, à l'exclusion de toute autre<br />

fonction.<br />

dengchu<br />

C'est un outil utilisé pour éliminer <strong>le</strong>s mauvaises herbes. Sa forme est<br />

semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong> à cel<strong>le</strong> d'un étrier, c'est-à-dire que <strong>la</strong> <strong>la</strong>me, très coupante, est<br />

maintenue à ses extrémités par deux tiges de fer. Sur <strong>le</strong> dessus, une douil<strong>le</strong><br />

permet d'emboîter un manche droit long de quatre pieds. La <strong>la</strong>me de <strong>la</strong><br />

houe-étrier, à <strong>la</strong> différence de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me des houes traditionnel<strong>le</strong>s, n'a pas<br />

deux coins qui b<strong>le</strong>ssent <strong>le</strong>s tiges et <strong>le</strong>s racines de <strong>la</strong> culture lorsqu'el<strong>le</strong>s<br />

<strong>le</strong>s heurtent. En cas de légère sécheresse ou lorsque l'interligne est un peu<br />

sec après <strong>le</strong> mûrissement des céréa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s mauvaises herbes peuvent<br />

repousser et on ne peut <strong>le</strong>s éliminer avec <strong>le</strong> râteau ou <strong>le</strong>s griffes de<br />

désherbage. C'est alors qu'on utilise avec grand profit cette houe-étrier<br />

pour rac<strong>le</strong>r <strong>le</strong> sol et se débarrasser de ces herbes.<br />

[WZNS, p. 232]<br />

Enfin sont utilisés <strong>le</strong>s râteaux ou herses manuel<strong>le</strong>s, plus pratiques lorsque<br />

<strong>le</strong>s mauvaises herbes sont encore jeunes et faci<strong>le</strong>s à extirper. Nous <strong>le</strong>s<br />

décrirons ci-dessous, puisqu'ils sont destinés au désherbage des rizières.<br />

2 — Dans <strong>le</strong> Sud, en rizière irriguée<br />

En rizière, <strong>la</strong> texture <strong>du</strong> sol empêche l'emploi d'<strong>outils</strong> à <strong>la</strong>me comme <strong>la</strong><br />

houe ; seuls <strong>le</strong>s <strong>outils</strong> à dents sont efficaces. La méthode de désherbage<br />

consiste à arracher <strong>le</strong>s mauvaises herbes à <strong>la</strong> main, ou avec <strong>le</strong>s orteils, et<br />

à <strong>le</strong>s enfouir <strong>dans</strong> <strong>la</strong> boue. La herse manuel<strong>le</strong> est utilisée pour égaliser <strong>la</strong><br />

surface <strong>du</strong> sol après cette opération 58 .<br />

58 Cf. Hommel (1937), p. 66.<br />

36


— <strong>Les</strong> protège-doigts<br />

7^<br />

<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

yunzhua<br />

Cet instrument est constitué de tubes de bambou [que <strong>le</strong> paysan] coupe<br />

à <strong>la</strong> longueur de ses doigts. Es peuvent dépasser un pouce de long. Ils permettent<br />

de trancher et d'arracher [<strong>le</strong>s mauvaises herbes], et ressemb<strong>le</strong>nt<br />

à des griffes. En fer, ils sont plus résistants et plus coupants. Lorsqu'il<br />

désherbe sa rizière, <strong>le</strong> paysan <strong>le</strong>s utilise comme un oiseau se sert de ses<br />

griffes. [...] [En effet, <strong>le</strong> paysan] se hâte, car il craint <strong>la</strong> venue de <strong>la</strong> pluie.<br />

[De même,] l'oiseau qui picore se presse, car il craint d'être capturé.<br />

[Cette technique] s'appel<strong>le</strong> « désherber comme un oiseau », en raison de<br />

<strong>la</strong> crainte et de <strong>la</strong> hâte. On peut observer <strong>le</strong>s paysans <strong>dans</strong> <strong>le</strong>urs champs,<br />

se courbant et se redressant. Le paysan arrache <strong>le</strong>s mauvaises herbes à <strong>la</strong><br />

main comme l'oiseau déterre sa nourriture en sautil<strong>la</strong>nt. Comment ne pas<br />

appe<strong>le</strong>r cette tâche « désherber comme un oiseau » ?<br />

[WZNS, p. 234]<br />

Mais l'outil permettant <strong>le</strong> travail <strong>le</strong> plus rapide est <strong>la</strong> herse manuel<strong>le</strong>.<br />

— La herse manuel<strong>le</strong><br />

% & •<br />

yundang<br />

[La herse manuel<strong>le</strong>] a <strong>la</strong> forme d'une socque de bois. El<strong>le</strong> est longue de<br />

plus d'un pied et <strong>la</strong>rge d'environ trois pouces. En dessous sont disposées<br />

en rangées une vingtaine de courtes dents métalliques. Sur <strong>le</strong> dessus est<br />

fixé un manche de bambou long de plus de cinq pieds. Lorsqu'il désherbe,<br />

<strong>le</strong> paysan enfonce <strong>le</strong>s mauvaises herbes <strong>dans</strong> <strong>la</strong> boue et pousse <strong>la</strong> herse<br />

manuel<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s interlignes. De cette façon, <strong>le</strong>s champs sont maintenus<br />

parfaitement propres. [La herse manuel<strong>le</strong>] permet de désherber en un jour<br />

une surface deux fois plus grande qu'à <strong>la</strong> main.<br />

[WZNS, p. 233]<br />

Nous avons vu plus haut que <strong>le</strong> désherbage n'est pas une opération<br />

ponctuel<strong>le</strong>, mais que c'est un travail qui se poursuit sans cesse pendant<br />

toute <strong>la</strong> <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> cyc<strong>le</strong> de végétation, jusqu'à ce que <strong>la</strong> récolte soit mûre.<br />

37


Olivier Guyonvarch<br />

La récolte<br />

La récolte est <strong>le</strong> point d'achèvement des travaux. C'est une opération<br />

délicate. Son moment doit être soigneusement choisi : trop tôt, <strong>le</strong> grain<br />

n'est pas assez mûr et se conservera mal, car il est trop humide ; trop tard,<br />

<strong>le</strong> paysan s'expose aux accidents climatiques et risque de voir sa récolte<br />

gâtée. Ce dernier doit donc récolter au bon moment, et rapidement. Pour<br />

ce faire, trois grands types d'<strong>outils</strong> ont été inventés : <strong>le</strong> couteau à moissonner,<br />

<strong>la</strong> faucil<strong>le</strong> et <strong>la</strong> faux.<br />

1 — Le couteau à moissonner<br />

Le couteau décrit par Wang Zhen est une petite <strong>la</strong>me, de forme rectangu<strong>la</strong>ire<br />

ou oblongue, tenue <strong>dans</strong> <strong>la</strong> paume de <strong>la</strong> main. C'est en fait une<br />

aide à <strong>la</strong> cueil<strong>le</strong>tte manuel<strong>le</strong> des épis. L'agriculteur saisit l'épi et un petit<br />

bout de tige en dessous avec <strong>la</strong> main qui tient <strong>le</strong> couteau. Il fait pivoter<br />

son poignet pour amener <strong>la</strong> <strong>la</strong>me au contact de <strong>la</strong> tige, perpendicu<strong>la</strong>irement<br />

à cel<strong>le</strong>-ci. Enfin, d'un mouvement sec <strong>du</strong> poignet vers <strong>le</strong> bas, il<br />

tranche <strong>la</strong> tige et l'épi lui reste <strong>dans</strong> <strong>la</strong> main.<br />

Arrêtons-nous quelque peu sur cette pratique. Le cas <strong>du</strong> couteau à<br />

moissonner est un bon exemp<strong>le</strong> pour démontrer qu'en matière de techniques<br />

<strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> des considérations importantes peuvent se cacher derrière<br />

l'outil <strong>le</strong> plus simp<strong>le</strong>. Voyons d'abord ce que dit Wang Zhen <strong>du</strong> couteau<br />

à moissonner.<br />

f<br />

sujian<br />

La <strong>la</strong>me en fer est longue de plus d'un pouce. Sur <strong>le</strong> dessus, un anneau<br />

de fer permet de passer l'index, et [<strong>le</strong> tranchant] est dirigé vers <strong>la</strong> paume<br />

de <strong>la</strong> main. Lorsqu'il moissonne [avec cet outil], <strong>le</strong> paysan choisit et<br />

cueil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s épis un à un.<br />

[WZNS, p. 241]<br />

Wang Zhen souligne c<strong>la</strong>irement <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> particulier de ce couteau qui, en<br />

permettant une moisson « sé<strong>le</strong>ctive », présente deux avantages par rapport<br />

à <strong>la</strong> moisson « en masse » pratiquée avec <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong> ou <strong>la</strong> faux. En effet,<br />

<strong>le</strong> riz, comme toutes <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s, tal<strong>le</strong>, c'est-à-dire qu'un pied émet une<br />

tige principa<strong>le</strong> et une ou plusieurs tiges secondaires. Ces tal<strong>le</strong>s n'arrivent<br />

38


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> XIV e <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

pas à maturité en même temps, il est donc important de pouvoir récolter<br />

en plusieurs fois et de ne couper que <strong>le</strong>s épis mûrs 59 . Le temps de récolte<br />

s'en trouvant allongé, il n'est pas nécessaire de mobiliser une maind'œuvre<br />

importante sur une période très courte, ce qui rend cette technique<br />

particulièrement bien adaptée à <strong>la</strong> petite exploitation familia<strong>le</strong>.<br />

D'autre part, fait capital, ce ramassage indivi<strong>du</strong>alisé des épis permet<br />

de sé<strong>le</strong>ctionner <strong>le</strong>s graines des p<strong>la</strong>ntes présentant <strong>le</strong>s caractéristiques <strong>le</strong>s<br />

plus intéressantes (précocité, rendement, résistance aux ma<strong>la</strong>dies et aux<br />

parasites). Ces graines seront utilisées pour <strong>le</strong> semis de l'année suivante.<br />

Un tel mode de sé<strong>le</strong>ction n'est pas permis lorsque <strong>la</strong> récolte est moissonnée<br />

avec une faucil<strong>le</strong> ou avec une faux. Ainsi, pour <strong>le</strong> bassin Méditerranéen,<br />

où <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong> est l'instrument de récolte de prédi<strong>le</strong>ction, <strong>le</strong>s<br />

agronomes romains ne citent qu'une douzaine de variétés différentes de<br />

blé et d'orge 60 . Jia Sixie, l'auteur <strong>du</strong> Qimin yaoshu (Techniques essentiel<strong>le</strong>s<br />

à l'usage des paysans, vr= <strong>sièc<strong>le</strong></strong>), qui préconise <strong>la</strong> récolte des mil<strong>le</strong>ts<br />

au couteau afin de pouvoir choisir <strong>le</strong>s épis, donne, quant à lui, une liste<br />

de quatre-vingt-dix-huit noms de variétés de mil<strong>le</strong>t et trente-sept noms de<br />

variétés de riz (alors que <strong>le</strong> riz était peu cultivé en <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> Nord à son<br />

époque) 61 .<br />

Signalons que <strong>le</strong>s agronomes occidentaux contemporains commencent<br />

à s'inquiéter de <strong>la</strong> dangereuse diminution <strong>du</strong> nombre de variétés cultivées<br />

et qu'il a fallu créer, pour y pallier, des « banques de gènes ». Après avoir<br />

imposé, entre autres, ses modes d'agriculture au monde, l'Occident va se<br />

retrouver seul en possession <strong>du</strong> patrimoine génétique dont seront faites <strong>le</strong>s<br />

espèces cultivées de demain. La solution pratique <strong>la</strong> plus immédiatement<br />

efficace et à <strong>la</strong> portée des pays en voie de développement résiderait <strong>dans</strong><br />

l'emploi d'un outil aussi simp<strong>le</strong> que <strong>le</strong> couteau à moissonner.<br />

2 — La faucil<strong>le</strong><br />

Nous ne nous étendrons pas sur cet outil, bien connu de tous. Le seul<br />

point qui mérite d'être signalé est <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s faucil<strong>le</strong>s chinoises,<br />

59 Cf. Hopfen (1970), p. 122.<br />

60 Cf. Bray (1984), p. 330.<br />

61 Cf. Miao Qiyu (1990), p. 330.<br />

39


Olivier Guyonvarch<br />

comme <strong>le</strong>s faucil<strong>le</strong>s japonaises, présentent <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité de ne pas être<br />

équilibrées. Tout <strong>le</strong> poids de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me est déporté sur un côté <strong>du</strong> manche.<br />

Par contre, depuis <strong>le</strong> monde méditerranéen jusqu'au Moyen-Orient, <strong>la</strong><br />

faucil<strong>le</strong> est toujours équilibrée. La <strong>la</strong>me est courbée en forme de croissant<br />

de lune, de sorte que <strong>le</strong> poids est réparti de manière éga<strong>le</strong> de chaque côté<br />

<strong>du</strong> manche. En effet, en Occident, <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong> est utilisée en percussion,<br />

alors qu'en Asie orienta<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> l'est en friction.<br />

3 — La faux armée et son traîneau<br />

Avec <strong>la</strong> faux armée, Wang Zhen présente une combinaison d'<strong>outils</strong><br />

particulièrement intéressante. Il s'agit d'une faux dotée d'un dispositif<br />

permettant, <strong>dans</strong> un même mouvement, de couper <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s, de <strong>le</strong>s<br />

récupérer, puis de <strong>le</strong>s envoyer sur un traîneau que tire <strong>le</strong> moissonneur<br />

derrière lui. Cette faux est réservée à <strong>la</strong> récolte <strong>du</strong> blé et <strong>du</strong> sarrasin.<br />

Dans <strong>la</strong> courte préface intro<strong>du</strong>isant <strong>la</strong> section décrivant <strong>la</strong> faux armée<br />

et son traîneau, Wang Zhen en expose l'intérêt :<br />

Tous <strong>le</strong>s paysans de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine Centra<strong>le</strong> sont habitués [à utiliser <strong>la</strong> faux<br />

armée et <strong>le</strong> traîneau] pour récolter <strong>le</strong> blé. <strong>Les</strong> terres emb<strong>la</strong>vées [en blé]<br />

y sont éten<strong>du</strong>es, et il faut utiliser cette méthode afin de faciliter <strong>la</strong> récolte.<br />

Si l'on compare <strong>la</strong> récolte à l'aide de <strong>la</strong> faux armée et cel<strong>le</strong> à <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong><br />

ou à <strong>la</strong> main, <strong>la</strong> première apparaît d'une rapidité prodigieuse. J'ai décrit<br />

et dessiné ces <strong>outils</strong> un à un pour que <strong>le</strong>s paysans de tous <strong>le</strong>s horizons<br />

puissent <strong>le</strong>s copier, s'épargnant ainsi de <strong>la</strong> peine.<br />

[WZNS, p. 363]<br />

Signalons qu'en France <strong>la</strong> faux armée ne devient réel<strong>le</strong>ment efficace et<br />

ne remp<strong>la</strong>ce <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong> qu'au xvm c <strong>sièc<strong>le</strong></strong>, <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s grandes p<strong>la</strong>ines céréalières<br />

d'Î<strong>le</strong>-de-France. Il faut attendre <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> xrx e <strong>sièc<strong>le</strong></strong> pour qu'el<strong>le</strong> soit<br />

d'un emploi courant <strong>dans</strong> tout <strong>le</strong> pays 62 . Par ail<strong>le</strong>urs, en Occident, <strong>le</strong><br />

moissonneur n'a jamais traîné de corbeil<strong>le</strong> derrière lui pour récupérer <strong>le</strong>s<br />

céréa<strong>le</strong>s. <strong>Les</strong> p<strong>la</strong>ntes coupées étaient soit alignées en andains sur <strong>le</strong> sol,<br />

soit abattues en javel<strong>le</strong>s contre <strong>la</strong> récolte sur pied, avant d'être liées en<br />

gerbes.<br />

62 Cf. Bray (1984), p. 336.<br />

40


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiv" <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

La faux armée est constituée de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me de faux el<strong>le</strong>-même et <strong>du</strong><br />

berceau (Fig. 6). La <strong>la</strong>me, rectiligne, ainsi que <strong>le</strong> berceau sont montés sur<br />

un manche droit, recourbé vers <strong>le</strong> haut. Lisons <strong>la</strong> description de Wang<br />

Zhen.<br />

— La <strong>la</strong>me de faux<br />

jte maishan<br />

^t C'est une <strong>la</strong>me allongée, comme cel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> faucil<strong>le</strong>, mais el<strong>le</strong> est très<br />

• droite. El<strong>le</strong> est plus mince et un peu plus légère que <strong>la</strong> <strong>la</strong>me d'une faux<br />

& •/ [ordinaire] 63 . El<strong>le</strong> est tranchante, car on l'utilise à <strong>la</strong> manière d'une hache.<br />

[...] El<strong>le</strong> est fixée à <strong>la</strong> base <strong>du</strong> manche, par ses extrémités, au niveau <strong>du</strong><br />

berceau. [Cette <strong>la</strong>me] permet de multiplier <strong>la</strong> quantité de céréa<strong>le</strong>s récoltées.<br />

La <strong>la</strong>me est effilée, semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong> à cel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> faux.<br />

Comment deviner qu'el<strong>le</strong> est d'une efficacité merveil<strong>le</strong>use<br />

pour récolter <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s ?<br />

On se retourne pour contemp<strong>le</strong>r une surface immense,<br />

jaune comme <strong>le</strong>s nuages.<br />

Point de faucil<strong>le</strong>, mais <strong>la</strong> récolte est déjà engrangée.<br />

[WZNS, p. 364]<br />

Sur <strong>le</strong> manche, au niveau de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me, est fixé <strong>le</strong> berceau qui récupère <strong>le</strong>s<br />

céréa<strong>le</strong>s coupées.<br />

Le berceau<br />

maichao<br />

[Le berceau] est fait de <strong>la</strong>nières de bambou tressées. Il a <strong>la</strong> forme d'un<br />

tamis, mais il est moins profond et plus <strong>la</strong>rge. Il est monté sur <strong>la</strong> portion<br />

<strong>du</strong> manche où est fixée <strong>la</strong> <strong>la</strong>me. Le manche mesure trois pieds de long ;<br />

il est muni d'une poignée en « T » à son extrémité, que <strong>le</strong> moissonneur<br />

63 La <strong>la</strong>me de <strong>la</strong> faux ordinaire chinoise, en effet très courte, est montée à<br />

l'extrémité d'un long manche. Utilisée pour <strong>la</strong> récolte des fourrages, à <strong>la</strong> manière<br />

d'un club de golf, el<strong>le</strong> ne permet pas de récolter <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s, car l'effet de<br />

percussion sur <strong>le</strong>s tiges égrènerait <strong>le</strong>s épis. Cf. Hommel (1937), p. 67 et 69.<br />

41


Olivier Guyonvarch<br />

Figure 6 : La faux armée<br />

En haut, l'artiste a bien montré <strong>la</strong> disposition généra<strong>le</strong> de <strong>la</strong> faux armée et de son<br />

traîneau (mailong), mais sans en comprendre <strong>le</strong>s caractéristiques.<br />

En bas, <strong>la</strong> faux armée actuel<strong>le</strong> (<strong>dans</strong> <strong>le</strong> Henan), très proche de cel<strong>le</strong> décrite par<br />

Wang Zhen.<br />

D'après l'édition <strong>du</strong> Pa<strong>la</strong>is de 1783 <strong>du</strong> Nongshu de Wang Zhen (en haut), et<br />

Hopfen (1970), p. 113 (en bas).<br />

42


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xW <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

tient de <strong>la</strong> main droite. Une corde permettant de tirer l'outil par petits<br />

coups est reliée [au manche] au niveau de <strong>la</strong> <strong>la</strong>me. Pour éviter que <strong>la</strong> corde<br />

ne soit tranchée, <strong>la</strong> section <strong>la</strong> plus proche de cel<strong>le</strong>-ci est remp<strong>la</strong>cée par une<br />

<strong>la</strong>nière de bambou. Le moissonneur tire sur cette corde de <strong>la</strong> main gauche<br />

et coupe <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s d'un mouvement coordonné des deux bras. El<strong>le</strong>s sont<br />

[alors] récupérées <strong>dans</strong> <strong>le</strong> berceau et envoyées <strong>dans</strong> <strong>le</strong> panier [qu'il traîne<br />

derrière lui]. J'ai vu cet outil utilisé <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nord pour récolter <strong>le</strong> blé et<br />

<strong>le</strong> sarrasin, mais alors [<strong>le</strong> berceau est tressé] de manière plus serrée 64 .<br />

[WZNS, p. 364]<br />

— Le traîneau<br />

Voici en dernier lieu <strong>la</strong> description <strong>du</strong> traîneau, accroché à <strong>la</strong> tail<strong>le</strong> <strong>du</strong><br />

moissonneur, et <strong>dans</strong> <strong>le</strong>quel il rejette <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s qu'il vient de couper.<br />

^fe mailong<br />

^V C'est un panier de bambou que l'on remplit avec <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s coupées<br />

+,!?• [pendant <strong>la</strong> récolte]. Il est fait de <strong>la</strong>mel<strong>le</strong>s de bambou tressées. Il est haut<br />

de deux pieds avec un fond p<strong>la</strong>t et une ouverture <strong>la</strong>rge de six pieds. Le<br />

panier repose sur un châssis de bois muni de quatre roues lui permettant<br />

d'avancer. Le moissonneur l'accroche à sa tail<strong>le</strong> au moyen d'une corde<br />

et d'un crochet, et avance en <strong>le</strong> tirant. Il coupe <strong>le</strong>s céréa<strong>le</strong>s devant lui avec<br />

<strong>la</strong> faux armée et <strong>le</strong>s envoie <strong>dans</strong> <strong>la</strong> corbeil<strong>le</strong>. Lorsque cel<strong>le</strong>-ci est p<strong>le</strong>ine,<br />

il <strong>la</strong> vide, entasse <strong>la</strong> récolte et reprend ses allées et venues <strong>dans</strong> <strong>le</strong> champ,<br />

sans s'arrêter. Le traîneau permet de moissonner une surface de plusieurs<br />

mu en une journée.<br />

Conclusion<br />

[WZNS, p. 363]<br />

À travers <strong>le</strong>s descriptions que nous en a <strong>la</strong>issées Wang Zhen, <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur<br />

d'aujourd'hui peut apprécier à quel point <strong>le</strong>s techniques <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> traditionnel<strong>le</strong>s<br />

constituent un domaine d'étude vaste et comp<strong>le</strong>xe à <strong>la</strong> fois.<br />

64 Car <strong>le</strong> sarrasin présente <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité d'avoir des graines très fines qui tombent<br />

faci<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> sol lorsque l'on coupe <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte.<br />

43


Olivier Guyonvarch<br />

En examinant <strong>le</strong> Catalogue des <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>du</strong> Ministère de<br />

l'Agriculture chinois publié en 1958 65 , nous avons pu constater que <strong>la</strong><br />

quasi-totalité des <strong>outils</strong> figurant <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Nongshu de Wang Zhen étaient<br />

toujours d'un emploi courant six <strong>sièc<strong>le</strong></strong>s et demi plus tard. <strong>Les</strong> rares<br />

exceptions ne concernent que des <strong>outils</strong> secondaires ou déjà obsolètes au<br />

xiv 5 <strong>sièc<strong>le</strong></strong>. Si l'on fait abstraction des <strong>outils</strong> occidentaux modernes, il n'y<br />

a pas de différences technologiques entre <strong>le</strong>s deux ouvrages. Nous avons<br />

donc là un phénomène de continuité, qui prend ses racines dès l'époque<br />

des Han.<br />

Depuis <strong>le</strong>s quarante dernières années, <strong>la</strong> mécanisation de l'agriculture<br />

a été présentée comme <strong>la</strong> panacée, alors que l'animal de trait symbolisait<br />

l'arriération et <strong>le</strong> sous-développement. Mais il convient de nuancer cette<br />

vision des choses. Depuis l'instauration <strong>du</strong> système de responsabilité à <strong>la</strong><br />

campagne, <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction céréalière a augmenté, alors que <strong>la</strong> surface<br />

cultivée avec des tracteurs n'a fait que diminuer au profit de cel<strong>le</strong> mise<br />

en va<strong>le</strong>ur avec des animaux de trait. Aujourd'hui, 70 % <strong>du</strong> parc de tracteurs<br />

est affecté au transport de marchandises, contre 30 % aux travaux<br />

proprement <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong>. Il en résulte donc que <strong>le</strong>s moyens de pro<strong>du</strong>ction<br />

traditionnels sont toujours <strong>la</strong>rgement utilisés. Ils répondent aux besoins<br />

d'une agriculture intensive basée sur <strong>la</strong> petite exploitation familia<strong>le</strong>, dont<br />

Os permettent <strong>le</strong> développement. Fabriqués à base de bois ou de bambou,<br />

ils nécessitent peu de métal et sont bon marché. Ils peuvent être construits<br />

ou réparés sur p<strong>la</strong>ce et faci<strong>le</strong>ment adaptés aux besoins locaux. Légers et<br />

simp<strong>le</strong>s, ils demandent une faib<strong>le</strong> vitesse de travail (donc peu d'énergie)<br />

et sont faci<strong>le</strong>ment transportab<strong>le</strong>s d'un champ à l'autre par un homme<br />

seul 66 . Enfin, il faut noter <strong>le</strong> caractère universel de l'outil : une simp<strong>le</strong><br />

houe permet de <strong>la</strong>bourer, de désherber, de creuser des rigo<strong>le</strong>s, de récolter<br />

des tubercu<strong>le</strong>s ou de dresser des billons. La faucil<strong>le</strong> permet de récolter<br />

tous <strong>le</strong>s types de végétaux ; <strong>le</strong> semoir, de semer tous <strong>le</strong>s types de graines<br />

et d'épandre l'engrais en même temps. De <strong>la</strong> sorte, tous <strong>le</strong>s travaux<br />

<strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> peuvent être effectués avec peu d'outil<strong>la</strong>ge, ce qui représente<br />

une charge faib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> ménage, mais suppose beaucoup de savoir-faire.<br />

65 Cf. Nongju tupu (1958).<br />

66 Cf. Hinton (1971), photographie hors-texte au début de l'ouvrage montrant un<br />

paysan qui transporte son semoir sur <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s.<br />

44


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> XIV e <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Références bibliographiques<br />

Bray (1984)<br />

Francesca Bray, Science and Civilisation in China, vol. 6, part II,<br />

Agriculture, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.<br />

Cartier (1985)<br />

Michel Cartier, « Conditions technologiques, socia<strong>le</strong>s et politiques de<br />

<strong>la</strong> croissance démographique chinoise », in Pierre Gourou et Gilbert<br />

Etienne, éds., Des <strong>la</strong>bours de Cluny à <strong>la</strong> révolution verte. Techniques<br />

<strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> et popu<strong>la</strong>tion, Paris, PUF, p. 43-62.<br />

Chen Wenhua (1991)<br />

Chen Wenhua, Zhongguo gudai nongye keji shi tupu, Pékin, Nongye<br />

chubanshe, 1991.<br />

#.*•-£. +iS**£jt-f-*HUL!l|lS<br />

Chi Renli et Zuo Shuzhen (1988)<br />

Chi Renli et Zuo Shuzhen, « Gengceng gouzao shi chutan », Nongye<br />

kaogu, 1988, 2, p. 86-102.<br />

Haudricourt (1987)<br />

André Georges Haudricourt, La technologie science humaine. Recherches<br />

d'histoire et d!ethnologie des techniques, Paris, Éditions de <strong>la</strong><br />

Maison des Sciences de l'Homme, 1987.<br />

Haudricourt et J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1986)<br />

André Georges Haudricourt et Mariel J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare, L'homme<br />

et <strong>la</strong> charrue à travers <strong>le</strong> monde, Lyon, La Manufacture, 1986. [l ère<br />

éd., Gallimard, 1955]<br />

45


Olivier Guyonvarch<br />

Hinton (1971)<br />

William H. Hinton, Fanshen, Paris, Pion, 1971.<br />

Hommel (1937)<br />

M.P. Hommel, China at Work : an Illustrated Record of the Primitive<br />

In<strong>du</strong>stries of China s Masses, whose Life is Toil, and thus an Account<br />

of <strong>Chine</strong>se Civilisation, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1937. [rééd.,<br />

1969]<br />

Hopfen (1970)<br />

HJ. Hopfen, L'outil<strong>la</strong>ge agrico<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s régions arides et tropica<strong>le</strong>s,<br />

Rome, FAO, 1970.<br />

J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare (1985)<br />

Mariel J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare, La vie agrico<strong>le</strong> et pastora<strong>le</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

monde, Meudon, Joël Cuenot, 1985.<br />

J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare et Hairy (1971)<br />

Mariel J.-Brunhes De<strong>la</strong>mare et Hugues Hairy, Techniques de pro<strong>du</strong>ction<br />

: l'agriculture, Paris, Éditions des Musées Nationaux, 1971.<br />

[Guides ethnologiques 4/5, 2 e éd.]<br />

Leroi-Gourhan (1971)<br />

André Leroi-Gourhan, Évolution et techniques, t. 2, Milieu et techniques,<br />

Paris, Albin Michel, 1971. [l ère éd., 1945]<br />

Liang Jiamian (1989)<br />

Liang Jiamian, Zhongguo nongye kexue jishu shigao, Pékin, Nongye<br />

chubanshe, 1989.<br />

4f % &. + g J.1r#£ «LtffMfc<br />

Liu Chongde (1983)<br />

Liu Chongde, « Guanyu yangma de tuiguang ji yongtu », Nongye<br />

kaogu, 1983, 2, p. 199-200.<br />

46


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> ~W <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Miao Qiyu (1990)<br />

Miao Qiyu, « Wang Zhen de weiren, zhengji he Wang Zhen<br />

Nongshu », Nongye kaogu, 1990, 2, p. 326-330.<br />

Nongju tupu (1958)<br />

Nongju tupu, Pékin, Zhonghua renmin gongheguo nongyebu, 1958,<br />

4 vols.<br />

1* H **<br />

Sigaut (1975)<br />

François Sigaut, L'agriculture et <strong>le</strong> feu, Paris, Mouton/EHESS, 1975.<br />

[Cahiers d'études rura<strong>le</strong>s]<br />

WZNS<br />

Wang Zhen, Nongshu, 1304, in Wang Yuhu, éd., Wang Zhen Nongshu,<br />

Pékin, Nongye chubanshe, 1981.<br />

Zhou Xiaolu (1985)<br />

Zhou Xiaolu, « "Yangma" zhi shiwu lizheng », Nongye kaogu,<br />

1985,1, p. 88-89.<br />

A *h fk ^ V -c f m if] %%r<br />

Zhou Xin (1990)<br />

Zhou Xin, « Leisi jing » yu Lu Guimeng, Pékin, Nongye chubanshe,<br />

1990.<br />

47


Olivier Guyonvarch<br />

chong ^^<br />

Dunhuang »X^9C ')"JÉ—<br />

Han Wudi jj| ^ %•<br />

Huai 1% [<br />

Huangfu Long JL $} fi<br />

Jia Sixie # «?„ -2J?-<br />

Jiangnan ^ ^<br />

Leisi jing ^ ^J£ ^<br />

Ou Bei g,J ^<br />

Lu ,f* . . ,.<br />

Lu (ft: (Juimeng 5* ife î& ^<br />

Luling JE ^fe<br />

mu ^<br />

Nongqi tupu<br />

Nongshu<br />

Qi ^<br />

Caractères chinois<br />

48<br />

gimm yaoshu *£f-^jf£- Iff<br />

qing ïjj<br />

qiu &£, & *<br />

renziba A 3T if £><br />


<strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xiV <strong>sièc<strong>le</strong></strong><br />

Résumé<br />

Olivier GUYONVARCH : <strong>Les</strong> <strong>outils</strong> <strong>agrico<strong>le</strong>s</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>du</strong> xtv e <strong>sièc<strong>le</strong></strong> <strong>d'après</strong><br />

<strong>le</strong> Nongshu de Wang Zhen<br />

Cet artic<strong>le</strong> est une tra<strong>du</strong>ction partiel<strong>le</strong> et commentée des chapitres (juan) regroupant<br />

<strong>le</strong>s <strong>outils</strong> aratoires <strong>dans</strong> <strong>le</strong> Traité agrico<strong>le</strong> de Wang Zhen (xiv c <strong>sièc<strong>le</strong></strong>).<br />

L'approche n'est pas philologique ni littéraire, mais résolument technique. L'auteur<br />

s'intéresse à <strong>la</strong> pertinence <strong>du</strong> texte <strong>du</strong> point de vue de l'agronomie et au<br />

regard des connaissances actuel<strong>le</strong>s. <strong>Les</strong> <strong>outils</strong> retenus ici sont <strong>le</strong>s plus représentatifs<br />

et <strong>le</strong>s plus intéressants pour <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur non-spécialiste : <strong>la</strong> charrue, pour <strong>le</strong><br />

<strong>la</strong>bour ; <strong>le</strong>s houes, herses et rou<strong>le</strong>aux, pour <strong>la</strong> préparation <strong>du</strong> lit de semences ;<br />

<strong>le</strong> semoir ; <strong>le</strong>s houes et râteaux, pour <strong>le</strong> désherbage ; <strong>le</strong>s couteaux, faucil<strong>le</strong>s et faux<br />

armées, pour <strong>la</strong> récolte. Leur description donne ainsi accès à l'univers technique<br />

<strong>du</strong> paysan chinois. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> texte nous éc<strong>la</strong>ire sur <strong>la</strong> spécialisation de<br />

l'outil<strong>la</strong>ge et sur ses modes d'utilisation selon qu'on se trouve en zone de culture<br />

sèche ou en zone de rizière inondée.<br />

Abstract<br />

Olivier GUYONVARCH : Agricultural Tools in Fourteenth-Century China in the<br />

Light of Wang Zhen's Nongshu<br />

This paper is a partial and annotated trans<strong>la</strong>tion of the chapters (juan) describing<br />

agricultural tools in the Agricultural Treatise of Wang Zhen. This study is not<br />

philological or litterary, but resolutely technical. The author is dealing with<br />

agronomical re<strong>le</strong>vance of the text, compared with présent know<strong>le</strong>dge. The tools<br />

that are chosen are the most représentative and of the most interest for nonspecialist<br />

readers: the plow for plowing; hoes, harrows, and rolls to prépare the<br />

seed-bed; the drill; small hoes and rakes for weeding; knifes, scythes, and crad<strong>le</strong>scythes<br />

for harvesting. Readers hâve thus an access to the technical environment<br />

of the <strong>Chine</strong>se peasanL In other respect, the text présents c<strong>le</strong>arly the specialization<br />

of the tools and the way of using them, according as they are used in dry farming<br />

or in irrigated paddy-fields.<br />

49

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!